Beaumarchais, une mémorable fessée

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Beaumarchais, une mémorable fessée

Beaumarchais, de son vrai nom Pierre-Augustin Caron (1732-1799), musicien, poète, inventeur d'un échappement de montre, courtisan, agent secret, financier et trafiquant, est bien entendu surtout principalement comme auteur dramatique. Son Barbier de Séville mais surtout son Mariage de Figaro restera le plus grand triomphe de l'histoire de la Comédie Française.
Mais sait-on que Beaumarchais est incarcéré, sur intervention du clergé, du 7 au 13 mars 1785, à la prison de Saint-Lazare, et qu'il aurait subi une magistrale fessée, dont une caricature va circuler pendant des années, provoquant les quolibets les plus variés ; des complaintes et des poèmes, des parodies de son Figaro sont éditées à tour de bras dans les journaux ; Beaumarchais devient la risée d'un grand nombre !
Diverses raisons de cette arrestation ont été avancées, sans qu'aucune ne soit certaine :
— Le Mariage de Figaro avait l'heur de déplaire à Louis XVI
— Beaumarchais se serait gaussé de l'archevêque en publiant une chanson le tournant en dérision
— Pierre-Augustin Caron a fait publier à l'imprimerie de Khel les oeuvres de Voltaire, bravant insolemment le clergé qui interdit ces lectures.

A notre avis, le bon Caron ne méritait pas ça !...

... et aujourd'hui, ses détracteurs et fesseurs seraient traduits en justice !...

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Estampe - Bibliothèque de l'Arsenal
Description :
Dans une des caricatures sur le sieur de Beaumarchais, il est représenté entre les jambes d'un lazariste, qui a le martinet levé sur son postérieur à découvert ; à côté & dans un fauteuil est assise une belle dame, magnifiquement vêtue, la comtesse Almaviva, les yeux fixés sur le derrière du patient & souriant ; plus loin & debout est le petit page, qui lève les yeux au ciel & semble gémir de l'infortune de son défenseur & de son maître. Tout cela est peu caractérisé ; par une mal-adresse inconcevable, le sieur de Beaumarchais est caché ; en sorte que lui & ses partisans pourroient nier qu'il fût l'objet de la caricature, si la légende qu'on lit au haut, tirée de sa comédie, ne fixoit l'incertitude du spectateur. Elle porte : Tant va la cruche a l'eau qu'à la fin elle s'emplit : citation la plus ingénieuse de cette estampe peu piquante, & quant à l'exécution & quant à la composition même. Elle s'est vendue librement jusques ici ; mais enfin il est venu défenses aux marchands de l'étaler, & elle coûte aujourd'hui six francs.

Statue de Beaumarchais à la rue Saint-Antoine
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publié par RIGOUARD Ven 13 Juin 2014 08:21 ICI

Voir ICI les excellents renseignements donnés par Dominique sur la Statue de Beaumarchais

Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la république des lettres. M. de Bachaumont, Pidansat de Mairobert et Moufle d'Angerville.). Tome 28 1780-1786
6 Mars 1785. Le Roi instruit de la chanson faite pour tourner en dérision le mandement de l'archevêque , a voulu qu'on éclaircît, s'il étoit possible, quel en étoit l'auteur, & qu'on se mît du moins en devoir de faire des recherches pour donner quelque satisfaction aux deux prélats offensés.
En conséquence le bruit général du palais épiscopal est, que M. le lieutenant-général de police a mandé le sieur de Beaumarchais, & l'a interrogé à ce sujet. Celui-ci n'a pas manqué de nier ; il a regardé comme une injure qu'on le soupçonnât auteur d'une pareille platitude , & cela n'a pas eu d'autres suites.
On prétend aujourd'hui que le chevalier de Coigny, pour disculper le sieur de Beaumarchais, se met en avant, & déclare qu'il est l'auteur de cette mauvaise plaisanterie ; ce qui seroit un grand trait de générosité de la part de ce seigneur.
11 Mars 1785. Lorsque le sieur de Beaumarchais a reçu la notification de l'ordre du Roi, il étoit encore à souper avec quelques amis qui ont été bientôt dispersés ; il s'en est défait sous le prétexte qu'il venoit de recevoir une lettre qui l'obligeoit de se rendre sur le champ à Versailles, & même de faire quelque travail avant. Resté avec le commissaire, celui-ci, suivant l'usage, a voulu procéder à mettre le scellé sur les papiers : le sieur de Beaumarchais lui a représenté qu'étant dans une infinité d'entreprises, il avoit des lettres de charge à payer continuellement ; que la clôture de ses papiers non-seulement lui feroit un tort infini, mais à beaucoup de gens. Cette considération a fait suspendre les fonctions au commissaire, qui a dépêché quelqu'un de confiance pour en référer à M. le lieutenant-général de police.
Ce magistrat a décidé que dans ce cas le scellé n'ayant lieu que pour la conservation des effets du prisonnier, dès que le sieur de Beaumarchais ne craignait point de tout laisser à la discrétion de ses commis, on pouvoit s'abstenir de cette formalité. Alors on est parti. Le sieur de Beaumarchais jusques là faisoit assez bonne contenance ; il s'imaginoit qu'on le conduiroit à la Bastille, il en tiroit même une sorte de gloire ; mais quand il a su & vu qu'on le menoit à Saint- Lazare il a été fort sot, on veut même qu'il ait pleuré ; ce qui ne lui étoit arrivé depuis long-temps. Il faut savoir que Saint-Lazare est une maison de correction en hommes, comme certains couvents le sont pour les femmes libertines. On n'y enferme guère que des enfants de famille ou des prêtres qui ont fait des bassesses ou des fredaines, & qu'on espère ramener à une meilleure conduite, non seulement par la captivité, mais encore quelquefois par la flagellation. En sorte qu'une punition pareille laisse toujours une sorte de tache, sur-tout quand elle est infligée à l'âge du sieur de Beaumarchais, qui est presque sexagénaire.
Ce qu'il y a de plus fâcheux, c'est qu'il passe pour constant que le Roi l'a en exécration comme un homme infame, & dans son premier mouvement vouloit qu'il allât à Bicêtre. On dit que c'est sur les observations du baron de Breteuil que sa majesté s'est relâchée & a décidé qu'il n'iroit qu'à Saint-Lazare.


Paris - Carrefour Saint-Antoine (IVe arrt) - Statue de Beaumarchais
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publié par Carpostale Ven 29 Juin 2012 18:16 ICI

Complainte sur l'air du Mariage de Figaro.

Quoi ! par un ordre suprême,
Te voilà , charmant roué,
Pour achever ton carême
A St. Lazare cloué.
A cette rigueur extrême,
En chrétien résigne-toi ;
Les plus forts ont fait la loi... bis.

Sans doute que les bons Pères,
Voudront charitablement,
Te donnant les étrivières,
De toi faire un pénitent ;
A ces fesseurs de derrière,
Fait beau cul, si tu m'en crois,
Les plus forts ont fait la loi... bis.


Paris - Statue de Beaumarchais
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publié par cpa-pub Lun 18 Aoû 2014 19:08 ICI

Autre Complainte parodiée. Air du Mariage de Figaro.

Coeurs sensibles, coeurs fidèles,
Par Beaumarchais offensés,
Calmez vos frayeurs crueles,
Les vices sont terrassés:
Cet auteur n'a plus les ailes
Qui le faisoient voltiger,
Son triomphe fut léger... bis.

Oui, ce Docteur admirable,
Qui fit hier l'important,
Devient aujourd'hui traitable,
Il a l'air d'un pénitent ;
C'est une amende honorable
Qu'il devoit à l'univers
Pour sa prose & pour ses vers... bis.

Le Public, qui toujours glose,
Dit qu'il n'est plus insolent
Depuis qu'il reçoit la dose,
D'un vigoureux flagellant ;
De cette métamorphose,
Faut-il dire le pourquoi ?
Les plus forts ont fait la loi... bis.

Un Lazariste inflexible,
Ennemi de tout repos,
Prend un instrument terrible,
Et l'exerce sur son dos ;
Par ce châtiment horrible,
Caron est anéanti ;
Paveant male nati... bis.

Goizeman & Gosier d'Autruche,
Au lieu de crier, holas !
Chantent au patient qui trébuche,
Le proverbe qu'il changea :
Tant a l'eau s'en va la cruche,
Qu'enfin elle reste là.
Ami, notez bien cela... bis.

Quoi ! c'est vous , mon pauvre père,
Dit Figaro ricanant,
Qu'avec grandes étrivières,
On punit comme un enfant ;
Cela vous met en lumière,
Que tel qui rit le lundi,
Pleurera le mercredi... bis.

Bridoison qui voit la fête,
En paroit tout satisfait ;
Ah ! dit-il, branlant la tête
Comme un sot il me peignoit ;
Mais si je suis une bête,
Avec son esprit, ma foi,
Le voilà plus sot que moi... bis.

Or, Messieurs, la tragédie,
Qu'il nous donne en ce moment
Va réprimer la manie,
De cet auteur impudent ;
On l'étrille, il peste, il crie,
Il s'agite en cent façons,
Plaignons le par des chansons... bis.
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