Montmartre-le bric à brac du 1er ministre de la mort

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JeanMarc
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Re: Montmartre-le bric à brac du 1er ministre de la mort

Danielle et tous bonjour,

S'il est question de trouver un cliché de Daléchamps, trônant sur une voiture de l'Urbaine, reprenons les descriptions fournies par les personnes l'ayant rencontré : on sait donc qu'en 1900, il est petit, maigre, la barbe et les cheveux longs et blonds. Confirmé en 1935 par Francisque Poulbot ci-dessous, quant à la chevelure et la barbe.
Ca devrait être facile, avec tout ça de le repérer, non ?...
;) ;)

L'air du préau — Texte et dessins de Poulbot

La porte de l'école est grande ouverte, et le préau est éclairé.
Le brouhaha de la réunion publique vient jusque sur le trottoir, comme aux heureux soirs d'avant la guerre, quand Daléchamp, chevelu et barbu, exposait son programme aux Montmartrois hilares accourus en foule.

Car Daléchamp faisait salle comble. Les femmes et les enfants étaient de la partie et arrivaient de bonne heure pour avoir une place sur les bancs près de l'estrade.
Tous connaissaient ce disciple d'Apollon, cocher de fiacre à ses heures, qui clamait ses vers sur son siège, stimulant du fouet le trot de son Pégase.
On venait à ses réunions pour rigoler. De joyeux pince-sans-rire composaient le bureau et, gravement, le président réclamait le silence et donnait la parole au candidat.
De sa serviette de cuir gonflée de papiers, Daléchamp sortait ses notes et arpentait le plateau.
Il s'adressait au « peuple français assemblé sur ces bancs ». Il clamait : « C'est aux électeurs qui me donneront leur confiance que je demande de voter pour moi ! »

Un interrupteur. — Et les autres ?
— Les autres aussi. Il faut que prenne fin cette situation obscure.
— Le pétrole coûte trop cher !
— Parfaitement, citoyen, nous ne voulons plus être obligés d'aller l'acheter à Saint-Ouen et de frauder l'octroi. La baisse du prix du pétrole, accordée au prolétariat montmartrois, sera une source de luminosité !

Et il continuait pendant deux heures, imperturbable. Le commerce, l'agriculture ! A bon chat bon rat ! La fraternité ! Nous voulons être libres.

— Et les ballons ? criait une voix.
— Quels ballons ?
— Les ballons captifs !
— Les ballons captifs aussi seront libres ! Et si vous m'envoyez à la Chambre, citoyens, camarades, merci !

La salle applaudissait frénétiquement une fois de plus, et le président, les deux assesseurs, entraînant la table, les papiers, la carafe et le verre d'eau, tombaient à la renverse, les jambes en l'air, comme mannequins d'un jeu de massacre.
Ils se relevaient cependant, et le président lisait l'ordre du jour :
« Les deux mille électeurs réunis dans le préau de l'école de la rue Lepic acclament la candidature du citoyen Daléchamp, premier ministre de la Mort, et se séparent au cri de (et la salle, en chœur, entonnait) :

Encore un p'tit verr' de vin
Pour nous mettre en route.
Encore un p'tit verr' de vin
Pour nous mettre en train.


Sans aucun doute, malgré l'empressement de la concierge de l'école à ouvrir les fenêtres dès la fin de la réunion, pour chasser l'odeur des mégots et des culots de pipes, les mots, les idées résistent au courant d'air. (...)

Francisque Poulbot (1879-1946)
Le Journal 10 mai 1935
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JeanMarc
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Re: Montmartre-le bric à brac du 1er ministre de la mort

Suite de notre longue enquête sur Auguste-Constant Daléchamps
Revenons quelques instants sur « l’illustre » Auguste-Constant Daléchamps, poète-cocher, brocanteur dans son bric-à-brac de la rue Caulaincourt, qui, à la suite de la disparition de ses deux premiers fils, tués au champ d’honneur en 1915 (*), est pris de folie subite et disparaît le 28 janvier 1917, après avoir été conduit à l'infirmerie spéciale du Dépôt du 18e arrt.
Au cours nos recherches, nous avons découvert que Daléchamps s’est marié le 7 mai 1887 à Angy dans l’Oise, avec Marie Moncoutié, couturière à Mouy (Oise) née le 31 mai 1862 à Paris 20e. A cette date, notre ami Daléchamps, né le 8 mars 1861 à Paris 14e, est
apprêteur de draps à Angy. (Son père Henri Constant Daléchamps décède le 7 mai 1862 à Paris ; sa mère Victorine Emilie Poux, décède, quant à elle, à Bury, le 25 février 1884).

Dès 1888, Daléchamps — toujours apprêteur — et son épouse sont installés à Paris 5e, au n° 13 de la rue Linné où naît leur fils Henri le 23 octobre 1888. Le couple déménage ensuite au 5 rue Daubenton, à Paris 5e où, alors que Daléchamps est devenu
sommelier, deux naissances successives ont lieu : Suzanne le 31 janvier 1891 qui décèdera le 23 mars 1969 à Paris 20e et Lucien, né le 6 janvier 1893, décédé le 20 juillet 1893.
La famille déménage ensuite au n° 6 rue de l’Abreuvoir, à Paris 18e ; Auguste-Constant y est toujours sommelier, tandis que son épouse est cuisinière : une nouvelle fille, France, naît le 7 janvier 1895.
Suit un autre fils prénommé Lucien, né le 5 novembre 1897 ; lors de cet évènement, son père est déclaré
cocher et demeure avec son épouse, sans profession, au n° 42 de la rue Saint Vincent.

La disparition de Daléchamps, du 28 janvier 1917, annoncée par les journaux, n’en est pas une. Il est emmené, après son dépôt à l’infirmerie du 18e, à l’hôpital psychiatrique de Chezal-Benoît dans le Cher, où il est encore présent lors du mariage de sa fille France le 4 octobre 1919, tandis que son épouse, Marie Moncoutié, habite à présent au n° 6 de la rue Orfila, à Paris 20e.
Auguste-Constant Daléchamps regagne ensuite Paris et son domicile conjugal de la rue Orfila où sa présence est attestée une dernière fois, lors du mariage de son fils Lucien, le 7 octobre 1924 à Paris 12e.
Sa fille France Daléchamps décédera à Saint-Briac-sur-Mer le 24 mars 1991, à l’âge de 96 ans ; son fils Lucien l’a précédée le 11 décembre 1990 à Sommières (Gard), âgé de 94 ans.

Auguste-Constant Daléchamps devant son bric-à-brac — Vue complète de la maison de Daléchamps au 86 rue Caulaincourt (cliché Lucien Pauchet, Musée Carnavalet 1904)
Auguste-Constant Daléchamps devant son bric-à-brac - Maison du bric à brac de Daléchamps 84 rue Caulaincourt.jpg
Auguste-Constant Daléchamps devant son bric-à-brac - Maison du bric à brac de Daléchamps 84 rue Caulaincourt.jpg (153.81 Kio) Vu 1660 fois
(*) La mort des deux fils de Daléchamps est relatée dans le journal La Demi-Butte, bulletin paroissial de Saint-Jean de Montmartre 19 rue des Abbesses, daté du 15 février 1915, numéro 9.
Le décès d’Henri Daléchamps, l’un des deux fils d’Auguste-Constant Daléchamps n’a été déclaré à l’état-cvil que le 27 janvier 1925. Cette transcription rapporte qu’Henri Daléchamps, soldat au 25e régiment d’artillerie, est décédé le 12 août 1914 à Chauvincourt dans la Meuse.
Nous ignorons le prénom et la date de naissance du second fils de Daléchamps, décédé lors du conflit de 1914 : il est vraisemblablement né entre 1888 et 1891, dates de naissance d’Henri et de Suzanne, ses frère et sœur.
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Re: Montmartre-le bric à brac du 1er ministre de la mort

Bonsoir Jean-Marc et les autres
Merci pour la suite de ces informations ! Quel homme... dont la trace bien que survivant dans quelques écrits sur Montmartre est assez effacée aujourd'hui. Il ne revit que quelques instants grâce finalement aux cartes postales et photos de l'époque.
Amicalement
Ombellule / Danielle
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JeanMarc
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Re: Montmartre-le bric à brac du 1er ministre de la mort

Toujours notre poète-cocher

Décidément, Auguste-Constant Daléchamps en pinçait de longue date pour le funèbre ! Il faut dire qu’à Montmartre, le macabre était comme une seconde religion, notamment avec le Cabaret du Néant (34 bld de Clichy), le Cabaret du Ciel (51 bld de Clichy), le Cabaret l’Enfer mitoyen au n°53 ou encore le Cabaret des Truands au n°100 du même boulevard.
Voici un petit livret musical daté de 1895 intitulé
Aux Macchabées !!... Hymne du Croque-mort fin de siècle, par Constant Daléchamps, premier ministre de la mort, musique sur l’air des Montagnards d’Alfred Roland (1797-1874).
Confirmant les appétances funèbres de Daléchamps, d’où le nom de l’enseigne de sa brocante désignée sous le joyeux nom de
bric-à-brac de la mort.
Jean-Marc


Livret Aux Macchabées d'Auguste-Constant Daléchamps 1895.jpg
Livret Aux Macchabées d'Auguste-Constant Daléchamps 1895.jpg (124.44 Kio) Vu 1630 fois
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