Paris - Rue Compans

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rigouard
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Paris - Rue Compans

Série de cartes postales anciennes de la Rue Compans à Paris.


PARIS (XIX°) - Rue Compans - Place des Fêtes - Editeur : E.M. n°2.Image
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zelig
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Paris - Rue Compans

 
       TOUT PARIS
1302 — La Rue Compans (XIX° arrt)
prise de la rue de Belleville

 
Z - 1302 - La Rue Compans.jpg
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Collection F. FLEURY          ♣
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JeanMarc
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Re: Paris - Rue Compans

Paris XIXe – Château de Bellevue, 62 rue Compans
Frère, photo, 116 rue de Belleville

Cette demeure à l’allure de château est édifiée dès avant 1830, comme l’attestent plusieurs plans de Belleville réalisés à cette date.
L’immeuble d’une superficie de 411 m² est construit sur un jardin de 2.457 m² à l’entrée duquel est construit, sur rue, un petit pavillon censé être un logement de gardien, lequel sera agrandi ultérieurement pour former une aile reliée au bâtiment principal.
La propriété est flanquée, à gauche, de la Villa Compans dont l’accès se situe au n°64 rue Compans (à ne pas confondre avec l’impasse Compans qui commence entre le n°52 et 50 rue Compans et finit en cul-de-sac derrière les n°12 et 14 rue de Bellevue), par laquelle on accède aux n°2 et 4 rue
de Bellevue.

Paris XIXe - Château de Bellevue 62 rue Compans.jpg
Paris XIXe - Château de Bellevue 62 rue Compans.jpg (177.75 Kio) Vu 179 fois

Le Château de Bellevue a fait l’objet d’une vente aux enchères le 21 avril 1868, chez maître René Adrien Panhard, notaire à Paris, sur une mise à prix fixée à 60.000 francs. Depuis cette date, on n’a guère d’informations sur cet immeuble si ce n’est que le 20 janvier 1909, un arrêté préfectoral décide de modifier la numérotation de la rue Compans, l’ancien numéro 58-60 qui était attribué à cette résidence, devient le n°62, le propriétaire étant un certain Richard, demeurant à Marcé dans le Maine-et-Loire. Un annuaire de 1932, confirme que ledit Richard est toujours l’heureux propriétaire de ce « Château » qui, peu après, est cédé, devenant une copropriété répartie entre une vingtaine de propriétaires.

Adjudication du Château de Bellevue le 21 avril 1868
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Le sort réservé à cette demeure, étroitement lié à l’îlot adjacent de la rue de Bellevue, m’oblige à toucher quelques mots de cette voie, d’autant qu’étant moi-même natif de ce quartier, je suis forcément enclin à m’intéresser à ses origines.
Jusque dans les années 1870, la travée nord (numéros impairs) de la rue de Bellevue était totalement vierge de toute occupation et même interdite d’accès, en raison des carrières à plâtre dite d’Amérique qui y étaient exploitées en contrebas ; ce lieu-dit « Derrière-les-moulins » sera bientôt viabilisé et urbanisé grâce à la construction de 1890 à 1910 d’une série de pavillons constituant le quartier de la Mouzaïa.
La travée sud (numéros pairs) de la rue de Bellevue, formait le pied de la Butte de Beauregard où étaient installés autrefois sept moulins dont nous connaissons le nom et l’emplacement exacts grâce à Roussel, cartographe ingénieur du Roy, qui a réalisé sa fameuse carte de Paris et de ses faubourgs en 1730 :
Moulin Basset, Petit Moulin, Moulin Neuf, Moulin du Coffre, Moulin Vieux, Moulin de la Motte et Moulin Endiablé (la Butte Chaumont, en face, comptait neuf moulins)

Plan partiel de la Butte de Beauregard à Belleville, extrait de la carte de Roussel de 1730, avec implantation des voies actuelles
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A partir de 1860-1870, la Butte de Beauregard va progressivement être construite de petites maisons et d’ateliers, avec plusieurs passages créés ou agrandis pour y accéder : l’Impasse Beauregard (impasse Compans), la Villa Bocquet et la Cité Henry.
C’est un marchand de vins qui est le premier commerce à être ouvert sur la rue de Bellevue en 1870, au
n°30, suivi bientôt par un épicier, au n°26, en 1875.
La Villa Bocquet qui débouche au
n°24, rejoint par un étroit passage sinueux, la Cité Henry et l’Impasse Compans. Depuis 1900 et ce, jusqu’après 1927, le n°24 est occupé par une épicerie, et le n°22bis par une horlogerie.
De 1890 à 1908, une crèche municipale y accueille ses bambins au
n°18 ; les locaux sont occupés, de 1922 à 1927, par le Comité intersyndical du 19e arrt., puis une ferronnerie d’art en 1930 et enfin par une imprimerie en 1932…
Au
n°16, les demoiselles Auzou, sage-femmes, y tiennent un local de 1890 à 1896.
A partir de 1879, c’est le fabricant de chaussures, brides, galoches et sabots,
François Léon Cintrat (1828-1906) qui ouvre son usine au n°12-14 rue de Bellevue ; ses enfants lui succéderont jusqu’en 1914 ; après-guerre, à partir de 1927, l’Etablissement Kodak reprend les locaux pour fournir ses magasins en produits pour photo.
Depuis 1922, jusqu’en 1950,
René-Paul-Marie Bouché (1883-1950), ingénieur, fabrique des moteurs à essence au n°10 rue de Bellevue.
Une menuiserie est installée au
n°6 et 8 ; elle est tenue depuis 1906 par Christophe Amaridou (1849-1912) à qui succède son fils Emile Amaridou (1874-1954).

Enfin le terrain du
n°2 et 4, formant l’angle avec la rue Compans et jouxtant la Villa Compans, est acheté par Jean-François Edmond Bardot, entrepreneur de serrurerie, qui y fait construire son atelier après avoir déposé un permis le 30 mars 1901 auprès des services de la mairie. Bardot, né à Epernay dans la Marne le 9 février 1857, avait épousé Eugénie Guélard à Châlons-sur-Marne le 18 octobre 1883 ; à cette date, il était déclaré employé de commerce, demeurant au n°78 rue de Flandre dans le 19e arrt. A partir de 1889, il est serrurier au n°2 et 4 rue des Fêtes, avant de déménager rue de Bellevue en 1901.

Plan de la Butte de Beauregard rue Compans / rue de Bellevue en 1910
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Le 9 novembre 1904, Bardot marie sa fille Jeanne-Camille Bardot (née le 26 octobre 1884), à l’ingénieur Marcel Verboom (1878-1937), ancien cadre du Chemin de fer de Ceinture, lequel s’installe en 1909 au n°64 rue Compans où il fabrique et commercialise, notamment, des moteurs à gaz « Tabor ».
La
villa Compans (n°64 rue Compans, ex n°60 jusqu’en 1909), attenante au « Château de Bellevue » du n°62 Compans, constitue un passage privé de 55 mètres de long sur 5 mètres de large qui n’est, en fait occupé que par l’atelier de Verboom. Auparavant, dans cette villa, se sont succédés la société Macchabée père et Cie, fabricant de mastic de 1875 à 1893 ; l’artiste peintre Barthélémy-Emile Gérard-Triplet de 1889 à 1896 ; un externat de jeunes enfants dirigé par Mlle Duflot, de 1896 à 1900 ; un banquier-expert-comptable, Wilfried Colmant et son fils, Edouard Colmant, représentant de fabriques, de 1896 à 1902.

Le 31 janvier 1913, Bardot s’associe avec son gendre Verboom, créant la société en nom collectif
Edmond Bardot et Marcel Verboom, au capital de 120.000 francs pour une durée de dix ans ; le 7 février 1913, Edmond Bardot apporte son fonds de commerce de serrurerie à ladite société. Dorénavant, l’accès de la serrurerie du n°2-4 rue Compans se fait par la villa Compans (n°64 rue Compans).
Outre l’activité de serrurerie, la société nouvellement créée propose dans ses réclames, des « Gazogènes, Générateurs à gaz pauvre à l’anthracite, au charbon maigre, au charbon de bois destinés à la force motrice ou au chauffage ».
Le 4 novembre 1916, Bardot et Verboom déposent une demande de permis pour construire, Villa Compans, un nouvel atelier d’un étage, dont les plans sont réalisés par l’architecte Edouard Lambla de Sarria (1881-1976).
A présent, depuis cette date, l’activité de l’entreprise s’oriente définitivement vers les constructions métalliques, la fabrication de machines-outils de marque Lux, de verrins hydrauliques, de chevalets de levage pour locomotives, de machines à scier circulaires etc…
Le 8 mars 1917, Bardot marie sa seconde fille, Henriette-Blanche Bardot (1891-1983), à
Emile Roger Durouchard (1884-1955), ingénieur des arts et métiers. Marcel Verboom, son beau-frère, est témoin lors de ce mariage.

En 1923, la société Bardot et Verboom est transformée, devenant dorénavant la société
Verboom et Durouchard.
Le 13 juillet 1923, les deux beaux-frères Verboom et Durouchard, font édifier un autre atelier d’un étage au n°3-5 de l’impasse Compans, sur les plans de l’architecte Albert Quirin (1879-1940) et font encore appel à celui-ci le 17 juin 1939 pour construire un atelier en rez-de-chaussée au n°5 impasse Compans. (le terrain des n°3 et 5 impasse Compans est situé au fond de ladite impasse, derrière le n°12 rue de Bellevue)
Les sœurs Bardot et leurs maris respectifs, Verboom et Durouchard, vont acquérir un terrain communal situé au n°28 rue des Fêtes, avec l’intention d’y édifier un immeuble de rapport de six étages ; ils déposent en conséquence, le 9 juillet 1926, un permis auprès des services de l’urbanisme, Quirin étant à nouveau sollicité pour dresser les plans. Cependant, la municipalité va s’opposer à cette construction et n’accorder, le 24 février 1927, que le droit d’y construire un immeuble d’un étage avec rez-de-chaussée. Ce bâtiment, une fois achevé, accueillera le Bureau de Poste Téléphone Télégraphe du 19e arrondissement. (1)

Le Bureau des PTT du n°28 rue des Fêtes avant sa destruction en 1972
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Au décès de Marcel Verboom en 1937, son fils Jean Verboom (1905-1987), également ingénieur, reste associé avec son oncle Emile Roger Durouchard. Les associés continuent leur expansion (à présent ils s’occupent, en plus, de la réalisation de travaux publics) et rachètent le terrain et les locaux de leur voisin du n°6-8 rue de Bellevue. En février 1955, ils déposent une demande de permis d’y construire deux bâtiments à rez-de-chaussée, à usage d’atelier, sur les plans de l’architecte Marcel Porcher-Labreuille (1895-1986).

Réclames pour la Société Verboom et Durouchard 1934 à 1940
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Après tout ce verbiage, vous vous demandez bien évidemment ce que sont devenus le Château de Bellevue et sa rue éponyme ! Vous l’avez probablement deviné, si vous ne le savez pas déjà, la Butte de Beauregard, qui avait déjà perdu ses sept moulins à vent, va être rasée menu et même ravinée à plus de vingt mètres de profondeur afin d’atteindre le fond des carrières et d’y pouvoir construire cinq tours de quinze étages sur plusieurs niveaux de sous-sols et parkings.
Tout a commencé par la communication au Conseil municipal d’un rapport intitulé
« La reconquête de Paris », présenté le 8 juillet 1957 par l’éphémère préfet de la Seine, Roger Génébrier. Ledit rapport envisage la rénovation et l’aménagement d’un îlot voisin de la place des Fêtes, délimité au nord par les rues de Bellevue, des Lilas et de Mouzaïa, à l'est par les rues de l'Orme et du Docteur-Potain, au sud par la rue de Belleville et par la place des Fêtes, à l’ouest par les rues du Pré-Saint-Gervais, de Crimée et Arthur-Rozier.
Sur cet îlot de 26 hectares, l’architecte urbaniste prévoit de remplacer les 2.106 logements existants et vétustes, comprenant 3.777 pièces, par 10.000 pièces modernes, soit environ 3000 logements.
Pierre Ruais, conseiller municipal et rapporteur de la commission relative à ce projet, précise, le 21 décembre 1957, que le but essentiel de cette opération est
l’assainissement du quartier et son urbanisation avec une architecture plus plaisante.
Après de nombreuses délibérations et la nécessaire mise à l’enquête lancée le 17 octobre 1959, le couperet tombe le 5 juillet 1960 : un arrêté préfectoral signé par Marcel Diebolt, déclare cessible immédiatement et en totalité, l’îlot incluant notamment les n°2 à 18 rue de Bellevue et n°60 à 64 rue Compans et en publie la liste.

Liste des propriétaires expropriés :
— n°2, 4 et 6 rue de Bellevue - 3.200 m² - M. Verboom (Jean) demeurant 64 rue Compans et Mme Bardot (Henriette-Blanche), veuve Durouchard demeurant 66 rue Compans.
— n°66 à 72 rue Compans - 989,20 m² - Etablissements Verboom et Durouchard 64 rue Compans.
— n°8 rue de Bellevue et 3-5 impasse Compans - 4.383 m² - Etablissements Verboom et Durouchard
— n°10 rue de Bellevue - 478.90 m² - M. Bouché (René-Paul-Marie) 31 villa Eugène-Leblanc.
— n°12-14 rue de Bellevue et 15 passage commun - 1.178 m² - MM. Bai (Carlo) et Barassi (André).
— n°16 rue de Bellevue et 13 passage commun - 314.20 m² - MM. Peronino (Guisto) et Anquetin (Georges).
— n°18 rue de Bellevue et 4-6 passage commun - 1.598,10 m² - Société anonyme de gestion immobilière, 2 place de Rio-de-Janeiro.

— n°60-62, rue Compans – 411,40 m² - Copropriétaires du Château de Bellevue
Akarmann ou Karamann (Eugénie-Marie), veuve Cayatte (42/1000).
Veuve Bergey, (16/1000)
Bourgoin (Pauline), veuve Mouffron (Ferdinand-Clément), (40/1000).
Decroix (Augustin ou Auguste Olivier) (40/1000)
Dounieb (Sion) et Mme née Assal (Kouka-Suzette) (56/1000).
Fabien (Norbert-Auguste) et Mme née Gay (Augustine) (42/1000).
Galicher (Thérèse-Jeanne-Georgette), veuve Barbey (Roger-Charles-Eugène) (49/1000).
Garcia (Juan-Pascasio) et Mme née Durification Fernandez (49/1000).
Hubert (Alexandrine-Rose), divorcée Bricard (Albert-Emile) (58/1000).
Kopf (Rosa-Bertha), veuve Chassagnard (39/1000).
Lefèvre (Marcel-Alfred) (119/1000).
Marchand (Paul-Henri-Simon) (88/1000).
Moreno (Antonio) et Mme née Cabrol (Thérèse-Joséphine) (49/1000).
Pastissié (Lucien-Pierre) et Mme née David (Simone-Suzanne) (40/1000).
Pelletier (Michel) et Mme née Martin (Josie-Berthe-Emma) (40/1000).
Pêtre (Berthe-Anna-Lucie), veuve Leitner (Théophile) (28/1000).
Philippossian (Virginie), divorcée Abrazian, (39/1000).
Ragot (Roger-Emile) et Mme née Greard (Simonne-Juliette) (40/1000).
Rossi (Charles-Joseph-Pierre), époux Chauvin (Raymonde-Odette) (86/1000).
Assal (Nejma), veuve Souverain (Georges) (40/1000).

Après les contestations d’usage de nombreux récalcitrants, les bulldozers de démolition sont mis en œuvre.
Etant gamin, j’ai assisté, en 1961, à la destruction du Château Bellevue : ce jour-là, une équipe de producteurs et cameramans avait squatté l’emplacement afin d’y filmer un incendie volontairement allumé dans cet immeuble, scène destinée à être utilisée dans une production dont je n’ai jamais pu trouver le titre.

Le permis de construire trois bâtiments de quinze étages au n°62 à 72 rue Compans / n°2 à 18 rue de Bellevue (312 logements locatifs) est délivré le 19 février 1964 au nom de la Société anonyme de gestion immobilière (SAGI), sur les plans des frères Michel et Jean-Pierre Béguin, architectes 48 rue de Monceau.
La suite de l’opération ne se fait pas attendre : le 4 août 1967, les frères Béguin, au nom de la SAGI, obtiennent l’autorisation d’édifier deux autres immeubles de treize étages sur rez-de-chaussée et trois niveaux de sous-sols (208 logements et 357 places de parking), au n°22 à 34 rue de Bellevue, dans le prolongement des trois bâtiments en cours de construction.
Les trois premiers immeubles sont livrés en 1968, les deux suivants le seront en 1974.


Angle de la rue de Bellevue et de la rue Compans aujourd’hui avec les cinq tours remplaçant les sept moulins à vent de la Butte de Beauregard — Le Château de Bellevue se situait, sur cette vue, à droite, derrière les trois arbrisseaux, unique signe de végétalisation du quartier.
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(1) La Société Verboom et Durouchard qui était toujours propriétaire des locaux (296 m²) du n°28 rue des Fêtes où le Bureau des PTT était installé, sera à son tour expulsée par expropriation, prononcée le 13 juillet 1972, tout comme l’ensemble de la rue des Fêtes depuis le n°19 jusqu’au n°67. Un nouveau bureau de Poste sera installé au pied d’une tour, à l’angle de la rue Compans et de la rue Louise Thuiliez (place des Fêtes).
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JeanMarc
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Re: Paris - Rue Compans

Paris XIXe - Rue Compans n°39
Marchand de Couleurs - Quincaillerie « Au Rabot d’Or », chez Bonjour

Etant gamin, j’ai bien connu Lucien Bonjour, marchand de couleurs qui tenait cette boutique emblématique du quartier de la Place des Fêtes, à l’enseigne du Sabot d’Or, située au n°39 rue Compans (anciennement n°37 jusqu’en 1909). J’ai toujours été étonné de l’activité débordante et de la dextérité dont faisait preuve M. Bonjour pour manier les vitres qu’il allait parfois poser lui-même chez l’habitant, étant donné le handicap qu’il avait hérité de la guerre 1914-1918 lors de laquelle, il avait été amputé de la jambe droite et gravement blessé au bras gauche.

Lucien Bonjour est ici photographié sur le seuil de son magasin, appuyé à une scie à cadre et accompagné de son épouse Hélène Bizouarne-Bonjour
Paris XIXe - Rue Compans n°39 (chez Bonjour - Au Rabot d'Or).jpg
Paris XIXe - Rue Compans n°39 (chez Bonjour - Au Rabot d'Or).jpg (117.1 Kio) Vu 96 fois

Jusqu’en 1880, le terrain du n°37 rue Compans était vierge de toute occupation ; il est situé dans l’exact prolongement du n°24 rue de Beaune (future rue des Fêtes), l’ensemble de ces deux terrains appartenant à Guillaume-Antoine Servain (1818-1909), maître couvreur et plombier depuis 1841, demeurant n°10 rue de Beaune (son frère aîné de deux ans Léonard Etienne Servain est couvreur avec lui, demeurant 141 rue de Paris, la future rue de Belleville).
Le 8 octobre 1881, Guillaume Servain dépose une demande de permis de construire un bâtiment d’un étage, avec atelier et logement au n°37 rue Compans, sur les plans de l’entrepreneur de maçonnerie Stanislas Lechêne (1823-1893).
Vraisemblablement, Servain utilise cet atelier comme annexe de son entreprise de couverture-plomberie, car aucun annuaire ne signale la présence d’un quelconque commerçant à cet emplacement jusqu’en 1893, date à laquelle Guillaume Servain cède son affaire de plombier à Gustave Mouren qui la continue au n°10 rue des Fêtes, tandis que
Jules Knab (1856-1897) et Charles Knab (1859-1906) s’installent, en 1894, au n°37 rue Compans, en tant que mécaniciens à façon et fabricants de bicyclettes.
Les frères Knab qui, l’année précédente, exerçaient leur activité au n°160 rue de Belleville, quittent le 37 rue Compans en 1896 pour s’établir définitivement, en face, au n°2 de l’impasse Compans.

En 1897, c’est une toute autre activité qui va s’exercer dans les locaux du n°37 rue Compans.
Paul Charles Mascré (né le 28 avril 1865 dans le 3e arrt.), industriel qui vient de se marier le 28 septembre 1897 à Ivry avec Catherine Weber, y installe une chaudière Galoway, un bati-support, huit pompes avec renvoi, une presse crémaillère à double effet, huit réchauds (tables chauffantes), et la tuyauterie et robinetterie afférentes à cette installation. Tout ceci pour fabriquer des cachets azymes pharmaceutiques .
Vendus dans toutes les officines de pharmacie, ces cachets, conçus en pain azyme, permettaient d’encapsuler des poudres médicamenteuses administrées aux malades, afin d’éviter que des parcelles de poudre ne se fixent sur la gorge. L’inventeur de ces capsules était le pharmacien Stanislas Limousin (1831-1887) qui avait installé son atelier dans le 3e arrt., au n°4 rue des Vieilles-Haudriettes ; son officine était, quant à elle, située 2 bis rue Blanche, à l’angle de la rue Saint-Lazare.
Après deux ans d’activité, Paul Mascré déménage tout son matériel au 45 bis rue des Bois en 1899 ; il ouvre ensuite une usine en 1905 à Pont-l’Evêque près de Noyon dans l’Oise et un autre atelier au n°68 rue du Pré-Saint-Gervais dans le 19e arrt., en 1907. Durant l’occupation allemande de 1914-1918, l’usine est contrainte de fermer ses portes. Mascré poursuit son activité parisienne jusqu’au 10 septembre 1923, date à laquelle il fait apport de son fonds de commerce et de son matériel à la société L’Azymose, 68 rue du Pré-Saint-Gervais, fondée par Guillaume Durcart, associé à Edmond Beretz, Camille Jehl et Emile Jehl. Mais dès le 6 mai 1926, la société L’Azymose vend ledit fonds de commerce à la Société en nom collectif Paul Mascré et Cie, au capital de 200.000 francs dont le siège social est à Paris au n°39 rue Olivier Métra ; le 18 octobre 1927 la société en nom collectif Paul Mascré et Cie vend le droit au bail des locaux du 39 rue Olivier Métra à la société Le Velours Artificiel. Le fonds de fabrication de capsules Mascré est vaguement continué ensuite au n°97 rue du Cherche-Midi en 1930-1935…

Après le déménagement de Paul Mascré, c’est un menuisier qui vient prendre sa place en 1899, au n°37 rue Compans :
Hippolyte Jules Cordonnier, menuisier à Orléans où il est né le 15 novembre 1873, s’est marié le 3 octobre 1877 à Marchenoir dans le Loir-et-Cher, avec Anatalie Aldona Dousset.
Cordonnier fera l’acquisition des locaux et du terrain 37 rue Compans, auprès de Guillaume-Antoine Servain qui en était resté propriétaire.
Depuis 1906, Cordonnier adjoint l’activité de
marchand de couleurs à celle de menuiserie.
A la suite de l’arrêté préfectoral du 20 janvier 1909 la numérotation de la rue Compans est modifiée :
le n°37 devient le n°39 rue Compans.
Par deux fois Hippolyte Cordonnier fait appel à l’architecte Louis Archier (1898-1985), afin d’établir les plans de hangars en rez-de-chaussée (8 juin 1921) puis pour réaliser la surélévation de trois étages de locaux commerciaux (4 mai 1929), au n°39 rue Compans.
Entre-temps, Cordonnier cède son fonds de marchand de couleurs-quincaillerie en 1924 à un certain
Guillaume.

Le 6 juillet 1931, Lucien Bonjour achète la quincaillerie couleurs-vernis du n°39 rue Compans auprès de Guillaume. Lucien-Georges Bonjour (1901-1970) né dans le 12e arrt., s’est marié avec Hélène Victoire Marie Bizouarne (1903-1990) le 18 octobre 1930, juste avant de s’installer rue Compans
M. Bonjour ne quittera plus sa quincaillerie pendant 40 ans, jusqu’à son décès du 21 décembre 1970. Il ne verra pas la destruction totale de son établissement qui aura lieu quelques mois plus tard, rasé par les bulldozers en roue libre, lesquels ont suivi les instructions données par le préfet de la Seine Roger Génébrier qui a organisé un des plus grands carnages parisiens en décidant, le 8 juillet 1957,
la rénovation et l’aménagement d’un îlot voisin de la place des Fêtes.
L’ordre d’expropriation des 310 m² des époux Bonjour a été prononcé le 9 juillet 1968, par le préfet de Paris, Maurice Doublet.
Aujourd’hui, les tours et barres de béton pullulent dans tout ce quartier. Il est intéressant de rappeler que le conseiller municipal, Pierre Ruais, qui avait présenté ce projet de rénovation le 21 décembre 1957, avait précisé que cette opération avait pour but essentiel l’assainissement du quartier et son urbanisation avec une
architecture plus plaisante...
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