La Statue de la Place de l'Alma retrouvée

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JeanMarc
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La Statue de la Place de l'Alma retrouvée

Place de l'Alma

Image
(GALF Éditeur - N° 106)

Jacques Droopyjm nous posait la question (voir ici) :
Quelqu'un pourra-t-il donner des précisions sur cette colonne surmontée d'une statue ? Que représentait-elle ? Par avance, merci.

Après quelques recherches difficiles et hasardeuses, nous sommes au bout de nos peines.
Il s'agit d'un monument à la gloire du poète polonais Adam Mickiewicz (1798-1855) réalisé par le non moins célèbre Antoine Bourdelle (1861-1929)
Ce monument a été commandé à Bourdelle en 1908 par un comité franco-polonais. Les premières maquettes sont réalisées en 1909-1910.
Une délibération du conseil municipal de Paris du 10 janvier 1926
accepte le monument à Mickiewicz, œuvre du statuaire Bourdelle.

Le 21 juillet 1927, le rapporteur M. René Fiquet demande au Conseil municipal d'accepter le don de ce monument fait par le Comité polonais :
Erection d'un monument à Mickiewicz. — Je vous demande, Messieurs, d'émettre un avis conforme à celui de l'Administration en ce qui concerne l'érection d'une statue, sur la place de l'Alma, à Mickiewicz, le grand poète polonais. Cette statue a été exécutée par les soins d'un Comité polonais et nous sommes très heureux que le Gouvernement de la Pologne ait bien voulu, par l'intermédiaire de son Ambassadeur, offrir à la Ville de Paris cette œuvre magnifique due au ciseau du sculpteur Bourdelle, Mickiewicz appartient, non pas seulement à la Pologne, dont il fut le grand poète national, mais il appartient à l'humanité tout entière.

Le 6 juillet 1928, on vient aux nouvelles auprès de Bourdelle qui confirme achever le monument.

Enfin le 28 avril 1929, quatre mois avant la disparition de Bourdelle, on procède, place de l'Alma, à l'inauguration du monument :
— Inauguration du Monument élevé à la gloire d'Adam Mickiewicz. Le Monument, don de la Pologne, élevé à la gloire d'Adam Mickiewicz, sous les auspices du Comité du monument, avec le concours de l'Association France-Pologne, a été inauguré solennellernent par la Municipalité de Paris, le dimanche 28 avril, à 15 heures.
Face à l'oeuvre d'Antoine Bourdelle, qui se dresse Place de l'Alma, avait été édifiée une tribune où prirent place les personnalités officielles.(...)


Enfin, un petit petit entrefilet du Bulletin de l'Académie nationale de médecine du 30 avril 1957 nous indique :
— Vous auriez pu voir, encore l'an dernier, la statue colossale qu'Antoine Bourdelle a consacrée au pélerin poète, si les difficultés croissantes de la circulation parisienne n'avaient exigé son déplacement - nous l'espérons momentané - de la place de l'Alma.

C'est donc en 1956 que le monument Mickiewicz de Bourdelle, le dernier monument sculpté par celui-ci, a atterri sur le Cours Albert 1er, sur un emplacement peu favorable à l'admiration.

Monument Adam Mickiewicz d'Antoine Bourdelle, aujourd'hui Cours Albert 1er
Image
(voir également ici)

Cordt
Jean-Marc
Modifié en dernier par JeanMarc le sam. 6 févr. 2016 14:58, modifié 1 fois.
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Vaugirard12
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Re: La Statue de la Place de l'Alma retrouvée

Bravo Jean-Marc !

J'avais cherché, mais sans succès. Et pourtant je connais cette statue du Cours Albert 1er.

Pour les non parisiens voici une superposition de photos aériennes montrant les deux emplacements successifs de cette statue.

Image

A gauche une vue de 1949, et à droite la vue actuelle.
250 mètres séparent les deux emplacements.
(images issues de Google Earth).
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Cordialement,
Bernard
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droopyjm
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Re: La Statue de la Place de l'Alma retrouvée

Bravo à Jean-Marc pour ses informations historiques et d'avoir retrouvé cette statue.

Bravo aussi à Bernard (Vaugirard12) pour la localisation ancienne et nouvelle de la statue avec la preuve en image.

Merci à vous deux.

Jacques
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JeanMarc
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Re: La Statue de la Place de l'Alma retrouvée

Tant qu'on est Place de l'Alma, on peut rappeler l'effondrement qui a eu lieu sur cette place, le 8 novembre 1915, suite à des travaux effectués sur la ligne Trocadéro-Opéra.
Etant donné la multitude de versions différentes des reporters dépêchés sur les lieux de l'incident, il nous a paru amusant d'en publier plusieurs, afin de se faire une idée des causes de celui-ci.
Voici donc la Revue de presse du 9 novembre 1915 :


La Lanterne du 9 novembre 1915 nous éclaire :
Les trous de Paris.
— Ce matin, à huit heures. un effondrement s'est produit sur la place de l'Alma. L'excavation mesure quarante mètres de largeur et deux mètres de profondeur.
Il n'y a pas eu d'accident de personne. La circulation a été interrompue.


Le Journal des Débats du 9 novembre 1915, rentre dans les détails :
Affaissement du sol place de l'Alma
— Un affaissement de la chaussée s'est produit ce matin sur la place de l'Alma. Sur un espace de quarante mètres de longueur sur vingt de largeur, exactement au milieu de la place, le sol a fléchi d'un mètre et présente actuellement l'aspect d'une montagne russe. Les deux réverbères du refuge s'inclinent mélancoliquement, en saules pleureurs, vers la terre.
L'accident s'est produit à sept heures et demie ce matin et à un instant où personne, heureusement, ne traversait la place. On n'en a pas encore établi la cause, mais il y a lieu de penser qu'il s'agit d'un tassement dans les travaux du Métropolitain, interrompus en cet endroit.
Un barrage a été aussitôt installé, et le service des tramways n'est pas supprimé pour la ligne Louvre-Saint-Cloud, grâce au fait que quatre voitures avaient déjà passé ce matin, ce qui permet de transborder les voyageurs.
Il n'en est pas de même pour les lignes qui vont de la rive gauche à la rive droite, comme Montparnasse-Etoile et Gare de Lyon-avenue Henri-Martin.
M. Joltrain,chef du service de la circulation, a procédé ce matin à une enquête, avec l'aide des ingénieurs de la préfecture.


Le Journal du 9 novembre 1915, très (trop !) précis et documenté (l'accident ne date que de quelques heures) :
Une voûte du Métro s'est effondrée
— Hier matin, par suite de l'effondrement d'une partie de la voûte du Métropolitain, ligne Trocadéro-Opéra, actuellement en construction, le sol s'est brusquement affaissé place de l'Alma, sur un espace de près de quarante mètres. L'excavation atteint par endroits deux mètres de profondeur.
Des mesures de précaution furent aussitôt prises par les ouvriers de M. Vanel, entrepreneur, 31 avenue Ledru-Rollin, qui est chargé de la construction de ce tronçon, et un service d'ordre fut organisé.
Peu après arrivaient sur les lieux de l'accident M. le préfet de la Seine, MM. Mathieu, ingénieur des services techniques du Métropolitain, Cacaut, directeur administratif des travaux, et Bienvenue, inspecteur général des ponts et chaussées, directeur des services techniques du Métro.
De la rapide enquête à laquelle les ingénieurs se sont livrés, il résulte que l'effondrement de la voûte est dû à la nature du terrain. La partie supérieure de la voûte, se trouve située à sept mètres au-dessous du niveau du sol et un égout collecteur passe au-dessus de la voûte. La partie qui s'est effondrée, est à quelques mètres du croisement du tunnel et du collecteur. On avait enlevé les terres supportant la partie inférieure de l'égout, pour
les remplacer par du béton, lorsque l'on constata un léger glissement ; des mesures furent prises aussitôt, mais le. glissement s'accentua et la partie supérieure droite de la voûte s'effondra. Des conduites d'eau s'étant crevées, l'eau a filtré entre les blocs de terre et a provoqué l'éboulement.


Affaissement de la Place de l'Alma 8 novembre 1915 (cliché agence Rol)
Image

L'Humanité du 9 novembre 1915 mène et conclut l'enquète en deux temps trois mouvements et menace de sanctions les responsables. De surcroît, les conditions de travail des ouvriers sont mises en cause.
Le Sol s'affaisse place de l'Alma. Responsabilités à établir.
— Hier matin, vers sept heures et demie, les rares passants qui traversaient la place de l'Alma virent tout à coup les becs électriques des refuges s'incliner et s'enfoncer tandis que le sol se déformait, se creusait et s'ouvrait sur une longueur de vingt-cinq à trente mètres et une largeur de sept à huit mètres. Deux becs électriques restaient dressés, légèrement inclinés vers le trou, chacun à une extrémité.
C'était la voûte d'une ligne de Métro en construction qui, cédant sous la pression de la terre et de l'eau, s'effondrait.
Les ouvriers présents sur le chantier virent tout à coup la voûte et les parois se bomber et céder peu à peu.
Ils sortirent en hâte et firent signe aux quelques véhicules qui se dirigeaient vers la place de l'Alma de s'arrêter.
Une enquête que nous avons faite sur les causes de cet accident, nous a appris que dès jeudi dernier on avait déjà constaté des fissures dans la maçonnerie et que samedi l'égout collecteur qui surplombe la voûte en cet endroit avait été mis en décharge. Les ouvriers, sentant leur sécurité menacée, avaient émis quelques protestations et hier matin, tout en étant descendus sur le chantier, ils avaient refusé de travailler.
Il semble que cet accident est dû non à l'effondrement de la voûte proprement dit, mais à l'éboulement des parois, cédant sous l'effort d'une pression latérale.
Il est indiscutable que pour le genre de travaux qu'on exécute en cet endroit, à plus de huit mètres de profondeur et aussi près du lit de la Seine, les pieds-droits de la voûte eussent dû être beaucoup plus rapprochés et qu'on eût dû surtout boiser les galeries en attendant que le remplissage entre les pieds-droits soit fait et la construction du radier terminée.
Une enquête sérieuse s'impose pour dégager les responsabilités, l'impéritie des uns ou la négligence des autres. Une fois les responsabilités dégagées, nous pensons bien que les sanctions ne se feront pas attendre.


La Presse du 14 novembre 1915, pragmatique :
Le tramway Etoile-Péreire
— A la suite de l'effondrement qui s'est produit sur la place de l'Alma, l'exploitation de la ligne des tramways de Montparnasse à Etoile et à la place Pereire a dû être en partie interrompue.
Le service est effectué par transbordement entre le pont de l'Alma et l'avenue du Trocadéro. De concert avec la préfecture de police, la Compagnie Générale des Tramways prend dès aujourd'hui les mesures nécessaires pour établir de nouvelles voies qui permettront de reprendre 1e service complet dans un délai rapproché.


Le Petit Parisien du 18 novembre 1915 nous informe :
L'affaissement de la place de l'Alma
— Au sujet de l'affaissement du sol qui s'est produit, il y a quelques jours, place de l'Alma, M. Quentin-Bauchart demande à l'administration des explications et quelles sont les précautions prises pour éviter le retour de semblables accidents.
M. Bienvenue, inspecteur général, chargé des services de la voie publique et du Métropolitain, dit que le souterrain a été construit en 1913 et 1914 la voûte, ainsi que les lecteurs du Petit Parisien le savent, fut terminée au printemps dernier, dans des conditions très difficiles. Le terrain était particulièrement mauvais et l'épuisement des eaux provenant des infiltrations s'effectua très péniblement pendant les derniers mois de 1914. Il y eut une désorganisation des chantiers car les matériaux, jusqu'en ces temps derniers, arrivaient très mal à pied d'oeuvre. Or, les travaux en souterrain ont besoin de continuité et d'activité.
Aussitôt les piédroits terminés, déclare M. Bienvenue, il eût fallu commencer immédiatement les travaux du radier. Les travaux ont trop attendu et la voûte s'est déchirée. On a pris tout de suite les précautions nécessaires pour arrêter l'affaissement. Actuellement, on procède à l'établissement de ceintures en béton pour soutenir le terrain et le travail sera repris à ciel ouvert. Le rétablisssement de la circulation normale des tramways aura lieu aussitôt que possible. Quant aux immeubles voisins de la place, leur solidité n'est en rien compromise.
M. Merlin demande si on n'aurait pas pu améliorer le terrain et intensifier le travail. M. Bienvenue répond qu'étant donné les circonstances et la pénurie de la main-d'œuvre, il n'a pas été possible de faire mieux.
Sur l'indication du préfet de la Seine, il fait connaître dans quelle mesure ont été réduits, par suite de la mobilisation, les cadres du contrôle et de la surveillance des travaux du Métropolitain. Quant à l'entrepreneur adjudicataire du lot en question, alors que, avant les hostilités, il employait six cents ouvriers, actuellement il n'en a plus que cent cinquante.
Le préfet de la Seine croit devoir rappeler les réserves faites par lui lorsque le conseil a décidé de poursuivre les travaux, malgré les circonstances résultant des hostilités.
M. Brunet se félicite de cette décision, car, selon lui, quels que soient les risques, il vaut mieux venir en aide aux chômeurs, en leur donnant du travail qu'en leur allouant des secours. L'incident est clos.


Affaissement de la Place de l'Alma 8 novembre 1915 (cliché agence Rol) (seconde vue)
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Pour ma part, je préfère la version du Petit Parisien qui a en outre pris son temps, une dizaine de jours, avant de donner les faits. La plus exécrable étant, à mon avis, celle de l'Humanité.

A noter qu'à quelques années et mètres près, Mickiewicz tombait dans le gouffre métropolitain !
cordt
Jean-Marc

Voir, bien entendu, la présentation de la station Alma-Marceau par Dominique ici.
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