Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Marché couvert, 33 rue Secrétan (XIXe arrt.)

Au vu de l’accroissement constant de la population de la Villette, la municipalité parisienne décide de faire édifier un Marché couvert pour la vente des comestibles sur un emplacement circonscrit par la rue Fessart (l’ancien chemin de la Barrière de Pantin qui deviendra la rue Secrétan), la rue de Meaux, la rue Bouret et une nouvelle voie à percer (la future rue Baste). Un arrêté préfectoral du sénateur Haussmann est signé en ce sens, le 16 août 1865.
Cet emplacement avait été occupé depuis 1762 jusqu’en 1838, par la « voyerie de Montfaucon ». Auparavant, ladite voirie était située près de la place du Combat (place colonel-Fabien), vers le n° 69 de la rue de la Grange-aux-Belles où elle avait côtoyé l’ancien Gibet éponyme désaffecté en 1624-1627.
► voir ici
Le roi ayant ordonné, par un arrêté du 8 octobre 1758, que les dépôts de boues et immondices soient installés sur les points le plus convenables et le moins incommodes aux habitants de Paris, et par un second décret, daté du 7 juin 1761, décidant la suppression de la voirie de Montfaucon et d’une boyauderie à l'extrémité du faubourg Saint-Denis, les services de la voirie parisienne sont aussitôt chargés d’en organiser le transfert.
Pierre Outrequin (1710-1762), entrepreneur général du nettoiement et de l’enlèvement des boues de Paris de par le bail qu’il avait signé le 14 mai 1748 avec la Ville, et l’architecte Germain Soufflot (1713-1780) vont ainsi procéder à l’aménagement, moyennant une dépense de 42.000 livres, d’un terrain rue de Meaux (aujourd’hui n° 46), afin d’accueillir la nouvelle voirie, laquelle sera en outre utilisée pour l’équarrissage, en grand nombre, des chevaux blessés ou trop âgés. Le terrain attenant (aujourd’hui n° 48 à 64 de la rue de Meaux), servait, à la même époque, d’entrepôt pour les pavés de Paris, dont le sieur Outrequin avait également la charge et à qui succèdera son fils Jean, de 1762 à 1767.
A la suite d’innombrables réclamations des Villettois relatives à l’insalubrité et aux divers désagréments provoqués par cette proximité nauséabonde, ceux-ci obtiendront gain de cause, grâce à une délibération de leur conseil du 9 février 1937, décidant la translation de la voirie de Montfaucon dans un terrain de la forêt de Bondy qui sera acquis à cet effet le 9 juillet 1838 au prix de 56.074 francs. Après divers travaux de viabilité s’élevant à 116.090 francs, la nouvelle voirie parisienne prend ses quartiers à Bondy en 1842, la page de la voirie de Montfaucon étant définitivement tournée.

Par une délibération municipale du 17 novembre 1865, il est décidé de concéder la construction du nouveau
Marché couvert de La Villette et un premier traité est signé le 12 décembre 1865. La concession signée le 14 mai 1867, est accordée à la Compagnie générale des marchés pour une durée de 50 ans expirant le 3 février 1918.
Un décret vient confirmer, le 6 janvier 1866, l’utilité publique de l’ouverture du Marché couvert à cet emplacement, et, le 31 mars 1866, un nouvel arrêté préfectoral désigne les expropriations qui seront requises pour son installation. L’architecte Louis-Adolphe Janvier (1818-1878) est chargé de la réalisation de cette halle constituée d’un soubassement en briques surmonté d’une vaste charpente métallique, sur le modèle des édifices des Halles centrales de Victor Baltard ; Janvier vient d’ailleurs de participer activement à la construction des halles du marché aux bestiaux de La Villette.
L’inauguration de la nouvelle halle aux comestibles, comportant 202 places a lieu le 4 février 1868. Le Figaro annonce laconiquement, le 8 février, qu’
un nouveau marché, conçu dans le style des Halles Centrales vient d’être ouvert à La Villette à l’angle des rues de Meaux et Bouret.

TOUT PARIS - 372 - Rue Secrétan - Le Marché (XIXe arrt.)
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publié par JeanMarc mar. 20 juil. 2021 09:11

La Compagnie générale des marchés est ainsi concessionnaire d’une douzaine de marchés couverts pour lesquels elle verse, à la ville, une redevance annuelle de 8.571 frs. 43.
A l’instigation du conseiller Armand Grébauval, il est décidé, le 23 juin 1892, de changer la dénomination du
Marché couvert de La Villette, par la nouvelle désignation de Marché Secrétan, afin d’éviter toute confusion.

Le 1er janvier 1897, dix des concessions accordées à la Compagnie générale des marchés (Secrétan-Villette, Necker, Saint-Didier, Auteuil, Batignolles, Montmartre, Montrouge, place d’Italie, Europe et Saint-Quentin), sont résiliées. En contrepartie la ville de Paris versera à la Compagnie générale des marchés une somme de 409.877 frs 21 payable en 20 ans ; en outre, une somme de 100.000 francs sera allouée le 1er juillet 1897, par la Ville à la Compagnie, en dédommagement du préjudice qu’elle a subi, de 1893 à 1896, en raison de la concurrence exercée par les marchés découverts situés dans la zone de protection des marchés qui lui étaient concédés.
Les recettes du Marché Secrétan (locations payées par les détaillants) annoncées par la municipalité resteront, jusqu’en 1914, parfaitement stables, aux alentours de 50.000 francs par an. De 1920 à 1938, elles passeront progressivement de soixante mille francs à deux cent mille francs.
Des travaux de réparations seront nécessaire pour maintenir cette halle en état :

— Le 26 décembre 1922, le conseil municipal vote un crédit de 25.100 francs pour la remise en état du sol et des séparations du marché, ainsi que pour l’installation d’une échelle de meunier permettant d’accéder à la toiture. Dans la foulée, le même jour, le conseil décide la réfection des peintures intérieures et extérieures des fermes métalliques et chéneaux, attaqués par la rouille, moyennant une dépense fixée à 33.800 francs.
— Le 2 mars 1924, un crédit supplémentaire de 17.000 francs est alloué pour la réfection des peintures.
— Le 8 janvier 1927, un crédit de 28.800 francs est alloué pour la réfection du chéneau du comble supérieur suite à des infiltrations récurrentes.
— Le 16 mai 1930, la municipalité vote un crédit de 78.700 francs pour l’installation d’une colonne montante électrique et des aménagements y afférents, permettant aux détaillants de recevoir un branchement particulier. En contrepartie, les commerçants seront assujettis au paiement d’une taxe de 1 francs 25 par place et par semaine. Cette recette supplémentaire pour la ville est estimée à 6.000 francs par an.
— Le 13 décembre 1931, vote d’un crédit de 70.000 francs pour la réfection des chassis vitrés métalliques du pourtour du marché.

Marché Secrétan (cliché Michel, Cparama)
Marché Secrétan (cliché Michel, Cparama) 0.jpg
Marché Secrétan (cliché Michel, Cparama) 0.jpg (93.55 Kio) Vu 2454 fois

A partir de 1960, plusieurs conseillers municipaux n’auront de cesse de présenter des projets pour raser le marché couvert afin d’y édifier en lieu et place des garages-parkings en étages et en sous-sol et éventuellement des bureaux. En 1965, on parle même d’un immeuble de huit à dix étages mixtes de bureaux et d’habitation avec deux étages de sous-sol ! Mais tous ces projets seront enterrés, par méconnaissance des lieux qui ne permettaient pas d’y construire des surélévations, en raison de la présence des carrières.

Finalement, en 2007, la ville de Paris se laisse facilement convaincre par le promoteur belge Banimmo qui obtient un bail de 70 ans et le cabinet d’architecture Patrick Mauger, adossés à l’entreprise générale Bouygues Construction pour raser le Marché Couvert qui, il est vrai, ne faisait plus recette, afin de le reconstruire à l’identique mais en lui donnant une autre destination que la vente de comestibles. Désormais, l’ex-marché sera occupé par un marché bio, des commerces de vêtements et autres à la manière des centre commerciaux classiques, un centre de remise en forme, une ludothèque…
La réhabilitation commencée en 2011 s’achève le 1er octobre 2015. Douze millions d’euros y ont été investis.
Le 27 juillet 2017, Banimmo cède le bail emphytéotique de la Halle Secrétan pour vingt-sept millions huit cent mille euros au groupe SwissLife. A son tour, Banimmo est croqué en février 2018 par Montefiore Investment…

TOUT PARIS - 372 - Rue Secrétan - Le Marché (XIXe arrt.)
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publié par zelig mer. 8 sept. 2021 18:19

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Le Pavillon de l’Élysée, 10 avenue des Champs-Élysées (VIIIe arrt.)

Les dates de construction de ce pavillon sont des plus fantaisistes : 1878 pour les uns, 1900 pour d’autres, 1826 pour certains… Pour tout dire, la première bâtisse édifiée dans ce carré de l’Elysée, était constituée d’une baraque en planches de 21,10 m² installée sur un terrain délimité de 85,48 m² appelé la « Demi-lune. Cette baraque à usage de limonadier avait été attribuée à un certain Beaujon « pour ses services », vendue ensuite au sieur Jeannet puis au citoyen Moldan. Ce dernier l’avait cédée le 27 ventôse de l’an VI (17 mars 1798) à la citoyenne Desfontaines, laquelle réglait un loyer annuel de 106,38 francs pour cette bicoque, dans laquelle elle décède, deux ans après, dans la plus grande misère. Aussitôt après, cette masure est abattue au courant de ventôse de l’an VIII (mars 1800).
Le terrain va rester en déshérence jusqu’à ce qu’en 1848 le sieur
Achille Léon Thellier (1823-1862) et son épouse Adélaïde Césarine Dufourmantelle (1825-1900), « concierges » des Champs-Elysées, n’obtiennent l’autorisation d’y construire un Chalet destiné à la vente de « rafraichissements et pâtisseries ».
Après le décès de son mari survenu le 25 septembre 1862, à l’âge de 39 ans, la veuve Thellier-Dufourmantelle conserve l’affaire, et signe, en date du 5 mars 1866, le renouvellement de sa concession pour 15 ans, moyennant une redevance de 600 francs annuelle, avant de la céder le 28 avril 1866 aux époux Moëne.

Claude François Moëne (1833-1870), originaire de Mercury en Savoie, est marié depuis le 25 août 1862 (à cette date Moëne est déjà limonadier avenue des Champs Elysées) avec Marie Nathalie Leday, née à Paris 3e en 1840. Dès leur acquisition, l’établissement est dorénavant connu sous le nom de Café du Pavillon de l’Elysée. Tout comme son prédécesseur Thellier, Moëne décède très jeune, âgé de 37 ans, le 9 août 1870.
Sa veuve, Marie Nathalie Leday, ne tarde pas à convoler en secondes noces, dès le 19 septembre 1871, avec
François Julien Féchoz (né le 23 janvier 1840 à Verrens en Savoie), lequel tient une librairie catholique et royaliste au n°5 rue des Saints-Pères. Par arrêté du 8 août 1873, les époux Féchoz-Leday se substituent à Nathalie Leday pour la concession du Chalet et obtiennent une prorogation de quinze ans de celle-ci, par arrêté préfectoral du 29 juillet 1881, le loyer annuel étant porté à 6.000 francs à compter du 1er septembre 1881 ; en outre, les preneurs s’engagent à abandonner gratuitement les constructions en fin de concession.

Plan des Carrés des Champs Elysées en 1903 (Le Pavillon de l'Elysée est en "F")
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Probablement plus attirés par les livres que par la limonade, Féchoz et son épouse vendent leur fonds de commerce du carré de l’Elysée le 7 juillet 1883 au prix de 35.000 francs, aux époux Mouchard, assorti d’une sous-location de douze ans devant se terminer le 15 juillet 1895, et d’une promesse de vente du droit au bail au prix de 65.000 francs, le tout sans avoir obtenu l’autorisation de la Ville de Paris. Dans l’attente de la réalisation de la cession dudit droit au bail, les époux Mouchard versent 2.800 francs par an aux époux Féchoz, en sus de la redevance de 6.000 francs.
François Mouchard (né en 1834), est, en 1866, limonadier au n°1 rue Rapp avec son épouse Augustine Martin (née en 1845) ; de 1870 à 1883, les époux Mouchard sont marchands de vins au n°23 rue Louis le Grand.
Compte tenu de ces conditions, plus que défavorables pour les Mouchard qui n’obtiennent aucune autorisation de la ville pour cette cession, ceux-ci demandent l’annulation de la vente, le 7 août 1889 devant le Tribunal de Commerce de la Seine. N’ayant pas obtenu gain de cause, il s’ensuit une série de procès à l’issue desquels, le couple Mouchard continue à exploiter l’établissement en tant que sous-locataire des Féchoz.
Le 16 juillet 1895, les époux Féchoz reprennent le fonds et cèdent l’ensemble de l’affaire en mars 1896 à Louis-Auguste Paillard ; Féchoz rejoint sa librairie transférée 4 rue de Lille, qu’il finira par liquider en 1901, tandis que Mouchard achète une nouvelle affaire de marchands de vins au 101 rue Lafayette où il décédera en 1900.

Louis-Auguste Paillard (1846-1932), célèbre restaurateur installé depuis 1878 dans l’ancien établissement des frères Bignon, à l’angle du n°2 rue de la Chaussée d'Antin et du n°38 boulevard des Italiens, décide, dès la reprise de son nouvel établissement en avril 1896, de le reconstruire à neuf et demande en conséquence à l’architecte Albert Ballu (1849-1939), de dresser les plans du futur café-restaurant du Pavillon de l’Elysée.

Pavillon de l'Elysée plans de l'architecte Albert Ballu
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Pavillon de l'Elysée plans de l'architecte Albert Ballu.jpg (68.16 Kio) Vu 2437 fois

Le 11 août 1896, Louis-Auguste Paillard obtient une nouvelle concession de 15 ans, à compter du 1er septembre 1896, moyennant une redevance annuelle de 18.500 francs, ainsi qu’une légère extension du périmètre de ladite concession qui se trouve à présent portée à 440 m².
Le 13 décembre 1897, un mémoire est présenté au Préfet de la Seine pour ce projet dont le coût est estimé à 400.000 francs à la charge de Paillard, sachant que l’immeuble qui ne devra en aucun cas dépasser la hauteur de onze mètres, reviendra à la ville à l’issue du bail. Les travaux commencent dès le mois suivant.
L’inauguration du nouveau Pavillon de l’Elysée a lieu le 1er septembre 1898 :
Très brillante soirée d'inauguration, hier soir, au magnifique palais que Paillard édifia, aux Champs-Elysées, au culte de la gastronomie et à la gloire de la cuisine française. Gentlemen en habits noirs, mondaines en toilettes de soirée se coudoyaient en une animation de haute élégance, dans l'atmosphère capiteuse des plantes rares, parmi la griserie du champagne et des musiques et tout le monde s'accordait à rendre hommage à la belle ordonnance des différents services et à reconnaître que le nouvel établissement réalisait l'idéal du grand restaurant parisien et select par excellence.(L’Evènement 2 septembre 1898)

Paris - Champs-Elysées - Restaurant Paillard
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publié par Cyril mer. 20 mars 2019 09:31

La recette du premier mois d’ouverture semble confortable : 82.660 frs 15.
Dès le 31 mars 1899, Paillard revend les droits du Pavillon de l’Elysée à la
Société des restaurants Paillard et Maire réunis, laquelle fusionne avec le restaurant Paillard des Italiens et le restaurant Maire de la société Faucon et Cie ; le 16 janvier 1903, cette société se substitue à Paillard pour le bail du Pavillon de l’Elysée, lequel a subi déjà une première augmentation à 19.000 francs par an, le 12 janvier 1900, en raison de l’autorisation qui lui a été donnée par le conseil municipal, d’établir des vérandas.
Le 22 novembre 1907,
MM. Gros et Charrier, successeurs du restaurant d’Eugène Durand situé au 2 place de la Madeleine, se substituent à leur tour à la Société des restaurants Paillard et Maire réunis, dans l’exploitation du Pavillon de l’Elysée.
Le bail du Pavillon de l’Elysée venant à expiration le 1er septembre 1911, plusieurs projets municipaux envisagent de carrément faire disparaître ledit pavillon. Le 9 juillet 1912, le Conseil municipal s’en émeut, lors d’âpres discussions alimentées par le sieur Fortuné d’Andigné qui
trouve fort regrettable de maintenir ce pavillon et demande à en connaître les raisons ; ce à quoi Armand Grébauval rétorque que ce pavillon est cependant le plus joli de ceux qui se trouvent aux Champs-Elysées, recevant l’approbation de MM. Poiry et Deslandres. D’Andigné insiste, se refusant à déclarer que ce pavillon soit un « bijou artistique » : il y a, dans les Champs-Elysées, deux catégories d'établissements utiles, ceux qui donnent de la lumière le soir ou de la distraction le jour. Or, le pavillon de l'Elysée ne rentre dans aucune de ces deux catégories ; le soir, c'est un endroit absolument obscur, les dineurs y sont rares et l'éclairage extérieur fait défaut ; de plus, il n'est ouvert que quelques mois de l'année et, à partir de huit heures du soir, les rideaux sont soigneusement fermés pour qu'on ne puisse voir les clients…
Finalement le 30 juillet 1912, le Conseil municipal dresse un projet de renouvellement de bail, en faveur de MM. Gros et Charrier, pour une durée de 9 ans à compter du 1er avril 1912, assorti d’un loyer de 20.000 francs pour les trois premières années, 21.000 francs les trois années suivantes et mille francs de plus pour chaque année qui suivent. Cependant ce projet n’est aucunement suivi d’effet puisqu’en avril 1914, le bail est renouvelé au nom de Jean Langer, comme l’attestent la série d’annonces publicitaires qui passent quotidiennement dans le journal l’Excelsior à partir du 5 avril 1914, signalant que les Dîners de Langer, dans le cadre élégant du Pavillon de l’Elysée, sont exquis (tel : GUT 28-47).
Jean Langer, d’origine autrichienne, né le 9 octobre 1878, était, auparavant restaurateur au 17 faubourg Montmartre, lors de son mariage en 1904, avec Marcelle Anaïs Julie Huot (1886-1975), parisienne dont la mère était hôtelière au 15 rue Geoffroy Marie.

TOUT PARIS - 1333 bis - Champs-Elysées - Pavillon de l'Elysée (VIIIe arrt.)
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publié par zelig dim. 13 mars 2022 13:30

Durant le conflit 1914-1918, l’Union des Arts (fondation Rachel Boyer) obtient l’autorisation, en mai 1915, d’installer une exposition destinée à soutenir les victimes de la guerre, au sein du Pavillon de l’Elysée qui a cessé toutes activités. Cette exposition est inaugurée le vendredi 2 juillet 1915 par Raymond Poincaré et son épouse.
Le 1er mai 1917, la réouverture du Café Restaurant du Pavillon de l’Elysée (apéritifs, déjeuners, thés, dîners élégamment servis) est annoncée en grandes pompes, M. Mariani assumant la direction de l’établissement pendant que Jean Langer, propriétaire, est mobilisé.
Le 19 octobre 1918, un accord est passé entre Jean Langer et le Comité de l’Aéro-club d’Amérique pour installer dans le Pavillon, durant la guerre, un Cercle exclusivement réservé à l’aviation inter-alliée.
Démobilisé, Jean Langer signe avec la ville, le 25 juillet 1920, une prorogation de son bail, qui devait se terminer le 1er avril 1924, permettant d’en reporter l’échéance au 31 décembre 1934, afin que celui-ci soit aligné avec les baux de ses voisins, les Ambassadeurs, le Pavillon du cirque (Laurent), etc… Dans le même temps, il lui est accordé une autorisation pour construire une véranda en limite nord du Pavillon en lieu et place d’une banne d'un disgracieux effet. Son loyer annuel est en conséquence augmenté de 1.500 francs.
Concernant la période de guerre, un arrangement est pris par Langer, lors de la séance du Conseil municipal du 30 septembre 1920 : il est convenu que Langer bénéficie de l’exonération totale des loyers depuis le 1er août 1914 jusqu’au 31 décembre 1917 et de 50% pour l’année 1918, soit un dégrèvement de 73.087 fr. 50 c.
Afin de lui permettre d’adjoindre à son restaurant, un débit de tabacs de luxe, dont l'entrée se fera par la porte existante face à la place de la Concorde, Jean Langer échange une surface de 8 m² avec la ville, la superficie totale de sa concession restant inchangée à 524 m². Le conseil municipal en profite pour obtenir que lui soit versée par l’Etat (la Seita), une redevance annuelle de seize mille francs.

Jean Langer ayant cédé la concession de son restaurant à la
Société du pavillon de l'Elysée, gérée par Robert Cros, c’est celle-ci qui traite avec la ville de Paris, en date du 8 avril 1938, pour le renouvellement du bail qui se trouve prolongé de neuf ans, à compter 1er janvier 1942, le loyer étant fixé à 44.500 francs, susceptible d’être augmenté en fonction de « l’Indice de la dépense d'une famille ouvrière de quatre personnes »
En 1950, dernière année du bail en cours, par le jeu des augmentations successives, le loyer annuel s’élève à 500.000 francs. Le 10 juillet 1952, le bail de Robert Cros est renouvelé pour neuf ans à compter du 1er janvier 1951, avec un loyer annuel de 550.000 francs révisable triennalement. A compter du 1er janvier 1960, nouveau « coup de pouce » du loyer qui est porté, pour 9 ans, à 3.500.000 francs par an, avec effet rétroactif au 1er janvier 1958, la société du Pavillon de l’Elysée étant, à cette date, gérée par son président,
Albert Vabre.
Avec l’arrivée du « nouveau franc », le loyer passe en 1960 à 35.000 francs, avant d’être révisé à 52.500 francs puis 72.000 francs depuis le 1er septembre 1966. Le renouvellement est accordé au nouveau président, G. Jeune, en date du 24 juillet 1868, le loyer étant porté à 97.100 francs, à compter du 1er janvier 1969.
En 1984, le Pavillon de l’Elysée passe dans l’escarcelle de la société du fameux
Gaston Lenôtre (1920-2009), avant d’être repris en 2018 par le groupe SOS Té-Créateur d'Instants, associé au chef étoilé Thierry Marx.

Le Restaurant Paillard
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publié par Cyril mer. 3 avr. 2019 09:24

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Eglise Saint-Jean-Baptiste de Belleville 139 rue de Belleville (XIXe arrt.)

Ayant obtenu, en 1543, l’autorisation de l’évêque de Paris, Jean du Bellay, la commune de Belleville fait édifier son premier sanctuaire, en 1548, sur la rue de Paris, la future rue de Belleville. Dépendant de la paroisse de Saint-Merri, cette Chapelle de Belleville n’est en fait qu’une annexe de celle-ci.
Devenue insuffisante pour la population bellevilloise, cette chapelle est remplacée, sur le même emplacement, par une église dédiée à Saint-Jean-Baptiste, dont la première pierre est posée le 3 juillet 1635 par Charles de Hillerin, chefecier curé de Saint-Merry. Construite en moellons et voûtée en bardeaux, orientée du nord au midi, son plan a la forme d'une croix, en haut de laquelle se trouve le chœur ; sans colonnes ni piliers, elle dispose de trois autels.

La première Eglise Saint-Jean-Baptiste de Belleville de 1635 (gravure 1775)
Eglise St Jean Baptiste de Belleville gravure de 1775.jpg
Eglise St Jean Baptiste de Belleville gravure de 1775.jpg (206.4 Kio) Vu 2421 fois

Deux siècles plus tard, il est à nouveau question de la remplacer par une nouvelle église plus vaste.
Dès 1850, la fabrique paroissiale de Belleville rachète l’ancien presbytère appartenant à Charles Longbois (1795-1859), curé depuis 1833. Il est ensuite nécessaire de procéder à l’alignement de la place de l’Eglise sur la rue de Paris (rue de Belleville), et d’acquérir plusieurs terrains et bâtiments attenants à l’église actuelle ; deux décrets préfectoraux sont arrêtés en ce sens : le 20 septembre 1851 pour l’alignement et le 27 décembre 1851 pour l’acquisition à l’amiable des terrains.
L’architecte Jean-Baptiste Lassus (1807-1857) se charge de dresser les plans et devis de la future église qui sera circonscrite entre la rue de Belleville en façade, la future rue Lassus sur le flanc gauche, la rue Fessart à l’arrière et la future rue de Palestine à droite, sur un terrain de 28 m 50 de largeur sur 70 mètres de profondeur.

Les plans de Lassus sont approuvés par le Conseil municipal le 5 mars 1853, pour une dépense
rigoureusement fixée à 900.000 francs. Le financement sera assuré, sans nouvelle charge pour les habitants, par de nouvelles taxes d’octroi sur la commune de Belleville, laquelle ne prélevait jusqu’alors des taxes que sur le vin et la viande. La fabrique de Belleville qui approuve le projet, lors de sa réunion du 3 avril 1853, s’engage à participer pour 10.000 francs à cette édification, cette somme devant être exclusivement consacrée au remplacement de l’orgue actuel. La préfecture entérine le plan de l’architecte le 3 février 1854 et accorde une subvention de 50.000 francs pour ce projet.
Les travaux sont mis en adjudication pour le 4 avril 1854 sur une évaluation fixée à 796.153 fr 66., non compris l’édification du beffroi, la sculpture d’ornements et celle des statues. Les lots sont adjugés à :
— M. Pinot : Terrasse et maçonnerie 663.251 frs 11 moins un rabais de 34.887 frs ;
— M. Nicolas : Charpente 79.461 frs 71 moins un rabais de 1.589 frs 23 ;
— M. Roy : Serrurerie 17.920 frs moins un rabais de 627 frs 20 ;
— M. Durand : Couverture et plomberie 27.508 frs 91 moins un rabais de 1.147 frs 12 ;
— M. Patrice : Menuiserie 4.165 frs 51 moins un rabais de 62 frs 45 ;
— M. Lemelle : Peinture 330 frs 25 moins un rabais de 33 frs 02 ;
— M. Bruin : Vitrerie 3.516 frs 17 moins un rabais de 465 frs 89.
Ce qui porte le montant de la dépense à 757.341 frs 75 à laquelle il faut ajouter l’estimation pour le beffroi et les travaux d’arts s’élevant à 103.848 frs 34.

Le 24 mai 1854, l’ancienne église de Belleville, en face de la Mairie, vient d’être entièrement démolie pour faire place aux fondations du nouveau sanctuaire, et, afin d’assurer le service du culte pendant la durée des travaux, une église provisoire est construite dans les jardins de la Mairie du 128 rue de Belleville.
La bénédiction de la pose de la première pierre se déroule le 24 juin 1854 en présence de l’archevêque de Paris, Mgr Auguste Sibour, et du curé de Belleville, Charles Longbois. (1)

Lors du décès de l’architecte Lassus, survenu le 15 juillet 1857, le monument est monté et couvert, les flèches terminées. Son élève, Casimir Truchy (1830-1891), prend le relais de cette construction jusqu’à son achèvement.
L’église est consacrée le jeudi 11 août 1859 par le cardinal archevêque de Paris François-Nicolas Morlot, avec le nouveau curé de la paroisse, Jacques Olympe Demures (1804-1875), Charles Longbois étant décédé le 12 mai 1859.

TOUT PARIS - 71 - Rue du Jourdain - Eglise St Jean Baptiste (XXe arrt.)
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Description sommaire de l’Eglise Saint Jean-Baptiste de Belleville
La façade principale est flanquée de deux tours et percée par le bas de trois portes. Deux autres portes latérales sont établies dans les transepts. Les deux sacristies, la première et la plus grande pour le clergé, la seconde pour les officiers de l'église et le garde-meuble, sont d'un facile accès, et leurs entrées sont indépendantes de celles de l'église, ainsi que celles des deux salles de catéchismes pour les garçons et pour les filles.
A l'intérieur, le vaisseau se compose d'une grande nef principale, flanquée de deux ailes ou bas-côtés dits collatéraux, dans lesquels sont réservés des emplacements convenables pour les confessionnaux. Les fonts baptismaux sont placés à l'entrée de l'église.
En outre de la chapelle de la Vierge, qui est d'une dimension convenablement spacieuse, il y a quatre autres chapelles absidales.

(1) Pose de la première pierre de la nouvelle Eglise Saint-Jean-Baptiste de Belleville (24 juin 1854)
Une solennité intéressante se prépare à Belleville, pour le 24 de ce mois : la bénédiction et la pose de la première pierre de l'église Saint-Jean-Baptiste par Mgr, l'archevêque de Paris et M. le préfet du département de la Seine. M. le maréchal Magnan, commandant la Ire division militaire ; M. le général marquis de Loevestine, qui passera la revue du bataillon de la garde nationale, doivent y assister ainsi que M. le préfet de police, M. le général commandant la place de Paris, etc.
Cette église est érigée sur l'emplacement agrandi pour cause d'utilité publique, d'une ancienne chapelle bâtie en 1635, et qui, depuis longtemps était insuffisante pour les besoins du culte dans cette commune, qui compte aujourd'hui 50.000 âmes...

(Le Constitutionnel 23 juin 1854)

Eglise St Jean Baptiste de Belleville (clichés Mimigege et Rigouard, Cparama)
Eglise St Jean Baptiste (clichés Mimigege et Rigouard, Cparama).jpg
Eglise St Jean Baptiste (clichés Mimigege et Rigouard, Cparama).jpg (168.66 Kio) Vu 2421 fois
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L’Hôtel du Grand Pavillon et le Hall-Ménilmontant 23-25-27 rue de Ménilmontant (XXe arrt.)

Au n°27 de la rue de Ménilmontant, avant que l’Hôtel du Grand Pavillon soit édifié, l’emplacement était occupé depuis 1865 par Jean-Baptiste Champeau, entrepreneur de bals (ne pas confondre avec le restaurant « Champeaux » qui était installé, durant la même période, au 13 place de la Bourse), qui y tenait un café et son fameux « Bal Champeau ».
Jean-Baptiste Champeau (1814-1887), marié à Paris le 20 janvier 1849 avec Marie Elisabeth Lessodée (1826-1885), était « emballeur » en 1860, lors de la naissance de son fils Hippolyte. L’orchestre du Bal Champeau était dirigé par Louis Gustave Ourlont (1821-1896) qui, auparavant, était tailleur d’habit au n°45 grande rue de la Chapelle dans le 18e arrt. ; Ourlont qui sera veuf par deux fois, prendra Champeau comme témoin de son 2e mariage le 2 février 1865 dans le 18e arrt., puis de son 3e mariage le 25 octobre 1873 dans le 20e arrt. Nous donnons ces précisions, car c’est grâce à ces deux actes de mariage que nous avons pu percer l’identité exacte de Champeau qui, sans cela, serait encore ignorée aujourd’hui.
Le maniement de la baguette de chef d’orchestre d’Ourlont au Bal Champeau, s’avère probablement insuffisant pécuniairement, puisqu’en 1873, il est à nouveau tailleur au 98 rue de Ménilmontant.

Le 28 juin 1877, Jean-Baptiste Champeau reçoit de la ville de Paris, une bien mauvaise nouvelle : le conseil municipal vient de décider l’ouverture d’une nouvelle voie (rue Etienne Dolet) entre les rues de Ménilmontant et des Maronites, dans l’axe de l’église Notre-Dame-de-la-Croix qui vient d’ouvrir ses portes en 1869, et, de ce fait, va devoir procéder à la démolition des bâtiments situés sur le côté impair de la rue de Ménilmontant, depuis le n°1, à hauteur du boulevard de Belleville, jusqu’au n°41 ; vingt-quatre immeubles devront être rasés pour cette opération.
Le juge d’expropriation annonce son verdict le 9 novembre 1878. Il est alloué 45.000 francs à M. Ménager, propriétaire des murs et du terrain du n°27 Ménilmontant, alors qu’il réclamait 87.164 francs ; Jean-Baptiste Champeau, locataire du café et du bal public obtient 36.000 francs pour 93.500 francs demandé.
Les fêtes du bal Champeau vont bientôt se terminer et les bâtiments sont abattus en 1879, pour laisser place à un nouvel édifice, achevé dès février 1880 :
l’Hôtel du Grand Pavillon avec, en rez-de-chaussée, une pâtisserie et une boutique de coiffure.
L’Hôtel est tenu dès son ouverture par Grégoire Thouluc, le salon de coiffure par Henri Passe et la pâtisserie par Hilaire Tréhet.

Grégoire Thouluc (1852-1896) est originaire de Vaugirard où ses parents aveyronnais (1) sont rentiers, lors de son mariage, le 24 décembre 1874, avec Louise Isabelle Rives (1856-1895). Tout d’abord garçon distillateur, il acquiert, en 1876, auprès d’Auguste Turlan, un fonds de marchand de vins situé au 2 rue Sainte-Croix de la Bretonnerie (à l’angle de la rue Vieille-du-Temple), affaire qu’il cède en 1879, pour prendre en main l’Hôtel du Grand Pavillon flambant neuf, où nait leur fille Isabelle Christine le 7 février 1880.
Dès le décès de son épouse, survenu le 13 février 1895, à l’âge de 44 ans, Thouluc met en vente l’Hôtel du Grand Pavillon et trouve preneur en la personne de M. Fraysse, en date du 22 février 1896. Grégoire Thouluc décédera la même année, à 44 ans, le 3 décembre 1896.
L’acquéreur,
Justin Adrien Fraysse (1852-1923), veuf de Louise Réveilhé, était auparavant logeur au 63 rue Galande dans le 5e arrt. Il tiendra l’établissement jusqu’au conflit 1914. En 1919, sans profession, il est domicilié à Villejuif et y décédera.
En 1960, l’Hôtel du Grand-Pavillon est passé aux mains de Liliane Rajben, épouse de Salomon Feingold, qui a créé, à cet effet, la Sarl du Grand Pavillon.
Depuis, l’Hôtel a été transformé en immeuble d’habitation, tandis que le rez-de-chaussée est occupé par un commerce de cigarettes électroniques et une boutique de bagagerie.


(1) Les parents de Grégoire Thouluc né le 27 juillet 1852 à Vaugirard, étaient Marc Antoine Thouluc (1817-1901) né à Brommat et Christine Delbert (1817-1895). Ils sont tous deux décédés à Paris.

TOUT PARIS - Rue de Ménilmontant (XXe arrt.)
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publié par rigouard dim. 29 juin 2014 09:50

Au n°23-25 rue de Ménilmontant, attenant à l’hôtel, Etienne Guillerand a installé, en 1888, un grand magasin de nouveautés à l’enseigne du Hall-Ménilmontant.
Etienne Guillerand (1854 - †après 1912) est originaire de l’Yonne tout comme Isabelle Léontine Millot (1854-1889) qu’il a épousée en 1881.
Guillerand, devenu veuf, finit par céder l’affaire le 15 octobre 1897 à la société en nom collectif
Cahen et Lepiètre, formée à cet effet le 2 octobre 1897 avec un capital de 50.000 francs. Guillerand, devenu négociant sur marché, se remariera en 1899.
Louis François Lepiètre (1851-1906), employé de commerce, est marié à Paris depuis le 8 mars 1883 avec Marie Boucheré née à Metz en 1854 ; préalablement leur fils Edouard Louis Lepiètre est né le 22 avril 1877 dans le 6e arrt. Samuel Edouard Cahen (1844-1900), originaire d’Alger, veuf de Berthe Eugénie Seligmann, est également employé de commerce.
Trois ans après, Cahen décède le 26 avril 1900, à son domicile du 3 boulevard de Belleville ; le 18 juillet 1900, Lepiètre achète les droits du fonds de commerce du 23-23 rue de Ménilmontant aux héritiers Cahen.


Le Hall-Ménilmontant, nouveautés et soldes qui vend aussi bien des vêtements que des jouets, des tabliers et des gibecières ou encore des carpettes et tapis de table comme l’indique son large panonceau en façade, dont l’arrière donne également sur le 24 rue Etienne Dolet, remporte un succès considérable et s’étend à présent du n° 17 au n°25 rue de Ménilmontant.
La promulgation de la loi du 13 juillet 1906 relative au repos dominical obligatoire va être fatale à Louis-François Lepiètre qui en décède le 23 septembre 1906. Tous les journaux quotidiens relatent cet évènement en long et en large, avec moults détails plus ou moins fantaisistes.
Le préfet Louis Lépine ayant accordé une dérogation d’ouverture de leur commerce le dimanche, jusqu’à midi, la Chambre syndicale des employés du commerce avait organisé une manifestation le dimanche 23 septembre, afin de faire supprimer cette autorisation. Un témoin a raconté la scène au Figaro :

Après avoir manifesté devant les magasins de la Moissonneuse, la colonne des employés se dirigea vers le Hall de Ménilmontant. A leur arrivée, M. Edouard Lepiètre, directeur, se tenait sur le seuil de son magasin. Plusieurs manifestants voulurent y pénétrer. M. Lepiètre s'y opposa et leur demanda de déléguer l'un d'entre eux avec lequel il entrerait en pourparlers.
Les autres s'y refusèrent, insistèrent pour être tous reçus et bousculèrent M. Lepiètre afin de l'obliger à leur céder le passage. Tout aussitôt, M. Lepiètre tomba mort.
(Le Figaro 24 septembre 1906)
A l’occasion de ce tragique événement, plusieurs journaux publient des clichés du Hall Ménilmontant ► voir ici

La veuve Lepiètre (Marie Boucheré) et son fils Edouard Louis Lepiètre vont poursuivre l’extension de leur magasin de nouveautés en prenant en location le rez-de-chaussée de l’hôtel du Grand Pavillon au n°27, et en acquérant, le 10 février 1912, le n°15 rue de Ménilmontant, attenant à leur série de boutiques, où le sieur Bailat tenait un restaurant : ainsi leur surface de vente occupe à présent les n° 15 à 27 rue de Ménilmontant.
Le Hall-Ménilmontant, toujours exploité par Edouard Louis Lepiètre, est encore attesté en mai 1946…
Aujourd’hui le n°25 rue de Ménilmontant est occupé par un magasin de bricolage surmonté d’un immeuble d’habitation de dix étages.

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Ecole Massillon, 2bis Quai des Célestins (IV arrt.)

L’Ecole Massillon du quai des Célestins, c’est toute une histoire !
Le quai des Célestins est un ancien chemin de halage appelé initialement rue de la Folie Jean Morel puis, au XIVe siècle, rue des Barrés, en raison de sa proximité immédiate avec le monastère des Frères Barrés, carmélites ainsi nommés pour être porteurs d’un vêtement bariolé de noir et de blanc.
Le 27 juin 1296, l’archevêque de Sens,
Etienne Becquart, fait l’acquisition d’une maison avec granges, jardin et dépendances, situés sur cette rue de la Folie Jean Morel, au prix de 840 livres parisis, qui appartenait à Pierre Marcel, marchand drapier tout comme son neveu Etienne Marcel qui deviendra prévôt des Marchand de Paris de 1354 à 1358.
Agrandie par Etienne Becquart, au moyen d’acquisitions de granges contigües, auprès d’un certain Robert aux Gants, la propriété devient dorénavant l’
Hôtel des Barrez. Après le décès de l’archevêque Becquart en 1309, un de ses successeurs, Guillaume II de Melun, se défait de cet hôtel en le vendant, en 1364, à Charles V, au prix de 300 livres parisis, et en échange de l’Hôtel Hestomesnil de la rue du Figuier dans le Marais.
Dès cette acquisition, Charles V fait procéder, pour dix mille livres, à des travaux d’agrandissement et d’aménagement des bâtiments, afin d’y loger ses gens convenablement et diligemment, donnant ainsi naissance au désormais
Hôtel Saint-Pol.

François 1er va se défaire de cet hôtel devenu fort vague et ruyneux étant resté à l’abandon à partir de 1422, en le cédant en novembre 1516 à
Jacques Galiot de Genouillac (1466-1546), grand-maître de l'artillerie, pour la somme de deux mille écus d’or, soit quatre mille livres tournois.

L’hôtel Saint-Pol passe ensuite aux mains de plusieurs propriétaires, mais l’authenticité de ces successeurs n’étant pas fiable, nous passons directement à
Raymond Phelypeaux, seigneur d'Herbault (1560-1629), secrétaire de la Chambre du roi et trésorier de l’épargne, qui, en 1601-1602, fait l’acquisition du terrain de l’Hôtel Saint-Pol et y fait édifier un nouvel hôtel dit l’Hôtel d’Herbault, dont l’apparence est celle qu’il a conservée aujourd’hui.
La propriété passe ensuite à son fils,
Balthazar Phelypeaux (1593-1663) puis à son petit-fils également prénommé Balthasar, abbé de Bourgmoyen, lequel la cède le 23 juin 1676, moyennant 80.000 livres tournois, à Gaspard de Fieubet (1626-1694), chancelier de la reine Marie-Thérèse d’Autriche depuis 1671.
Dès 1676, de Fieubet engage l’architecte Jules Hardouin-Mansart (1646-1708), afin de faire agrandir et décorer luxueusement son hôtel ; les travaux dureront cinq ans.
Au décès de Gaspard de Fieubet en 1694, son frère,
Anne de Fieubet (1642-1705), hérite de cette demeure désormais désignée sous le nom d’Hôtel Fieubet. En 1706, les enfants de ce dernier, Paul de Fieubet (1664-1718) et Gaspard de Fieubet (1670-1722), restent propriétaire de cet hôtel, en indivision jusqu’en 1718, date à laquelle, le fils de Paul, Louis-Gaspard de Fieubet (1690-1762), en devient l’unique détenteur ; le notaire chargé de l’acte officialisant cette prise de possession donne une intéressante description de cet hôtel :
« Une grande maison appelée l'hostel Fieubet consistante en une entrée de porte-cochère sur le quay des Célestins, non fermée, une grande cour, au fond de laquelle est le principal corps de logis, entre ycelle et le jardin, le dit corps de logis couvert d'ardoises, en mansardes, à égout par chesneaux et tuyaux de descente de plomb appliqué par bas, en un étage partie hors terre et partie en terre ; deux étages au-dessus, carré compris, celuy attique, et un lambrissé au-dessus en retour. Sur la dite cour, aux deux côtés en ailes, sont deux pavillons d'accompagnement, terrasse ensuite. Basse-cour à main droite de la dite cour, un petit corps de logis au fond d'ycelle faisant face sur la rue du Petit-Musc.
Le dit hostel tenant d'un côté à la rue du Petit-Musc, d'autre à Mlle de Nicolaï, d'un bout par derrière à la rue des Lyons et d'autre par devant sur le dit quay. »

TOUT PARIS - 41 - Ecole Massillon (IVe arrt.)
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publié par rigouard lun. 2 août 2021 09:09

Le 7 juillet 1752, Gaspard de Fieubet cède l’Hôtel Fieubet, pour la somme de cent cinquante mille livres, à Marie-Elisabeth de Clesves (vers 1700-1758), veuve de Pierre Nolasque Couvay, secrétaire du roi depuis l’année précédente. Celle-ci revend son hôtel à perte, trois ans plus tard, le 19 février 1755, au prix de cent trente mille livres, à une autre riche veuve d’un secrétaire du roi, la dénommée Elisabeth Roussel (vers 1688-1769) épouse de Pierre Dedelay de la Garde, décédé quatre mois auparavant, le 10 octobre 1754.
Alexandre-Jean Boula de Mareüil (1720-1796), avocat de la Cour des Aides de Paris, et son épouse Antoinette de La Haye de Bazinville (1733-1813), font l’acquisition de l’Hôtel Fieubet, pour cent quatre-vingts mille livres, en date du 22 juin 1769, auprès d’Elisabeth Roussel, deux mois avant qu’elle ne décède, le 28 août 1769.

Les Boula de Mareüil passent, sans encombre, au travers de la révolution et de la terreur, conservant leurs biens sans être inquiétés ; le 17 juillet 1816, leurs trois enfants vendent l’immeuble du quai des Célestins, dépouillé de ses tableaux meubles et objets d’arts, au prix de 99.525 francs, à deux marchands de fer cantaliens qui viennent de reprendre les forges d’Imphy en Nivernais :
Antoine Debladis (1776-1845) et Géraud Auriacombe (1767-1841). Tous deux vont également acheter en commun l’hôtel de Canillac de la rue de Turenne, Auriacombe acquérant seul un autre castel situé à Doué en Seine-et-Marne.
L’Hôtel Fieubet est, dès cette acquisition de 1816, affermé en totalité à
Pierre-Jean Cody (1784-1856), raffineur de sucre, lequel transforme les locaux à cet usage, construisant des locaux supplémentaires dans le jardin et installant chaudières et cheminée ; la partie de l’ancien hôtel longeant le quai des Célestins et la rue du Petit-Musc est sous-louée à un marchand de vins.
Alors qu’Auriacombe a repris les parts d’Antoine Debladis dans l’ex-Hôtel, Pierre-Jean Cody cède son bail de la raffinerie des Célestins, en 1827, au sieur
Jean-Jacques Prévost, dont le loyer annuel est porté à 12.300 francs. Jean-Jacques Prévost (1795-1843), ancien courtier de commerce près la Bourse de Paris du 2 juillet 1823 au 24 janvier 1827, bien introduit dans les affaires, reprend, la même année, la Raffinerie dite de la Jamaïque située à Ivry, boulevard extérieur de l’Hôpital, en déshérence depuis le décès de son propriétaire haïtien Jean-Amable de Juré (1773-1826). Le 20 novembre 1830, Prévost abandonne cette raffinerie, ne conservant que celle des Célestins ; la raffinerie d’Ivry sera reprise l’année suivante par Louis Auguste Say (1774-1840) et deviendra, sous la houlette de son fils Constant-André Say et de son cousin Louis Daniel Constant Duméril, la célèbre « Raffinerie Say » du quartier de la gare du 13e arrondissement.

Géraud Auriacombe décédé en son château de Doué le 6 février 1841, la raffinerie est proposée à la vente sur licitation à l’audience des criées de Coulommiers du 9 juillet 1842 sur une mise à prix de 120.000 francs.
Léon Delalain (1812-1872), conseiller à la cour de Paris et son épouse Adélaïde-Euphrasie Chomel en font l’acquisition au prix de 202.659 francs.

Ecole Massillon, hôtel Fieubet - Adjudication 9 juillet 1842 raffinerie et marchands de vins
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La raffinerie est dès lors transformée pour accueillir six locataires dont l’un, Adrien de La Valette, va se porter acquéreur de l’ensemble de l’hôtel, le 21 mars 1857, pour un montant de 200.000 francs.
Le comte
Adrien de La Valette (1813-1886), agent d’affaires, journaliste, inventeur…, se lance alors dans le projet démesuré de rendre à cet ancien hôtel, le faste qu’il avait autrefois. Pour cela il engage l’architecte Jules Gros. Faute d’argent, les entrepreneurs cessent les travaux dès 1863, et l’immeuble est laissé à l’abandon, les nombreuses tentatives de vente ayant échoué. Le triste passage du sieur La Valette vaut à l’hôtel d’être à présent dénommé Hôtel de La Valette, hommage plus qu’immérité !
A la suite d’une énième mise en adjudication, l’immeuble est acquis le 28 août 1875, au prix de 303.320 fr 95 par
Jean-Baptiste-Auguste Gardien, lequel le revend le 3 avril 1877, pour 540.000 francs, aux pères de l’Oratoire pour y aménager leur établissement d’enseignement sous le nom d’Ecole Massillon. Ceux-ci étaient venus s’installer précédemment, depuis 1872, dans l'Hôtel Edouard Colbert de Villacerf du 23 rue de Turenne.
Dès cette acquisition, les religieux de l’Oratoire engagent l’architecte Marchand et l’entreprise de François-Louis Girollet (1846-1891), pour réhabiliter et restaurer les bâtiments qui, dès la rentrée d’octobre 1877, sont ouverts aux élèves.
En 2020, l’Ecole Massillon compte 1380 élèves.


L’Ecole Massillon, aujourd’hui

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Statue de Charlemagne - Place du Parvis-Notre-Dame (IVe arrt.)

En 1853, le sculpteur Louis Rochet (1813-1878) a l’idée de concevoir un monument colossal de Charlemagne accompagné de ses deux preux ou leudes, Roland et Olivier. Aidé de son frère, Charles Rochet (1815-1900), il réalise cette monumentale sculpture en plâtre destinée à être exposée au Champ-de-Mars, à l’entrée française de l’exposition universelle de 1867.
Ne trouvant aucun acquéreur pour cette sculpture, il trouve un mécène en la personne de Victor Thiébaut (1823-1888), fondeur installé au 144 rue du faubourg Saint-Denis, qui s’engage à réaliser en bronze et à ses frais, le modèle en plâtre des sculpteurs. Le coût estimé de ce groupe sculpté de sept mètres soixante de haut d’un poids de quatorze tonnes et demie est
estimé à 150.000 francs. En contrepartie, Thiébaut obtient des sculpteurs, que cette œuvre soit installée à l’Exposition universelle de 1878 et qu’à l’issue de cette manifestation, elle soit conservée pendant trois ans dans son atelier, avant d’être brisée pour être réemployée à d’autres usages.
Le 10 août 1877, il est procédé au moulage du cheval dans l’atelier de Thiébaut ; tous les éléments en bronze, fin prêts, sont transportés et montés au Champ-de-Marc en avril 1878,
dans le pavillon d’angle du grand vestibule de la Seine.
Plutôt que de procéder à la destruction annoncée du groupe sculpté de Charlemagne pour la fin de l’exposition, Thiébaut sollicite le conseil municipal, le 23 décembre 1878, afin de transférer provisoirement, et à sa charge, ce monument dans le futur Square de la cathédrale Notre-Dame, à l’emplacement de l’Hôtel-Dieu qui vient d’être dégagé. Cette proposition est refusée lors de la séance conseil municipal du 25 janvier 1879, mais le 5 février, les sieurs Vauthier, Métivier et Alfred Lamouroux en déposent une nouvelle auprès de la Commission des Beaux-Arts présidée par Albert Liouville, lequel obtient gain de cause le 17 mai 1879 : Charlemagne sera bien translaté sur le Parvis-square de Notre-Dame, après que celui-ci aura été aménagé ; l’architecte Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) dresse les plans du piédestal provisoire en bois qui supportera ce monument.
Le 29 juin 1882, les morceaux de Charlemagne, de son destrier et de ses deux fidèles vassaux arrivent en vrac sur le parvis pour être assemblés et boulonnés ; l’inauguration se déroule le 14 juillet 1882.
De provisoire, l’installation de Charlemagne face à Notre-Dame va devenir définitive. Le 29 décembre 1895, Thiébaut propose à la ville de Paris de céder ce monument pour 35.000 francs, payables en dix annuités de 3.500 francs, proposition qui est acceptée.
Le 17 novembre 1905, le conseil municipal du IVe arrondissement demande que l’on remplace le
piédestal provisoire en charpentes habillées par des planches recouvertes d’une toile goudronnée plutôt mal entretenue, par un socle définitif en pierre.
Cette requête restée sans suite est remise au goût du jour, à la suite d’un incendie, rapidement maitrisé, provoqué le 7 novembre 1906 par des sans-abris ayant trouvé domicile derrière les planches du piédestal. Aussi, dès le 16 novembre 1906, le conseil municipal vote le projet de construction d’un vrai piédestal dont l’architecte Jean-Camille Formigé (1845-1926) dressera les plans. Un devis est établi pour un coût de 21.000 francs, mais le 31 décembre 1906, Pierre Jolibois, conseiller municipal, fait une nouvelle proposition pour un socle en béton armé, au prix de 16.970 francs. Le 10 janvier 1907, nouvelle réunion du conseil qui adopte la proposition de Jolibois, chiffrée à présent à 17.100 francs.
Le groupe sculpté en bronze de Charlemagne sera miraculeusement préservé durant le conflit 1940-1944.
voir ici cette statue, aujourd’hui

508 – Paris IVe - Statue de Charlemagne et Notre-Dame. LL.

(Initialement une Cpa avait été publiée sur Cparama (Tout-Paris 541bis Statue de Charlemagne - Place du Parvis-Notre-Dame), mais celle-ci ayant été subrepticement éradiquée, je publie la suivante à la place.)
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publié par zelig mer. 22 sept. 2021 00:36

— M. Louis Rochet vient de terminer le modèle d’une statue équestre de Charlemagne de proportions colossales, « et d'un caractère de composition tout à fait exceptionnel dans la statuaire. » Ainsi s'exprime avec une touchante modestie, l'artiste lui-même dans une circulaire que nous avons reçue. Il est clair qu'après un jugement porté avec cette conviction, il ne reste plus rien à dire pour nous autres critiques. M. Louis Rochet n'a pourtant pas à craindre qu'on l’accuse de « faire Charlemagne » comme tout le monde.
(le Moniteur des arts, 5 mars 1867)

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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Ba-ta-clan 50-52 boulevard Voltaire (XIe arrt.)

Le 26 juin 1864, le journal le Ménestrel annonce laconiquement qu’un théâtre est en cours de construction au n°50 boulevard du Prince-Eugène (futur boulevard Voltaire à compter du 25 octobre 1870), sorte de chinoiserie fantaisiste qui aura pour enseigne Ba-ta-clan.
Fort heureusement, la Petite Presse, quotidien aux informations très pointues, nous donne le 6 juin 1864 des indications très précieuses qu’aucun média n’a relevées à ce jour : M. Vuillefroy, propriétaire de ce futur Théâtre Chinois, a constitué une société le 12 février 1864, avec M. Constant Joseph dos Santos Malhado pour l’exploitation de celui-ci et a engagé comme directeur-gérant M. Loisel, limonadier du boulevard de Strasbourg.
Charles Amédée de Vuillefroy (1810-1878), qui est sénateur depuis 1863, avait placé ses économies, en 1861, dans les chemins de fer, tout comme Constant dos Santos Malhado (1833-1891), ingénieur civil qui, en 1876, deviendra l’exploitant du Skating-Rink du 130 rue du faubourg Saint-Honoré, avant d’y être failli le 20 août 1878.
Quant au limonadier que Vuillefroy a engagé comme directeur du futur théâtre Ba-ta-clan, il s’agit de
Ferdinand Eugène Loisel, né le 25 mai 1833 à Romilly-sur-Andelle, marié à Boulogne-sur-Mer en 1862 avec Félicité Chauffer. En fait Loisel, photographe, demeure, en 1862-1864, effectivement au 14 boulevard de Strasbourg où son frère Louis Adolphe exploite le Grand Café du XIXe Siècle, et livre des portraits-cartes de Strasbourg ou de Bavière à qui veut bien les acheter.
C'est l’architecte Charles Auguste Duval (1800-1876), constructeur, entre autres, de l’Alcazar d’Eté et de l’Eldorado, qui a dressé les plans de Ba-ta-Clan (1).

Ba-ta-clan, Palais Chinois, est inauguré le vendredi 3 février 1865 pour les seuls invités et ouvert au public le samedi 4. La Revue de l’architecture et des travaux publics nous donne une description sommaire de l’établissement :
Ce café-concert où l’on sert à la fois de la musique passable et de la consommation qui ne l’est pas toujours, se présente comme une salle de forme elliptique ; sa décoration offre peu de relief ; elle se compose presque entièrement de peintures. L’ensemble de la composition est dans le genre chinois avec des dragons verts aux ailes déployées qui soutiennent la coupole. Les couleurs sont brillantes, les murs resplendissent de scènes de mœurs chinoises. Le lustre ordinaire est remplacé par des guirlandes de feu qui, de la coupole, descendent jusqu’à la frise qui surmonte la galerie.
Les peintures murales sont d’Alfred Alboy-Rebouet (1841-1875). Au centre de la Salle, face à l’orchestre, est représentée une réception publique du Fils du Ciel, avec un ambassadeur prosterné devant l’Empereur de Chine trônant. Douze tableaux entourent la salle, à la hauteur des galeries supérieures :
A gauche : Un orchestre de musiciens chinois — Un pavillon de plaisance et une grande dame chinoise aux bains — Une mandarine en visite — Jeux d’enfants — Promeneurs — Un mariage chinois.
A droite : Les dépendances du Palais d’Eté — Une marche de mandarins — Enorme cloche ébranlée par un petit chinois — Une Dame chinoise recevant du monde — Un petit Pavillon sur l’eau — Procession religieuse sortant d’une pagode.

TOUT PARIS – 379 - Bataclan, Théâtre-Concert, Boulevard Voltaire (XIe arrt.)
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publié par zelig mer. 15 juin 2022 21:34

Le journal Le Mousse, journal programme des théâtres du 5 mars 1865, rédigé par H. Lesueur n’est pas tendre avec Ba-ta-clan naissant :
Un établissement, du même genre que l’Eldorado et l’Alcazar, très en vogue en ce moment, est décoré à la Chinoise et a pris pour cela le nom de Ba-ta-Clan.
C'est là que, moyennant du café médiocre, de la bière largement étendue d'eau et des alcools agréablement colorés, qui se paient très cher, vous avez le plaisir d'entendre écorcher de la belle musique, pousser avec violence de fausses notes et représenter piteusement des scènes grotesques. La défense rigoureuse de porter des costumes de fantaisie oblige les chanteurs à endosser l'habit de soirée et les gants jaunes ; les dames bénéficient du défaut de tenue officielle pour leur sexe, et se livrent à un carnaval perpétuel de bal excentrique. Que gagne l'art à cela ? Mais on y trouve quantité de garçons en tablier blanc, d'huissiers à chaîne, de sergents de ville, de dorures, de becs de gaz surtout ; le cigare est en honneur et la pipe triomphe.
Aussi la foule y court et déserte les autres cafés.

Le 26 décembre 1865, la société exploitant Ba-ta-clan change de gérant : Constant dos Santos Malhado remplace Ferdinand Eugène Loisel. Une semaine après, le 3 janvier 1866, le Grand café chinois théâtre Ba-ta-clan ferme ses portes, déclaré en faillite, le sieur Baudelot étant nommé juge commissaire, et Devin, syndic.
Une mise en adjudication est organisée pour le 9 février 1866, sur une mise à prix de 30.000 francs, donnant le droit à la jouissance de l’établissement pouvant se prolonger jusqu’au 1er avril 1894, de tout le matériel et du droit au bail. L’affaire est adjugée pour 90.000 francs à
André Martin Pâris (1809-1890), lequel tenait préalablement le Café-Concert du Géant du 47 boulevard du Temple qui a été entièrement calciné lors d’un incendie le 29 avril 1863.
André Pâris procède à la réouverture de Ba-ta-clan (1) le mercredi 7 avril 1866 ; pour donner plus de réalisme à son Pavillon chinois qui peut accueillir deux mille spectateurs et ouvre tous les soirs à huit heures, Pâris engage un géant asiatique
qui promène partout ses sept pieds de haut (131 kg, 2 m 15).
Dorénavant, les vaudevilles, concerts, comédies-bouffes, folies-vaudeville, revues, opérettes, attractions diverses vont se succéder à un rythme effréné au 50 boulevard Voltaire.


Café-bar Ba-ta-clan
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Les communards de 1871 sont accusés d’avoir salement éreinté le café-concert de Ba-ta-clan : le quartier du Prince-Eugène/Voltaire n’est plus qu’un amas de décombres, les Délassements comiques, Bataclan et une centaine de maisons sont complètement incendiées nous dit le Petit Journal du 30 mai 1871 ; la Patrie du 1er juin confirme que le Palais Chinois a reçu une dizaine d’obus ; la France du 17 juin signale uniquement que la devanture ornée de chinoiseries de Ba-ta-clan a été très éprouvée dans ses toits à clochettes et dans ses statues fantastiques. Mais la Cloche du 20 juin 1871 remet les pendules à l’heure : Hier, l’établissement de Ba-ta-clan était rouvert, et la foule qui s’y pressait cherchait en vain des traces du combat dont il a été le point principal. Rien n’a souffert à l’intérieur de la salle ; aucun obus n’a gâté son originalité en emportant quelque peinture ou en brisant quelque colonne. Le 1er juillet, la salle de théâtre de Ba-ta-clan est aménagée en bureau de vote pour les élections parisiennes du quartier Saint-Ambroise.

Le 17 août 1883, après 17 ans d’exploitation, André Martin Pâris cède le bail de Ba-ta-clan à son chef d’orchestre
Jules-Isidore Javelot (1825-1889), sous condition de continuer à demeurer dans l’appartement de huit pièces, situé dans l’établissement (effectivement Pâris y décédera 19 avril 1890). Javelot, compositeur, a dirigé auparavant de nombreux orchestres : les Ambassadeurs, l’Alcazar d'hiver, l’Alcazar d'été, le Concert de l'Horloge, la Pépinière, la Scala, etc. Il ne demeurera cependant pas aussi longtemps que son prédécesseur à la tête du café-concert de Ba-ta-clan, déclaré en faillite le 28 septembre 1887.
L’affaire est fermée et, le 3 novembre 1888, le liquidateur la propose en adjudication au prix de 400.000 francs, mais ne trouve pas preneur.

Affiches diverses Revues Ba-ta-clan
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02 Affiche Ba-ta-clan Revues.jpg (194.44 Kio) Vu 2339 fois

C’est finalement M. Bertrand, un nouveau dans le monde des théâtres, qui reprend l’établissement et annonce sa réouverture pour le 20 avril 1889. Bertrand, dont nous n’avons pu percer l’identité exacte est un homonyme d’Eugène Bertrand qui, en 1889 était directeur du Théâtre des Variétés et qui sera concessionnaire du théâtre de l’Opéra en 1891.
L’ouverture est cependant retardée de semaines en semaines, en raison de travaux de réaménagement : le café-concert ouvre ses portes le mardi 7 mai 1889,
réparé de fond en comble, dorénavant éclairé par l’électricité.

En juillet 1891,
Mlle Marie-Rose Horny, née en Lorraine en 1854, héritière d’André Martin Pâris, acquiert le bail du café-concert auprès de Bertrand qui sera nommé, en octobre 1891, directeur du Tivoli Vauxhall de la rue de la Douane, la future rue Léon-Jouhaux près du canal Saint-Martin.
Attaquée de toutes parts au tribunal par des acteurs, régisseurs, notamment par le sieur Denerty en août 1891 et par Albertini, Broca, Colomb et Duchatel en juillet 1892, la dame Horny abandonne la partie et ferme son établissement le 31 juillet 1892. Sa faillite sera prononcée le 25 août 1893 par le Tribunal civil de la Seine, avec effet du 14 août 1893. Marie-Rose Horny sera condamnée à Nancy en mai 1899 pour vol et abus de confiance. (2)

En septembre 1892,
Jean-Paulin Habans dit Paulus (1845-1908), célèbre chanteur-comédien qui a écumé de nombreux cafés-concerts, reprend le Pavillon Chinois abandonné et crée à cet effet la société P. Habans et Cie au capital de 20.000 francs.
En plus de l’interprétation quotidienne de son propre répertoire, Paulus met en place des revues annuelles, à l’instar des autres salles de concerts parisiennes.
Cinq ans après, le 4 juillet 1897, Paulus dissout sa société, se retire de Ba-ta-clan et passe la main à Dorfeuil le lendemain.

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03 Affiche Ba-ta-clan Revues.jpg (147.17 Kio) Vu 2339 fois

Georges Corrard dit Dorfeuil (1848-1904) qui est dans le même temps, directeur du Concert-Parisien et de la Gaîté Montparnasse, ne va pas faire long feu à Ba-ta-clan. Dès le 1er novembre 1898, il abandonne son exploitation à G. Jacquet, lequel prend comme associé et directeur artistique Henry Moreau (1864-1936), auteur dramatique. Moreau tentera de s’accaparer la moitié du fonds de commerce de Jacquet, sans y parvenir, la Cour d’appel de Paris l’ayant débouté de sa demande le 9 mai 1900. On apprend, lors de ce procès, que Jacquet paie un loyer de 14.000 francs par semestre au propriétaire des murs de Ba-ta-clan.
A l’ouverture de la saison du 6 septembre 1901, Jacquet engage Louis Dourel dit Roydel comme nouveau directeur artistique. Roydel sera, par la suite, auteur de nombreux vaudevilles et comédies.

Le 26 juin 1902, on annonce qu’
Alice Archainbaud (1867-1920), actrice du Théâtre de la Renaissance, du Châtelet, de l’Odéon, du Vaudeville des Capucines, va s’associer avec Emile-Pierre-Joseph Chautard (1864-1934), ancien directeur du Gymnase, pour prendre le bail de Ba-ta-clan.
Tous deux créent effectivement, le 3 juillet 1902, la société en commandite Archainbaud et Cie pour exploiter le concert et se marient en même date, dans le 9e arrondissement. Alice Archainbaud est en fait née à Bordeaux sous le nom de Victorine-Catherine Louise et veuve depuis 1893 du peintre Georges-Paul Archainbaud.

Trois ans après, le 19 septembre 1905, le couple Archainbaud-Chautard cède le théâtre-concert Ba-ta-clan à
Gaston Habrekorn (1866-1917), poète et chansonnier qui a dirigé le Divan Japonais du 75 rue des Martyrs d’août 1895 à juillet 1900 et qui s’est marié le 1er juillet 1902 avec Henriette Hirsch.
Vaudevilles, concerts et revues se poursuivent avec succès, tant et si bien que le 29 août 1908, Habrekorn fait l’acquisition de l’immeuble et du terrain de Ba-ta-clan dont il ne possédait jusqu’alors que le fonds de commerce : cette cession a lieu chez maître Baudrier, notaire, au prix de 700.000 francs.


Ba-ta-clan - Représentation Chanteclair 1908
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04 Ba-ta-clan - Représentation Chanteclair 1908.jpg (137.62 Kio) Vu 2339 fois

A présent propriétaire de Ba-ta-clan, murs et fonds, Habrekorn décide d’affermer le théâtre-concert : le 18 juin 1910, maître Emile Alexandre Baudrier établit un bail entre Habrekorn et Bénédicte Rasimi, née Bouteille (1870-1954), modiste originaire de Chazelles-sur-Lyon, divorcée d’Edouard Rasimi, agent lyrique, qui deviendra directeur du Casino de Lyon.
Ce bail, à effet du 1er juillet 1910, d’une durée de 10, 15 ou 20 années, comprend l’établissement à usage de théâtre-concert, le matériel, le mobilier et les costumes, l’appartement de huit pièces à l’usage de la direction, attenant au théâtre, moyennant un loyer annuel de 80.000 francs pendant les dix premières années et de 68.400 francs pour les années suivantes.
Entre les mains de la dame Rasimi, Ba-ta-clan devient prospère, comme l’attestent les bénéfices bruts qu’elle déclare de 1910 à 1913 : 593.896 francs en 1910 ; 788.439 francs en 1911 ; 729.070 francs en 1912 ; 848.399 francs en 1913.

Lors de la déclaration de la guerre, ce n’est pas la même limonade ! Bénédicte Rasimi est contrainte par l’administration de fermer son établissement à compter du 2 août 1914 et de
débarrasser la salle et la scène du matériel entreposés. Elle obtiendra sa réouverture le 18 décembre 1914.
S’ensuit un procès devant le tribunal de la Seine entre le sieur Habrekorn et la dame Rasimi, concernant les loyers courus durant la fermeture préfectorale. Le 1er mai 1915, le tribunal décide d’accorder l’exonération totale de loyers depuis le 2 août jusqu’au 18 décembre 1914, à l’exception de l’appartement personnel et d’un garage automobile dont Mme Rasimi a gardé l’usage, estimés à 500 francs par mois, soit 2.250 francs pour la période considérée ; du 18 décembre 1914 jusqu’au 1er mai 1915, le loyer est réduit d’un tiers.
Au décès d’Habrekorn survenu le 9 décembre 1917, l’immeuble revient à ses deux fils, Bénédicte Rasimi continuant à être titulaire du fonds de commerce.

Bénédicte Rasimi - Intérieur de Ba-ta-clan
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Comme on peut le constater par leurs titres accrocheurs ou suggestifs, les Revues de Ba-ta-clan sont passées du style humoristique et polisson au mode grivois voire licencieux, expliquant aisément l’envolée des recettes de la dame Rasimi.

Titre des revues de 1891 à 1921 :
1891-1892 Les Manœuvres de l’année
1892-1893 Paulussonneries
1893-1894 A la Russe
1894-1895 Sucrez-vous
1895-1896 Hardi les Bleus !
1896-1897 Les Protocoleries de l’année
1897-1898 Après la vie de bohème
1898-1899 Ca vaut l’voyage !
1899-1900 Y’a pas d’erreur !
1900 La Revue roulante
1900-1901 On liquide !
1901-1902 Les Avariétés de l’année
1902-1903 Elle est rien bath !
1903-1904 Adieu Cocottes !
1904-1905 Tout l’Ba-ta-clan
1905-1906 Tout le monde en parle
1906-1907 En attendant la Revue
1907-1908 Faut voir ça !
1908-1909 As-tu vu mon nu ?
1909-1910 A nu les femmes !
1910-1911 Et ça !
1911 Encore… dis !
1911-1912 J’adore ça !
1912-1913 Revue de Ba-ta-clan
1913-1914 Cachez ça !
1914 La Merveilleuse Revue
1914-1915 Encore une !
1915-1916 Enlevez ça !
1916-1917 Ca gaze !
1917-1918 C’est ça !
1918-1919 A toutes jambes
1919-1920 Ca fiume !
1920-1921 Oh ! Oh !
1921-1922 De toutes les couleurs
1922-1923 J’te veux… !
1923-1924 La Danse des libellules

Affiches diverses Revues Ba-ta-clan
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A partir de 1920, Bénédicte Rasimi organise des tournées avec sa troupe de Ba-ta-clan et ses choristes, notamment en Argentine, au Mexique, en Uruguay, au Brésil, aux Etats-Unis. Durant ces tournées, elle engage M. Charbonnel en tant que directeur artistique de Ba-ta-clan, en 1924 et 1925. Sa dernière tournée latino-américaine de 1926 est un échec et Mme Rasimi, après avoir lancé une dernière revue intitulée Revenez-y et la reprise de la Danse des libellules, décide de céder son music-hall du boulevard Voltaire à une compagnie cinématographique.
Le 24 mars 1926, Ba-ta-clan ferme ses portes, annonçant qu’il rouvrira le samedi 3 avril prochain, transformé en
Cinéma. L’ouverture a effectivement lieu à la date prévue avec la diffusion de trois films : Monte là-dessus de Fred C. Newmeyer et Sam Taylor, avec Harold Lloyd ; Le Maître du logis, chef d’œuvre de l’art danois et Les Anserouls, un orchestre de premier ordre sous la baguette du maestro Rohozinski.
Suivi, la semaine suivante par : Le Prix de Beauté avec Viola Dana, Paris en 5 jours avec Dolly Davis et Rimsky et Picratt s’amuse avec Earl Moore…

Bénédicte Rasimi est déclarée en faillite le 4 mai 1926 avec pour juge commissaire Guilmoto et pour syndic Lemaire. Lors de l’homologation de son concordat, le 28 mai 1927, la dame Rasimi née Bouteille s’engagera à payer 50% des créances sur dix ans…
Le 11 juin 1927,
Henri Varna (1887-1969), ancien comédien et auteur de revues, et Oscar Dufrenne (1875-1933) rachètent le bail de Ba-ta-clan et décident de reprendre l’activité de théâtre et de music-hall à compter du mois d’octobre. La réouverture a lieu le 30 septembre 1927 avec La revue du Concert Mayol et la chanteuse Maryse Damia.
L’établissement est à nouveau transformé en salle de cinéma le 2 juin 1932, Varna et Dufrenne se consacrant dorénavant à la direction du Casino de Paris. (3)
Une partie de Ba-ta-clan est incendiée dans la nuit du samedi 22 avril 1933, notamment au niveau des deuxième et troisième balcons qui ont été complètement détruits. Après travaux de restauration, le cinéma rouvre ses portes le 8 juillet 1933 pour fermer définitivement en 1969.

Dès cette année 1969, Ba-ta-clan devient l’antre du Rock, accueillant tous les groupes et chanteurs légendaires que sont Captain Beefheart, Procol Harum, Roxy Music, Lou Reed, Robin Trower, Larry Coryell, Amon Duul, Genesis, Supertramp, The Cure, etc…
Racheté en 1976 par
Elie Touitou dit El Kahlaoui Tounsi (1932-2000), l’établissement continue dans la même veine avec Iron Maiden, Motörhead, UFO, Marilyn Manson, Courtney Love, Metallica, etc… Joël Laloux et son frère Pascal, devenus propriétaires de Ba-ta-clan après le décès de leur père Elie Touitou, en poursuivent l’exploitation jusqu’au 11 septembre 2015, date à laquelle ils cèdent 70% de la salle de concert au groupe Lagardère, conservant cependant la direction de celle-ci.
Deux mois après, le 13 novembre 2015, quatre-vingt-dix spectateurs de Ba-ta-clan tombent sous les balles des musulmans islamistes…

Après cette hécatombe sanglante, la salle rouvre ses portes le 12 novembre 2016 pour de nouveaux concerts. En juillet 2021, la Société anonyme d'exploitation du Palais omnisports de Paris-Bercy, propriété de la Ville de Paris, rachète Ba-ta-clan au groupe Lagardère pour un million quatre cent mille euros.


Ba-ta-clan, 50-52 boulevard Voltaire
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07 Ba-ta-clan, 50-52 boulevard Voltaire.jpg (147.36 Kio) Vu 2339 fois

(1) Il faut préciser une fois pour toutes que selon la tradition de cet établissement on ne vas pas au Ba-ta-clan mais à Ba-ta-clan ; de même, on ne parle pas du Ba-ta-clan mais de Ba-ta-clan. Ba-ta-clan ne doit pas être précédé d’un quelconque article tel que « le ».

(2) Le Nouvelliste de l’Est 21 mai 1899 :
Tribunal correctionnel de Nancy : Vol et abus de confiance, — Marie-Rose Horny, 45 ans, était autrefois propriétaire du « Bataclan », le fameux café parisien. Après avoir vendu cet établissement et dissipé l’argent, elle est venue échouer à Nancy où elle était en dernier lieu domestique à l’Hôtel du Grand Cerf. Là elle a dérobé des reconnaissances du Mont-de-Piété, une montre en or, et s’est rendue coupable de plusieurs abus de confiance, après quoi elle a pris la fuite. — Quatre mois de prison par défaut.

(3) Oscar Dufrenne est mort assassiné le 25 septembre 1933 dans son bureau du Palace du 8 rue du Faubourg Montmartre.

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JeanMarc
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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Fontaine Gaillon, 2 rue de Port-Mahon et 1 rue de La Michodière (IIe arrt.)

C’est en présence du prévôt des marchands Charles Boucher seigneur d’Orsay, de l’échevin Antoine Melin et des principaux officiers du bureau de la ville de Paris, que le 20 mai 1707, Michel de Chamillart (1652-1721), ministre et secrétaire d’état, contrôleur général des finances, procède à la pose de la première pierre du corps et du regard de la Fontaine publique dite Louis-le-Grand, sur la place de la rue Neuve-Saint-Augustin en vis-à-vis de la rue Neuve Saint-Roch (qui deviendra rue Gaillon à cet emplacement).
Cette première fontaine sera adossée à l’
Hôtel dit de Travers que le financier, La-Cour-des-Chiens, acoquiné avec Chamillart, vient de faire édifier sur les plans de l’architecte Pierre Levé (1657-1712), contrôleur des bâtiments du roi. Cet hôtel, achevé en 1707, est lui-même accolé sur sa droite à l’Hôtel dit de Lorge, construit de 1687 à 1689, le long de la rue Neuve Saint-Augustin, sur les plans de l’architecte Jules Hardouin-Mansart (1646-1708).

Le choix de l’emplacement de cette fontaine n’était, en fait, pas vraiment judicieux et approprié puisqu’elle était placée entre deux égouts, l’un provenant de la rue Neuve Saint-Augustin et l’autre de la rue Gaillon.
Construite des deniers du Roi Louis XIV, sur les plans de l’architecte Jean Beausire (1651-1743) et sous le contrôle du sieur Générot inspecteur des bâtiments et garde ayant charge des Eaux des Fontaines de la ville, cette fontaine et son regard alimenté par la pompe de Notre-Dame puis plus tard de celle de Chaillot, sont inaugurés en 1712. La
Fontaine Louis-le-Grand présente une façade ayant un petit avant-corps formé de deux colonnes d'ordre dorique, engagées dans le mur, soutenant un fronton et entre lesquelles on a pratiqué une niche. Cette première partie est surmontée d'une autre, décorée de deux pilastres et offrant une table au milieu ; le tout enfin se termine par un petit attique et par une espèce de lanterne écrasée. La table en marbre comporte l’inscription Rex loquitur, cadit e saxo fons, omen amemus : instar aquae, ô cives ! omnia spont fluent. (littéralement : Le Roi parle, d’un rocher sort une fontaine, aimons ce présage : tous biens, chers citoyens, couleront d’eux-mêmes, à la manière de cette eau ; et plus poétiquement : A la voix du Prince, une fontaine s’échappe de cette pierre ; présage heureux ! comme cette eau, tous les biens, désormais, ô citoyens ! vont d’eux-mêmes couler pour vous).

Plan Jean Delagrive 1728
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01 Plan Jean Delagrive 1728.jpg (265.47 Kio) Vu 2316 fois

L’Hôtel de Lorge a été édifié sur l’emplacement d’anciennes maisons appartenant au fermier général Nicolas de Frémont (1622-1696), acquises d’Antoine Le Paultre. Ayant, en 1676, marié sa fille Geneviève de Frémont, au comte de Lorge, le maréchal Guy-Aldonce de Durfort-Duras (1630-1702), c’est celui-ci qui avait engagé Mansart pour cette construction.
Après le décès du maréchal, son fils Guy-Nicolas de Durfort épouse, en décembre 1702, Elisabeth-Geneviève de Chamillart, la fille du contrôleur général des finances. L’Hôtel de Lorge est racheté le 3 mai 1713 par la fille de Louis XIV et de Mme de La Vallière, Marie-Anne de Bourbon (1666-1739), princesse de Conti d’où le nom d’
Hôtel Conti désormais attribué à cette demeure. Héritier de la princesse de Conti, Louis César de La Baume, duc de La Vallière (1708-1780) cède l’hôtel en mars 1767 à Christian IV, duc de Deux-Ponts (1722-1775).
En 1778, la veuve de Christian IV, Marianne Camasse, comtesse de Forbach (1734-1807), est contrainte de céder l’
Hôtel des Deux-Ponts, ses cours et jardins, afin de percer la rue de La Michodière, permettant de relier la rue Neuve Saint-Augustin, en face de la rue Gaillon, au rempart de la ville près la chaussée d’Antin.
C’est par lettres patentes du 8 avril 1778 enregistrées au Parlement le 17 juin que la décision est prise, l’ouverture de cette nouvelle voie étant effective dès le mois d’août 1778.

Plan Hôtel de Lorge en 1714
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02 Plan Hôtel de Lorge en 1714.jpg (156.41 Kio) Vu 2316 fois

L’Hôtel de Travers résistera plus longtemps que l’Hôtel de Lorge aux chamboulements urbanistiques. Désigné ainsi, en raison de sa position en biais au débouché de la rue Neuve-Saint-Augustin, il est occupé quelques temps par Chamillart, avant sa disgrâce de 1709, puis appréhendé par le Roi, lors du décès de La-Cour-des-Chiens, son propriétaire, afin de payer les dettes laissées par celui-ci.
En 1712, alors que la fontaine Louis-le-Grand vient d’être mise en eau, Louis XIV cède l’Hôtel de Travers au fils de Madame Athénaïs de Montespan, le duc d’Antin, Louis-Antoine de Pardaillan de Gondrin (1665-1736), directeur général des Bâtiments. De ce fait, cette résidence devient
l’Hôtel d’Antin, puis l’Hôtel de Richelieu en 1856, à la suite de son acquisition par Louis-François-Armand de Vignerot du Plessis, duc de Richelieu (1696-1788), auprès du petit-fils du duc d’Antin ; Vignerot du Plessis y fait réaliser de nombreux embellissements et ornementations, tant sur cette demeure que sur son jardin dont l’extrémité donne sur les remparts, sous la direction de l’architecte Jean-Michel Chevotet (1698-1772).
Marié le 13 février 1780 avec Jeanne de Lavaulx (1734-1815), dans la chapelle de son hôtel de la rue Neuve Saint-Augustin, le duc de Richelieu y décède le 8 août 1788.
Tout d’abord confisqué, le ci-devant Hôtel de Richelieu est occupé quelques temps par un certain Schérer, homme de loi-avocat, puis par le Club des Feuillants qui y tient plusieurs réunions de décembre 1791 à février 1792. Mis aux enchères publiques par la veuve du duc, Jeanne de Lavaulx, l’Hôtel et ses jardins sont adjugés en deux temps les 29 octobre 1791 et 2 avril 1792 pour 1.502.000 livres à
Jean Chéradame et à son épouse Marie Marguerite Bourgeois.
Jean Chéradame (vers 1740 - †1807), qui réalisera quelques juteuses affaires sur les biens saisis aux émigrés, est, dès avant 1761, nourrisseur de bestiaux demeurant rue Saint Lazare, avant de devenir dans les années 1780, un important entrepreneur parisien, notamment chargé de l’enlèvement des boues et de l’entretien du Pavé de Paris, ayant son bureau rue de Popincourt. On voit ainsi la municipalité lui allouer par délibérations du 20 mars 1793 :
— 19.050 livres pour l’entretien des boulevards du nord et du midi relatif aux six derniers mois de 1791 ;
— 20.000 livres à titre d’acompte pour les ouvrages de pavage de l’année 1792 ;
— 2.000 livres pour solde de l’entreprise de nettoiement des égouts finie au 1er avril 1792 ;
— 24 livres pour indemnité d’une paire de bottes employée pour faciliter l’écoulement des égouts de l’Hôtel Richelieu.

Par suite d’un arrêté du 7 Vendémiaire de l’an III (28 septembre 1794), Jean Chéradame est autorisé à ouvrir sur le terrain de l’Hôtel de Richelieu et à ses frais, une nouvelle voie partant de la Fontaine dite de Richelieu (fontaine Louis-le-Grand), joignant la future rue de Hanôvre. Ouverte l’année suivante, la
rue Neuve de la Fontaine, d’une largeur de 30 pieds, est dotée de trottoirs de cinq pieds de large, dont Chéradame s’engage à assurer l’entretien ; elle deviendra la rue de Port Mahon en 1806.

Plan de l’Hôtel de Richelieu par l’architecte Chevotet (5 août 1756) — Plan 1785 avec ouverture de la rue de La Michodière
03 Plan 5 août 1756 Hôtel de Richelieu - Plan 1785 ouverture rue de La Michodière.jpg
03 Plan 5 août 1756 Hôtel de Richelieu - Plan 1785 ouverture rue de La Michodière.jpg (171.49 Kio) Vu 2316 fois

Chéradame va tenter de céder le ci-devant Hôtel de Richelieu et commencer à morceler les jardins, façon lotissement : ainsi voit-on Chéradame mettre en vente, le 19 juin 1795, une Maison inachevée de 4 étages, commencée sur un terrain de 99 toises, dépendant du terrain de l’Hôtel, dont la façade de 35 pieds fait face à la rue de La Michodière ; le rez-de-chaussée est disposé pour accueillir des boutiques.
Le 11 avril 1796, Chéradame propose à la vente l’Hôtel Richelieu, composé du corps de bâtiment qui fait face à la cour et d’un jardin le tout d’une contenance d’environ 800 toises carrées ; les deux ailes n’en dépendent pas, appartenant à d’autres propriétaires. Effectivement, ces ailes, appelées le
Petit Hôtel Fronsac, toutes deux adossées à la Fontaine d’Antin et à l’Hôtel Richelieu, le long de la rue Michodière, appartiennent pour un tiers à la nation et pour les deux tiers indivis à une maison patrimoniale de la rue de la Michodière. Ces bâtiments, composés de boutiques, d’un entresol, d’un premier étage, de combles et d’une terrasse, sont loués pour neuf années, depuis le 1er nivôse de l’an III (21 décembre 1794), au citoyen Bonnin, serrurier de son état, moyennant un loyer annuel de 4.500 livres. Le 11 vendémiaire de l’an IV (3 octobre 1795), le petit Hôtel Fronsac était proposé à l’audience des criées de Paris sur une enchère de 350.000 livres.

Faute d’acquéreur, Chéradame se résout à louer le 1er étage de l’hôtel Richelieu au citoyen Jousselin et Cie qui, le 15 septembre 1796, prévient, dans le
Journal de Paris, qu’il a ouvert un restaurant et café au grand Hôtel Richelieu, rue Neuve des Augustins, vis-à-vis de celle d’Antin ; la beauté du local et les soins que ledit Jousselin portera à cet établissement, ne laisseront rien à désirer ; tous les soirs, les salons et le jardin seront illuminés. Préalablement, le 11 novembre 1795, un bal de société y avait été donné où les citoyens avaient été invités à ne s’y pas présenter en bottes.
Le 9 brumaire de l’an V (30 octobre 1796), Jousselin annonce que
par extraordinaire, un Bal y sera donné dans les grands appartements du 1er étage ; en attendant que l’on s’assemble, on exécutera plusieurs morceaux de symphonie et des airs variés, par les piano et harpes ; la tenue du bal, quoique public, y sera, on ne peut pas plus observée ; on ne recevra pas les personnes qui ne seront point décemment mises. Le prix du billet par personne est de trois livres. On commencera à 6 heures jusqu’à 11 heures.
Le 11 décembre 1896 on annonce encore que le restaurant est ouvert tous les jours, que le bal a lieu le dimanche et qu’un beau billard a été installé. L’absence de réclames après cette date laisse à penser que la dernière annonce du 19 novembre 1796 a porté ses fruits : « maison patrimoniale ci-devant hôtel de Richelieu, ornée de glaces et boiseries dorées, avec plusieurs cours, jardin et corps-de-logis, donnant sur trois rues, l’entrée principale en face de celle d’Antin, à vendre 150 livres la toise. Des terrains nus de cette maison ont été vendus 1.000 livres la toise en 1790. »

Le journal La Quotidienne du 29 juillet 1797 déplore que l’Hôtel de Richelieu ne danse plus et rapporte que les actionnaires regrettent le terrein qu’ils ont perdu et surtout le Pavillon. Les bals et autres folies y doivent être interdits par les nouveaux maîtres de révolution puisqu’ayant tenté, depuis environ trois mois, de donner des bals masqués par décade dans le ci-devant Hôtel de Richelieu, la forcé armée, ayant à sa tête le commissaire de police de la section Lepelletier, se rend sur place le 21 avril 1798 et procède à l’arrestation de plusieurs personnes qui sont illico conduites au bureau central.
L’Hôtel de Richelieu, ou tout au moins le bâtiment principal, continue à être proposé à la vente, le Terrain étant de son côté loti en deux lots séparés, notamment le 8 juillet 1800, le 5 juin 1803, le 12 juillet 1803, 4 juin 1804, 1er septembre 1804… Devenu en 1825 la propriété de la Caisse hypothécaire dirigée par le chevalier Deleuze puis par le sieur Prieur, l’Hôtel du 30 rue Neuve-Saint-Augustin est finalement démoli en avril et mai 1839 pour laisser place à divers logements locatifs à meilleur rendement…

Adjudications diverses de l’Hôtel Richelieu et des maisons angle des rue Port-mahon et Michodière
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04 Adjudications divers hotel Richelieu et maisons Port-mahon Michodière.jpg (249.82 Kio) Vu 2316 fois

En juillet 1806 on sait que vingt-neuf fontaines sont alimentées par la Pompe Notre-Dame, dix (dont la Fontaine d’Antin) le sont par la pompe à vapeur de Chaillot, les autres par la pompe de Gros-Caillou.
Grace à une adjudication qui doit avoir lieu le 6 octobre 1821, nous avons une description précise des immeubles qui jouxtent, à présent, la Fontaine d’Antin, aux n°2 rue du Port-Mahon et n°1 et 3 rue de La Michodière : cette propriété de 400 m², couverte en tuile, se compose d’un rez-de-chaussée comportant dix boutiques, d’un entresol, d’un premier étage et de combles occupés par des chambres ; sa mise à prix est fixée à 90.000 francs pour un rapport annuel de 10.100 francs.
Cependant, le quartier Gaillon continuant à être réaménagé et construit, il est question en septembre 1825, de
placer plus convenablement la fontaine qui, si elle était transportée au centre, embellirait la place (Gaillon), et serait aperçue des quatre rues (Port-Mahon, La Michodière, Neuve-Saint-Augustin et Gaillon), toutes déjà bien alignées.

Finalement, en mars 1827, une solution plus radicale est adoptée : les petites constructions qui formaient les angles des rues de Port-Mahon et de la Michodière (donc les bâtiments qui ont été adjugés le 6 octobre 1821) vont être remplacés par d’autres plus élevées et sur le plan des nouveaux bâtiments qui les précèdent. La fontaine qu’on voit sur ce débouché sera reconstruite sur un plan régulier.
L’architecte Louis Visconti (1791-1853) est chargé de la reconstruction de la Fontaine d’Antin dont les travaux avancent au pas de charge puisque le journal La Quotidienne du 4 octobre 1827 annonce qu’elle est déjà en place au centre du pan coupé du nouveau bâtiment de deux étages en pierre de taille qui vient d’être construit. Ce pan coupé est constitué de trois arcades de grandes dimensions : les arcades latérales sont à usage de magasins ; l’arcade centrale, qu’occupe la désormais Fontaine Gaillon, est ornée de deux colonnes corinthiennes en saillie avec corniche et entablement ; les croisées sont décorées de chambranles et frontons.
La fontaine ne sera cependant ouverte au public qu’en mars 1828. Georges Jacquot (1794-1874) a réalisé la sculpture d’enfant du centre de la niche, tandis François-Jacques Derré (1797-1888) et Joseph-Marcellin Combette (1770-1840) ont exécuté les ornements et sculptures décoratives.

TOUT PARIS - 647 - Place Gaillon (IIe arrt.)
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publié par zelig jeu. 22 juil. 2021 16:55 ► ICI

Plan Roussel 1807 - Plan 1900
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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Les Serres de la Ville de Paris, Cours la Reine (VIIIe arrt.)

A la suite du concours organisé pour les plans de la future exposition universelle 1900, le jury attribue, le 29 décembre 1894, des prix, allant de 1.000 à 6.000 francs, récompensant les meilleurs projets d’une vingtaine d’architectes. Charles-Albert Gautier (1846-1915) empoche 4.000 francs pour le sien. Si le projet de Gautier est primé, il n’est cependant pas retenu : il prévoyait notamment de remplacer la Tour Eiffel, qui était en principe édifiée pour une durée de vingt ans, par une immense Pagode dite le Palais du Siècle ! ►voir ici.
Gautier n’en obtient pas moins la mission d’édifier le Palais de l’Horticulture, tâche qui lui est confiée le 15 décembre 1896 par le ministre du Commerce, Henry Boucher.
Ce palais va prendre place sur le Cours la Reine, le long la Seine, entre le pont des Invalides et de l’Alma, en face du quai d’Orsay sur la rive opposée. Il est constitué de deux Serres, construites de « manière durable » (la plupart des palais de l’exposition, hormis le Grand et le Petit Palais, sont bâtis de manière précaire, en stuc), prenant appui sur les berges de la Seine et construites parallèlement à celle-ci. Ces deux serres gigantesques font chacune 83 mètres de long sur 28 mètres de large et 18 mètres de haut.
Les plans de Gautier ayant été approuvés par le ministre du commerce Emile Maruéjouls en août 1898, la mise en adjudication des travaux peut commencer. Celle-ci se déroule en plusieurs phases :

— Le 30 janvier 1899, adjudication en 4 lots au rabais : 1er lot, ciment armé, 297.000 francs — 2e lot, terrassement et maçonnerie, 53.000 francs — 3e lot (1ère serre), ferronnerie, 193.000 francs — 4e lot (2e serre), ferronnerie, 193.000 francs.
— Le 5 juillet 1899, nouvelle adjudication, cette fois-ci pour la vitrerie et la mise en peinture de la structure en fer des serres, sur une mise à prix de 94.500 francs.
— Le 26 juillet 1899 adjudication pour la préparation et l'aménagement du sol de l'Exposition d'horticulture, 77.900 francs.
— Le 19 août 1899, adjudication de treillages décoratifs pour le palais de l’horticulture, 85.000 francs.
— Le 31 août 1899, adjudication d’une charpente en bois pour une des serres, 74.600 francs.
— 19 septembre 1899, adjudication de travaux de couverture et plomberie, 19.000 francs.
Les travaux commencent au début du mois d’août 1899. Le coût total de ces constructions s’élève, après les rabais d’usage, à 993.571 francs.
L’inauguration de la première exposition d’horticulture dans une des deux serres du palais se déroule le vendredi 20 avril 1900, en présence du ministre du commerce Millerand et du ministre de l’agriculture, Dupuy.

TOUT PARIS - 365 - Les Serres de la Ville de Paris au Pont de l'Alma (VIIIe et VIIe arrt.)
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publié par zelig mar. 29 juin 2021 11:17 ► ICI

A l’issue de l’Exposition 1900, le Conseil municipal, d’accord avec le préfet de la Seine, décide, le 10 novembre 1900, de racheter les Serres de l’Horticulture auprès de l’administration de l’Exposition, au prix de 600.000 francs, celles-ci constituant un lieu de repos, un centre fleuri, en même temps qu'un emplacement convenable pour les expositions ordinaires de l'horticulture. Une somme de 108.000 francs sera toutefois restituée à la ville de Paris, par les services de l’Exposition, au titre des dépenses lui incombant pour la remise en état desdites serres.
Dès 1901, la ville de Paris met à disposition ces serres, pour des expositions temporaires d’horticulture, mais également à l’usage de bien d’autres manifestations, comme celle de juin à octobre 1902, organisée par la Fédération féministe pour l’Exposition internationale des arts et métiers féminins.
Le Salon des Artistes indépendants va y élire domicile chaque année en avril et mai pour y exposer peintures et sculptures, la première exposition se déroulant du 20 avril au 21 mai 1901 et la dernière, du 20 mars au 2 mai 1908.
En 1905, la municipalité ayant envisagé d’affermer les serres, pour un bail à long terme, à la Société nationale d’horticulture, va se trouver confrontée à l’Etat qui, en sa qualité de propriétaire des berges où les Serres viennent prendre en partie appui, demande, par l’intermédiaire du Ministre des travaux publics, que la moitié des loyers tirés sur cette location lui soit reversée. Cette demande, formulée le 4 octobre 1907, précise en outre que l’Etat exige que le calcul de ce reversement ait un effet rétroactif depuis le 16 juillet 1903.
L’Etat ne voulant pas démordre de ses intentions, la Ville de Paris décide, par délibération du 26 décembre 1907, de faire démolir les Serres du Cours la Reine, pour ne pas avoir à les entretenir, au seul profit de l’Etat.
Une dernière fois le Salon des Indépendants y tient sa 24e exposition du 20 mars au 2 mai 1908.
Les démolisseurs rasent définitivement les Serres du Palais de l’Horticulture en janvier 1909.

Le Salon des indépendants se voit transporté dans les serres de l’Orangerie, au Jardin des Tuileries pour l’année 1909, mais revient une dernière fois sur le Cours la Reine, sous des baraquements aménagés sur des anciennes serres ; cette exposition a lieu du 18 mars au 1er mai 1910, juste après que les grandes inondations se soient dissipées le 8 mars. L’année suivante, le Salon sera installé sur la rive droite, en face, au Quai d’Orsay.
Le 1er juillet 1910, la Ville de Paris concède, pour une durée de 15 ans, le terrain de 4.580 m² qu’occupaient les serres, à la Société nationale d'Horticulture, à charge, par elle, d’y aménager un jardin ouvert au public, moyennant un loyer annuel de 1.000 francs et une redevance proportionnelle de 3% sur les bénéfices nets réalisés par elle à l'occasion de chacune de ses expositions, lesdites expositions étant installées sous des tentes et constructions provisoires en bois.

Aujourd’hui, l’emplacement du Cours la Reine de ces anciennes serres correspond au Jardin d’Erevan du Cours Albert 1er.

Serres de la ville de Paris du Cours la Reine : Fête de l'enfance — Derniers vestiges des Serres de la Ville de Paris
Serres de la ville de Paris du Cours la Reine Fête de l'enfance - Derniers vestiges.jpg
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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Bateaux à lessive et Bains chauds et froids du quai de Bourbon (IVe arrt.)

Aucun doute, nous sommes sur le quai de l’Hôtel-de-Ville et son port éponyme, en vis-à-vis, non pas du quai d’Anjou, mais du quai de Bourbon bordant l’île Saint-Louis et ses caractéristiques hôtels historiques, avec, à notre gauche, le Pont-Marie.
Les bateaux-lavoirs amarrés au quai de Bourbon en rangées de deux, monopolisent la Seine à cet emplacement, bloquant presque la circulation fluviale. Au-delà du Pont-Marie, le quai d’Anjou est tout autant submergé par les
bateaux à lessive, ancienne appellation des bateaux-lavoirs.

Par un traité passé le 19 avril 1614, entre les conseillers du roi Louis XIII — Nicolas Brulart de Sillery, Guillaume de Laubespine, Pierre Jeannin, Gilles de Maupeau, Isaac Arnault et Louis Dollé — et Christophe Marie (1580-1653), entrepreneur général des ponts de France, celui-ci s’engage à édifier, à ses frais, un pont vouté en pierre de taille d’une
longueur de 47 thoises avec 4 pilles entre deux cullées (le futur Pont Marie), reliant le quartier Saint-Paul à hauteur de la rue des Nonnains d'Hyères et la future Ile Saint-Louis qui, jusqu’alors, était constituée de l’Ile Notre-Dame et de l’Ile aux vaches, quasiment désertes et couvertes de pâturages, propriétés du Chapitre. Christophe Marie s’engage en outre à réunir lesdites îles, à les doter de quais, de maisons et de bains, en contrepartie de quoi, il obtient la jouissance de ces îles pour soixante ans et le droit d’édifier des maisons sur le futur pont, selon le plan et modèle du pont Notre-Dame.
Afin de réaliser ce projet gigantesque, Christophe Marie s’associe avec François Le Regratier et Lugles Poulletier ; la première pierre du Pont Marie est posée le 11 octobre 1614, ouvrage qui devrait coûter
quatre ou cinq cens mil escus, selon le Chapitre.

Alors que les travaux sont loin d’être achevés, Marie et ses associés renoncent à les poursuivre et en confient la continuation à Jean de La Grange, secrétaire du roi, qui, signe un nouveau traité, le 16 septembre 1623, reprenant les engagements précédents ; il obtient en outre la faculté de mettre sur la rivière «
des bateaux à laver les lessives en telle quantité qu'il seroit avisé, et en tel endroit qu'il jugeroit à propos, pourveu que ce fust sans empeschement de la navigation, ni que le bruit put incommoder les habitans des maisons du cloître Notre-Dame ».
Suite à des litiges intervenus entre Jean de La Grange et ses prédécesseurs, Christophe Marie, Poulletier et Le Regratier reprennent la direction des travaux par un arrêt du Conseil d’état le 24 juillet 1627 et vont ensuite procéder tous trois, au partage des terrains de l’Ile Saint-Louis, le 1er mai 1630.
Marie et ses deux associés continuent la construction du Pont Marie et l’aménagement de l’Ile jusqu’au 2 mai 1643, date à laquelle Denis Hébert en reprend la suite.
En 1647, le Pont Marie est terminé, avec cinquante maisons bâties à même le monument, vingt-cinq de chaque côté, chacune composée d'une boutique et de quatre étages. Jusqu’à ce vendredi 1er mars 1658 où, à la suite d’une crue du fleuve, une pile et deux arches du Pont Marie, côté quai de Bourbon, sont emportées par les flots, avec vingt maisons édifiées dessus, provoquant la mort de 55 occupants.
Un pont provisoire en bois sera construit la même année par Poncelet Clequin de la Vallée, maître charpentier et Simon Pottier, maître serrurier, moyennant 25.000 livres tournois ; la réfection du Pont Marie en pierre, ne sera réalisée qu’en 1667.

Bords de la Seine - Débarquement des Déblais dans les Bateaux sur le quai de l’Hôtel-de-Ville, face au Quai de Bourbon et au Pont-Marie
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publié par zelig mar. 6 juil. 2021 11:01 ► ICI

Nous avons vu ci-avant que Christophe Marie, reprenant le traité conclu en 1623 par Jean de La Grange, avait obtenu la faculté de mettre sur la rivière des bateaux à lessive. Cette autorisation est progressivement mise en œuvre et fait l’objet d’une réglementation spécifique régie par un fermier sous-louant les emplacements à des tenanciers, lesquels tiennent chacun un bateau à lessive d’une capacité de 24 places, que les blanchisseuses utilisent, moyennant un droit d’entrée de trois sous par jour.
Le 8 août 1695, le fermage de ces bateaux à lessive, mis en adjudication, est attribué pour 25 ans, à Jean Dubois, Jacques Collo et Pierre Petit, moyennant deux mille livres par an ; à cette date, 60 bateaux sont en location sur la Seine, tout autour de la Cité et de l’Ile Saint-Louis. Leur succède, tout d’abord Jacques Lafond, puis à partir de 1737, François Nicolas Camet de la Bonnardière, receveur de la capitation des fermes et sous-fermes du roi en la ville de Paris (marié le 18 mai 1721 avec Anne Judith Chauchet).
En 1760, on dénombre 87 bateaux à lessive dont cinq face au quai de Bourbon, tous tenus par le fermier François Moinos.
Le fermage des bateaux à lessive disparait avec la révolution et la réglementation en est modifiée par l’ordonnance du préfet de police du 19 floréal an 13 (9 mai 1805) qui prévoit que :

1. Il ne peut être établi dans Paris aucun bateau à lessive sans une permission du préfet de police.
2. Les permissions de tenir bateaux à lessive accordées jusqu'à présent sont révoquées.
3. Les propriétaires des bateaux à lessive seront tenus de se pourvoir de permissions dans un mois au plus tard, à compter du jour de la publication de la présente ordonnance. Ils indiqueront dans leurs pétitions le nombre et les dimensions de leurs bateaux et l'emplacement qu'ils occupent.
4. Les permissions de tenir bateaux à lessive ne seront accordées qu'à condition qu'il y sera réservé des places où les indigents pourront laver leur linge sans payer aucune rétribution. Le nombre de places sera fixé par le préfet de police, en proportion de la grandeur et du produit présumé des bateaux.
5. Il est défendu d'étendre du linge sur les berges. Les pierres, tréteaux, planches, perches et autres ustensiles qui seraient placés sur les bords de la rivière pour laver, étendre ou sécher le linge, seront enlevés.
6. Il sera pris envers les contrevenants aux dispositions ci-dessus telle mesure de police administrative qu'il appartiendra, sans préjudice des poursuites à exercer contre eux par devant les tribunaux, conformément aux lois et aux règlements qui leur sont applicables.

Ce règlement est complété par l’ordonnance du 25 octobre 1840 qui indique précise que :
Art. 184. Les propriétaires de bateaux à lessive seront tenus d'établir des chemins solides et bordés de garde-fous à hauteur d'appui, pour faciliter l'accès de ces bateaux. Les embarcations ou bateaux destinés à supporter les chemins devront avoir au moins trois mètres de longueur sur deux mètres de largeur.
Art. 185. Les bateaux à lessive devront en tout temps être solidement amarrés et munis de cordes, crocs, perches, etc., pour porter secours en cas de besoin. Dans le même but, un bachot muni de ses agrès devra toujours être attaché à chacun de ces établissements. Les propriétaires desdits bateaux sont, en outre, tenus d'avoir constamment à bord de leurs établissements un gardien bon nageur, agréé par l'administration, et une boite de secours en bon état.
Art. 186. Les bateaux à lessive ne pourront être modifiés dans leur construction sans une autorisation spéciale. Ajoutons que ces bateaux doivent être couverts pendant l'hiver et convenablement ventilés en été.

Quai de Bourbon vu du pont Louis Philippe — Quai de Bourbon vu du Pont Marie
Quai de Bourbon vu du pont Louis Philippe et vu du Pont Marie.jpg
Quai de Bourbon vu du pont Louis Philippe et vu du Pont Marie.jpg (64.55 Kio) Vu 2064 fois

Les bateaux à lessive ne sont pas les seuls à occuper les quais de la Seine à Paris. C’est ainsi qu’un premier établissement flottant de Bains chauds fait son apparition le 28 avril 1761, en amont du Pont Royal, au quai des Théatins face au « Thuilleries », ouvert par Jean Poitevin (1724-1776), barbier-perruquier et baigneur-étuviste, qui, par lettres patentes du 13 mars 1761, avait obtenu, pour une durée de 27 ans, le privilège exclusif d’établir des Bains chauds sur la rivière, aux deux extrémités où la Seine roule ses eaux pures et sans mélanges.
En avril 1767, Poitevin installe un second bateau à bains chauds en bas du quai d’Alençon (quai d’Anjou), à la pointe de l’Ile Saint-Louis, et y fait construire une machine aussi simple qu’ingénieuse, au moyen de laquelle, il est parvenu à filtrer, dans un espace de temps infiniment court, toutes les eaux qu’il emploie pour ses douches et pour ses bains.
Au décès de Jean Poitevin en février 1776, sa veuve Angélique Pierrette Devienne (1734-1807), mère de six enfants mineurs, conserve la gestion des bains chauds jusqu’à sa cession en 1784 à un certain Guignard, lequel n’est pas son gendre, contrairement à certaines affirmations contemporaines (1)
Lors de cette cession, une opposition à l’enregistrement des lettres-patentes obtenues par Guignard, est formée par les Maîtres Perruquiers-Baigneurs et Estuvistes de la ville de Paris, mais par un Arrêt du 7 octobre 1785, les opposants sont déboutés et
il est ordonné qu’il seroit passé outre à l’enregistrement des Lettres-Patentes.
Les bains-chauds dits Poitevin, toujours tenus par Guignard en 1787 et 1788, sont réputés de la plus grande propreté : le prix de ces bains est de 3 livres 12 sous par personne. Ces bains font des émules : en 1788, un autre établissement tenu par le sieur Albert propose ses services au quai d’Orsay, au coin de la rue de Bellechasse.

Le 8 juillet 1791,
Pierre Vigier (1760-1817), ancien procureur du Roi, obtient la concession des bains chauds du quai d’Orsay au coin de la rue Bellechasse (35 baignoires) et du quai d’Alençon (32 baignoires).
Vigier ayant ensuite repris les Bains dit Poitevin des Tuileries, ceux-ci sont fortement endommagés lors de la débâcle de la Seine du 8 pluviôse de l’an VII (27 janvier 1799) : les journaux rapportent que l’établissement est prêt à succomber sous l’effort des glaçons qu’il a été renversé et à moitié englouti et enfin qu’il a fini par être fendu par le milieu et submergé, mais toutefois retenu par des câbles. Les bateaux des blanchisseuses ne sont pas épargnés non plus : neuf d’entre eux sont entraînés par le fonds…
En 1802, Pierre Vigier fait construire de nouveaux bains chauds quai de Bourbon, en aval du Pont-Marie et fait renflouer ceux des Tuileries.
Chaque année Vigier fait remiser, pour l’hiver, ses bateaux à bains chauds, en prévision des glaces pouvant les briser sur la Seine et, en avril, les bains flottants remontent le fleuve pour regagner leur station d’été. (2)
Les bains chauds de Vigier se poursuivent avec succès jusqu’à son décès survenu le 16 septembre 1817, date à laquelle, il compte six bateaux. Son fils
Achille Vigier (1801-1868) conserve l’affaire, avant de la vendre en septembre 1847, tout au moins les établissements qu’il en reste (Pont Marie, Pont Royal, Pont Neuf et Pont d’Arcole), à François Mathurin Damas Tougard (1807-1871), ancien notaire originaire de Fécamp.
En mai 1860, Tougard met en vente les bains chauds du Pont Neuf (130 cabinets). Le 30 novembre de l’année suivante, il met en adjudication, pour cause de cessation de sa société Tougard et Cie, ceux du Pont Marie et du Pont royal sur des mises à prix respectives de 35.000 francs et de 55.000 francs. Il conserve les bains chauds du Pont d’Arcole du quai de l’Hôtel-de-Ville, y décédant le 11 janvier 1871.

Les Bains Vigier du Pont Royal (peinture Hubert Robert, Banque de France) — Annonces 1860 et 1861, cession des anciens Bains Vigier
Les Bains Vigier du Pont Royal (peinture Hubert Robert, Banque de France) - Annonces.jpg
Les Bains Vigier du Pont Royal (peinture Hubert Robert, Banque de France) - Annonces.jpg (168.4 Kio) Vu 2064 fois

Un établissement de Bains froids est également attesté, amarré au n°37 quai de Bourbon, tenu de 1844 à 1849 par Jean-Antoine Pfaltz, horloger, époux d’Emilie Etiennette Merlin.
Et un autre au
n°17 quai de Bourbon, à partir de 1850, dont Etienne-Antoine Marie (1799-1862) est le tenancier. Celui-ci est né à Paris d’un père marinier [Jacques-Etienne Marie (1773-1839) originaire de Gennevilliers], et d’un grand père [Jacques-Etienne Marie (1739-1794), né à Boulogne] qui était fermier du bac d’Argenteuil.
Etienne-Antoine Marie, marié avec Joséphine Madeleine Borde, est déclaré, le 21 décembre 1854,
maître de bateau à laver au quai de Bourdon, lors du mariage à Bezons de son fils Jules-Etienne-Marie, avec Adelle Angelina Joséphine Borde.
Jules-Etienne-Marie Marie (né à Paris le 16 février 1830) est à son tour maître de bateau à laver au décès de son père le 13 août 1862 et tient, de concert, des bains froids (3) et un bateau à lessive. En 1880, Marie cède son Bateau-Lavoir désormais amarré au n°9 quai Bourbon, à Louis Jules Bailly, maître de lavoir.
Louis Jules Bailly
est né le 17 juillet 1844, à bord du bateau « La Patronne de Paris », amarré à l’Ile de Croix, son père, Jean-Pierre Bailly, y étant marin, ayant son port d’attache au Port de Marly. Devenu maître marinier, tout comme plusieurs membres de sa famille, Louis-Jules Bailly se marie le 9 février 1870 au Port de Marly avec Marie Céline Augustine Bachelet, née en 1847 au Petit-Quevilly, elle-même fille et nièce de maîtres mariniers.
Les époux Bailly donnent naissance à quatre enfants dont trois filles, toutes nées à Argenteuil au 22 boulevard Héloïse : Blanche Marie Angéline, le 30 mars 1872 ; Pauline Clara Adeline, le 5 juillet 1874 ; Alexandrine Mathilde Jeanne, le 25 juin 1877. Leur fils Jules-Auguste voit le jour le 4 juin 1881 sur le bateau-lavoir du boulevard de Bourbon, avec, comme témoin à l’état-civil, Jules-Etienne-Marie Marie, l’ancien tenancier de l’établissement devenu rentier au n°29 boulevard de Bourbon ; Jules Auguste Bailly décèdera à huit mois, le 22 octobre 1881.

40 - Paris - Inondations 1910 - La Seine au Quai de Bourbon
Au premier plan le Bateau-Lavoir de la famille Bailly
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publié par zelig lun. 12 juil. 2021 12:19 ► ICI

En 1885 est fondée une Chambre syndicale des Propriétaires et Maîtres de bateaux-lavoirs, présidée par Jules-Charles Maciet installé quai du Louvre et dont le vice-président est Louis-Jules Bailly ; vingt-deux membres y sont affiliés, possédant leur établissement aux quais d’Orsay, de la Gare, de Bourbon, du Louvre, de Gesvres, d’Orléans, Voltaire, d’Anjou, de la Rapée, Malaquais, de Billy et pont de Grenelle.

Deux autres bateaux-lavoirs sont installés le long du quai de Bourbon :
L’un, à l’enseigne du Progrès (anciennement « bateau Morel »), appartenant depuis 1886 à MM. Guy et Mahy, est amarré au n°19 du quai de Bourbon et affermé à un certain
Marguerie. Ce bateau-lavoir terminera tristement, le 24 décembre 1909, au fond de la Seine, victime de sa vétusté et d’un manque d’entretien. Les journaux s’empresseront de s’emparer de ce fait divers qui ne fera heureusement pas de victimes. (4)

L’autre bateau-lavoir, situé en aval de celui de Marguerie (donc vers le 21-23 qui de Bourbon), appartient, depuis 1900 à
Henriette Augustine Leneru (1852-1924), veuve d’Hippolyte Tissier (1843-1898) qui avant le décès de son mari, tenait avec lui un premier bateau-lavoir situé au 2 quai de Gesvres, acheté le 1er octobre 1886 à un certain Quentin. Leur fils, Louis Eugène Tissier (1877-1937), a repris en 1898 celui du quai de Gesvres, avant de s’installer au quai d’Anjou en 1910 et, à partir de 1924, au quai de Bourbon, à la place de sa mère.
Le 11 septembre 1930, le bateau-lavoir Tissier du quai de Bourbon sombre à son tour :
des pompiers de la caserne Sévigné auxquels s'était joint le gardien Defrance, du 4e arrondissement, se rendirent à bord, mais ne réussirent pas à aveugler la voie d'eau, et le bateau coula. En fait, en raison de sa construction en double rangée, seule une partie des bateaux disparait. Cependant, compte tenu de sa dangerosité, l’administration dépêche une commission qui décide, le 7 mai 1931, que le bateau n°1 de Tissier pourra rester ouvert au public jusqu'au 15 août 1931, mais que passé cette date, des réparations importantes devraient être effectuées.
Faute de réparation, un arrêté est pris à l’encontre de Louis Tissier le 12 avril 1932, prescrivant que son bateau-lavoir soit retiré du domaine public fluvial dans le délai de huit jours et que faute d'exécution par M. Tissier, il sera procédé d'office à la démolition de ce bateau, à ses frais.

Le Pont Marie, le quai de Bourbon et le bateau-lavoir Bailly
Le Pont Marie, le quai de Bourbon et le bateau-lavoir Bailly.jpg
Le Pont Marie, le quai de Bourbon et le bateau-lavoir Bailly.jpg (95.2 Kio) Vu 2064 fois

Le bateau-lavoir de la famille Bailly, au n°9 quai de Bourbon, sera le dernier à disparaître dudit quai.
Dès 1905, donc avant le décès de Louis-Jules Bailly survenu le 24 mars 1906, ce bateau-lavoir est géré par le gendre de Bailly, Fernand Achille Arnault, né en 1869 à Paris, marié depuis le 22 septembre 1894 avec Blanche Marie Angéline Bailly. Arnault était signalé comme témoin à chaque mariage de ses deux belles-sœurs le 8 octobre 1898 et 2 juin 1900.
Arnault étant brutalement décédé, sa veuve Blanche Marie Angéline Bailly tient l’affaire et se remarie en secondes noces le 23 novembre 1911 avec Eugène-Jules Charles, employé à la Cie du gaz. Mme Bailly étant à son tour décédée le 26 septembre 1921, le bateau-lavoir revient à sa fille et à son gendre Jean-Marie Blanc.
Devenue veuve en 1939, Mme Jean Blanc va prétendre avec autant de véhémence que de bagout être la descendante de Christophe Marie constructeur du Pont-Marie, bien évidemment sans preuves, et, à ce titre, revendiquer la concession illusoire des bateaux à laver du quai de Bourbon. Tout ceci n’empêchera pas la promulgation de l’arrêté préfectoral du 12 décembre 1941 qui
ordonne l’enlèvement des quatre derniers bateaux-lavoirs existant encore sur la Seine, notamment celui du n°9 quai de Bourbon, en considération de l’obstacle qu’ils constituent pour la navigation et pour l’écoulement des eaux dans la traversée de Paris.
On annonce, le 3 juin 1942 que le délai d’un mois, accordé à Mme Jean Blanc, propriétaire du bateau lavoir du quai Bourbon, étant expiré, on a commencé la démolition de ce vestige du Paris d’autrefois. Les démolisseurs sont à la besogne.

Le 28 juillet 1946, une « maison sur l’eau » faite de bric et de broc, occupée par les services des Ponts-et-Chaussées et par le capitaine Jorre, est installée à la place du dernier bateau-lavoir du quai de Bourbon. Le journal « V » du 28 juillet 1946 nous en donne une description :
Le bateau-lavoir ancré quai de Bourbon, face à l’immeuble portant le numéro 11 — la maison du président Blum — aura été un des derniers à quitter cet emplacement. Son départ ayant laissé un vide, ce vide a été en partie comblé par une maison sur l’eau aux fondations faites de l’ajustement de deux chalands surmontés, chacun, d’un pavillon.
L’ensemble est pimpant. A la minute où je le découvre, un peintre est en train de raviver le vert des deux pavillons, pour l’assortir au feuillage du chêne géant et plusieurs fois centenaire, planté sur le quai, à la proue de l’île Saint-Louis.
L’un des pavillons est occupé par les services des Ponts-et-Chaussées, affectés à la navigation dans le bassin de Paris. L’autre pavillon est habité par le « capitaine » de la nef, M. Jorre, un homme charmant et plein de modestie. Responsable de l’aménagement et de l’entretien des chemins d’eau sur le territoire de Paris, les services qu’il dirige ont réalisé, dans le minimum de temps exigé par l’ingénieur Gaspard, des reconstructions du premier intérêt public, entre autres, celles du pont métallique qui fait office de chaine, pour amarrer l’île Saint-Louis à la Cité.


Maison flottante du capitaine Jorre, quai de Bourbon
Maison flottante du capitaine Jorre, quai de Bourbon.jpg
Maison flottante du capitaine Jorre, quai de Bourbon.jpg (147.5 Kio) Vu 2064 fois

(1) Il est attesté lors de l’ouverture du testament de Jean Poitevin, qu’il a eu avec son épouse, Angélique Pierrette Devienne, avec qui il s’était marié à Saint Eustache le 6 juin 1753, six enfants dont cinq garçons (Thomas Joseph, Marie Etienne, Cézar, Charles et Antoine Louis Barthélémy) et une seule fille : Angélique Sophie. Celle-ci s’est mariée le 27 avril 1778 en l’Eglise Saint-Sulpice, avec Paul Antoine Edouard Falloux, écuyer seigneur de la Pontonnière et de Chateaufort.

(2) Chaque année les Bateaux de bains chauds de Pierre Vigier remontent la Seine pour gagner leur quartier d’été
Les bains Vigier du Pont Neuf ayant repris leur station d'été, ceux du même propriétaire, les bains Poitevin et du Pont-Marie ont suivi le même mouvement. Les bains Vigier des Tuileries manoeuvreront, demain jeudi, de midi à deux heures, et remonteront la Seine pour reprendre leur place d'été. Tout l'ensemble de ce grand établissement sera eu pleine activité, et offrira un spectacle qu'on ne trouve sur aucune rivière et dans aucune ville de l'Europe ; et telle est la sage administration qui dirige cette entreprise, qu'on ne sait ce qui doit étonner le plus, ou de la magnificence qui y règne, ou de la modicité du prix auquel on peut s'en procurer la jouissance.
(Journal général de France 4 avril 1816)

(3) Jules-Etienne-Marie Marie, qui tient toujours ses bains froids du quai Bourbon, ne peut éviter les vols commis dans son établissement
Le fléau des établissements de bains froids si fréquentés en ces jours de chaleurs torrides, ce sont les voleurs qui s'introduisent dans les cabinets et s'emparent des objets de quelque valeur qu'ils y trouvent.
Voici, d'après le Droit, leur manière de procéder :
Le filou qui s'est déshabillé et a laissé ses habits sur un banc de la galerie observe sans affectation un monsieur sortant d'une cabine pour se mettre à l'eau.
Au bout de quelques instants, il se fait ouvrir par le garçon cette cabine, dont il a retenu le numéro. Tandis que le locataire se livre sans défiance aux délices de la coupe et de la brasse, il s'empare de sa montre et de son porte-monnaie, les glisse dans son caleçon de bain, sort, referme la porte, va s'habiller à la galerie et s'esquive.
De nombreux vols ont été commis récemment de cette façon dans presque tous les établissements, notamment au bain du Terrain et au
bain Marie, quai Bourbon, ainsi qu'au grand bain Parisien, quai de Béthune.
(Journal Le Pays 12 août 1873)

(4) Le Bateau-Lavoir « Le Progrès » amarré au n°19 quai de Bourbon, termine sa carrière au fond de la Seine
Un Bateau-Lavoir englouti en Seine.
Un accident, de nature heureusement fort rare, s'est produit, hier, matin, à Paris, dans la Seine, en -face du quai Bourbon.
Un bateau-lavoir s'est coupé par le milieu, s'effondrant ainsi en partie dans le fleuve et ensevelissant, un instant, sous ses débris, les laveuses et le personnel.
Voici dans quelles circonstances, l’accident est arrivé.
Amarré en face du numéro 19 du quai Bourbon, où commence la rue Le Regrattier, le bateau-lavoir Le Progrès, appartenant à M. Guy et géré par les époux Marguerie, est un très vieux bâtiment, connu autrefois sous le nom de « bateau Morel », du nom de son ancienne propriétaire. En aval, et en amont s'alignent également d'autres bateaux-lavoirs.
Hier matin, à neuf heures et demie, il y avait dans l'atelier des essoreuses, une douzaine de femmes seulement, l'heure n'étant pas encore tout à fait arrivée où les laveuses sont au grand complet.
Les ouvrières étaient en plein travail, quand, tout à coup, avec un fracas assourdissant, la toiture vitrée et les tôles s'abattirent juste au-dessus de 1a caisse où se tenait la patronne du bateau, Mme Marguerie.
Celle-ci n'eut que le temps de gagner la passerelle et le quai.
Les autres femmes, qui n'avaient pu se rendre compte de la nature de l'accident, étaient demeurées médusées, quand elles sentirent soudain le plancher osciller sous leurs pieds. En même temps, un cri retentissait : « Sauve qui peut ! »
Avec des cris d'effroi, les ouvrières se précipitèrent vers l'escalier conduisant à la passerelle, mais avec la rapidité d'un décor de théâtre, toute la partie du bateau où se trouvaient les trois essoreuses, les cuves, les chaudières et l'appartement de M. et Mme Marguerite, s'enfonça dans l'eau.
Ayant de l'eau jusqu'à la ceinture, les pauvres femmes, sous les débris du bateau amoncelés, n'eurent que le temps de gagner la passerelle d'où des mains charitables les aidèrent à monter sur le quai.
Une seule d'entre elles, Mme Justine Fournier, âgée de 53 ans, et demeurant rue de Saint-Louis-en-l'Ile, se trouva engagée de telle façon qu'elle ne put suivre le même chemin que ses compagnes. Précipitée à l'eau, elle eut la présence d'esprit de s'accrocher au montant de l'escalier effondré et d'appeler à son aide.
Le garçon de lavoir, Jules, et un marinier, en sautant sur les planches, qui flottaient, parvinrent jusqu'à la pauvre femme après avoir vingt fois risqué de tomber dans le fleuve.
Ils la placèrent dans une embarcation qui se trouvait à proximité, au grand soulagement de la foule qui assistait au sauvetage du haut du quai.
(Le Petit Journal 25 décembre 1909)

Le bateau lavoir le Progrès de M. Marguerie coulé le 24 décembre 1909
Le bateau lavoir le Progrès de M. Marguerie coulé décembre 1909.jpg
Le bateau lavoir le Progrès de M. Marguerie coulé décembre 1909.jpg (351.55 Kio) Vu 2064 fois
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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

L’Usine Domange, 74 boulevard Voltaire (XIe arrt.)

Alors que Charles Scellos est installé, depuis 1843, en tant que tanneur à Essonnes (commune qui fusionnera avec Corbeil le 9 août 1951), son frère Eugène Scellos (1817-1872), se charge de corroyer les cuirs provenant de ladite tannerie. Pour cela, Eugène est installé au n°6 de la rue Jeannisson dans le 2e arrondissement de Paris (cette voie disparaîtra en 1866 sous les pioches des démolisseurs — en même temps que l’impasse de la Brasserie, du passage Saint-Guillaume et des rues des Frondeurs et de l’Anglade —, pour donner naissance à la place du Théâtre Français).
Déclaré en faillite le 26 juillet 1848, Eugène Scellos lance une activité de marchand de cuirs au
6 cité Vauxhall dans le 10e arrondissement ; le 16 janvier 1852, il subit le même revers et, le même syndic de faillite, le sieur Boulet, est chargé de sa liquidation.
Eugène Scellos ne se décourage pas pour autant et, dès le mois de décembre 1852, il crée sa
fabrique de courroies mécaniques au 12 rue de la Fontaine-au-Roi (11e arrt.).
En 1857, il déménage sa corroierie
(fabrique spéciale de courroies pour machines et filatures, breveté S.G.D.G. pour les courroies à vis) au 64 rue Popincourt. En fait le 64 rue Popincourt correspond précisément au n°10 de la rue de la Folie-Méricourt d’aujourd’hui, un tronçon de ladite rue Popincourt ayant été rattaché à la rue de la Folie-Méricourt en date du 2 avril 1868 (c’est la raison pour laquelle la cité Popincourt actuelle se trouve disjointe de la rue éponyme).
Scellos engage en avril 1858,
Albert Domange (1836-1918), en tant que négociant, lequel épouse sa fille, Henriette Scellos (1845-1871) en 1864. La même année, il transfère ses locaux au 74 boulevard du Prince Eugène (11e arrt.) qui adopte le nom de boulevard Voltaire le 25 octobre 1870.
En 1869, Eugène Scellos et Albert Domange s’associent pour former la société en nom collectif
E. Scellos, Domange et Cie.
Albert Domange subit coup sur coup le décès de son épouse Henriette (1871), puis de son beau-père Eugène Scellos (1872) ; il décide alors de s’associer avec Alfred Lemierre (1842-1883), négociant, et fait l’acquisition, en 1874, de la tannerie d’Auguste Cornisset, de Moulins à écorces situés à Sens pour alimenter sa corroierie, ainsi que d’une seconde corroierie à Champerret. Ces acquisitions seront suivies de l’achat de trois autres tanneries sénonaises en 1898, 1903 et 1924.
L’entreprise qui prend un essor considérable, devient, après le décès de Lemierre, en mars 1883, la société Domange et Cie puis, deux ans plus tard,
A. Domange et fils, Albert Domange ayant associé, à son affaire, ses deux enfants Henri (1865-1935) et Eugène (1867-1948).
Les enfants d’Henri et Eugène feront perdurer l’usine de courroies et cuirs industriels qui quittera le 74 boulevard Voltaire en 1969, pour venir s’installer à Asnières, au n°198 avenue des Grésillons, où, en 1980, son activité traditionnelle sera définitivement abandonnée au profit du négoce de produits ayant trait à la transmission mécanique et hydraulique…

TOUT PARIS - 1117 bis - L'Usine Domange, boulevard Voltaire (XIe arrt.)
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publié par rigouard mar. 17 juin 2014 09:29

L’Echo des Mines et de la Métallurgie du 8 octobre 1893 nous renseigne sur la corroierie Scellos-Domange :
De la tannerie de Sens, les cuirs sont expédiés à Paris par un service régulier de bateau, ils sont ensuite transportés à l'usine du boulevard Voltaire, où ils sont corroyés.
C'est là que se fabrique également la courroie proprement dite.
Des machines mues par la vapeur découpent les croupons en bandes de différentes largeurs, d'une épaisseur régulière et rigoureusement uniforme ; ces bandes sont triées, choisies et apprêtées avec soin. Les parties creuses de la peau sont éliminées afin de donner aux courroies une force de résistance égale dans toutes leurs parties. On obtient ce résultat en limitant à 1 m. 50 environ, la longueur des bandes à employer.
La courroie étant apprêtée est « jonctionnée », soit à la main, soit à la machine ; elle passe ensuite au vissage, à la couture ou au collage. On se sert, pour le collage, d'une puissante presse hydraulique dont les plateaux, chauffés à la vapeur, compriment les parties collées entre elles et- leur donnent la cohésion nécessaire pour la solidité qu'exigent les machines à grande vitesse.
La courroie ainsi terminée est soumise à l'action de tendeurs mécaniques d'une grande puissance. Ces tendeurs, munis d'une vis sans fin, et à marche très lente, donnent sans secousse un allongement, régulier et approprié à la force de résistance des courroies.

En complément de l’article de presse rapporté par Dominique le 18 août 2014 ► ICI

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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Taverne-restaurant Brébant 32 boulevard Poissonnière (IX arrt.)

Ce cliché pris de l’angle du boulevard Poissonnière (n°32) à l’entrée de la rue du Faubourg Montmartre, nous montre, estompé, le pan coupé de l’emblématique Taverne-restaurant Brébant, dont il nous a apparu intéressant de découvrir l’origine exacte, les publications y ayant trait étant, à l’heure actuelle, truffées d’inexactitudes et d’approximations.

TOUT PARIS – 534 bis - Rue du Faubourg-Montmartre (IXe arrt.)
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Publié par zelig ven. 17 juin 2022 16:41 ► ICI

C’est par l’intermédiation du comte de Cheverny Jean-Nicolas Dufort, que, le 15 janvier 1761, Philippe-Charles Legendre de Villemorien (1717-1789) fait l’acquisition, d’un Hôtel sur le boulevard de la rue Poissonnière que son épouse, Marie-Antoinette Bouret, avait exprimé le désir d’acheter à quelque prix que ce fût. Legendre de Villemorien s’y installe en tant qu’administrateur général des Postes pour la Provence, le Dauphiné et le Bas-Languedoc, avant de déménager, rue du faubourg Saint-Honoré où il prend désormais la fonction de fermier général.
En fait l’Hôtel tient à la rue Bergère et au faubourg Montmartre et son jardin attenant s’étend jusqu’au boulevard Poissonnière. La propriété passe, en 1773, aux mains de Mme de Selle, avant que
Louis-Étienne, comte-abbé de Saint-Phar (1759-1825) n’en prenne possession. L’abbé de Saint-Phar (ou Saint-Farre) est le fils « bâtard » de Louis-Philippe d'Orléans dit le Gros, duc de Chartres et d’Orléans (1725-1785) et d’Etiennette-Marie-Périne Le Marquis, écaillère d’huîtres puis danseuse figurante à la comédie italienne.
Lors de la révolution, l’abbé de Saint-Phar fuit à Londres en 1790 ; ses biens sont confisqués, notamment son hôtel et les écuries qu’il y avait fait édifier boulevard Poissonnière, à l’angle du faubourg Montmartre, lesquelles tombent dans l’escarcelle du
cordonnier de Robespierre qui, par quelques manigances liées à sa signature a pu obtenir les fonds nécessaires à son acquisition. Ce cordonnier, dont le nom ne nous est pas parvenu mais qui a fait couler beaucoup d’encre, fait exhausser ces écuries de cinq étages, en 1796, avant de décéder lors des travaux de construction, dans des circonstances douteuses…
Le rez-de-chaussée de l’immeuble, situé au n°22 boulevard Poissonnière, est occupé à partir de 1803 par un établissement portant l’enseigne du
Café des Grands Hommes (1). Sa présence est attestée par le Journal des Spectacles du 2 octobre 1803 qui informe le public que les expériences du feu par le jeune Espagnol se continuent tous les jours, à 6 heures et à 8 heures du soir, Hôtel Saint-Phar, entre la rue Montmartre et la rue Poissonnière, à côté du Café des Grands Hommes dont l’enseigne est sur la porte.

L’immeuble Saint-Phar, quant à lui, est vendu par adjudication le 3 avril 1806, au prix de 96.000 francs, à Jeanne-Marie-Victoire Tarin (née à Troyes en 1773), veuve de Frédéric Morin et divorcée de Claude-Pierre-Edme Delaporte.
La veuve Morin ayant l’intention de transformer la Maison Saint-Phar en hôtel garni, mais n’ayant pas les fonds nécessaires, obtient le 19 juillet 1810, un prêt de 100.000 francs de
Jean Antoine Ragouleau, avocat. Ayant négligé de payer les échéances de remboursement, l’hôtel de la veuve Morin est racheté, le 18 avril 1811, par Ragouleau, au prix de 160.000 francs, laquelle somme sert tout juste à régler les dettes de la veuve Morin qui ne perçoit qu’une somme de 3.750 francs. Par vengeance, la veuve Morin-Tarin et sa fille Angélique Delaporte organise un traquenard le 2 octobre 1811, pour contraindre Ragouleau à signer des billets à ordre à hauteur de 300.000 francs et d’ensuite l’assassiner. Le piège ayant été éventé par une certaine femme Jonard que les deux complices avaient mise dans la confidence, la police intervient au jour dit et surprend Angélique Delaporte porteuse des fameux quinze billets à ordre rédigé en blanc quant aux noms, datés du 20 août 1811, le tout pour effectivement une valeur de 300.000 francs. La mère et la fille, incarcérées, sont condamnées le 11 janvier 1812 à 20 ans de travaux forcés et à être attachées au carcan pendant une heure, en place publique.
Ragouleau revendra l’Hôtel Saint-Phar, en 1815, à Jean-Jacques Mirabel-Chambaud (1786-1860) demeurant 34 rue de l’Echiquier.

Plans Boulevard Poissonnière - Faubourg Montmartre 1740 - 1766 – 1812 - 1836
Plans Bld Poissonnière - Faubourg Montmartre 1740 1766 1812 1836.jpg
Plans Bld Poissonnière - Faubourg Montmartre 1740 1766 1812 1836.jpg (185.82 Kio) Vu 1949 fois

En 1814, un certain Mathon rachète le Café des Grands-Hommes qui devient par conséquent le Café Mathon. Mathon et son épouse tiennent également l’Hôtel garni Saint-Phar. Au décès de Mathon, vers 1817, sa veuve poursuit l’activité de l’Hôtel jusqu’en 1828, mais cède le café, en 1825, à Paul-Aimé Allez (1775-1835).
Le journal
La Nouveauté du 17 octobre 1825 annonce que l’ancien Café Mathon du 22 boulevard Poissonnière, au coin de la rue du Faubourg Montmartre, et qui était fermé depuis quelques temps, vient de rouvrir sous les auspices de M. Allez, ancien limonadier. Rien de plus élégant que ce nouvel établissement. Il est éclairé par le gaz et décoré avec goût. Les grâces du comptoir, la politesse des tabliers, et les excellens déjeûners à la fourchette assurent à ce café une longue prospérité. Avis aux amateurs du ventre.
Marié avec Marie Navet le 29 décembre 1813 à Paris où il résidait place du Palais Royal, Paul-Aimé Allez y tenait dès cette date le Café des Aveugles, situé sous le péristyle Radziwill de la galerie de Beaujolais. Dénommé le
Caveau des Aveugles, cet établissement où, en 1818, les morceaux de sucre ne sont pas plus gros et les tasses plus profondes que par le passé, attire un nombre croissant d’amateurs, grâce à l’orchestre, composé de non-voyants, dirigé par M. Caillat, qui exécute avec beaucoup de précision et d’ensemble les plus beaux morceaux des grands opéras et des opéras comiques. Le punch, les glaces et la bière du café des Aveugles y sont recommandés…
La notoriété du Restaurant Allez du boulevard Poissonnière est, au décès de celui-ci survenu le 19 mars 1835, continuée par son successeur Joseph Vachette, né en 1797 à Montreuil-sur-Brêche dans l’Oise, marié depuis 1825 avec Charlotte Eschard, lesquels tenaient précédemment un café au n°81 rue de la Harpe.
Le journal
Vert-vert du 9 juillet 1836 ne tarit pas d’éloges (2) pour encenser le café Vachette qui, par ailleurs, a installé des salons au premier étage de son établissement, lequel reste ouvert toute la nuit lors des bals donnés par les Variétés ou par Jullien de la rue Saint-Honoré. [Les époux Vachette donneront naissance au célèbre romancier Eugène Vachette dit Chavette (1827 1902)].

La Taverne Brébant et l’Hôtel éponyme
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A la suite de la renumérotation des rues réalisée en 1847, le Restaurant Vachette se trouve à présent au n°32 boulevard Poissonnière.
Conservant le seul Hôtel Saint-Phar, Joseph Vachette cède le restaurant en 1844 à
François Nicolas Aubry, né en 1806 et marié depuis le 18 décembre 1830 avec Céleste Lhommais.
Les filles du couple Aubry vont se marier avec les futurs repreneurs du café Vachette/Aubry. La première,
Georgette Amélie Aubry, née le 12 septembre 1834, épouse le 4 mars 1852, Louis Jules Blée (1817-1874) et reprend avec lui, en 1856, le restaurant familial, et l’année suivante, l’Hôtel Saint-Phar.
En 1864,
Auguste Paul Brébant (1822-1892) prend la suite de Louis Jules Blée, son beau-frère, aussi bien du Restaurant que de l’Hôtel ; Paul Brébant est veuf de Clotilde Céleste Aubry (1831-1856), la seconde fille Aubry, qu’il avait épousée le 8 mai 1849.
Fils de Francois-Nicolas Brébant (1797-1846) et d’Antoinette-Mélanie Lalos, Paul Brébant avait succédé à son père dans son restaurant du 10 rue neuve Saint-Eustache (futur 34 rue d’Aboukir) ; cet établissement appartenait dès avant 1799 à Joseph Lacaille (né en 1764) qui l’avait vendu en 1830 à François-Nicolas Brébant. Ayant acquis une belle renommée au sein de ce restaurant, Paul Brébant le cède en 1864 à Edouard Louis Léon Foyot, afin de se consacrer à celui du boulevard Poissonnière qui devient dorénavant la
Taverne-restaurant Brébant.
Remarié le 4 décembre 1869 à Creil avec
Aimée Adrienne Bournicard, Brébant mène son restaurant tambour-battant et obtient un succès considérable pendant vingt-cinq ans, les sommités artistiques et littéraires, voire politiques, y organisant leurs dîners mensuels ou bimensuels dans ses salons, répartis à présent sur les deux premiers étages de l’hôtel, dont l’entresol tenu par Mme Brébant. Pour ne citer qu’une seule soirée chez Brébant, prenons celle du samedi 5 mars 1870 où deux festins ont lieu en même temps. L’un est organisé dans le grand Cabinet du premier étage par le Comité de la Société des gens de lettres qui avait réuni, pour festoyer, ses anciens présidents : il y avait là MM. Paul Féval, E. Gonzalès, Michel Masson, Francis Wey, F. Thomas, le baron Taylor, Léo Lespès, Ponson du Terrail, Albéric Second, Louis Enault etc… Le Salon Rouge accueillait les fidèles de Sainte-Beuve : étaient présents MM. Victorien Sardou, Alexandre Dumas fils, Charles Marchal, A. Villemot, Szarvady, Bixio, Biesta, John Lemoinne, le docteur Liebreich, Ernest Meissonnier, Lefranc.

Le 11 avril 1888, coup de tonnerre chez Brébant ! Tous les journaux parisiens, scandalisés, indignés et unanimes, s’offusquent de la disparition annoncée du fameux restaurant, au profit de la
Société des Grands Bouillons Parisiens qui vient de l’acquérir pour le transformer en un établissement de bouillon.
La Société des Grands Bouillons Parisiens, fondée en 1888 par Samuel Rosenbaum, acoquiné avec la banque Rey et Cie (Emile Rey, Samuel Rosenbaum et Jean Schaetty, société sise 1 place de Boieldieu, propriétaire du Moniteur Financier) s’est déjà emparée, pour ses bouillons, du Frontin 6 boulevard Poissonnière et va poursuivre ses emplettes, à coup d’émissions d’emprunts obligataires, achetant successivement les Capucines 35 boulevard des Capucines, le Gaulois 9 boulevard des Italiens, le Régent 100-102 rue Saint-Lazare et le Méridien 114 boulevard Magenta.
Le Brébant ferme pour trois mois afin d’être restauré et remanié ; les travaux sont confiés à l’architecte Alfred Leloup (1838-1892). Le bouillon Brébant rouvre ses portes le lundi 24 décembre 1888, sous l’égide de son nouveau propriétaire : partout de l’air et de la lumière, le gaz est remplacé par l’électricité ; l’ancien restaurant comprend, aujourd’hui, un café au rez-de-chaussée, le restaurant à l’entresol et au premier et l’Hôtel Brébant dans les étages supérieurs.


Taverne-restaurant Brébant boulevard Poissonnière
Taverne-restaurant Brébant boulevard Poissonnière.jpg
Taverne-restaurant Brébant boulevard Poissonnière.jpg (136.68 Kio) Vu 1949 fois

La mégalomanie de Samuel Rosenbaum sera de courte durée : acculé à des dettes colossales, celui-ci se fait sauter la cervelle le 8 octobre 1890 dans son appartement londonien d’Oswald Road.
La banque Rey et Cie, déclarée en faillite le 26 novembre 1890, est suivie le 11 décembre de celle de la société des Grands Bouillons Parisiens. Le 14 février 1891, les six établissements de bouillon sont mis en adjudication : la mise à prix du Brébant est fixée à 100.000 francs, les autres restaurants étant proposés entre 50.000 francs (le Méridien) et 350.000 francs (les Capucines) selon leur importance.
A la date prévue, la
société Vargues, Bouguereau et Cie remporte l’adjudication du fonds de commerce du Restaurant et de l’Hôtel Brébant. Les 12 janvier et 8 février 1893, ceux-ci cèdent l’affaire à la société en nom collectif Mézard et Taquey (Paul Mézard, ancien limonadier et Ernest Taquey, négociant et rentier)
Le 31 mars 1894, la société Mézard et Taquey est dissoute, Ernest Taquey (1852-1909) conservant seul la propriété de la Taverne et de l’Hôtel Brébant ; pour quelques mois, puisque Taquey revend le tout, en date du 1er juillet 1894, à la
Société des Cafés-Brasseries.

Le 20 avril 1930, branlebas de combat sur tous les fronts des bonnes feuilles parisiennes (Figaro, le Temps, le Journal des Débats, Comoedia, la Liberté, the Chicago Tribune, l’Oeuvre, l’Echo de Paris, etc…) qui annoncent que Le Brébant va disparaître pour faire place à quelque banque, disent les uns, ou à un bar disent les autres.
Mais le 2 mai 1930, le journal Le Matin du 2 mai 1930 dément ces informations, précisant que le Brébant, qui appartient toujours à la Société des Cafés-Brasseries, ne disparait pas mais est temporairement fermé pour cause d’embellissement. Et, effectivement, le 14 mai 1930, la société procède à l’adjudication de l’ancien mobilier et ferme l’établissement pour travaux. En août 1931, les échafaudages disparaissent et le nouveau Brébant ouvre ses portes avec de grandes verrières, un vaste comptoir en zinc, un mobilier moderne, mais sans ses anciennes dorures et en l’absence de ses dîners littéraires.
La Brasserie Brébant est toujours active à ce jour, détenue depuis 1988 par la société Le Brébant dirigée par Huguette Girbal et Chrystel Bourdoncle.

Le Café et l’Hôtel Brébant — Vente aux enchères du matériel du café Brébant des 14 et 15 mai 1930
Café Brébant - Vente aux enchères 14 et 15 mai 1930 du matériel du café Brébant.jpg
Café Brébant - Vente aux enchères 14 et 15 mai 1930 du matériel du café Brébant.jpg (116.95 Kio) Vu 1949 fois

(1) En 1930, une rumeur vraisemblablement soufflée par Antoine, un ancien « patron » de la Taverne Brébant durant 27 ans, laisse entendre que le Brébant aurait succédé à l’Hôtellerie Barras, fondée en 1805 par Jean et Pierre Barras, neveux du Consul, et acquise en 1818 par François Vachette.
Rien n’est plus erroné que ces affirmations qui sont pourtant relayées dans de nombreuses publications, notamment en 1956 par Robert Ricatte commentant le journal des Goncourt.

(2) A propos des tables à la mode à Paris en 1836 : le café Vachette encensé par les journaux.
Le plus magnifique de ces monumens pieux, celui qui attire la plus nombreuse affluence de fidèles, est situé à l'angle de la voie du faubourg Montmartre et d'un lucus ou bois sacré que forme l’extrémité du boulevard Poissonnière.
Quel Phidias l'a édifié ? quel artiste divin a prodigué sur ses lambris le marbre et les dorures, et l'ivoire, et l'onyx ? On ne saurait le dire. Mais au moins, ce qu'on n'ignore pal, c'est que son hiérophaute se nomme Vachette, et que les illustres Romains Lucullus et Apicius se fussent empressés, s'ils l'avaient connu, de revêtir la serviette blanche des néophytes et de se faire initier à la pratique succulente de ses dogmes.
C'est là que se dirige toutes les nuits la foule recueillie et affamée des gourmets nés parisiens ; c'est là qu'elle mange, s'il faut le dire ; c'est là qu'elle se livre au seul repas qu'elle reconnaisse encore ; c'est là toujours qu'elle veut souper. Une telle ferveur n'étonnera plus lorsqu'on saura qu'au Café Vachette les plus simples mortels peuvent avaler le nectar et l'ambroisie, c'est à dire faire des repas de dieux.

(journal Vert-vert 9 juillet 1836)

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JeanMarc
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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Aux Phares de la Bastille, 5-7 place de la Bastille (IVe arrt.)

Une fois n’est pas coutume, les informations relatives à la Maison des Phares de la Bastille, relayées à l’envi par tous les médias sans exception, sont truffées d’inexactitudes, d’approximations et manquent à l’évidence de précisions.
Situés au tout début de la rue Saint-Antoine, n°2, formant angle avec les n°5-7 place de la Bastille, les Grands magasins des Phares de la Bastille ont été construits en 1869 et inaugurés le 28 octobre, et non en 1875 comme l’affirment l’ensemble des médias. Le journal
l’Eclipse, le Petit Journal et de nombreux quotidiens parisiens du 15 octobre 1869 annoncent son ouverture et en donnent une description intéressante :
On vient d'achever les nouvelles constructions qui régularisent la place de la Bastille, du côté de la rue Saint-Antoine. Les angles des deux corps de bâtiments sont occupés par des pavillons ronds supportant des lanternes en phares. Dans la construction de droite, véritablement gigantesque, on installe en ce moment d'immenses magasins portant l'enseigne des Phares de la Bastille.
Ces magasins, qui occupent trois étages sur toute la largeur de ce vaste bâtiment, contiendront tous les objets faisant partie de l'habillement d'hommes et d'enfants, depuis le chapeau et la casquette jusqu'à la chaussure.
C'est une
grande maison de gros, la plus ancienne et la plus réputée de Paris, qui a eu l'idée éminemment pratique, d'utiliser cet immense immeuble, faisant retour sur deux rues importantes, pour y installer cet établissement grandiose. Cette idée est toute nouvelle, car jusqu'ici on n'avait point encore songé à créer une maison de ce genre pour ce quartier populeux, et en vue des besoins spéciaux des classes laborieuses qui l'habitent en grande majorité.
Réunir et offrir à l'acheteur, dans un seul et vaste local, les nombreux articles qui font partie de l'habillement, la coiffure, les habits, la chemiserie, la bonneterie, la chaussure et les vêtements de travail, depuis la blouse et la cote jusqu'au corsage, et au tablier, c'est donner à chacun le moyen d'économiser un des objets les plus précieux aujourd'hui : le temps.
Les nouveaux magasins des Phares de la Bastille, qui vont ouvrir prochainement, formeront un des ornements de la place de la Bastille, où ils sont appelés à attirer une vive et continuelle circulation.

Le Petit Moniteur Universel du 28 octobre 1869 a tout juste le temps d’annoncer les dernières installations et l’ouverture de ces nouveaux magasins :
Un groupe considérable d'individus était arrêté, dans l'après-midi d'hier sur la place de la Bastille et suivait des yeux les ouvriers occupés aux construction nouvelles de la place. Ces ouvriers hissaient et fixaient, au balcon du premier, d'énormes caractères dorés et en relief, qui font partie de l'enseigne de la maison de confection et de vêtements des Phares de la Bastille.
On se fera une idée des dimensions colossales de cette enseigne en songeant que les mots : Habillements d’hommes et d'enfants, Vêtements de travail, en lettres de plus d'un mètre de haut, se développent sur une longueur de quatre-vingt-quinze mètres.
Les constructions des magasins des Phares de la Bastille ne contribueront pas seulement à donner un caractère grandiose à la place ; ces vastes magasins répandront aussi à profusion la lumière pendant la nuit.
L'étendue de la place, la nature de certaines constructions publiques qui l'entourent, et le caractère de plusieurs voies qui y aboutissent, sont peu faits pour favoriser l'éclairage ; le vaste et brillant établissement des Phares de la Bastille avec ses trois étages éclatants de lumières, le soir, l'augmentera dans une très forte proportion.
On pourra en juger prochainement : l'ouverture des Phares de la Bastille, retardée par les nombreux travaux d'installation, aura lieu demain, 28 octobre.

Encart publicitaire annonçant l’Ouverture inaugurale des Phares de la Bastille du 28 octobre 1869, paru dans de nombreux journaux (la Gazette nationale, le Peuple français, Le Droit, Paris, le Rappel, la Liberté, le Gaulois, la Patrie, etc)
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Dans son ouvrage publié en 1871 « Les Désastres de Paris ordonnés et causés par la Commune dans la seconde quinzaine de mai 1871 », John Mottu signale que la superbe maison de l’angle de la rue Saint-Antoine, Aux Phares de la Bastille a été bien détériorée par les projectiles. De son côté, le café y attenant, à l’enseigne des Phares de la Bastille, a été détruit par le feu. On s’empresse de réparer les dégâts et, le 2 octobre 1871, le Petit Journal annonce que « de nombreux ouvriers sont occupés en ce moment à remettre en état la place de la Bastille. On pave la chaussée, on reconstruit le coin de la rue de la Roquette. L'angle du boulevard est encore en ruines, mais on a entièrement réparé les dégâts commis dans les immenses magasins des Phares de la Bastille. Cette maison, qui occupe quatre étages sur toute la largeur du côté ouest de la place, avait reçu de nombreux projectiles. A voir le nombreux public qui se presse constamment devant les étalages du magasin des Phares, on ne dirait pas que nous sortons d'une guerre fatale et d'une insurrection désastreuse. »

Une des innombrables publicités des Phares de la Bastille (11 novembre 1878)
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Après de nombreuses recherches, nous avons enfin pu percer l’identité de la « grande maison de gros, la plus ancienne et la plus réputée de Paris » qui a créé les Grands Magasins des Phares de la Bastille : il s’agit des associés de la Maison Coutard, laquelle était installée au n°23 rue Croix-des-Petits-Champs (devenu le n°21). Cette entreprise, grande maison de confection d’habillement et d’articles d’exportation qui employait près de quarante personnes à la coupe, a été fondée en 1829 par Jean-Orme Coutard (1794-1850).
Au décès de Coutard survenu le 30 novembre 1850, sa veuve, Marie Nicole Deschamps (1795-1859), cède l’affaire pour 125.000 francs à
Joseph Servant (1815-1888) dont l’épouse, Julie-Seconde Roche (1812-1903) est la nièce de Coutard. Afin de tenir cette importante manufacture de vêtements pour hommes, Servant s’associe le 26 juin 1851 avec Lemann Garnizot (1808-1863), dont le père, Félix Garnizot, était colporteur ; leur société en nom collectif porte la raison sociale Lemann et Servant – Maison Coutard.
La société est dissoute le 26 novembre 1852, Lemann Garnizot conservant seul l’entreprise jusqu’au 30 mai 1856, date à laquelle celui-ci crée une nouvelle société dénommée Lemann et Cie dont il assure la gestion et l’administration ; y sont associés Cerf David, Adolphe Biccard et Théodore Debacker
Le 31 juillet 1858, Lemann Garnizot dissout sa société, la remplaçant aussitôt, le 28 septembre 1858, par une société de même nom mais avec comme associés
Cerf David et Amédée Sachet. Cette fois-ci la société dure un peu plus longtemps mai est tout de même dissoute le 15 octobre 1862 avec effet au 1er août.
Lemann Garnizot décédé le 13 février 1863, sa veuve Nannette Nathan cède la Maison Coutard à
Cerf David (1827-1897) et à Amédée Sachet (né en 1811).

Une des publicités de la Maison Coutard 21 rue Croix des Petits-Champs (1er janvier 1853), maison-mère des futures Phares de la Bastille
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Ce sont donc Cerf David et Amédée Sachet qui, en 1869, fondent les Grands Magasins des Phares de la Bastille, qui présentent la particularité d’ouvrir le dimanche. Ceux-ci gèrent ensemble la Maison Coutard et les Phares jusqu’en 1875 ; le 11 novembre 1875, Amédée Sachet se retire et Cerf David crée la société en commandite C. David, E. Isaac et Cie, au capital de 700.000 francs, associé avec Ernest-Salomon Isaac (né le 20 janvier 1828, négociant, marié en 1858 avec Bethzi Hirtz) : cette société englobe la Maison Coutard de la rue Croix des Petits-Champs et sa « succursale » des Phares de la Bastille.
L’année suivante, le 7 décembre 1876, Cerf David, veuf d’Esther Emelie Crémieux depuis le 3 septembre 1876, épouse en secondes noces Nanette Coudchou (1829-1913), Ernest Salomon Isaac figurant comme témoin à l’état-civil.

En 1877, David et Isaac engagent « M. Gabriel » comme directeur des Phares : il s’agit de Gabriel Maus qui reprendra l’affaire sept ans plus tard. Celui-ci semble très apprécié des membres du personnel puisque le dimanche 3 février 1878, ceux-ci organisent un banquet en son honneur :

— Un splendide banquet offert par les employés des Phares de la Bastille à M. Gabriel, leur directeur, a eu lieu dimanche chez Catelain, au Palais-Royal.
Dans un immense salon, plus de deux cents employés fêtaient gaiement l’anniversaire de l’entrée en fonctions de leur directeur actuel avec MM. David et Isaac, leurs patrons, qu’ils avaient conviés.
On s’est mis à table à sept heures, le banquet s’est prolongé jusqu’après minuit, la plus franche gaieté n’a cessé d’animer le repas, qui a été suivi de chants. On s’entretenait beaucoup des merveilles préparées en vue de l’Exposition universelle de 1878.
M. E. Isaac, tant en son nom personnel qu’au nom de son associé, a, le premier, pris la parole pour remercier M. Gabriel et le féliciter du personnel d’élite dont il a su s’entourer, constatant avec plaisir le succès éclatant qu’a produit cette dernière saison, et l’accroissement considérable des affaires.
On s’est séparé en portant un toast au progrès et au travail et en se donnant rendez-vous pour l’année prochaine.
(Le Charivari 8 février 1878)

TOUT PARIS - 1540 - Rue Saint-Antoine à la Place de la Bastille (IVe arrt.)
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publié par rigouard ven. 20 juin 2014 10:34

Le 6 décembre 1879, les locaux de la Maison Coutard de la Croix des Petits-Champs font l’objet d’un vif incendie :
— Un incendie s'est déclaré hier, à 6 heures 45 minutes du matin, dans le bureau des magasins d'habillement de MM. David et Isaac, rue Croix-des-Petits-Champs, 21. Les sapeurs-pompiers des environs accoururent, et purent se rendre maître du feu après une heure et demie de travail. On signale la conduite courageuse du caporal Rumeau et du sapeur Simon, qui ont accompli plusieurs sauvetages par les fenêtres, notamment celui d’une dame, âgée de quarante-cinq ans, et de sa fille, âgée de neuf ans, qu'ils descendirent du quatrième au premier étage au moyen d'échelles courbes. Le caporal commandant le poste de la rue de Valois et le gardien de la paix Roos, du premier arrondissement, ont pénétré dans le local enflammé pour sauver la caisse de MM. David et Isaac. Les dégâts sont estimés à 35.000 francs. Tout était assuré.
(Journal La Liberté 7 décembre 1879)

A la suite de cet incendie, Cerf David dissout la société C. David, E. Isaac et Cie le 10 décembre 1879 pour en créer une nouvelle, le 21 février 1880 sous le nom de David et Marx, au capital de 600.000 francs, pour une durée de 15 ans : cette société en nom collectif chapeaute toujours l’ancienne maison Coutard de la Croix des Petits-Champs, bien entendu la succursale des Phares de la Bastille et un autre magasin, spécialisé dans les robes de chambre, situé au n°1 rue du Bouloi. Le nouvel associé, Maurice Marx (1845-1919), négociant et confectionneur, est marié avec Nanette Blum (1844-1881). Devenu veuf le 1er septembre 1881, Marx convole en secondes noces dès l’année suivante, le 26 septembre 1882, avec Elise Salomon ; lors de la naissance de leur fille Rosalie Marx le 19 février 1883, Cerf David sera témoin à l’état-civil.

Publicités Maison Coutard 21 rue Croix des Petits-Champs (David et Isaac ; David et Marx)
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A l’instar de la Samaritaine ou du Bon Marché, le directeur des Phares, M. Gabriel [Maus], installe chaque année de grandes expositions aux vitrines des Phares de la Bastille, attirant une foule de badauds considérable. On y admire ainsi en décembre 1879, les personnages de l’Assommoir de Zola, en 1881, Latude dans sa prison ou encore, en juillet 1882, un Panorama de la Prise de la Bastille :
— Grand émoi hier, dans la soirée, à la place de la Bastille ; les habitants des 4e, 11e et 12e arrondissements se portaient en masse aux vitrines des Grands Magasins des Phares de la Bastille, où une foule compacte n'a cessé de stationner de six heures du soir à une heure du matin. Les Magasins des Phares de la Bastille avaient organisé une exposition générale des nouveautés de la saison, et, pour donner plus d'attrait à cette solennité, M. Gabriel, le directeur de cet important établissement, avait eu l'ingénieuse idée de faire figurer les principaux personnages de l'Assommoir, dont la fidélité des types ne donnait lieu à aucune contestation. En somme, grand succès pour les Phares de la Bastille et pour M. Emile Zola.
(L’Evénement 3 décembre 1879)
— C'est à l'aimable invitation de MM. David et Marx, propriétaires des Grands Magasins des Phares de la Bastille, que nous sommes redevables d'avoir assisté hier à la mise en place d'un magnifique Panorama, représentant d'une manière saisissante la Prise de la Bastille en 1789, exécuté par un artiste bien connu, M. Ménessier. Nous avons été émerveillés, et sommes persuadés que tout Paris voudra admirer ce chef-d'œuvre, d'un effet grandiose, exposé à une de leurs vitrines. Tout le monde, du reste, pourra conserver un souvenir durable de ce splendide Panorama, qui est visible, à partir d'aujourd'hui, jusqu'au 20 juillet, grâce à l'obligeance de M. Gabriel, Directeur des Grands Magasins des Phares de la Bastille, qui en offre gratuitement, à tous les visiteurs, la réduction coloriée sur papier de Hollande.
(La France 14 juillet 1882)

Bien entendu les propriétaires et le directeur des Phares de la Batille ne lésinent pas sur l’insertion d’innombrables publicités dans les journaux, sans oublier les publications de catalogues diffusés en grand nombre et la fabrication d’affiches grands-formats, collées notamment sur les fameuses colonnes Morris.

Aux Phares de la Bastille affiches publicitaires
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En 1883, David et Marx déménagent leurs ateliers de la rue de la Croix-des-Petits-Champs au n°4-6 boulevard Montmartre et finissent par céder, l’année suivante, le 20 novembre 1884, leur « succursale » des Phares de la Bastille au directeur en place, Gabriel Maus, associé à 50/50 pour la circonstance à Anselme Cahn. En vue de cette acquisition, ceux-ci ont créé, le 14 novembre 1884, la société G. Maus et A. Cahn, au capital de 506.000 francs, dont 326.000 francs correspondant au prix payé à David et Marx pour la cession du stock de marchandises du magasin. La société David et Marx continuera son activité de confection du boulevard Montmartre et deviendra, à compter du 1er janvier 1889, la société Marx et Cie.
Gabriel Maus (1840-1908), originaire de Colmar, marié une première fois avec Rachel Mayer, devenu veuf le 23 octobre 1866, a épousé Mélanie Isaac en secondes noces, le 25 juin 1867. Anselme Cahn, né le 10 juin 1833 est marié avec Mélanie Dreyfus (1833-1890) depuis le 3 octobre 1861.

Entrée rue Saint-Antoine et Maison des Phares de la Bastille
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Il faut préciser que Maus et Cahn, tout comme leurs prédécesseurs, ne sont que locataires des Grands Magasins des Phares de la Bastille, les murs appartenant à des investisseurs privés ; ces murs qui procurent à leurs propriétaires un loyer annuel de 88.000 francs, sont proposés à la vente le 7 juin 1887 sur une mise à prix d’un million de francs. Ils seront adjugés au prix de 1.125.000 francs.

Tout comme du temps de David et Isaac, Maus et Cahn continuent de convier traditionnellement leurs employés à un banquet annuel : le 27 mars 1886, celui-ci se déroule chez Bonvalet 29-31 boulevard du Temple.
Maus et Cahn feront parler d’eux à plusieurs reprises, notamment en 1885, 1889 et 1892, à la suite de lettres de plaintes qu’ils déposeront auprès de la Préfecture de Police, en raison de la prostitution féminine qui avait pris pour habitude de s’installer aux abords des Phares de la Bastille.
La société Maus et Cahn ayant été créée pour une période de dix ans, non renouvelable, à son issue prévue le 15 novembre 1894, Gabriel Maus reprend les parts d’Anselme Cahn et reste seul propriétaire des Phares de la Bastille. Peu après, Gabriel Maus prendra comme collaborateur son fils
Georges Maus (1878-1950) qui lui succédera définitivement en 1906, date à laquelle celui-ci créera la Fédération des commerçants-détaillants de France qu’il présidera jusqu’en 1939.

Aux Phares de la Bastille affiches publicitaires
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En dépit du conflit 1914-1918, les Phares de la Bastille continuent leur activité, certes réduite, et profitent de l’armistice pour relancer leurs campagnes publicitaires. Ayant été approchés par les gestionnaires de la Banque de France qui recherchent des locaux pour ouvrir une de leur succursale, Georges Maus cèdera son affaire en octobre 1919 pour la coquette somme de 11 millions de francs (selon Les Cahiers du Communisme daté de 1977). La dernière annonce publicitaire pour la liquidation des stocks du magasin est parue le 28 septembre 1919.

PARIS QUI DISPARAIT - Paris va voir disparaître tout prochainement une de ses plus anciennes et plus réputées maisons d'habillement. Les « Phares de la Bastille » vont quitter l'emplacement qu'ils occupaient depuis si longtemps. Un stock énorme de marchandises va être liquidé, comprenant des vêtements pour hommes, femmes et enfants. Il y a là actuellement une occasion unique de trouver le moyen de faire des achats à un prix non seulement au-dessous de la normale, mais très avantageux, car la direction a décidé de faire un escompte de vingt pour cent sur tous les prix marqués d'excellentes marchandises qui ont toujours été vendues à un prix très bas et très étudié.
Par ces temps de vie chère et au moment où tant d'hommes en particulier vont avoir besoin de s'habiller, c'est là une chance exceptionnelle.
Nous ne saurions donc trop recommander à tous ceux qui se rendront aux « Phares de la Bastille » de s'y trouver de bonne heure. La vente commencera samedi 14 juin, elle aura lieu ce jour et les jours suivants de 9 à 12 heures et de 2 à 6 heures. L'affluence sera certainement considérable. Il est, en effet, peu de ménages soucieux de leurs intérêts qui ne veuillent profiter d'une occasion unique.

(Le Matin 10 juin 1919)

Après de gros travaux de réaménagement (1), la succursale de la Banque de France s’installe au rez-de-chaussée du 5-7 place de la Bastille au début de l’année 1921. Le 18 mars 1921, Georges Maus est promu chevalier de la Légion d’honneur ; il se mariera sur le tard, le 24 mai 1940 avec Madeleine Meillier.

La Banque de France a remplacé les Phares de la Bastille — Portrait Georges Maus (cliché agence Roll 1913)
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Pas moins de dix exploitants se sont succédés de 1874 à 1914 à la tête du Canon de la Bastille, nom de l’enseigne de la grande brasserie occupant l’angle du n°3 place de la Bastille / n°1 rue Saint-Antoine (anciennement n°236), faisant pendant face aux Phares de la Bastille.
Les premiers limonadiers n’y faisaient pas de vieux os : Quillet en 1874, Domange en 1875 ; E. Ducros en 1876-1877 ; Michelin en 1878-1879 ; les frères Marchand de 1880 à 1883.
Le suivant,
Lucien Boulay (1837-1899) a battu tous les records en y restant 10 ans de 1884 à 1893. Originaire de Bonnetable dans la Sarthe, Bouylay s’est marié le 11 février 1868 avec Marie Farges, parisienne né en 1846, avec qui il tenait auparavant et dès 1869, un débit de vins et liqueurs au 2 place du Théâtre Français.
Cassagnes qui succède à Boulay en 1894, cède la brasserie le 30 juin 1898 à Emile Favier. F. Costes la rachète en 1904 avant de la revendre le 1er juin 1908 à Philippe Malaviole.

Philippe Malaviole (1862-1939), parisien, se marie le 8 février 1890 avec Marie Anne Antoinette Cancelier (1870-1960), charbonnière avec ses parents au n°13 rue de la Reynie dans le 19e. Lors de ce mariage, Malaviole est marchand de vins chez ses parents (Jean-Antoine Malaviole et Marguerite Delcassan) au n°188 avenue de Clichy, qui tiennent leur commerce depuis 1882.
Dès le 1er mars 1890 Philippe Malaviole et sa jeune épouse acquièrent, auprès du sieur Groshenny, un fonds de « vins-tabacs-logeur » situé au 152 rue Cardinet, commerce qu’ils exploiteront pendant 14 ans, avant de le revendre le 27 mai 1904 à un certain Cabriolé. Et c’est donc quatre ans après qu’ils reprendront le Canon de la Bastille dont ils tiendront les rênes jusqu’après 1922.
Philippe Malaviole décèdera au n°1 rue Saint-Antoine le 8 février 1950, précédant son épouse qui le suivra le 24 octobre 1960.
Les locaux des ci-devant Phares de la Bastille sont toujours occupés, aujourd’hui, par la Banque de France, tandis que l’enseigne du Canon de la Bastille est devenue le Café Français. A noter que les campaniles / phares ont été démolis par la municipalité en 1947.

Au Canon de la Bastille
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(1) Des fouilles seront entreprises notamment à l’angle du pan coupé, dans l’espoir de trouver quelques vestiges de l’ancienne prison de la Bastille
— Une tranchée nécessaire à l'établissement d'un écoulement d'eaux, est en cours d'exécution, place de la Bastille, à l'angle du pan coupé circulaire, reliant cette place à la rue Saint-Antoine, devant l'immeuble des anciens établissements des Phares de la Bastille.
Cette tranchée, qui va perpendiculairement du bâtiment au bord du trottoir, a une longueur d'environ 8 mètres et une profondeur actuelle de 4 m. 50, elle passe au-dessus de l'ancien mur de la forteresse reliant la tour de la Chapelle à la tour du Coin, sensiblement à la rencontre du mur avec cette dernière tour.
Jusqu'à présent les fouilles n'ont mis au jour rien d'intéressant, mais la tranchée devant être faite jusqu'à une profondeur d'au moins 6 mètres peut-être retrouvera-t-on quelques vestiges de l'ancienne prison.
Les travaux sont visités journellement par M. Grimault, inspecteur des fouilles.
(Bulletin municipal officiel de Paris 2 novembre 1920)

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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Maison anglaise et Bazar du Voyage n°1 et 3 place de l’Opéra / rue de la Paix (IIe arrt.)

Les immeubles de proue de la rue de la Paix (rue Napoléon jusqu’en 1814) construits en 1815 et donnant sur la place de l’Opéra ont tous été expropriés en 1868, rasés et reconstruits sous leur forme actuelle. En témoigne l’estampe due au lithographe Louis-Julien Jacottet (1806-1880) que nous pouvons comparer avec un cliché réalisé après cette transformation.

Rue de la Paix vers 1860 (Estampe Louis Julien Jacottet) - Rue de la Paix vers 1912
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Ces expropriations ont été prononcées le 12 mars 1868 par la chambre réunie ad hoc au Tribunal civil de la Seine, en application des délibérations de la préfecture et du conseil municipal qui ont décidé que cette démolition est jugée nécessaire pour la régularisation de la place semi-circulaire qui doit exister du côté de la rue de la Paix en face du nouvel Opéra. Vingt et un immeubles seront ainsi détruits dans cette opération dont les deux qui nous intéressent sont situés à gauche aux n°32-34 rue de la Paix (futur n°1 place de l’Opéra / 24 rue de la Paix) et à droite, au n°25 rue de la Paix (futur n°3 place de l’Opéra)
Le jury présidé par M. Paillet a fixé les indemnisations des locataires et propriétaires des lots concernés à :

32-34 rue de la Paix
Propriétaire immeuble : montant offert 1.200.000 ; demandé 2.035.000 ; alloué 1.780.000.
Locataire :
Hôtel de la Paix : montant offert 125.000 ; demandé 635.000 ; alloué 300.000.
Divers autres locataires : bains chinois, ébénisterie d’art, confection dentiste, bijouterie, changeur marchand de modes, photographe, objets d’arts, parfumeur : montants alloués 1.297.000.

25 rue de la Paix
Propriétaire immeuble : montant offert 983.000 ; demandé 1.850.000 ; alloué 1.350.000.
Locataire :
Bazar du voyage : montant offert 80.000 ; demandé 118.750 ; alloué 300.000.
Locataire :
Hôtel de Douvres : montant offert 100.000 ; alloué 100.000.
Divers autres locataires : bijoutier, marchand de parapluies, marchand de tabacs, cordonnier et chemisier : montants alloués 425.000 francs

n°1 place de l’Opéra
L’Hôtel de la Paix du n°28 rue de la Paix est, depuis 1832 la propriété de Fradin. Renuméroté n°32, Fradin le cède en 1847 à Bargeon (Barjon selon l’humeur du typographe) qui annonce dans ses réclames que son établissement dispose de grands et petits appartements meublés avec cuisine.
Frédéric Muller en fait l’acquisition en 1855. En 1862, Muller obtient gain de cause dans le procès qui l’oppose à la Compagnie immobilière de Paris qui a fait édifier par l’architecte Alfred Armand, à quelques mètres de son propre hôtel, un immeuble, prenant comme enseigne « Grand Hôtel de la Paix », situé boulevard des Capucines à l’emplacement de l’ancien Passage Sandrié (le futur Grand Hôtel et son Café de la Paix du rez-de-chaussée) ; après avoir interjeté appel du premier jugement du 15 mai qui ne lui était pas favorable, Muller fait condamner la Compagnie immobilière le 16 juillet 1862, laquelle est contrainte de supprimer définitivement toute allusion à l’hôtel de la Paix de son enseigne. Trois jours auparavant, le dimanche 13 juillet, Emile Pereire et Emile Pasquier, directeur dudit hôtel, le faisaient visiter en grand pompe à l’impératrice Eugénie…
Frédéric Muller conservera l’Hôtel de la Paix jusqu’à son expropriation de 1868, laquelle sera suivie de sa destruction.

La reconstruction à cet emplacement est financée par
François Garen, associé avec l’architecte Henri-Alphonse-Toussaint Not (1821-1875), ce dernier dressant les plans de ce bâtiment conçu à l’usage d’Hôtel pour les étages, le Rez-de-Chaussée étant réservé à des boutiques destinées à être affermées.
François dit Félix Garen (1812-1879), né de père inconnu, originaire de Bussière-Badil en Dordogne, s’est marié le 19 septembre 1855 avec Caroline Louise Adélaïde Bernardet (1825-1861). Garçon-limonadier à Paris dès avant 1842, il tient sa première affaire en propre en 1844 au n°3 place du Châtelet ; on le suit ensuite en 1849 au n°10 boulevard Montmartre, au n°16 boulevard des Italiens à partir de 1856 (café-restaurant-glacier Iche qu’il a repris auprès d’un certain Bellenger) et enfin au n°12 boulevard des Capucines en 1864. Devenu veuf, Garen se remarie le 7 mars 1868 avec Anne-Théodorine Davy.

Le
Splendide Hôtel, dirigé par Charvet, ouvre ses portes en décembre 1869, à l’angle du n°1 place de l’Opéra et du n°49 avenue Napoléon qui deviendra l’avenue de l’Opéra en 1873. Doté du confort moderne, l’établissement dispose d’un ascenseur hydraulique et d’un monte-plats…

Ouverture Splendide Hôtel (Le Figaro 9 décembre 1869)
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Les événements de 1870-1871 vont freiner les affaires de l’hôtel et ce n’est qu’en 1873 que le rez-de-chaussée est aménagé et affermé à la Maison Anglaise, Chapellerie du Derby et des Sportsmen.

Maison Anglaise Chapellerie du Derby et des Sportsmen n°1 place de l’Opéra et au fond le Bazar du Voyage de W. Walcker (cliché Charles Marville 1877)
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Réclame Chapellerie anglaise (journal Le Jockey 2 juin 1883)
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Après le décès de son associé Henri-Alphonse Not survenu le 21 décembre 1875, Félix Garen devient seul propriétaire de l’hôtel avec ses enfants ; avant de confier l’affaire à la société Rodolphe Kuntz et Cie, société au capital de 400.000 francs créée le 31 décembre 1877, chargée de l’exploitation dudit hôtel. Félix Garen décédera le 19 janvier 1879 à son domicile du 125 avenue des Champs Elysées.
Jean Rodolphe Kuntz (1815-1881), maître d’hôtel avec son épouse Victorine Fortepaule ne survivra que peu de temps à Félix Garen, et, peu après la disparition de Kuntz le 14 mars 1881, le Splendide Hôtel sera transformé en appartements.
En 1890, la Maison Anglaise laisse la place au rez-de-chaussée à l’agence de voyage et change,
Thomas Cook et fils qui était auparavant installée 9 rue Scribe. L’agence, toujours présente à cet emplacement en 1922, est ensuite transférée au 38 avenue de l’Opéra. En février 1928, Frank Henry Cook, président de la société Thomas Cook à présent constituée de deux entités — Thomas Cook and Son agence de tourisme internationale et Thomas Cook and Son Bankers — annonce une fusion d’intérêts avec la Cie Internationale des Wagons-Lits et des Grands Express européens. L’année suivante, cette compagnie, de droit belge, présidée par Maurice Despret, déclare avoir pris le contrôle de Thomas Cook. Dorénavant la compagnie se présente sous le nom de Wagons-Lits Cook et l’une des cinq agences parisiennes est installée dans les années 1930 au 14 boulevard des Capucines.
Aujourd’hui la Bred Banque populaire s’y est installée.


Thomas Cook et fils, 1 place de l’Opéra
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publié par rigouard sam. 24 oct. 2020 08:02

n°3 place de l’Opéra
Nous avons vu ci-dessus qu’avant l’expropriation de 1868, à l’angle du n°25 rue de la Paix (anciennement n°21) et du n°17 boulevard des Capucines (précédemment n°9 puis 15), l’Hôtel de Douvres faisant pendant à l’ancien Hôtel de la Paix. Cet hôtel garni était tenu par Mlle Morel dès avant 1820. En 1835, le sieur Thévenin lui succède et publie quelques réclames signalant que son hôtel se compose de grands et petits appartemens meublés et décorés à neuf.
En 1844, Thévenin tente à plusieurs reprises de vendre le fonds de commerce de l’Hôtel de Douvres, notamment les 21 août et 5 octobre 1844, sur une mise à prix de 125.000 francs. Faute de preneur à ce prix, Thévenin baisse celui-ci à 115.000 francs pour une nouvelle adjudication prévue le 28 octobre 1844. Celle-ci est finalement remportée par Denis Bellenger (1794-1849) et son épouse qui déclarent en décembre 1844 qu’ils viennent d’y aménager un restaurant et d’apporter quelques éléments de confort supplémentaire. Bellenger, nommé électeur censitaire du 1er arrondissement en 1846, paie une patente annuelle de 730 frs 33 au titre de son établissement.

Adjudication de l’Hôtel de Douvres en 1844 — Réclame de Denis Bellenger, nouveau propriétaire de l’Hôtel de Douvres (13 décembre 1844)
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La veuve Bellenger, après le décès de son époux le 23 février 1849, tiendra le Grand Hôtel de Douvres jusqu’à son expropriation de 1868.
Au rez-de-chaussée de l’hôtel, et ce, depuis 1815, Jean-Jacques Brune (1773-1849) exerce l’activité de sellier-harnacheur, profession très recherchée à cette époque. Après son décès du 23 février 1849, l’affaire y sera poursuivie jusqu’en 1855 par ses successeurs Létang et fils qui s’installeront par la suite au 30 rue Caumartin.
Le 15 juillet 1855, cet emplacement est repris par
Alexis Godillot (1816-1893), le fameux manufacturier de brodequins, qui y transfère le Bazar du Voyage — articles utiles pour le voyage, le campement et la chasse, malles en cuir, cantines, étuis et boites à chapeaux, etc…— qu’il avait créé en août 1845, au n°14 boulevard Poissonnière, dans la « Maison du Pont-de-Fer ».
Le 21 décembre 1859, Godillot cède le Bazar du Voyage à
Adolf Wilhelm Walcker (1830-1888), lequel était entré en 1853 dans les vastes ateliers de Godillot du n°61 rue Rochechouart (ceux-ci, qui comptaient 300 ouvriers, étaient auparavant, jusqu’en 1850, au n°278 rue Saint-Denis), en tant que directeur de fabrication des fournitures à l’armée.
Naturalisé français en 1861, Walcker fait franciser son prénom en Guillaume et se marie avec Marie Louise Luckfiel. A cette date son magasin de vente occupe quatre boutiques et s’étend en façade sur 34 mètres de long.


Réclame du 21 avril 1861 Bazar du Voyage W. Walcker successeur d’Alexis Godillot — Usine Godillot 61 rue Rochechouart
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Tout comme l’Hôtel de Douvres dont il occupe le rez-de-chaussée, Walcker est indemnisé lors de son expropriation de 1868 et touche à cette occasion 300.000 francs.
Une fois l’immeuble reconstruit, W. Walcker occupe à nouveau, dès 1870, l’angle du 25 rue de la Paix, au n°3 place de l’Opéra où en sus des diverses mallettes et boites à chapeau, il propose tout le mobilier destiné aux écoles (bancs, pupitres et tableaux noirs), ainsi que des sonneries télégraphiques.


Réclame du 23 mai 1875 Bazar du Voyage, mobilier scolaire — Affiche publicitaire Bazar du Voyage
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En 1886 Walcker déménage son Bazar du Voyage au n°3 avenue de l’Opéra, à l’angle de la rue de l’Echelle, et cède le bail des locaux de la rue de la Paix à la Cie internationale des Wagons-lits et des Grands express européens, dont la direction générale se situe 46 rue des Mathurins. Le propriétaire de l’immeuble est la société d’assurances sur la vie L’Equitable des Etats Unis.

Compagnie internationale des Wagons-lits 3 rue de la Paix
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Le Bazar du Voyage sera à nouveau transféré en 1909 au n°49 rue de Rome avant de disparaître en 1912.
De son côté, l’agence de la Cie des Wagons-lits du n°3 place de l’Opéra / 25 rue de la Paix est transformée, en janvier 1910, en une boutique de joaillerie à l’enseigne de
Tiffany et Cie, Charles Thomas Cook étant devenu en 1902 président de Tiffany, à la suite du décès de Charles Lewis Tiffany.
La boutique Tiffany de la rue de la Paix disparaîtra avec le conflit de 1939-1945.
Aujourd’hui l’emplacement de la place de l’Opéra est loué à Benetton.


TOUT-PARIS - 202 – La Colonne Vendôme - Vue prise de la Place de l'Opéra (IIe arrt.)
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publié par zelig lun. 15 août 2022 19:37 ► ICI

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Au Point du Jour, 1 rue de Belleville et 2 boulevard de la Chopinette (XIXe arrt.)

Alors que la commune de Belleville n’est pas encore annexée à Paris (elle ne le sera qu’en 1859), le préfet de la Seine, par un arrêté du mois de mai 1851, décide de donner un nom aux boulevards extérieurs parisiens : depuis la barrière de la Chopinette jusqu’à la barrière de Belleville, ce sera le boulevard de la Chopinette ; de la barrière de Belleville jusqu’à la barrière des Trois-Couronnes, ce sera le boulevard de Belleville.
A la suite de l’annexion, le boulevard de la Chopinette devient le boulevard de la Villette (à gauche sur le cliché présenté) ; la barrière de Belleville, une fois supprimée, laisse place au rond-point de Belleville où commence la rue de Paris rebaptisée rue de Belleville ; le boulevard de Belleville (situé à droite sur notre Cpa) conserve son appellation.


530 - Rue de Belleville prise du Boulevard - JLC
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Hormis quelques affabulations diffusées ci et là, rien n’est attesté jusqu’en 1845 sur l’identité d’un quelconque traiteur-marchand de vins à cet emplacement. On relève dans l’Annuaire des Boissons ou Liste générale d’adresses de MM. les Marchands de vins en gros et en détail, distillateurs etc… publié par Decaux et Cie en 1845, qu’un certain Frédéric Maurer, marchand de vins, tient l’établissement à l’enseigne Au Point du Jour, situé au n°1 barrière de Belleville.
Il faut attendre ensuite le 24 mars 1858 pour découvrir par un entrefilet publié dans le Journal des débats que Maître Charles Acloque, notaire installé 146 rue Montmartre, propose à la vente en son étude, pour le 31 mars 1858, un fonds de commerce de marchand de vins situé 2 boulevard de la Chopinette, soit précisément le Point du Jour.

Le fonds du boulevard de la Chopinette est acquis en 1860 par Honoré Seurre, traiteur, et son épouse Charlotte Rouches.
Jean-Baptiste Honoré Seurre (1821-1899), originaire Sennevoy-le-Bas dans l’Yonne, s’est marié le 20 juin 1846 avec Charlotte Aimée Rouches (1829-1861), née à Paris 6e.
En 1848, Seurre s’installe une première fois en tant que marchand de vins au n°151 rue Saint-Victor dans le 5e arrt., puis ne fait plus parler de lui pendant quatre ans. En 1853, il achète le fonds de vins-traiteur d’un certain Nicolle, au n°17 rue des Blancs-Manteaux dans le 4e arrt., affaire qu’il cède en 1860 à Jean-Baptiste Marie, afin de lui permettre de prendre celle de la rue de Belleville.
Après le décès de son épouse Charlotte Rouches, le 12 mai 1861, Seurre se remarie le 15 juillet 1862 avec
Françoise Foussadier (1831-1908), née à Saint-Alpinien dans la Creuse, dont le frère, Michel-Pierre Foussadier, est, depuis 1860, marchand de vins au n°7 rue d’Ulm / 25 rue de la Vieille Estrapade, dans le 5e arrt.
Après la naissance de Charles-Victor, leur 3e enfant, en 1866, les époux Seurre demeurent désormais dans le 5e arrt. et sont déclarés propriétaires non commerçants. Il est vraisemblable que Seurre soit parti travailler avec Foussadier, son beau-frère.
A cette date de 1866, Seurre a donc cédé son fonds de Belleville, à
Georges Allary (1813-1886), lequel est marié avec Sophie Gibert (1809-1897). Ceux-ci transmettent l’affaire en 1874, à leur fils Louis Désiré Allary.
Né dans le 10e arrt.,
Louis Désiré Allary (1837-1880), restaurateur, est marié avec Anne dite Valentine Simonnet, originaire de Prissac dans l’Indre qui décède le 1er septembre 1876, à l’âge de 36 ans. Allary la suivra quatre ans après, le 21 septembre 1880.

D’aucuns affirment qu’initialement la maison du n°1 rue de Belleville / n°2 boulevard de la Villette aurait été conçue en bois et reconstruite en dur en 1884 : il n’en est rien car le seul permis de construire délivré par la ville de Paris à cette époque pour le n°1 rue de Belleville est en fait une coquille pour le n°1 rue de Bellevue. Donc, sauf preuve du contraire, le bâtiment tel qu’on peut le voir sur la carte présentée est tel qu’il était à l’origine.


Au Point du Jour [cliché 1933 Jean Roubier (1896-1981)]
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A la suite du décès d’Allary, le restaurant est acheté en 1881 par Alphonse Caux.
Alphonse Joseph Caux (1843-1909), né à Ormoy-Villers dans l’Oise, était précédemment marchand de vins au n°178 rue Saint-Denis dans le 2e arrt., depuis 1875, marié avec Elise Alexandrine Ruelle, originaire tout comme lui d’Ormoy, née en 1857. En 1878, le couple reprend une autre affaire située au n°2 boulevard Ornano, mais, dès le 18 avril 1879, Elise Ruelle décède, âgée de 22 ans. Alphonse Caux convole en secondes noces le 29 juillet 1880 avec Louise Léonie Irma Lavenue (1845-1919), née à Soyécourt dans la Somme, veuve de Louis-Emile Detrez. L’année suivante, Caux revend son affaire d’Ornano afin d’acquérir celle de Belleville.
Les époux Caux tiendront le Point du Jour pendant douze ans avant de le céder à
Jean Foulier en 1893.

Il nous faut rappeler que l’établissement du Point du Jour est, à l’instar de la plupart des commerces de restaurant-vins et liqueurs, affermé par bail à un propriétaire foncier. En l’occurrence, en 1893, et ce, depuis 1860, le bâtiment appartient à
Elie Léon Derondel (1837-1900), marchand de vins en gros, tout comme son frère Pierre Eugène Derondel (1833-1898). Les deux frères installés dès avant 1854 au n°17-19 rue de la Mare dans le 20e arrt, (ils déménageront leurs locaux au n°92 rue de la Mare en 1883), avaient hérité de l’entreprise bellevilloise de leur père Jean François Derondel (1789-1855) qui, en 1826, avait commencé son activité de marchand de vins près de l’octroi de la barrière de la Chapelle-Saint-Denis.
Elie Léon Derondel qui possède donc les murs du
n°2 boulevard de la Villette / n°1 rue de Belleville, est également propriétaire des n°4 et 6 boulevard de la Villette, et à ce titre, dépose, le 11 janvier 1893, une demande d’autorisation d’y construire un immeuble de sept étages (soit vingt mètres de haut), accompagné des plans réalisés par l’architecte René Dubuisson (1855-1921) et obtient le permis le 24 février 1893. Son voisin, le sieur Vincent, propriétaire n°8 boulevard de la Villette / n°5-7 et 9 rue de Belleville, ne l’entendant pas de cette oreille, lui intente un procès le 17 décembre 1894, en raison de l’interception de l’air et de la lumière sur ses immeubles et ses cours ; le tribunal rejettera la requête de Vincent…

Boulevard et rue de Belleville (XIXe arrt.)
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publié par cartoparis jeu. 22 janv. 2015 21:06

Revenons au Point du Jour qui, au moment de la construction de l’immeuble y attenant en 1893-1894, a vu arriver son nouveau locataire, Jean Foulier. Celui-ci est né le 11 avril 1864 dans le 13e arrt., où son père, Jean-Baptiste Foulier, cantalien, était charbonnier-marchand de bois, tout d’abord rue Mazagran puis rue Bourgon. Louis Foulier (1861-1949), frère aîné de Jean, a devancé celui-ci en acquérant, en 1890, le fonds de vins et liqueurs, à l’enseigne du Rendez-Vous des Bons Amis situé au 127 faubourg Saint-Antoine.
Marié le 17 janvier 1894 avec
Marie-Louise Filliette, Jean Foulier ne fait guère de vieux os dans cette affaire, la cédant dès 1899 à un certain Germain, préférant, à l’âge 35 ans, vivre de ses rentes (c’est ce qu’il déclare à l’état civil de Rueil Malmaison, lors de la naissance de son 3e enfant, André-Louis-François, le 28 juin 1899).
Le sieur
Germain ne fait guère mieux, puisque dès 1904, il cède son fonds de commerce à D. Girard (Désiré ?) qui, lui, le conserve jusqu’en 1912, sans nous révéler ni son prénom ni son origine, malgré nos diverses recherches (il faut préciser qu’en 1901, donc avant sa prise de possession, on dénombre 21 marchands de vins du nom de Girard à Paris, sans autres précisions de prénoms !).
Girard aura eu cependant la précaution d’indiquer clairement son nom en toutes lettres au-dessus de son store, pérennisant ainsi son patronyme au moyen des cartes postales.

En 1913,
Léonard Astord et son épouse Antoinette Giraudy sont les nouveaux fermiers du Point du Jour. Astord est né le 11 juin 1882 à Soudeilles en Corrèze ; lors de la naissance de son fils Albert Jean, en 1908, il est garçon de café au 59 rue de Lancry dans le 10e, son épouse étant couturière.
Dans le même temps que l’installation des Astord, des hôtes de marque viennent prendre leur quartier au n°1 rue de Belleville, vraisemblablement dans les étages supérieurs du restaurant : il s’agit de
l’Harmonie de Belleville, fondée en 1893 par E. François. Depuis sa création, son siège a été transbahuté place Armand Carrel, 27 rue de Belleville, 22 boulevard de la Villette (à l’Alhambra), 101 boulevard de Belleville, 39 rue Bolivar et enfin 76 rue Botzaris, avant d’enfin trouver refuge au Point du Jour à partir de 1913. A cette date, cette phalange musicale, forte de 50 exécutants, est dirigée par M. Joly et présidée par MM. Nicolas et Didiot.

Les époux Astord exploitent le Point du Jour jusqu’en 1930, date à laquelle ils déménagent 81 boulevard de Clichy et cèdent les rênes de ce désormais « café-billard » à leur fils
Albert-Jean Astord qui y était encore actif et titulaire du bail en 1932, les héritiers Derondel étant toujours propriétaires des murs de ces locaux.

Aujourd’hui, on serait bien en peine de trouver la moindre trace du Point du Jour, l’ensemble de ce quartier ayant été exproprié en 1971 et rasé en 1973, pour laisser place au Chinatown bellevillois.


Voir sur la carte suivante notre étude sur la Vielleuse qui faisait pendant au Point du Jour, au n°2 rue de Belleville.

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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

La Vielleuse 2 rue de Belleville et 132 boulevard des Couronnes (XXe arrt.)

Après avoir retracé l’historique du Point du Jour ci-dessus, quittons le XIXe arrondissement et franchissons l’ancienne rue de Paris devenue rue de Belleville, pour rejoindre, en face, la Vielleuse du n°2 rue de Belleville / n°132 boulevard de Belleville (ex boulevard des Couronnes) sur le XXe arrondissement.

Jusqu’à présent toutes les rumeurs et hypothèses les plus diverses ont circulé sur l’origine de l’enseigne de cette auberge de la barrière de Belleville. J’ai fini par trouver l’origine indéniable de
La Vielleuse dans un ouvrage datant de 1820, intitulé Annales françaises des Arts, des Sciences et des Lettres par une Société d’Artistes et de Gens de Lettres (tome VI), laquelle société nous fournit en prime, une description des lieux. Aussi, je m’empresse de reproduire in extenso des extraits de ce document, tirés à partir de la page 328 :
— La Courtille et Menil-Montant sont, pour ainsi dire, des faubourgs de Belleville du côté de Paris. M. Desnoyers était un marchand de vin traiteur, et fondateur de la Courtille. Ce n'est pas seulement à la Courtille que messieurs Desnoyers se sont rendus célèbres dans les fastes de Comus et Bacchus : on boit on mange et l'on danse chez MM. Desnoyers, à la barrière du Maine comme à la Courtille ; là, comme ici, ils ont deux maisons vastes, et où l'on trouve tous les agrémens et toutes les commodités qui peuvent attirer les amateurs. La maison de ces MM., la plus voisine du boulevard de la Courtille, est d'une architecture fort agréable. Au premier étage, ses croisées sont ceintrées du côté du boulevard et donnent sur un joli jardin, où se trouve un orchestre ; au-dessus des linteaux des croisées, on lit en gros caractères Desnoyers, marchand de vin, traiteur. Immédiatement au-dessous de cet écriteau, en est un autre conçu en ces termes : Longuet, marbrier, atelier de tombeaux ; et plus bas dans une niche, est une statue, représentant une vielleuse. Quel contraste ! C'est la mort placée entre les plaisirs de la table, de la danse et de la musique…

Initialement, à l’emplacement de l'établissement de la Vielleuse, se tenait un corps de ferme dénommé la Vache Noire où les boissons dispensées se limitaient au lait fraichement trait. En 1780, la ferme et ses terrains agricoles sont démembrés ; seuls subsistent une maison à usage d’estaminet à l’enseigne de la Vache Noire et un jardin y attenant. Il est attesté, le 3 août 1805, que cet établissement, situé sur la grande rue de Paris, près la barrière de Belleville numéro 321, appartient aux citoyens Léonard Nadaud (né en 1748) et son épouse Marguerite Oursel. Devenue veuve, cette dernière voit sa propriété mise en adjudication sur saisie immobilière du tribunal de première instance de la Seine : la maison et le jardin y attenant situés à la haute courtille grande rue de Belleville n° 321 ayant pour enseigne la vache noire sont adjugés le 26 septembre 1811 à Jean-Claude Dénoyez.
Marié avec
Nicole Françoise Faucheur (1763-1839), veuve de Guillaume Savary, Jean-Claude Dénoyez (1761-1830), exploite déjà son établissement de la barrière du Maine, le Salon de la Gaîté, qu’il fera agrandir de deux corps-de-logis, en 1817, au vu de son succès. Aussi charge-t-il son frère puîné, Gilles-Joseph Dénoyez, d’exploiter le fonds de commerce de la Vache Noire.
Gilles-Joseph Dénoyez (1767-1819) est marié avec Henriette Victoire Dauvergne (1776-1858). Celle-ci, après le décès de Gilles Joseph le 30 décembre 1819, continue à tenir l’affaire jusqu’au 8 janvier 1823, date à laquelle, elle cède au sieur Charles Gillet, le fonds de commerce de marchand de vins traiteur ayant pour enseigne « La Vielleuse », première apparition officielle de cette désignation ; de son côté, Jean-Claude Denoyez, toujours propriétaire des murs et du terrain, accorde un bail de neuf années audit Charles Gillet, à compter du 1er janvier 1823.
A une date indéterminée, la statue de vielleuse — ou une réplique — qui se trouvait dans une niche, comme décrit ci-avant, a été déplacée pour être transportée au fronton de l’entrée en pan coupé de l’établissement.


1027 - Paris - Rue de Belleville
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publié par Michel lun. 3 déc. 2012 12:12 ► ICI

Après la disparition des frères Dénoyez (dont les mausolées sont toujours visibles dans le petit cimetière de Belleville rue du Télégraphe), leur « empire » constitué de cabarets et d’auberges sera mis en adjudication le 8 février 1840 à l’audience des criées du tribunal civil de la Seine comprenant notamment :
— la maison du n°2 rue de Paris-Belleville, à l’angle du boulevard des Couronnes, à l’enseigne de la Vielleuse (mise à prix 35.000 francs, revenu annuel 3.000 francs).
— une maison sise au n°30 rue de Paris-Belleville, à l’angle de la rue de Tourtille, à l’enseigne du Grand Vainqueur (mise à prix 35.000 francs, revenu annuel 3.700 francs).
— une maison sise au n°3 chaussée de Ménilmontant, à l’enseigne du
Au Grand Saint-Vincent (ex Fer à Cheval) (mise à prix 14.000 francs, revenu annuel 1.200 francs).
— une maison sise au n°76 rue de Flandre, à l’angle de la rue du Havre, à l’enseigne
Au Signe de la Croix (mise à prix 36.000 francs, revenu annuel 2.500 francs).
— diverses maisons et terrains de rapport situées au n°3 boulevard des Couronnes, au n°9 rue Neuve des Bons-Enfants, au n°154 rue du faubourg Saint-Antoine, à l’angle des rues de l’Orillon et Dénoyez etc… (le fonds de commerce du
Salon de la Gaîté du n°36 chaussée du Maine avait précédemment cédé à un certain Girot, revendu ensuite le 15 décembre 1836 sur une mise à prix fixée à 15.000 francs)

Le 25 juillet 1845, la Vielleuse est le théâtre d’un drame absolu. L’année précédente, Nicolas Drioton (né en 1801 à Selongey en Côte d’Or) et Jeanne Edmée Prudence Faivret (née en 1811 à Montbard en Côte d’Or) ont fait l’acquisition du fonds de la Vielleuse ; les époux Drioton, mariés depuis le 24 juillet 1837, tenaient, dans le même temps, depuis 1838, une affaire de marchands de vins située au n°88-90 rue du faubourg Saint-Denis.
Il faut d’abord préciser que lors des années fastes de la Vielleuse, Dénoyez avait aménagé une vaste salle de danse au second étage du corps de bâtiment attenant à l’établissement, dont le rez-de-chaussée était affermé à une filature. Les bombances et festivités bellevilloises ayant progressivement disparu, la salle de danse a finalement été transformée et compartimentée en trois chambres à l’usage de la famille des exploitants et de leurs « domestiques ». C’est ici que le 25 juillet 1845, alors qu’ils étaient couchés dans une des chambres en question, les époux Drioton ne se réveilleront pas de leur sommeil. La cause de leur décès sera imputée à une
asphyxie déterminée par le gaz carbonique dégagé de la combustion des solives placées au-dessous de la cheminée, lequel a pénétré par les fissures existant au plancher de la chambre des époux Drioton. (1)

Au lendemain de ce drame, le fonds de commerce de la Vielleuse est mis en vente le 1er septembre 1845 par maîtres Loustaunau et Beaufeu au prix de 30.000 francs.
Le 3 septembre 1845, une société de fait est constituée entre
Auguste Drioton et Claude Drioton, frères de Nicolas qui est décédé en juillet, lesquels font l’acquisition de la Vielleuse au prix de 35.000 francs. Cette société de fait est transformée en Société en nom collectif dénommée Drioton Frères, au capital de 60.000 francs, en date du 23 septembre 1848.
Tout comme leur frère Nicolas, les frères Drioton sont originaires de Selongey.
Auguste Drioton (1805-1868) s’est marié depuis le 9 février 1839 avec Catherine Jacqueline Faivret (1815-1898) qui était la sœur de Jeanne Edmée Prudence Faivret disparue lors du drame. Auguste était marchand de vins au n°105-107 rue de Sèvres en 1839 et 1840.
Claude Drioton (1808-1874), marié le 5 janvier 1832 avec Marie Louise Brécy (1811-1841), s’est remarié le 12 mars 1845 avec Firmine Mérance Lescarcelle (1821-1852) avant de convoler le 1er décembre 1853, en troisièmes noces, avec Emilie Elisabeth Pellerine Lescarcelle (1818-1898), la sœur de celle-ci. Claude était marchand de vins au n°17 rue des Petites-Ecuries de 1838 à 1848.

La société Drioton Frères est dissoute à l’amiable le 1er octobre 1852, mais Nicolas Auguste Drioton en conserve le fonds et en continue l’exploitation comme en témoigne le Tribunal correctionnel qui, dans son audience du 17 novembre 1854, le condamne à 50 francs d’amende
pour n’avoir livré que 275 centilitres au lieu de 3 litres de vin (par addition d’eau vraisemblablement !). De son côté, Claude Drioton acquiert en 1853 le Café Lavallière du n°92 boulevard Saint-Jacques, affaire qu’il tiendra jusqu’en 1856, avant de la céder à son fils.

Auguste Drioton cède la Vielleuse en 1861 à
Pierre Sachet (1814-1873), originaire de Saint-Satur dans le Cher, marié à Paris le 13 mai 1841 avec Clémence Félicité Rousseau, lesquels donnent l’affaire à leur fils également prénommé Pierre, né dans le 4e arrt. parisien le 14 juin 1842. Resté célibataire Pierre Sachet décède à 27 ans le 17 juin 1869.

11 - Paris - Rue de Belleville - Aspect d'un Quartier populeux un Dimanche matin
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publié par cartoparis mer. 7 janv. 2015 05:43 ► ICI

L’affaire passe ensuite aux mains d’un certain A.-A. Choiselat qui l’exploite un an, en 1870, avant que François Denis Brulé en prenne possession en 1871.
François Denis Brulé (1836-1887), parisien (son père Antoine-Marie Brulé est maraîcher à Vincennes en 1861), est marchand de vins au n°17 rue de Paris à Vincennes, lors de son mariage du 16 mai 1861 avec Alphonsine Henriette Beaugrand (1838-1894) ; on retrouve ensuite Brulé en 1865, limonadier au n°24 rue Charlot dans le 3e arrt.
A partir de l’installation de François Brulé à la Vielleuse en 1871, les réunions politiques et « meetings » en tous genres vont s’y multiplier.
Ainsi, le journal
Le Pays du 5 février 1871, déplorant que le club Favier ait été supprimé, occupé aujourd’hui par des soldats désarmés, rapporte que les clubistes de Belleville ont été contraints de se réfugier à la Vielleuse :
— C'est une petite salle située au coin du boulevard extérieur et de la rue de Paris, non loin des Folies-Belleville, d'orageuse mémoire. Pourquoi cet endroit s'appelle-t-il la Vielleuse ? C'est ce que les historiographes du cru pourraient seuls nous apprendre ; le fait est qu'à la Vielleuse on est fort mal. Dans ce club égalitaire, c'est à peine si le tiers des assistants peuvent s'asseoir sur des bancs de bois ; le reste doit se tenir debout. Au commencement, il n'y a que peu de monde, mais peu à peu la foule augmente et l'atmosphère s'épaissit. Quelques lampions et des chandelles de six éclairent la scène ; il faut ajouter qu'on ne paye que deux sous.
Le citoyen Vacheron, ouvrier, se porte candidat ; il défend avec chaleur la nécessité de candidatures ouvrières destinées à représenter l'élément des travailleurs dans la prochaine Assemblée.
Un citoyen vient appuyer les candidatures de MM. Genton, Eudes et Oudet. Il fait la biographie de tous les trois : Genton est un vieux conspirateur qui a pris les armes en 1848, en février et en juin.
Quant à Eudes, il était parmi les premiers qui ont protesté contre les trahisons de l'Empire. Il était à l'attaque de la caserne de La Villette, et a été pour ce fait condamné à mort comme ayant donné la main aux ennemis de la France...
Le citoyen Delorme adjure les électeurs d'effacer de leurs listes tous les Judas et les bandits du gouvernement de la défense nationale.
Ces hommes-là sont condamnés à tout jamais, et quiconque voterait pour eux n'aurait pas l'âme française.
Le citoyen La Vallette rend compte des opérations du conclave républicain qui a eu lieu hier soir passage Raoul.
Il accuse le gouvernement de la vente nationale d'avoir reçu 12 à 15 millions de Bismark pour livrer les forts.
Enfin un orateur tire de sa poche un énorme cahier de papier qu'il pose sur la tablette de la tribune.
— Je n'en ai que pour une petite heure, dit-il avec un sourire.
Et là-dessus on siffle, on hurle, on imite tous les cris d'animaux.(…)

En juin 1877, François Denis Brulé cède la Vielleuse à Louis Félix Dutrevis afin d’acquérir la brasserie du n°2 rue des Filles-du-Calvaire / 4 rue Froissart qu’il tient de 1878 à 1880, puis celle du 123 rue Saint-Lazare à partir de 1886, continuée, après son décès du 23 novembre 1887, par sa veuve et son fils Jules Antoine Brulé (1862-1924).

En dépit de la cession des murs de la Vielleuse qui avait eu lieu le 8 février 1840, celle-ci est tout de même restée dans la famille Dénoyez, comme plusieurs de ses propriétés. Le 4 juillet 1877, une nouvelle vente par licitation de ces biens, répartis en six lots, est organisée le 4 juillet 1877, en l’audience des criées au Palais de justice de la Seine :

— propriété sise n°2 rue de Belleville, à l’angle du n°130-132 boulevard de Belleville, à l’enseigne de la Vielleuse (mise à prix 60.000 francs, revenu brut 13.050 francs).
— propriété sise n°2 rue Dénoyez et n°128 boulevard de Belleville (mise à prix 60.000 francs, revenu brut 9.050 francs).
— propriété sise n°8 rue de Belleville et n°2 rue Dénoyez, le Théâtre des Folies Belleville (mise à prix 70.000 francs, revenu brut 13.566 francs).
— propriété sise n°10 rue de Belleville et n°1 et 3 rue Dénoyez (mise à prix 200.000 francs, revenu brut 31.450 francs).
— propriété sise n°110 boulevard de Belleville et n°1 rue Ramponneau et rue Denoyez, 352 m² (mise à prix 50.000 francs, revenu brut 8.500 francs).
— ferme de Champ-brûlé sise sur les territoires de Fontenailles, canton de Mormant (Seine et Marne), terres, bois et prés, 201 hectares (mise à prix 15.000 francs).

Les trois premiers lots (128-130-132 boulevard de Belleville et 8 rue de Belleville), comprenant La Vielleuse, sont adjugés au prix global de 264.100 francs.

Louis Félix Dutrevis (1845-1890), né à Paris s’est marié le 30 juillet 1872 avec Marie Louise Boirot (1852-1908). Avant d’intégrer la Vielleuse, il s’est fait la main de 1871 à 1876 au café du n°17 rue Princesse / n°6 rue Guisarde dans le 6e arrt. Il ne restera que quatre ans rue de Belleville, cédant son fonds, le 15 février 1881, à un certain M. Blanc, pour s’installer au n°1 rue Gay-Lussac.
Ledit M. Blanc ne fait qu’une apparition éclair à la Vielleuse, puisque dès 1882, on y trouve un nouvel exploitant en la personne d’
Hippolyte Mayeur.

Hippolyte Mayeur (1843-1910), originaire de Maizières dans la Meurthe, est marié depuis le 13 août 1872 avec Marie Amélie Bénat (née à Saint-Satur le 18 juillet 1850).
L’année suivant l’installation de Mayeur rue de Belleville, la Vielleuse subit un grave incendie aussitôt relaté par plusieurs journaux, notamment
Le Jour du 6 juin 1883 :
— Un autre incendie a éclaté hier, vers huit heures et demie, dans l'établissement ancien et si connu de la Vielleuse, situé au coin de la rue du Faubourg du Temple (sic) et du boulevard de Belleville.
C'est l'heure de la sortie des ateliers, et nombre d'ouvriers étaient attablés devant la porte et dans la salle du premier étage, quand les consommateurs de la salle virent une épaisse fumée qui montait en colonne par l'escalier en colimaçon. Ils voulurent descendre, mais la fumée les suffoquant, ils durent rétrograder et de là sauter par la fenêtre.
En sautant, un nommé Durand (Jacques) tomba malheureusement et se cassa la jambe à la naissance de la cuisse ; on le transporta dans une pharmacie où l'on procéda à son pansement.
Les sapeur-pompiers du poste-caserne du boulevard de Belleville, appelés en toute hâte, accoururent avec trois pompes à bras.
Malgré leur énergie, les sapeurs-pompiers ne purent se rendre maitres du feu que vers onze heures du soir, et la circulation, qui avait été interdite jusque-là, ne fut libre qu'à minuit.
Les dégâts ne sont pas encore évalués, mais ils s'élèveront à une somme considérable. A la première alarme, les voisins s'étaient empressés de déménager.
Le même jour, le journal Le Siècle « mieux informé », précise que les pertes s’élèvent à 90.000 francs…

551 - Paris - Rue de Belleville – A.P.
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publié par cartoparis dim. 6 janv. 2013 14:48 ► ICI

Après les nécessaires réparations et reconstructions de la Vielleuse, Mayeur la gère pendant dix ans et la revend le 15 novembre 1892 à Auguste Epingard.

Auguste Henri Epingard (1855-1911), né à Vermenton dans l’Yonne, a épousé Anne Carrey (née en 1863 à Alligny dans la Nièvre) le 26 juillet 1881. Epingard est rompu à la limonade : de 1871 à 1874, il est marchand de vins au n°9 rue Bourdaloue / 1 rue Saint-Lazare, de 1875 à 1877 au 21 rue de Ponthieu et de 1881 à 1892 au n°74 rue du faubourg Saint-Denis (affaire qu’Epingard a acquise en 1881 auprès d’Auguste Louis Alexandre Chagniat, l’oncle de son épouse).
Epingard, très dynamique va faire renaître quelque peu les fêtes et bals de son quartier de la Vielleuse, principalement lors de la fête nationale, lesquels avaient disparu depuis plusieurs décennies. Nommé, en 1895, président du
Comité du bas de la rue de Belleville (des n°1 et 2 aux n°34 et 37 de la rue de Belleville), il participe à l’organisation de concours de beauté, de retraites aux flambeaux, de bals à grand orchestre, de concerts-promenade, de bals d’enfants, de fêtes de gymnastique, de courses, de jeux et tombolas etc.
Hormis Epingard son président, ce Comité se compose, en 1896, de : J. Martial, 18, rue de Belleville ; Gentis, 6 rue de Belleville ; Formé, 37 rue de Belleville ; Bouissou, 10 rue de Belleville ; Bastid, 15 rue de Belleville ; Lazare, 8 rue de Belleville ; Pitot, 37 rue de Belleville ; Lenfant, 35 rue de Belleville ; Fradin, 34 rue de Belleville ; Taron, 11 rue de Belleville ; Delaqui, 35 rue de Belleville.
Epingard conserve la présidence de ce Comité pendant toute la durée de son exploitation de la Vielleuse jusqu’à la cession de celle-ci, le 17 février 1903, à
Alfred Rausis. Il n’abandonne toutefois pas sa profession, puisqu’il achète, le 16 avril 1905 le restaurant « Modern Salon Bar » situé 18 rue de Grammont / 5 rue de Grétry auprès des époux Cayzac, de Naves…

Joseph Nicolas Rausis dit Alfred Rausis (1854-1922) est né à Reppaz en Suisse. Lors de son mariage du 20 mai 1882 avec Olive Eléonore Desclèves (1849-1902), Rausis est garçon d’hôtel (d’où son surnom « Alfred ») et sa future épouse, femme de chambre, tous deux dans l’hôtel vins et liqueurs, tenu par le sieur Avige situé au n°1 rue de la Sourdière / 308 rue Saint-Honoré (Hôtel Relais Saint-Honoré aujourd’hui). En 1889 (naissance de leur fils Henri-Ferdinand), les époux Rausis exercent toujours les mêmes professions, à présent au Grand Hôtel Violet du n°36 rue du faubourg poissonnière dans le 10e arrt., appartenant à Victor Clème.
En 1891, Alfred Rausis et son épouse se décident à acheter leur propre hôtel, situé 22 rue de Chabrol, précédemment tenu par la veuve Brunel.
Alfred Rausis devenu veuf le 2 février 1902, cède l’Hôtel « Chabrol », se marie en secondes noces, le 14 février 1903, avec
Marie Anne Gross (née à Hartmannswiller dans le Haut-Rhin le 29 septembre 1863) et vient s’installer à la Vielleuse, trois jours plus tard.

En 1908
Calixte Aurières acquiert la Vielleuse auprès d’Alfred Rausis.
Calixte Jean Louis Aurières (1871- †après 1923) est originaire de Saint-Santin en Aveyron.
Alors qu’il est cuisinier au n°26 rue de la Fontaine-au-Roi, il se marie le 5 février 1895 à Méru avec
Marthe Joachine Boubet (1872-1895), cuisinière de son état. Celle-ci décède quatre mois plus tard, le 20 juin 1895 à l’âge de 22 ans. Aurières se remarie le 23 juin 1896 à Paris 11e avec Marie Clémence Gineste (née en 1873 à Aubin en Aveyron) ; ils demeurent tous deux au n°8 passage d’Angoulême, où ils exercent respectivement les activités de garçon de restaurant et de cuisinière.
En 1897-1898, ils s’installent à leur compte, marchands de vins, au n°4 rue Suger, puis en 1902-1904 au n°21 rue des Ecluses Saint-Martin.
Les Aurières n’exploiteront la Vielleuse que quatre ans, avant de la céder en 1912 à
Léon Duchemin.

Léon Alexandre Duchemin (1870-1929), né à Neuvy-sur-Loire dans la Nièvre, s’est marié, le 25 octobre 1895, à Treigny dans l’Yonne, d’où était originaire son épouse Marie Orélie Bourguignon (1872-1963) ; les parents de celle-ci sont domestique et cuisinière au château de Ratilly-Treigny ; lors de ce mariage, Duchemin est serrurier à Neuvy. Les époux Duchemin viennent s’installer à Joinville-le-Pont où Léon est toujours serrurier en 1899. Trois ans après, en 1903, les voilà propriétaires du Café Le Pierrot, situé au 67 avenue de la Motte Picquet et 113 boulevard de Grenelle, qu’ils ont acheté au sieur Jourdain. En 1905, ils cèdent cette affaire pour reprendre, aussitôt, le café du Château Rouge au n°46 boulevard Barbès. Enfin, ils revendent celui-ci pour acquérir la Vielleuse.
Dès son arrivée à Belleville, Duchemin est confronté à la crue réalité du quartier qui n’a rien à envier à celui du Château Rouge qu’il vient de quitter. Ainsi, dès le 26 février 1912,
le Figaro rapporte que :
— La nuit de samedi à dimanche a été marquée par de nombreux incidents dramatiques.
Boulevard de Belleville, au moment où les dernières baraques de la fête foraine venaient de fermer, cinq individus sont entrés au bar de la « Vielleuse », au n° 130, et, après avoir bu, ont voulu, comme payement, assommer le garçon. Les deux patrons de l'établissement étant intervenus, une véritable bataille à coups de verres et de bouteilles s'est engagée. Cinq consommateurs ont été blessés. Les agents accourus ont mis les perturbateurs en fuite et ont pu en arrêter un, connu seulement sous le sobriquet de « la Girafe ».
Peu après, deux femmes sont allées se battre rue des Panoyaux. L'une d'elles a frappé son antagoniste de deux coups de couteau dans le dos.
On est prompt à jouer du couteau à la Vielleuse comme le signale l’Aurore le 16 février 1913 :
— Un crime a été commis hier soir, à l'angle du boulevard de Belleville, au bar qui a pour enseigne « A la Vielleuse ». Un jeune, homme, nommé Guigni, a reçu un coup de couteau dans la région du cœur. On l'a transporté d'urgence à l’hôpital Tenon, tandis que le meurtrier prenait la fuite. L'état du blessé est grave.

La Vielleuse et le Point du jour en 1950
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Afin d’apaiser les esprits, Duchemin, grand spécialiste du billard, en installe six dans son établissement et organise de nombreux concours.
— Aujourd'hui mercredi, à 9 heures du soir, séance de billard par le professeur Sanchez, au café de la Veilleuse, coin du boulevard et de la rue de Belleville, qui vient d'être entièrement remis à neuf.
Le sympathique propriétaire, M. Duchemin, amateur de billard lui-même et fin connaisseur, a naturellement choisi la grande marque « Brunswick » pour les six billards de précision qu'il a fait installer. Les visiteurs de cet établissement verront dans ce quartier populaire une salle de billard, dont pourraient être fiers les cafés des grands boulevards.
Une séance par le professeur Sanchez, que l’on ne voit malheureusement plus dans les académies, est un régal que les amateurs ne voudront pas manquer.
(Excelsior 28 février 1912)
— Une fête billardiste à Belleville La soirée organisée par le Billard Club de la Vielleuse et son actif président M. Duchemin fut un succès. Ranson, le brillant artiste de l'Olympia, fit avec le nouveau champion de France Léger, une exhibition de premier choix. Cependant que l'Union Musicale du 8e arr., sous la direction de M. Ransonnet, faisait entendre les meilleurs morceaux de son répertoire. Et pour terminer, distribution solennelle des récompenses du tournoi de la Vielleuse.
La belle salle du boulevard de Belleville va subir d’importantes transformations. Les incomparables billards Hénin aîné y seront prochainement installés et la « Vielleuse » sera le centre billardiste parfait ; l’un des plus attrayants de la capital. Bravo Belleville !
(La Liberté 18 juin 1921)
— Le Tournoi de la Vielleuse. Joué sur billard Hénin aîné, bandes Champion.
Café de la Vielleuse, 2, vue de Belleville
Les parties de l'intéressant tournoi à la partie libre organisée sous la direction de MM. Duchemin et Français se poursuivent avec succès.
Résultats techniques. Dresse (B.S.) bat de Launay (Vielleuse) 300 à 298 ; Develle (Vielleuse) bat Petit Paul (Vielleuse) 250 à 243.
Programme d'aujourd'hui. A 20 h. 30 : Dresse (B. S.) contre Vidai (B.C.7) ; Develle (Vielleuse) contre Pichon (Vielleuse).
Rappelons que c'est le Sportif M. Duchemin qui s'est rendu acquéreur du Billard Hénin aîné de 3 m. 10 sur lequel vient de se disputer le Championnat du monde amateur.
(La Presse 9 mai 1922)

En vue d’agrémenter son Café-bar-billard, Duchemin a fait fabriquer un miroir qu’il fait installer en fond de son comptoir avec la représentation d’une vielleuse. En 1918, lors d’un des incessants bombardements allemands à longue portée à destination de Paris, le souffle d’un des obus, tombé à Belleville, provoque la fêlure du miroir de la Vielleuse, sans faire de blessés. Duchemin s’empare de cet incident pour broder sur le sujet : après avoir rafistolé son miroir, il fait inscrire en lettres d’or sous celui-ci : « Malgré la Grosse Bertha qui la blessa le 9 juin 1918, elle n’a jamais cessé de jouer l’hymne de la Victoire. Signé Henry Paté ».
Pour la petite histoire, il s’agissait bien d’un obus provenant d’un canon allemand, mais pas de la « Grosse Bertha », puisque celle-ci a été repérée et détruite en mai 1918, par le maréchal des logis Sillan, pilote, et le sous-lieutenant Massimy, observateur.
Le miroir brisé deviendra ainsi l’emblème de la Vielleuse.


La Statuette de proue de la Vielleuse et le Miroir brisé, emblèmes de l’établissement
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Après le décès de Léon Duchemin survenu le 6 septembre 1929, sa veuve Marie Bourguignon et leur fils, Jules restent propriétaires et exploitants de la Vielleuse.
Jules Duchemin (1899-1984) est né à Joinville-le-Pont et s’est marié le 3 novembre 1924 avec Suzanne Macheret (1899-1985), charcutière chez ses parents exerçant au n°50 rue du Cherche-midi dans le 6e arrt. Leur fils, Léon Duchemin (1928-2021), continuera également l’affaire et participera à la destruction de la Vielleuse par des promoteurs pour la reconstruire à neuf avec la même enseigne, sans le charme désuet, désormais disparu. La Vielleuse, nouveau look, est restée la propriété de Léon Duchemin et de sa famille, sous la raison sociale S.a.s. du Café des Sports, laquelle loue cet établissement en gérance libre à divers exploitants.

(1) Le 2 février 1849, les héritiers Dénoyez, toujours propriétaires des murs de la Vielleuse, seront condamnés à payer 30.000 francs de dommages et intérêts à Jacques Anatole Drioton (1838-1905), orphelin de ses parents, défendu au tribunal par ses oncles Auguste et Claude Drioton : cette condamnation est motivée par la perte des deux fonds de commerce (2 rue de Belleville et 88 rue du faubourg Saint-Denis) qui appartenaient à Nicolas Drioton et son épouse lors de leur décès du 25 juillet 1845, lequel est la conséquence de l’asphyxie provoquée par une cheminée installée par Dénoyez en 1837, sans le concours des hommes de l’art.

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JeanMarc
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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Couvent des Récollets 150 rue du faubourg Saint-Martin (Xe arrt.)

Vers 1600, des frères Récollets de Montargis et de Nevers étaient venus s’installer à Paris.
Jacques Cottard (marié en 1591, décédé après 1612), marchand tapissier, et son épouse Anne Gosselin leur donnent, le 14 décembre 1603 une vaste maison avec cour et jardin qu’ils possédaient au faubourg Saint-Laurent (futur faubourg St-Martin). Par lettres patentes du 6 janvier 1604, Henri IV leur accorde l’autorisation d’y fonder leur couvent.
Les religieux y font bâtir une première chapelle, consacrée le 19 décembre 1605 par l’archevêque d’Auch, Léonor d’Estrappes.
Le 20 juillet 1605, Henri IV leur donne une grande pièce de terre contiguë à leur jardin et continue ses bonnes grâces en leur faveur en leur accordant, le 26 août 1606, une ligne et demie de l’eau de la Fontaine de la Ville qui passe devant leur couvent (probablement le regard Saint-Louis, eaux provenant de Belleville).
Leur sanctuaire étant trop étroit, les Récollets décident de construire une nouvelle chapelle, avec l’aide financière de Marie de Médicis qui en pose la première pierre en 1613 ; elle sera dédiée à l’Annonciation de la Sainte-Vierge et consacrée, le 30 août 1614, toujours par Léonor d’Estrappes.
Tout comme l’Eglise, les premiers bâtiments conventuels tels que le cloître, le dortoir et tous les autres lieux réguliers, vont être reconstruits d’une manière plus spacieuse, grâce, notamment, aux subsides du surintendant des finances Claude de Bullion (1569-1640) et de Pierre Séguier (1588-1672), chancelier de France.


Quartier Hôpital Saint-Louis et Couvent des Récollets 1788
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Le 5 février 1790, les biens des Récollets font l’objet d’un inventaire détaillé, exigé auprès du prieur du couvent, le révérend père Claude-François Mirlin, en religion Armand Mirlin (né le 13 septembre 1732 à Faverney en Haute-Saône), lequel déclare que le monastère est constitué de neuf arpents, clos par une enceinte, dont un quart est déjà transformé, depuis 1789, en caserne où sont logés 120 grenadiers de la Garde nationale.
A cette date les religieux sont encore en possession de leur église ornée de tableaux représentant les actes de Saint-François d’Assise ; d’une sacristie ; d’une vaste salle de chapitre adossée à la sacristie où le Comité militaire de la révolution tient ses réunions et où il doit établir ses bureaux ; d’un réfectoire pouvant contenir 80 religieux ; au second étage du grand bâtiment, quatre dortoirs renfermant quarante-cinq cellules, une classe de théologie et un chauffoir commun ; à la suite du dortoir, le vaisseau contenant la bibliothèque, le seul bien mobilier de valeur, se composant de 17.500 volumes imprimés et 162 manuscrits répertoriés en trois volumes infolio ; un autre corps de bâtiment composé au rez-de-chaussée de quatre pièces servant autrefois d’apothicairerie, occupé par deux garçons jardiniers et un garçon chartier ; le second étage de ce bâtiment renferme six chambres d’hôte pour les religieux, quatre chambres d’infirmerie et une chapelle.
Le reste du terrain du monastère est dévolu à une cour et à un jardin potager nécessaire à la communauté.


Déclaration d'Armand Mirlin, prieur des Récollets 5 février 1790
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Le 20 avril 1790, Barthélémi-Jean-Louis Le Couteulx de la Noraye, Claude-Jean-Baptiste Jallier de Savault et Anne-Clément-Félix Champion de Villeneuve, les courageux commissaires chargés des basses œuvres de la révolution, investissent les lieux monastiques des Récollets afin d’en dresser leur propre inventaire, nécessaire avant la confiscation de l’ensemble. Ils y trouvent le père Armand Mirlin qui présente en long et en large ses 34 religieux en instance d’expulsion.
Le 14 mai 1790, une autre série de commissaires, tout autant téméraires que les premiers, viennent cette fois-ci, compter les chasubles, les chandeliers, les ciboires, et autres vêtements sacerdotaux, les draps, les assiettes et les petites cuillers…
Le 20 décembre 1790, les citoyens André Rousseau et Jacques Le Roux dressent un dernier inventaire exhaustif en présence du père Mirlin et apposent les scellés sur le couvent des Récollets.

Si une partie des ci-devant Récollets est affectée à la
Garde nationale dès 1789, une seconde partie est occupée par un atelier de filature aménagé dans les locaux, dès juillet 1790, par l’architecte Poyet. Jean Etienne Coquet (1759-1831) qui est nommé directeur de cette filature, signale le 21 juillet 1790, auprès du citoyen Guignard, administrateur municipal, que la présence des Députés de la Fédération dans la maison des Récollets et le grand banquet donné dans le jardin ont empêché jusqu’à présent d’y faire travailler les pauvres dans la filature.
Le 24 août 1790, le même Coquet fait transmettre par Guignard une demande au citoyen Bailly afin qu’on lui envoie quelques légumes secs pour l’alimentation des ouvriers des Récollets qui finissent par se dégoûter du riz. On peut être certain que les députés qui banquetaient dans le jardin n’étaient pas au régime du riz !
L’atelier dispose de plus de 1.200 rouets, travaille le lin, le chanvre et le coton de Smyrne ou de St Domingue qui est commandé jusqu’au Havre. La direction et la maîtrise de la filature est composée du directeur, le sieur Coquet qui émarge à 3.000 livres par an, de deux commis (1.200 et 900 livres), de deux inspectrices (900 livres), d’un chef de magasin (700 livres), d’un garçon de bureau, de deux maîtres de salle, d’un garçon de salle, d’un tourneur et d’un portier surveillant (tous rémunérés 600 livres par an).

Alors que la filature tourne à plein régime et que les grenadiers partagent, non sans mal, les locaux avec les nombreux filateurs, l’administration des impôts est chargée, en mars 1792, de collecter les déclarations pour la contribution mobilière qui doivent être faite avant le 1er décembre de chaque année : à cet effet, les citoyens doivent se rendre aux Récollets entre le 19 mars et le 3 avril. M. Chastenet, le receveur, installé dans le ci-devant couvent, est chargé de recevoir les déclarations du quartier rue Poissonnière, faubourg Saint-Denis et rue de Bondy. Quinze autres receveurs exécutent la même mission dans les autres quartiers parisiens.


TOUT-PARIS - 756 – Hôpital Militaire St-Martin - Rue des Récollets - Ancien Couvent des Récollets (Xe arrt.)
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publié par zelig lun. 22 nov. 2021 18:18 ► ICI

L’Hospice des Incurables, réservé aux hommes et femmes victimes d’infirmités graves et incurables, fondé depuis 1637 au n°54 rue de Sèvres, étant dépassé par le nombre de ses pensionnaires, décide, en 1802, de ne conserver que les femmes dans son établissement, et de transférer les hommes dans le Couvent des Récollets de la rue du faubourg Saint-Martin qui, était resté pendant plusieurs années sans affectation, les filateurs y ayant arrêté l’activité depuis 1796.
Des réparations et changements considérables seront nécessaires pour installer plus de 400 hommes et 50 enfants, le tout étant desservi par les sœurs de la Charité.
Entre 1822 et 1825, à l’occasion du percement du Canal Saint-Martin, la propriété du ci-devant couvent des Récollets va être amputée à l’est, d’une large bande de terrain.


Plan Quartier Hospice des incurables et Hôpital Saint-Louis en 1830, après percement du Canal Saint-Martin
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En 1860, le Ministère de la guerre laisse entendre qu’il est dans son intention d’établir un hôpital militaire à Paris rive droite et bénéficie d’un décret, le 25 avril 1860, déclarant d’utilité publique la réunion au domaine militaire des bâtiments de l’Hospice des Incurables du faubourg Saint-Martin.
Avec l’armée, les choses ne trainent pas puisque, par jugement du tribunal de première instance de la Seine du 1er décembre 1860, l’administration de l’Assistante publique cède à l’Etat, les bâtiments de l’Hospice des Incurables du faubourg Saint-Martin, ensemble les cours et jardins en dépendant, afin d’y établir un hôpital destiné aux troupes casernées sur la rive droite de la Seine. A cette date la superficie des bâtiments de l’hospice est de 5.958 m², tandis que les terrains non construits s’étendent sur 24.474 m².
Aussitôt cette transaction réalisée, les cinq cents vieillards qui résidaient dans l’hospice du faubourg Saint-Martin, sont transférés, au cours du mois de décembre, dans la caserne de la rue Popincourt qui a été aménagée pour les recevoir : le 16 août 1860, le ministre de l’intérieur avait débloqué un crédit de 147.836 frs. 76 c afin d’exécuter les travaux d’appropriation de la caserne Popincourt pour l’accueil des incurables des Récollets.
Tout d’abord occupé par l’artillerie et le génie en tant que caserne, l’hospice des incurables est aménagé et, après avoir été agrandi, il devient l’
Hôpital militaire Saint-Martin.

Hôpital militaire Saint-Martin
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En janvier 1898, Eugène Faillet, conseiller municipal du quartier de l’Hôpital Saint-Louis, fait la proposition de démolir l’Hôpital Saint-Martin et de transformer en square les immenses et superbes jardins qui l’entourent. Sa demande est bien évidemment rejetée, et, en février 1914, l’établissement hospitalier, toujours debout, devient l’Hôpital militaire Villemin, du nom du médecin des armées Jean-Antoine Villemin (1827-1892).

Durant le conflit 1914-1918, sous ce nom de Villemin, l’hôpital militaire va chapeauter 21
hôpitaux complémentaires Villemin, dont deux vont défrayer la chronique en 1915 et 1916 : l’Hôpital complémentaire Villemin n°38 restaurant Gillet à Neuilly sur Seine et l’Hôpital complémentaire Villemin n°27 Sauveteurs volontaires de Paris, taverne brasserie Karcher 124 rue du faubourg du Temple à Paris 3e.
C’est le 30 mars 1916 que s’ouvre le procès dit des docteurs Achille Lombard (1869-1932), Fortuné Laborde, Garfunkel et Cie, accusés d’avoir établi des fausses hospitalisations et des réformes et exemptions frauduleuses. Lors de cette première séance, où 47 personnes sont inculpées (médecins civils et militaires, secrétaires d’état-major etc…), le tribunal rapporte les manœuvres quotidiennes auxquelles se prêtaient ces individus : le docteur Lombard, bien introduit dans quatre hôpitaux militaires dépendant de l’Hôpital Villemin, avait réussi à se faire nommer médecin-chef de deux d’entre eux, les hôpitaux annexes Villemin n°27 et n°38 et s’était engagé à tenir à la disposition de ce service, notamment à Villemin 38, soixante lits pour les militaires malades ou blessés.
Par l’intermédiaire d’une officine sise au n°11 rue de Cluny, le militaire en congé à Paris qui désirait prolonger son séjour, prenait contact dans ladite officine avec le sieur Lombard, lequel envoyait l’homme se faire établir un certificat médical chez un docteur martiniquais, Georges de Saint-Maurice demeurant au n°25 rue du Vieux-Colombier, lequel touchait pour sa part entre 50 et 100 francs. Un certain Dubosq accompagnait ensuite le permissionnaire aux Invalides et le présentait au secrétaire d’état-major Pierron. Dubosq revenait ensuite, muni de la feuille jaune d’hospitalisation pour l’hôpital Villemin n°38, et la remettait, contre 100 francs, au permissionnaire. Le lendemain, celui-ci, hospitalisé, venait rue de Cluny auprès de Lombard et lui mettait quelques billets de banque dans les mains.
A l’issue du procès, le verdict tombe le 24 avril 1916 : Lombard : 10 ans de travaux forcés, 3.000 francs d’amende ; Laborde : 5 ans de prison et dégradation militaire ; Garfunkel : 5 ans de prison, dégradation civique et 5.000 francs d’amende ; Saint-Maurice : 3 ans de prison, 100 francs d’amende ; Dubosq : 3 ans de prison, 100 frs d’amende ; Pierron : 2 ans de prison, 100 frs d’amende ; 36 autres inculpés sont condamnés à des peines de prison de six mois à deux ans et à des amendes allant de 100 francs à 4.000 francs.
Toutes les sommes versées à Lombard et Cie sont confisquées pour être versées aux hôpitaux.

Hôpital militaire Saint-Martin
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L’Hôpital Villemin cesse toute activité en 1968 et deux ailes de l’établissement sont supprimées, tandis que le jardin de 19.690 m² situé face au Canal Saint-Martin, le long du quai Valmy, est transformé en un superbe jardin public avec un vrai kiosque à musique, inauguré en 1977.
Les bâtiments subsistants vont être tout d’abord occupés par une école d’architecture jusqu’en 1990, puis squattés en 1991 par des soi-disant artistes, en fait des zadistes avant l’heure, lesquels vont y provoquer un incendie aux 2e et 3e étage en janvier 1992.
Les locaux seront restaurés par la ville de Paris de 1999 à 2003 pour être ouverts à une Maison de l’architecture et à une résidence para-hôtelière dotée de 80 logements, ateliers, ateliers-logements, bureaux logements…

L’ancien couvent des Récollets aujourd’hui — Le jardin des Récollets devenu le Jardin Villemin
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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Palais Bourbon - 33 quai d’Orsay (VIIe arrt.)

Le Palais Bourbon, où siègent nos députés depuis 1814, a été édifié de 1722 à 1728 par la Duchesse douairière de Bourbon sur des terrains qu’elle avait acquis au lieu-dit le Pré-aux-Clercs au bord de la Seine rive gauche.
La duchesse
Louise-Françoise de Bourbon (1673-1743) est la fille de Mme de Maintenon, favorite de Louis XIV.
Quatre architectes se sont succédés pour l’édification de ce palais :
Lorenzo Giardini, concepteur des plans, décédé en 1722 ; Pierre Cailleteau dit Lassurance (1655-1724), réalisateur du projet ; Jean Aubert (1680-1741), continuateur de la construction, assisté par Jacques Gabriel (1667-1742).
Nous avons une brève description du Palais de la duchesse de Bourbon, l’année suivant son achèvement, à l’occasion des fêtes grandioses qui ont suivi la naissance du 4 septembre 1729, du Dauphin Louis (1729-1765), fils de Marie Leszczynska et de Louis XV.
(►voir ici extrait du Mercure de France de septembre 1729)

Au décès de Louise-Françoise de Bourbon en 1743, le Palais est proposé aux enchères mais ne sera adjugé qu’en 1750, au prix de 620.000 livres : les adjudicatrices ne sont autres que deux des filles de la duchesse de Bourbon : Louise Élisabeth de Bourbon-Conti (1693-1775) et Louise-Anne de Bourbon-Condé (1695-1758).
De 1751 à 1752, à raison de 25.000 livres par an, celles-ci afferment le Palais Bourbon à l’ambassadeur d’Autriche, Wenceslas Antoine de Kaunitz (1711-1794).
Les deux sœurs ne pouvant subvenir à l’entretien des locaux, Louis XV sauve le palais de sa destruction promise, et le fait racheter en 1756, pour 900.000 livres, par les Fermiers généraux, le destinant à devenir le
Palais des Ambassadeurs Extraordinaires.
En 1764, le Palais est acquis par le petit-fils de la duchesse de Bourbon, Louis V Joseph de Bourbon, prince de Condé (1736-1818), au prix de 302.500 livres, soit uniquement le prix du terrain et des glaces ; ce cadeau royal de Louis XV à son cousin le prince de Condé est justifié par les services rendus par le prince pendant la guerre de Sept ans.

TOUT PARIS - 106 M – Palais Bourbon (VIIe arrt.)
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publié par zelig jeu. 23 sept. 2021 15:12 ► ICI

Le Palais Bourbon confisqué en 1791 et devenu bien national, est tout d’abord affecté à l’usage de prison puis occupé par la future Ecole polytechnique avant que le Conseil des Cinq-Cents n’y élise domicile le 21 janvier 1798. Ceux-ci y résident jusqu’au 26 décembre 1799, remplacés par le Corps législatif à compter du 1er janvier 1800.
En 1806, l'architecte Bernard Poyet (1742-1824) est chargé de « dissimuler » la façade du Palais Bourbon par un péristyle de douze colonnes, surmonté d’un fronton sculpté, précédé d’un gradin de trente marches ; dorénavant le palais qui se présentait de biais face au pont de la Concorde, se trouve perpendiculaire à celui-ci.
Ces travaux achevés en 1810 coûteront un million six cent deux mille francs.

TOUT PARIS - 22 – La Chambre des Députés (VIIe arrt.)
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publié par rigouard mer. 5 août 2020 16:10

Six statues, réalisées entre 1808 et 1810, sont installées devant la nouvelle façade du palais.
Deux déesses sont placées de part et d’autre de la colonnade : à gauche, Athéna, déesse de la guerre sculptée par Philippe-Laurent Roland (1746-1816) ; à droite, Thémis, déesse de la Justice et de la Loi, œuvre de Jean-Antoine Houdon (1741-1828).
Au pied des marches, chacun sur de massifs piédestaux, quatre personnages illustres sont représentés :
- à gauche, deux Surintendants des Finances :
Maximilien de Béthune, duc de Sully (1559-1641), par le sculpteur Pierre Nicolas Beauvallet (1750-1818) et Michel de L’Hospital (1503-1573), œuvre de Louis-Pierre Deseine (1749-1822).
- à droite, un magistrat,
Henri François d’Aguesseau (1668-1751), par le sculpteur Jean-Joseph Foucou (1739-1821) et un contrôleur général des Finances Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), œuvre de Jacques-Edme Dumont (1761-1844).

Louis Joseph de Bourbon-Condé réussit à se faire restituer le Palais Bourbon le 24 mai 1814, une semaine avant que la Chambre des Députés soit instaurée dans ledit palais, le 4 juin ; la partie des locaux occupée par les députés est alors donnée à bail au prince de Condé, moyennant un loyer de 154.000 francs.
L’Etat finit par décider, le 20 juin 1827, d’acquérir une partie du Palais Bourbon auprès du fils du prince de Condé, Louis Henri Joseph de Bourbon-Condé (1756-1830) : moyennant la somme de 5.250.000 francs, la Chambre des Députés prend possession de
la salle des séances, les bâtiments entourant la cour principale et les cours Sully et Montesquieu.
Le 30 juin 1843, le reste du Palais Bourbon est acquis par l’Etat, au prix de 5.045.475 francs.

Chambre des Députés - Salle des Séances
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publié par zelig mar. 19 oct. 2021 19:12 ► ICI

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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Raffinerie Say - 84-90 rue Jeanne d’Arc (XIIIe arrt.)

L’aventure sucrière de Louis Auguste Say (1774-1840), originaire de Lyon, commence à Nantes le 24 juin 1812, lorsqu’il prend à bail, avec Michel Delaroche et Armand Delessert — lesquels viennent d’obtenir, le 7 avril 1812, une licence pour la fabrication de sucre de betterave — les bâtiments appartenant au fils de Jan Ulrich Pelloutier (1720-1780), lequel y avait fondé une manufacture d’indiennes en 1749-1750. Ces locaux situés à Nantes, rue des Récollets, au bord de la Loire, étaient proposés à la location depuis mai 1810 avec prise de possession pour le 1er janvier 1811. C’est ici que Louis Say installe sa première sucrerie.
Louis Say s’associe en 1815 à Jean-Baptiste Etienne (1795-1866), ses deux premiers associés ayant quitté la raffinerie pour devenir armateurs.

Le 5 mars 1822, Louis Auguste Say est pris (ça ne s’invente pas !) la main dans la confiture ! Il est appelé le 1er mai qui suit au tribunal correctionnel nantais, pour avoir procédé, sans autorisation, à des opérations de distillation. Se défendant comme un beau diable, Say prétend qu’il a obtenu une autorisation du directeur de la Régie le 19 octobre 1821, lui permettant de réaliser de « simples essais » et que l’alambic incriminé ne contenait que douze litres de matières distillables, entrainant la production d’un ou deux litres d’esprit, soit une quantité ne couvrant même pas les frais ; Say ajoute, en outre que ces expériences renouvelées pendant les mois suivants n’ont guère eu plus de succès.
Ayant été déboutée le 1er mai 1922, jugement confirmé par la cour d’appel de Rennes le 7 décembre 1822, l’administration se pourvoit et obtient gain de cause, le 25 mars 1825, contre le sieur Say et contre ladite Cour Royale de Rennes qui
a commis une erreur de fait, en disant que la chaudière en distillation ne contenait que douze litres de matière distillable, alors que le procès-verbal du 5 mars 1822 a constaté, sous un appentis appartenant au sieur Say, la présence d’une distillerie complète en activité, consistant en deux chaudières maçonnées et scellées dans le mur, dont une en distillation, plusieurs vases et seaux dont un recevait les flegmes qui sortaient de la chaudière en distillation, trente à quarante litres de flegmes à quinze degrés et demi, quarante-six litres d’eau-de-vie à vingt-deux degrés dans une barrique et un homme préposé à la conduite de ladite distillerie…

Après cette condamnation, Louis Auguste Say se consacre exclusivement à sa raffinerie de sucre nantaise, toujours associé à Jean-Baptiste Etienne. Dans la nuit du 6 au 7 octobre 1826, un « gigantesque caramel » se répand sur le quai de la Sécherie : la raffinerie Say disparait dans les flammes. L’aspect du monument embrasé, vomissant de toutes parts d’immenses tourbillons de flammes était horrible ; le feu, alimenté par tous les produits de la raffinerie, a fait en peu de temps, d’immenses progrès ; on dit que la maison étoit assurée, mais on ignore si les marchandises et le mobilier l’étoient aussi.
L’année suivante, l’activité est transférée sur l’autre rive de la Loire, rue de Luzançay, avant de réintégrer les anciens locaux en 1836…

Affermage de l’ancienne Manufacture d’indiennes Pelloutier 1811-1812 — Adjudication raffinerie de la Jamaïque 15 mars 1828 — Prévost lâche la raffinerie de la Jamaïque pour celle des Célestins 20 novembre 1830
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Au même moment, Louis Say a eu vent (tout se sait dans le monde du sucre !) que la Raffinerie dite de la Jamaïque, située à Ivry, boulevard extérieur de l’Hôpital (futur boulevard de la Gare puis Vincent-Auriol), face à l’Hospice de la Salpétrière, était proposée à la vente sur licitation, sur une mise à prix de 90.000 francs, notamment le 15 mars 1828, le 7 juin 1828 et encore le 30 août 1828.
Cette raffinerie avait été fondée par Jean-Amable de Juré (1773-1826), né à Nantes, colon réfugié de Saint-Domingue, qui avait épousé, le 6 mars 1810, Jeanne Joséphine Gripière Moncroc de Montalibor (1773-1832), également réfugiée de St Domingue, divorcée de Léon Changeur.
Après le décès de Jean-Amable de Juré en 1826, la Raffinerie de la Jamaïque, tombée en déshérence est reprise en main par Jean-Jacques Prévost (1795-1843) qui, à cette fin, quitte, le 24 janvier 1827, sa fonction de courtier de commerce près la Bourse de Paris à laquelle il avait été nommé par ordonnance royale du 2 juillet 1823. Marié en 1825 à Geneviève Tourneur (1803-1894), Prévost fait d’une pierre deux coups, puisque la même année 1827, il rachète auprès de Pierre-Jean Cody, le bail de la Raffinerie des Célestins située dans l’Hôtel Fieubet, quai des Célestins.
Le 20 novembre 1830, Jean-Jacques Prévost abandonne cette raffinerie, ne conservant que celle des Célestins ; la Raffinerie de la Jamaïque d’Ivry sera reprise l’année suivante par Louis Auguste Say (1774-1840) et deviendra, sous la houlette de son fils Constant-André Say (1816-1871) et de son cousin Louis Daniel Constant Duméril (1808-1888), la célèbre « Raffinerie Say » du quartier de la gare du 13e arrondissement.
Ainsi s’effondre le mythe selon lequel, Louis Say aurait créé cette raffinerie de la Jamaïque alors qu’il l’a en réalité acquise à bon compte...

La Raffinerie Say, circonscrite par le boulevard de la Gare, les rues du Chevaleret, Dunois, Clisson et Jeanne d’Arc, s’étendra sur plus de quatre hectares et emploiera jusqu’à deux mille ouvriers.
Acquise par la société Béghin en 1967, elle fermera ses portes l’année suivante.

TOUT PARIS - 816 bis - Boulevard de la Gare (sic pour rue Jeanne d’Arc) (XIIIe arrt.)
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publié par zelig jeu. 2 sept. 2021 16:16 (localisation rectifiée par François) ► ICI

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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Ecole Maternelle - 26 rue de la Cour des Noues (XXe arrt.)

Jusqu’en 1892, la partie de la rue de la Cour-des-Noues que nous voyons sur cette carte n’est qu’un terrain vague, non nivelé, tout comme la petite rue du Cher à gauche ; à la place de l’immeuble en pierre de taille situé à l’angle du futur n°28 Cour-des-Noues et du n°9 rue du Cher, seul un hangar en charpente est installé, autorisé par un permis de construire du 27 août 1887, délivré à un certain J. Manhein.
En vis-à-vis de ce hangar, à l’angle du n°10 rue du Cher, le terrain n°20 à 26 rue de la Cour-des-Noues est appréhendé en 1889 par la ville de Paris qui décide, lors de la séance municipale du 18 avril 1890, d’y faire édifier l’Ecole Maternelle dite « Belgrand », dont le besoin se fait cruellement sentir dans ce quartier très populeux, pour un budget fixé à 150.000 francs. La future maternelle est improprement désignée « Ecole Belgrand » par l’administration, puisque le terrain de son implantation est circonscrit par la rue de la Cour-des-Noues et la rue du Cher ; l’arrière de l’école jouxte un terrain de la rue Belgrand, sur lequel sera bâtie, de 1903 à 1906, une rangée d’immeubles bourgeois, face au square Tenon.
Le 2 mai 1890, le projet est confirmé par la municipalité qui dresse les grandes lignes de l’établissement : au rez-de-chaussée, préau, deux classes, services accessoires ; au premier, quatre classes. L’architecte
Edouard Deperthes (1833-1898), est chargé des plans et devis qui sont soumis à la préfecture le 16 novembre 1891, avant d’être présentés au Conseil municipal le 30 décembre 1891, lequel, au vu de la dépense annoncée — 188.530 francs de travaux et 11.311 frs 80 d’honoraires — autorise cette construction pour un montant limité à cent cinquante mille francs, apportant une modification au projet en supprimant les colonnes du préau couvert et en clôturant les cabinets à l’aide de portes vitrées.
Alors que l’école est en cours de construction, le conseil municipal décide d’y installer, luxe suprême, un système de chauffage à eau chaude au lieu du chauffage ordinaire par poêles qui était prévu au devis initial et vote à cet effet, le 28 novembre 1892, un crédit de dix mille francs. Dans la foulée, le 22 décembre 1892, le conseil accepte une nouvelle rallonge de 6.900 frs 78 destinée à des travaux supplémentaires de fondations et de serrurerie.
La Maternelle de la rue de la Cour-des-Noues ouvre ses portes à ses enfants pour la rentrée scolaire 1893.

Ecole Maternelle de la rue de la Cour-des-Noues
Paris - Ecole maternelle rue de la Cour des Noues.jpg
Paris - Ecole maternelle rue de la Cour des Noues.jpg (174 Kio) Vu 1101 fois

A l’arrivée du baby-boom de 1950-1960, l’Ecole maternelle va monter des baraquements provisoires dans la cour, mais le « provisoire » s’éternisant, le conseil municipal adresse au préfet, le 12 avril 1967, un projet de surélévation, lequel y répond le 20 juin 1967 en indiquant que cette opération ne pourra être éventuellement entreprise qu’au titre du VIe plan…
Relancée l’année suivante, la préfecture donne, le 25 août 1968, les mêmes réponses destinées à gagner du temps : l’agrandissement de l’Ecole maternelle rue de la Cour-des-Noues est à l’étude ; dès sa mise au point définitive, il sera transmis aux services de l’architecture aux fins d’établissement d’un projet de construction qui sera soumis ultérieurement à l’approbation du Conseil de Paris.
Finalement, la Maternelle sera surélevée d’un étage en béton dans le mépris le plus total des règles de l’architecture, comme bon nombre d’écoles parisiennes.
On peut se demander comment la ville de Paris se permet de s’octroyer des permis de construire avec une telle désinvolture pour ses propres bâtiments et infrastructures, alors qu’elle exige tant de rigueur et d’obligations parfois démesurées aux particuliers pour leur constructions privatives.
► voir ici la maternelle et son improbable surélévation aujourd’hui.

TOUT PARIS - 1071 - Rue de la Cour-des-Noues (XXe arrt.)
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publié par zelig sam. 3 juil. 2021 00:47 ► ICI

Revenons au premier plan de la carte présentée où l’emplacement du n°28 rue de la Cour-des-Noues était occupé en 1887 par un hangar en bois. En juillet 1890, ce terrain de 395 m² qui appartient à la commune est libre de toute occupation et proposé à la location par la mairie du XXe arrondissement, puis mis en adjudication en 1905.
Le 9 juin 1905, l’architecte Arsène Lejeune (1866-1938), domicilié 22bis rue Belgrand, obtient le permis d’y construire un immeuble en pierre de taille de six étages. (situé à l’angle, le n°9 de la rue du Cher devient à cet instant le n°1 rue du Cher)
La construction achevée à la fin de 1906, le rez-de-chaussée est immédiatement occupé à gauche par Mlle Wéry qui y tient une papeterie jusqu’en 1914. A droite, M. Cuminal y installe une épicerie-fruiterie qu’il cède le 24 juillet 1912 à M. Sangenis. Celui-ci revend son fonds le 31 janvier 1914 à M. Laurency, lequel le conservera jusqu’au 7 février 1923, date de sa cession à la veuve Gaudefroy.

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