Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

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Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

D’une chronique l’autre

Après avoir achevé un essai sur le Parc des Buttes-Chaumont ► (ici) et largement entamé le tour des Kiosques à musique en France ► (ici) , nous nous proposons de consacrer quelques chroniques aux bâtiments, sites, curiosités ou monuments emblématiques parisiens, disparus ou encore présents, qui, trop délaissés, n’ont pas bénéficié d’un développement suffisant ou n’ont même, parfois, fait l’objet d’aucune étude particulière. Nous allons tenter d’y remédier pour certains d’entre eux.

Sommaire

Page 1
Etablissement du Lac Saint-Fargeau - 274-276 rue de Belleville (XXe arrt.)
Institution de Demoiselles - 9 Villa du Bel-Air (XIIe arrt.)
Statue de Camille Desmoulins - Jardin du Palais Royal (Ier arrt.)
Bal Tabarin - 36 rue Victor-Massé (IXe arrt.)
Usines Maggi - 49 boulevard Arago (XIIIe arrt.)
Marché aux Fleurs et aux oiseaux - Quai aux fleurs de la Cité (IVe arrt.)
Banque de France - 39 rue Croix-des-Petits-Champs (1er arrt.)
Square du Grand Palais - angle du Cours de la Reine et de l’Allée d’Antin (VIIIe arrt.)
Concert de la Fauvette - 58 Avenue des Gobelins (XIIIe arrt.)
Ecole primaire communale de Belleville - 104 rue de Belleville (XXe arrt.)
Marché couvert des Batignolles - 31 rue des Moines (XVIIe arrt.)
Alcazar d'Eté - 5 avenue Gabriel (VIIIe arrt.)

Gare de ceinture de Saint-Ouen - 128 avenue de Saint-Ouen (XVIIIe arrt.)
Statue de Paul Gavarni - place Saint-Georges (IXe arrt.)
Concert La Fourmi, ex-Bal du Grand-Turc - 10 boulevard Barbès (XVIIIe arrt.)

Palais de Castille - 19 avenue Kléber (XVIe arrt.)

Hôtel Régina - 2 place des Pyramides et 192 rue de Rivoli (Ier arrt.)

Église Notre-Dame-de-la-Croix de Ménilmontant - rue Etienne Dolet (XXe arrt)
Usine Leroy et fils - 11 rue du Château-Landon (Xe arrt.)

Page 2
Marché couvert - 33 rue Secrétan (XIXe arrt.)
Pavillon de l’Élysée - 10 avenue des Champs-Élysées (VIIIe arrt.)
Eglise Saint-Jean-Baptiste de Belleville - 139 rue de Belleville (XIXe arrt.)
Hôtel du Grand Pavillon et le Hall-Ménilmontant - 23-25-27 rue de Ménilmontant (XXe arrt.)
Ecole Massillon - 2bis Quai des Célestins (IV arrt.)

Statue de Charlemagne - Place du Parvis-Notre-Dame (IVe arrt.)
Ba-ta-clan - 50-52 boulevard Voltaire (XIe arrt.)

Fontaine Gaillon - 2 rue de Port-Mahon et 1 rue de La Michodière (IIe arrt.)

Serres de la Ville de Paris - Cours la Reine (VIIIe arrt.)

Bateaux à lessive et Bains chauds et froids - quai de Bourbon (IVe arrt.)
Usine Domange - 74 boulevard Voltaire (XIe arrt.)

Taverne-restaurant Brébant - 32 boulevard Poissonnière (IX arrt.)

Aux Phares de la Bastille - 5-7 place de la Bastille

Maison anglaise et Bazar du Voyage - 1 et 3 place de l’Opéra / rue de la Paix (IIe arrt.)

Au Point du Jour - 1 rue de Belleville et 2 boulevard de la Chopinette (XIXe arrt.)
La Vielleuse - 2 rue de Belleville et 132 boulevard des Couronnes (XXe arrt.)
Couvent des Récollets - 150 rue du faubourg Saint-Martin (Xe arrt.)
Palais Bourbon - 33 quai d’Orsay (VIIe arrt.)
Raffinerie Say - 84-90 rue Jeanne d’Arc (XIIIe arrt.)

Ecole Maternelle - 26 rue de la Cour des Noues (XXe arrt.)


Page 3
Maison Pépin, épicerie et marchand de couleurs, 1 rue du faubourg Saint-Antoine (XIe arrt.)
Usines à gaz puis Manufacture de chaussures Dressoir & Pémartin rues du général-Lasalle, Rampal et Rébeval (XIXe arrt.)
Villa Frochot - 2 rue Frochot et 28 rue Victor-Massé (IXe arrt.)
Bateau à Bains Ouarnier quai de la Mégisserie et Ecole de natation quai Voltaire (Ier et VIIe arrts.)
Mairie du XVIIIe arrondissement - place Jules Joffrin


liste qui sera complétée à mesure des publications…
Jean-Marc Jacomin
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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Etablissement du Lac Saint-Fargeau (XXe arrt.)

L’ancien parc dit de Saint-Fargeau ou de Ménilmontant, situé sur la commune de Belleville avant son annexion à Paris de 1860, a été constitué par Michel Robert Le Peletier des Forts (1640-1740), comte de Saint-Fargeau, seigneur de Mesnil-Montant, ministre d’état, sur des terrains qu’il avait acquis vers 1695. Ce vaste domaine de 50 hectares, sur lequel, Le Peletier fera construire un château, son jardin et ses dépendances, était délimité par l’actuelle rue du Surmelin au midi, la rue Pelleport à l’ouest, la rue de Romainville au nord et le boulevard Mortier à l’est.

Carte de Belleville dite Delagrive (1740) et Parc de Saint-Fargeau
Plan de Belleville et Parc de Saint-Fargeau (carte Delagrive 1740).jpg
Plan de Belleville et Parc de Saint-Fargeau (carte Delagrive 1740).jpg (244.49 Kio) Vu 4560 fois

Le petit-fils de Le Peletier des Forts, Michel Etienne Le Peletier dit de Saint-Fargeau (1736-1778) commence à aliéner le parc en 1763, cédant toute la partie nord, délimitée par la rue de Paris prolongée de la rue du Parc, toutes deux devenant la rue de Belleville en 1860. Le reste du Parc sera vendu par lots, au cours de nombreuses adjudications à partir de 1801, par la petite fille de Michel-Etienne, Suzanne-Louise Le Peletier de Saint-Fargeau (1782-1829), épouse de Léon Le Peletier de Montmélian de Mortefontaine, puis par la fille de cette dernière, Adélaïde Le Peletier de Mortefontaine (1809-1890).
Ainsi, le château sera acquis, en date du 17 vendémiaire an XI (9 octobre 1802), par la citoyenne Elisabeth-Ursule-Joséphine Deredoubté de Gémingotte (1765-1854), veuve du sieur César-Pierre de Pestalozzi, au prix de 5.054 francs ; ledit château, situé au 10 rue Saint-Fargeau, sera ensuite revendu et détruit pour faire place à la Compagnie parisienne de l’Air comprimé.
De même, la municipalité bellevilloise profite du morcellement du parc de Saint-Fargeau pour acheter, en 1804, le terrain situé à l’angle de la rue de Paris (n°244 rue de Belleville, devenu le n°254) et de la future rue du Télégraphe (n°40), afin d’y installer, quatre ans plus tard, son cimetière communal.


Plan du Lac Saint-Fargeau 274-276 rue de Paris (rue de Belleville)
Plan Lac Saint Fargeau vers 1880.jpg
Plan Lac Saint Fargeau vers 1880.jpg (168.89 Kio) Vu 4560 fois

C’est à quelques mètres de là, au n°274-276 de la rue de Paris (devenue 294-296 rue de Belleville vers 1880), que quelques années plus tard, en 1853, Charles-Augustin Serrette fait l’acquisition d’un terrain d’environ huit mille mètres carrés provenant également du lotissement du parc, sur lequel, secondé par un de ses fils, Etienne-Augustin Serrette, il ouvre aussitôt un grand chantier afin de creuser un grand lac navigable avec un îlot central, alimenté par les sources du haut de Belleville, auprès duquel il fait aménager un petit parc et construire un vaste restaurant et une grande salle de bal. Ouvert au public en 1857, l’établissement désormais connu sous le nom de Lac de Saint-Fargeau, devient une des guinguettes des plus prisées des faubourgs de Belleville et de Ménilmontant ; très régulièrement, l’immense salle de bal est amodiée pour des meetings et réunions politiques ou associatives bien souvent suivies de banquets et de ripailles.

Restaurant du Lac de Saint-Fargeau : Façade principale - Entrée des jardins
Restaurant du Lac de Saint-Fargeau. Façade principale - Entrée des jardins.jpg
Restaurant du Lac de Saint-Fargeau. Façade principale - Entrée des jardins.jpg (95.63 Kio) Vu 4560 fois

Mais qui est donc ce Serrette, sorti de nulle part, dont personne, jusqu’à présent, n’a tenté de découvrir l’origine et le parcours ?
Charles-Augustin-Gustave Serrette, né en 1800, est le fils de Marie-Jeanne-Augustine Serrette et d’un père inconnu (celle-ci, mariée plus tard avec Jean-Pierre Marthe, donne naissance en 1813 à Antoine Marthe, demi-frère utérin de Charles-Augustin ; lors du mariage d’Antoine Marthe en 1863, leur mère habite, tout comme Serrette et son épouse, au 278 rue de Paris-Belleville, soit la maison voisine de la guinguette).
Marié avec Eléonore Scholastique Vauquelin (1809-1873), née à Paris, Charles-Augustin-Gustave Serrette,
propriétaire, demeure au parc des Bruyères à Bagnolet, lors de la naissance de leur fils Etienne-Augustin Serrette le 18 décembre 1828.
En 1833, Serrette possède une Sablonnière dans l’ancien parc Saint-Fargeau, située au 36 rue de Romainville, où il élit également domicile ; depuis des siècles des sablonnières sont exploitées à Poitronville, devenu Belleville. Un accident mortel y est relaté cette année-là : Joseph, un des enfants du sieur Pion, marchand de vins à Belleville, s’étant aventuré dans une excavation de la carrière, pendant l’absence des ouvriers, partis prendre leur repas, s’est trouvé enseveli par une avalanche de sablon. A la suite de ce drame, le préfet de police signifie une ordonnance enjoignant Serrette à entourer sa carrière d’un fossé de trois pieds de profondeur sur quatre de largeur, et d’extraire le sable par talus et non par excavation. Serrette sera condamné six ans plus tard, en avril 1839, à une amende de 200 francs pour cette négligence.

Jetons de G. Serrette, Sablonnière du Parc Saint-Fargeau, 36 rue de Romainville
Jetons de G Serrette Sablonnière du Parc Saint-Fargeau.jpg
Jetons de G Serrette Sablonnière du Parc Saint-Fargeau.jpg (56.35 Kio) Vu 4560 fois

En 1835 on retrouve Serrette, toujours domicilié au 36 rue de Romainville, marchand plâtrier à Belleville où la matière première ne manque pas, entouré qu’il est par la carrière d’Amérique située à flanc de côteau de la butte de Beauregard, mais également par les carrières de gypse des Lilas et de Bagnolet voisines. Mais le 3 juillet 1835, il est appelé à la salle des faillites du Tribunal de commerce de la Seine, pour répondre de ses dettes auprès de ses créanciers. Serrette continue cependant son activité puisque le 8 mars 1836, il obtient un délai de ses créanciers et signe le 4 août 1837 un concordat.
Le 24 mars 1840, le marchand de plâtre est à nouveau déclaré en faillite par un jugement du Tribunal de commerce de la Seine avec qui il signe un nouveau concordat le 18 juillet 1840.
Charles-Augustin-Gustave Serrette se lance ensuite dans la construction ; devenu
entrepreneur de bâtimens, il continue ses tribulations avec le tribunal de commerce où, connaissant toutes les ficelles de la justice pour le moins laxiste, il est déclaré failli pour la troisième fois, le 4 juin 1847 et bien entendu, un concordat le 7 octobre 1847…
C’est ainsi que Serrette, fait l’acquisition, en 1853, du terrain nécessaire à l’installation de son Lac et de sa guinguette rue de Paris-Belleville, à quelques mètres de son domicile de la rue de Romainville, confiant l’exploitation de celle-ci à son fils Etienne-Augustin Serrette, restaurateur.
Lors des fêtes, l’entrée de la guinguette en coûte deux francs (un franc pour les enfants), mais d’ordinaire, l’entrée au bal du dimanche est fixée à cinquante centimes le jour et un franc le soir.

Etablissement du Lac Saint-Fargeau (XXe arrt.)
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publié par JeanMarc ven. 30 juil. 2021 18:15

Le Petit Journal du 9 juillet 1870 annonce qu’une rumeur circule faisant état du décès subit de M. Serrette aîné, propriétaire du Lac Saint-Fargeau 276 rue de Belleville, immédiatement contredite par ses proches voisins qui affirment qu’on le voit tous les jours diriger, avec beaucoup d’entrain, son vaste établissement du lac de Saint Fargeau. Pourtant, la rumeur était bien réelle puisque Charles-Augustin Serrette est décédé le 25 janvier 1869 à Lagny-sur-Marne en son domicile rue de l’Aitre.
Sa succession ouverte, le Lac Saint-Fargeau et son terrain de huit mille mètres sont mis en vente au prix de 60.000 francs pour le 27 août 1872.
Finalement, Etienne-Augustin Serrette (1828-1880) reprend l’affaire auprès de sa mère et de ses frères et sœurs (Léon-Charles, Charles Henri Désiré, Mélanie Laurentine, Marie Léontine, Eléonore Rathilde et Anne Emma Jenny), étant entendu que toutes les constructions qui se trouvent sur la propriété lui appartiennent déjà, pour les avoir fait élever personnellement, notamment
un bâtiment à gauche en entrant appelé le salon de Flore, deux chaumières à droite et un bâtiment sur la rue de Belleville, à l’extrémité à droite, servant de salon de danse ; de même que les glaces, statues, caisses, chalets, kiosques, balançoires, jeux divers, bosquets, le tout ayant été établi par M. Serrette fils, à ses frais.

Restaurant du Lac de Saint-Fargeau, vue générale - Adjudication du Lac Saint-Fargeau 27 août 1872
Restaurant du Lac de Saint-Fargeau, vue générale - Adjudication du Lac Saint-Fargeau 27 août 1872.jpg
Restaurant du Lac de Saint-Fargeau, vue générale - Adjudication du Lac Saint-Fargeau 27 août 1872.jpg (178.54 Kio) Vu 4560 fois

La création d’une nouvelle ligne d’autobus venant terminer sa course au pied du restaurant, va donner un sérieux coup de fouet au bal du Lac-Saint-Fargeau. Serrette a eu la bonne idée de concéder gratuitement à la Compagnie des Omnibus, un bureau installé dans son établissement, à condition que les inscriptions indicatrices des voitures portent le nom du Lac de Saint-Fargeau en toutes lettres. L’inauguration de la ligne LAC SAINT-FARGEAU — SQUARE DES ARTS-ET-MÉTIERS a lieu le mercredi 10 mai 1876 : les chevaux étaient empanachés, les contrôleurs, les cochers, les conducteurs avaient tous des fleurs à la boutonnière. Les voitures étaient littéralement assiégées. Le jour de l'inauguration coïncidait d'ailleurs avec la fête aux Lilas, le village voisin de Saint-Fargeau.
C’est l’instant rêvé de céder l’affaire au meilleur prix ! En 1878, Etienne-Augustin Serrette vend l’Etablissement à Alexis Ernest Raveau (1843-1908) et à son épouse Fanny Augustine Jacquinot.

A la suite de l’interruption, par la municipalité, des sources qui drainaient les hauts de Belleville, le lac commence à s’assécher. Aussi, le 27 janvier 1892, Ernest Raveau dépose une requête auprès de la municipalité dans le but d’installer, à ses frais, une canalisation pour ramener l’eau à son lac, à condition qu’elle lui soit fournie gratuitement. Le 20 juillet 1892, le conseil municipal décide d’allouer une indemnité à Ernest Raveau, en réparation du dommage qu’il aurait subi du fait de l’abaissement du plan d’eau du lac de Saint-Fargeau. Cette indemnité est fixée, le 28 décembre 1892, à huit mille francs.

En juin 1898, nouveau changement de propriétaire : Ernest Raveau cède le bal et son restaurant à Etienne Bouillet. Enfin M. Decombas succède à ce dernier en 1910.
Le Lac de Saint-Fargeau ferme définitivement ses portes à l’arrivée du conflit 1914-1918.

Afin de se mettre dans l’ambiance qui régnait dans cet établissement, un excellent article du Figaro du 29 juillet 1879 :
Le Lac Saint-Fargeau est situé là-bas, bien loin, tout en haut du vingtième arrondissement, à l'extrémité de l'interminable rue de Belleville.
C'est un vaste jardin, contenant, outre le lac de rigueur, une très grande quantité d'arbres fort beaux.
Bien que l'aspect de l'endroit soit assez pittoresque, je crois pouvoir affirmer que feu Le Notre n'est pour rien dans le tracé des allées et dans la disposition des bosquets.
A chaque pas, on se trouve en présence d'une foule d'inscriptions variées. Tout porte un nom : le plus petit sentier, le moindre massif sont munis de leur pancarte.
Pris de la grande porte, la vue des bosquets de la Belle Hélène et de la Belle Gabrielle, m'avertit que je me trouve dans un lieu de plaisir. D'autres inscriptions me transportent en imagination dans les environs de Paris.
Voici les bosquets d'Asnières, de Fontenay-aux-Roses, de Trianon et de Nanterre, et la fameuse grotte de Monte-Cristo. Je remarque aussi des arcs de triomphe en coquillage ou en charpente, dont l'un est pompeusement intitulé : Porte Nationale. Je passe devant les salons de l'Avenir, du Progrès, de l'Espérance et du Souvenir ; on se sent meilleur après avoir lu ces inscriptions inspirées par de nobles et beaux sentiments Je traverse le rond-point du Bel-Air, j'évite l'allée des Soupirs, et, sans m'arrêter à la terrasse Béranger non plus qu'à celle des Lilas, je me trouve en face du Chalet des Familles. Je suis alors au bord du lac Saint-Fargeau lui-même et j'en profite pour traverser le Pont de l'Ile d'Amour, qui me conduit dans l’île d'Amour même, devant l'entrée du pavillon dit de l’île d'Amour. Dans cette île, vouée à Cupidon plutôt trois fois qu'une, je remarque une statue en plâtre qui parait représenter Jeanne d'Arc. La cuirasse de la Pucelle d'Orléans est couverte d'inscriptions analogues à celles qui obscurcissent les glaces des cabinets particuliers de Brébant : Arthur et Pauline, Gugusse et Turlurette.

Restaurant du Lac Saint-Fargeau, Vue de L'Ile
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publié par cartoparis lun. 24 déc. 2012 21:20

Du reste, je renonce à énumérer les allées, terrasses, tonnelles, labyrinthes et bosquets auxquels le propriétaire du lieu a donné pour titres des noms de grands hommes, de héros mythologiques ou de courtisanes restées célèbres par leurs charmes, leur beauté et leur aimable caractère. Une seule chose m'étonne et me navre. Comment n'a-t-on pas attribué à un sentier, à un taillis quelconque, le nom de Paul de Kock, le romancier bellevillois ?
A côté de cet amer reproche, je tiens à constater avec satisfaction que la politique a été bannie du lac Saint-Fargeau. Pas de chalet de la République, pas le plus petit Pavillon de la Fraternité.
Parmi les nombreuses constructions en plâtre, en bois ou en coquillage jetées au milieu de ce parc, un bâtiment aux vastes proportions attire mes regards, C'est le grand salon de Flore, pouvant, sur la foi de son enseigne, contenir jusqu'à mille couverts, et qui porte cette inscription destinée à stupéfier les races futures :
Construit en quarante-quatre jours (1869)

Restaurant du Lac de Saint-Fargeau : Salon de Flore, vu en banquet - Salle des Fêtes
Restaurant du Lac de Saint-Fargeau - Salon de Flore, vu en banquet - Salle des Fêtes.jpg
Restaurant du Lac de Saint-Fargeau - Salon de Flore, vu en banquet - Salle des Fêtes.jpg (112.13 Kio) Vu 4560 fois

La partie décorative et artistique du grand salon m'a paru relativement négligée, malgré la présence de quelques statues représentant généralement Vénus. La grande salle de bal contient pourtant quelques fresques, entre autres un portrait en pied de Bacchus, dont je n'ai d'ailleurs pas songé à déchiffrer la signature.
Le Lac Saint-Fargeau est naturellement le rendez-vous de toute la jeunesse dorée de l'ancienne rue de Paris et de l'ancienne place des Fêtes. C'est le Mabille Bellevillois. La blouse y est fort rare, et l'endroit est en somme bien mieux fréquenté que ne le ferait supposer sa situation géographique. Les jeunes gens qui viennent là passent, dans le quartier, pour de véritables aristos.
Voyez-vous, Monsieur, me disait un garçon, chez nous, faut de la toilette !
Du reste, ce n'est que le dimanche, jour de bal, que vient le public et que la Lac Saint-Fargeau prend une certaine animation.
L'une des grandes attractions, c'est le canotage. Tous les dimanches, dans la journée, il y a foule sur le petit port d'embarquement.
Dès qu'un bateau est libre, dix équipes improvisées se disputent sa possession. Chacun veut faire son tour de l'île d'amour. Il y a entre les petits gommeux locaux, une émulation extraordinaire. On se jette de fiers défis d'une barque à l'autre ; on improvise de petites courses à l'aviron qui ne laissent pas que d'être fort palpitantes. En somme, on prend, à peu de frais, des leçons de canotage élémentaire.

Entrée du Restaurant du Lac de Saint-Fargeau, rue de Belleville
Entrée du Restaurant du Lac de Saint-Fargeau, rue de Belleville.jpg
Entrée du Restaurant du Lac de Saint-Fargeau, rue de Belleville.jpg (149.42 Kio) Vu 4560 fois

Mais le lac ne fait pas à lui seul le bonheur des habitués.
Tous les plaisirs de la terre ont été accumulés dans ce jardin délicieux et fertile en surprises ; des tirs au pistolet et à la carabine, des chevaux de bois, des balançoires, des montagnes russes, des appareils de pesage, toutes sortes de jeux, enfin, se disputent la faveur d'une folle jeunesse avide de jouir de l'existence.
Il y a même jusqu'à un photographe !
Quant au bal, qui n'a lieu que le dimanche, il est très animé, très gai, mais n'offre aucun caractère particulier. Danseurs et danseuses sont généralement très jeunes. Beaucoup de petites polkeuses, âgées de treize ou quatorze ans sont accompagnées de leurs mamans et peuvent chanter jusqu'à nouvel ordre :
« La danse seule est ce que j'aime ! »
Les pas orageux, la chorégraphie échevelée sont rigoureusement interdits. Clodoche n'aurait pas dansé la moitié d'une figure de quadrille au Lac Saint-Fargeau. Dès qu'un cavalier gesticule un peu trop gaillardement, le préposé aux cachets s'approche et lui dit d'un ton sec :
« Est-ce que vous vous croyez dans le monde ? » (sic).
Si cet avertissement sévère et humiliant ne suffit pas, la parole est au municipal. Mais cette intervention n'est pour ainsi dire jamais nécessaire.
Il est fort rare aussi que les habitués dansent en bras de chemise.
Tous les samedis, le lac Saint-Fargeau prend une physionomie particulière : c'est le jour des noces.
Il y en a souvent un très grand nombre. Mariés, parents, amis, garçons et demoiselles d'honneur se répandent dans le jardin, envahissent l'Ile d'Amour et accaparent toutes les barques du lac. Tout cela, bien entendu, sans préjudice du pèlerinage à la cascade du Bois de Boulogne sans lequel il n'y a pas de mariage populaire.
Ce sont d'ailleurs des noces sans façon que les noces du Lac Saint-Fargeau. Pendant le repas, on fait honneur au fricandeau à l'oseille, au filet champignons, à la volaille et à la tête de veau ; le marié ne dédaigne pas de trinquer avec le garçon de service et de lui faire boire de temps à autre un coup avec la compagnie, pour sa peine. Au dessert, chacun chante la sienne et quand vient l'instant du bal, tout le monde se trémousse avec entrain, grâce à l'influence du champagne et à la gaieté communicative du garçon d'honneur.
Il faut reconnaître aussi que les noces sont particulièrement choyées dans cet Eden.
Je lis en effet l'avis suivant sur une affiche de l'établissement
« Les mariés, auront droit à une entrée annuelle et à LEUR PHOTOGRAPHIE. »
Une photographie !
Véfour, Corazza et Lemardelay n'ont jamais songé à cela !
Un Monsieur de l'orchestre.
(Le Figaro 29 juillet 1879)

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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

L’Institution de demoiselles, 9 Villa du Bel-Air (XIIe arrt.)

En juin 1859, le cadastre de Saint-Mandé indique la future Villa Bel-Air comme étant une « rue projetée » de ce quartier qui sera annexé à Paris l’année suivante ; les constructions y sont inexistantes. Tout au long de cette future voie, le chemin de fer de ceinture, dont le premier tronçon ouvrira le 18 juillet 1862, y est en phase d’installation. En mai 1861, un certain Hirtz de Saint-Mandé propose à la vente par lots les terrains de la place Bel-Air, attenants au chemin de fer, ancienne propriété Saint-Laurent ; quelques insertions publicitaires suffisent, durant ce mois, pour trouver preneurs.
C’est ainsi que 19 maisons vont être bâties sur une seule travée de la Villa Bel-Air, le n° 9 étant dévolu à Claude Despernex (1817-1887), professeur de littérature et à son épouse Marie Clarisse Bayvel (née en 1821) qui y aménagent dès 1862, une
institution de jeunes filles. Le n° 8 mitoyen sera réservé à leur domicile.
Marie-Clarisse Despernex qui est la
maîtresse de cette institution, publie l’année même de l’inauguration de celle-ci, un petit fascicule intitulé Causeries morales pour les maisons d’éducation des demoiselles (In-16 ; Imprimeur et libraire Humbert, Paris 1 franc).
La villa Bel-Air, côté rue du Niger (anciennement rue Mongenot), est close par une grille et un portail en fer forgé, surmontés d’un panneau indiquant la présence de l’
Institution de Demoiselles.

TOUT PARIS - 1101 - La Villa du Bel-Air (XIIe arrt.)
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publié par zelig lun. 7 juin 2021 00:29

L’établissement qui est organisé en pensionnat de jeunes filles, accueille également quelques pupilles que la ville de Paris lui recommande. Dans les réclames qu’elle ne manque pas de faire publier dans les annuaires parisiens, Mme Despernex se présente comme ayant un diplôme supérieur avec mentions honorables, avec une maison spéciale pour les étrangers.

Le 11 mai 1881, les époux Despernex marient leur fille Marie Clarisse Marguerite, née en 1854 à Paris, à Emile Fischer (1842-1896), professeur de musique et compositeur de nombreuses partitions. Du beau monde en tant que témoin : Bartholdi le sculpteur et Pierre Véron, journaliste du Charivari.

Partitions d’Emile Fischer : Hop hop ! galop, dédicacé à sa future épouse et à sa belle-sœur (1881) - A coeur joie, polka (1896)
Partitions Emile Fischer Hop hop 1896 dédié à sa future épouse - A coeur joie 1896.jpg
Partitions Emile Fischer Hop hop 1896 dédié à sa future épouse - A coeur joie 1896.jpg (80.88 Kio) Vu 4512 fois

A la suite immédiate du mariage, Claude et Marie-Clarisse Despernex passent les rênes de l’institution de demoiselles à leur fille Marie Clarisse Marguerite Fischer et procèdent même à la vente d’icelle, aux époux Fischer, en date du 18 décembre 1881.
L’établissement du 9 Villa Bel-Air est dorénavant sous la direction de Mme Fischer qui, devenue veuve en 1896, en poursuit seule la gestion. Nous voyons encore, le 6 mars 1920, Mme Fischer rechercher, par petite annonce, une
maîtresse de classe élémentaire pour son pensionnat et conservons la trace de cette institution pour demoiselles jusqu’au 3 juillet 1923, date à laquelle Mme Fischer autorise la publication de la partition posthume de la polka « A cœur joie » de son défunt mari Emile Fischer.
La fille de Marie Clarisse Marguerite Fischer, Marguerite Clarisse Fischer (1883-1968), professeur, mariée en 1910 à Eugène Mathias Cadet, ne reprendra pas l’activité de sa mère.
La maison du 9 villa Bel-Air a changé de propriétaire en 1923, occupée à présent par Jacob Kahn (né à Paris le 9 mai 1854) et son épouse Rosine Landauer. Jacob Kahn, chapelier en retraite, y décède le 6 octobre 1924.

L’institution de demoiselles de Mme Marie Clarisse Marguerite Fischer
Paris XII - Institution de demoiselles de Mme Fischer, 9 Villa du Bel-Air.jpg
Paris XII - Institution de demoiselles de Mme Fischer, 9 Villa du Bel-Air.jpg (116.84 Kio) Vu 4512 fois
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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Statue de Camille Desmoulins, Jardin du Palais Royal (1er arrt.)

A l’initiative d’Antoine-Dominique Franceschi-Porri, un Comité ayant son siège 86 quai de Jemmapes, présidé par Henri Maret (rédacteur en chef du journal le Rappel), est fondé en septembre 1903, pour ériger, à Paris, un monument en mémoire de Camille Desmoulins, né le 2 mars 1760 à Guise et mort guillotiné le 16 germinal de l’an II (5 avril 1794) (voir ►ici, en note 1, les difficultés que la commune de Guise a eues pour faire ériger sa statue à Desmoulins).
Franceschi-Porri (1850-1921),
ancien soldat blessé en 1870, homme de lettres et rentier, demeurant près du Jardin des plantes, au 69 rue Buffon, est précisément voisin et ami du sculpteur Eugène Jean Boverie (1869-1910) qui, dans son atelier de la rue du Pot-de-Fer-Saint-Marcel, travaille, en 1904, à l’achèvement de ce futur « Camille Desmoulins », dont la version en plâtre doit figurer, en avril et mai, au Salon des indépendants du Cours la Reine.
Le Comité organise des démarches afin de recueillir, par souscription publique, les fonds nécessaires à la réalisation de ce monument transformé en bronze, et pour choisir l’emplacement envisagé soit place du Théâtre Français, soit au Palais Royal. L’architecte Joachim Richard (1869-1960) est par ailleurs, contacté, pour concevoir le piédestal du monument.
Dès le 29 décembre 1903, le Conseil municipal reçoit une pétition du Comité, sollicitant une subvention pour ce monument ; celle-ci est renvoyée à la 4e commission ; M. Dausset, rapporteur de cette commission, transmet cette demande le 7 janvier 1904 à l’Administration, préconisant qu’elle soit accueillie favorablement et qu’un emplacement soit mis à la disposition du Comité. Après maintes pétitions déposées au conseil municipal, le Palais Royal est choisi, le 9 juin 1904, pour emplacement du futur monument, et une subvention de 200 francs est enfin accordée le 25 janvier 1905.
La statue de Camille Desmoulins est inaugurée le vendredi 22 septembre 1905, placée
en face du passage central conduisant de la galerie d’Orléans au Jardin du Palais Royal, en présence du sous-secrétaire d’état aux Beaux-arts, Dujardin-Beaumetz et avec la participation de la musique du 103e de ligne.
La 41e liste de souscription nationale publiée le jour de l’inauguration fait état d’un montant de donations cumulées s’élevant à 12.926 frs 35.
Camille Desmoulins, jouant de malheur, après avoir été décapité en 1794, va terminer fondu dans les creusets allemands de l’armement en 1942.

TOUT PARIS - 1045 - Statue de Camille Desmoulins, Jardin du Palais-Royal (1er arrt.)
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publié par zelig mar. 1 juin 2021 00:23

22 septembre 1905 - Inauguration du monument de Camille Desmoulins au Palais Royal
Cette statue a été inaugurée hier après-midi, au Palais-Royal, avec le concours d'une assistance officielle et semi-officielle.
L’œuvre inaugurée est due au ciseau du sculpteur Boverie. Camille Desmoulins est debout, il harangue la foule en une attitude oratoire : le bras droit étendu, la jambe et le bras gauches appuyés sur une chaise.
C'est en face du passage central conduisant de la galerie d'Orléans au jardin que le monument a été élevé. Dans la tribune construite pour la circonstance avaient pris places les délégués du gouvernement : MM. Clémentel, ministre des colonies et Dujardin-Beaumetz, sous-secrétaire d'État aux beaux-arts, les membres du comité du monument ayant à leur tête M. Henri Maret, député, et les invités du monde officiel.
La cérémonie a commencé par l’exécution de la Marseillaise, après quoi, M. Henri Maret a fait la remise du monument à l'Etat. La musique militaire a joué ensuite « les Girondins » et M. Dujardin-Beaumetz s'est levé pour remercier M. Henri Maret et ses collaborateurs.
Après M. Dujardin-Beaumetz, M. Clémentel a pris la parole au nom du gouvernement. Le ministre des colonies a fait l'éloge de Camille Desmoulins en un discours interminable.
La cérémonie s'est terminée par la lecture de quelques pièces de vers de circonstance et par l'exécution de la Marche de Sambre-et-Meuse.
Un incident s'est produit alors que le ministre des colonies commençait son discours. A ce moment, la musique du 76e de ligne, qui devait donner son concert hebdomadaire à quatre heures, attaqua les premières mesures de l'ouverture des « Francs Juges » de Berlioz, couvrant la voix du ministre, qui dut s'arrêter tout net.
Des envoyés furent expédiés auprès du chef de musique du 76e pour le prier d’interrompre le morceau commencé. Il refusa. Le ministre attendait toujours... et il attendit assez longtemps, car il fallut l'intervention personnelle du capitaine Bernheim, officier d'ordonnance du gouverneur militaire de Paris, pour que les cuivres se calment. M. Clémentel put enfin discourir tout à son aise.

(journal La Vérité 24 septembre 1905)

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Bal Tabarin, 36 rue Victor-Massé (IXe arrt.)

S’inspirant du fameux Tabarin (Antoine Girard 1584-1626) qui, installé sur une estrade, place Dauphine à Paris, interpellait les badauds pour leur conter gaillardises, farces ou satires, imité, au cours des siècles, par de nombreux suiveurs ayant repris ce sobriquet, Maurice Ropiquet reprend ce concept en 1895 et crée le Tréteau de Tabarin au n°58 rue Pigalle, où il va engager chansonniers, comédiens et chanteurs dans une salle pouvant accueillir 150 spectateurs, qu’il fait aménager à cet effet par le décorateur Marcel Jambon (1848-1908) et l’architecte René Lapierre (né en 1861 à Paris 1er arrt.), installé à Neuilly-sur-Seine, avenue du Roule.
Ce bâtiment du 58 rue Pigalle, précédemment occupé par le sieur Bergairol qui y exposait des meubles anciens, jouxte un commerce de restaurant-vins et une boulangerie qui fait l’angle avec le 38 rue Victor-Massé.

Maurice Ropiquet (1863-1950), directeur artistique, fils de Jules Ropiquet, artiste lyrique et professeur de chant qui se fait appeler Juliani, est secondé dans cette aventure par Georges Charton (1862-1929), ancien auneur en soieries, comédien, compositeur et chansonnier qui n’hésite pas à se rajeunir de six ans dans les papiers destinés à la presse ; le troisième collaborateur, le plus important, est Henri Dreyfus, dit Fursy (1867-1929), secrétaire général et chansonnier.
L’inauguration du Tréteau de Tabarin qui est un succès, se déroule le 12 octobre 1895.

Plan partiel du secteur Pigalle 1900
Plan rue Victor Massé rue Pigalle.jpg
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Dans le même temps, Antoine Augustin Lajunie réussit, le 21 septembre 1895, à acquérir auprès de la demoiselle Emma Claudine Jeggé, le fonds de restaurant situé entre le cabaret et la boulangerie, afin d’y installer ce qui sera le Restaurant de Tabarin.
Antoine Augustin Lajunie (1869-1915) est né à Paris dans le 14e où ses parents tenaient un hôtel 8 rue de l’Ouest, avant d’acquérir une affaire de marchand de vins le 2 septembre 1877, au 56 rue François-Miron où le jeune Lajunie a pu faire ses premières armes dans le café de son père.
A l’étroit dans son petit commerce, Antoine Augustin Lajunie met la main, le 15 août 1899, sur la boulangerie mitoyenne à son restaurant, lui permettant d’accroître considérablement la surface de celui-ci. Lajunie n’a probablement pas eu trop de mal à convaincre le sieur Foucher, son vendeur, car la boulangerie ne semblait pas vraiment florissante : Foucher qui venait d’acheter ce fonds le 10 février 1897 avait été précédé par Charles-Eugène Vézin dont la clôture de faillite sera prononcée le 21 avril 1897 et par Clodomir Rocherieux également déclaré failli le 11 décembre 1895…


Rue Pigalle : Le Grand Hôtel de Pigalle - La Boite à Fursy (ex-Tréteau de Tabarin) - Le Restaurant de Tabarin A. Lajunie
La Boite à Fursy - Restaurant de Tabarin A. Lajunie - Grand Hôtel de Pigalle.jpg
La Boite à Fursy - Restaurant de Tabarin A. Lajunie - Grand Hôtel de Pigalle.jpg (180.99 Kio) Vu 4419 fois

Un an après l’ouverture du Tréteau de Tabarin, Charton décide de voler de ses propres ailes et crée le cabaret La Roulotte, au 42 rue de Douai, qui ouvre ses portes le 28 octobre 1896.
En 1899, le torchon brûle entre Ropiquet et Fursy ; ce dernier quitte le Tréteau, remplacé au pied levé, le 19 novembre, par le chansonnier et chanteur satirique Jacques Ferny (1863-1936). Un procès s’ensuit où chacune des parties demande des dommages et intérêts pour rupture. Aussitôt, Fursy installe sa troupe dans l’hôtel cabaret du
Chat-Noir que Rodolphe Salis avait créé en 1881 au 12 rue Victor-Massé, à quelques mètres du Tréteau. Après quelques travaux rapidement exécutés, la Boite à Fursy ouvre son cabaret au public le 25 décembre 1899.
Au procès du 27 avril 1900, Maurice Ropiquet est condamné à payer à Fursy, alias Henri Dreyfus, une somme de dix mille francs au titre d’un dédit pour rupture d’engagement, et un montant de six mille francs correspondant à la caution que celui avait déposée entre ses mains. Un autre de ses chansonniers, Gabriel Montoya, suit la même voie que Fursy et réclame quatre mille francs à Ropiquet ; Montoya n’est cependant, cette fois-ci, pas suivi par le tribunal puisque que c’est lui qui est condamné à payer cette somme à Ropiquet.
Cependant, le 9 octobre 1900 Maurice Ropiquet arrête les frais et se déclare en faillite au Tréteau de Tabarin avant de refaire surface, dès le 23 novembre 1900, aux Variétés de Bruxelles où installe une « revue ».
Le 31 août 1901, on assiste à la clôture de la faillite du Treteau de Tabarin de Ropiquet, pour insuffisance d’actif. Ropiquet ne fera plus jamais parler de lui, hormis pour son mariage du 30 mars 1905, avec Esther Eugénie Capelle, lors duquel il déclare être publiciste et habiter avec son père à Paris 17e, 48 rue Fortuny…

Aussitôt la faillite de Ropiquet prononcée, Henri Dreyfus s’empresse de prendre possession du Tréteau de Tabarin. Il crée à cet effet, le 22 septembre 1902, une société dénommée
La Boite à Fursy et le Tréteau de Tabarin chargée d’exploiter les deux cabarets avec deux administrateurs : MM. Soudeillette et Behrend.

Antoine Augustin Lajunie qui est toujours à la tête du Restaurant de Tabarin A. Lajunie, « ouvert toute la nuit », met en place un grandiose projet avec
Auguste Georges Bosc (1868-1945), compositeur, futur commanditaire du kiosque à musique de l’Esplanade de Montpellier en 1926-1927.
Tous deux créent, le 31 décembre 1903, la Société en nom collectif
Lajunie et Bosc, au capital de quatre-vingt-dix mille francs, ayant pour objet la construction d’un bal concert attraction dit Bal Tabarin au 36 rue Victor Massé. Cet emplacement, mitoyen au restaurant Lajunie, est occupé jusqu’à cette date par les frères Lévy qui, possédant une entreprise d’achat, vente et location de voitures, reçoivent de nos promoteurs, une indemnité.
Lajunie et Bosc obtiennent, le 9 janvier 1904, un permis de construire une Salle de spectacle de deux étages sur les plans réalisés par l’architecte Henri Blaise, 16 rue Erlanger. Un second permis de construire est déposé à la mairie le 25 août 1904 pour l’aménagement d’une Salle de Bal d’un étage, avec l’intervention d’un deuxième architecte, Marcel Auburtin (1872-1826).
Les travaux de construction du Bal Tabarin sont rapidement menés. Alors que les décorations réalisées par Adolphe Léon Willette (1857-1926), Léonce Buret (1865-1915), et Tony Minartz (1870-1944) sont à peine sèches, l’inauguration somptueuse a lieu dans la nuit du 22 décembre 1904.

► voir ici Ouverture du Bal Tabarin (anonyme 1910)

TOUT PARIS - 1666 - Bal Tabarin (IXe arrt.)
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publié par zelig lun. 4 oct. 2021 19:52

A partir de cette date, le Bal Tabarin, ouvert tous les jours, obtient un succès considérable, conforté par la présence du restaurant Lajunie mitoyen ; à contrario les nuits blanches seront de mise pour les riverains de la rue Victor-Massé.

Antoine Augustin Lajunie, marié le 26 janvier 1909 avec Suzanne Blanche Campagne (née le 25 décembre 1878), fait l’acquisition, le 15 juin 1910, du
Grand Hôtel Pigalle du 60 rue Pigalle, mitoyen de la Boite à Fursy, maison meublée qui appartenait à la veuve Jalbert.
Le 2 août 1913, Antoine Lajunie vend ses parts de la société en nom collectif Lajunie-Bosc à Auguste Bosc qui devient seul propriétaire du Bal Tabarin.
Après le décès de Lajunie, mort pour la France le 10 janvier 1915, sa veuve conserve l’Hôtel du 60 rue Pigalle et cède, le 31 août 1935, aux sieurs Lucien Fuhrer et Georges Schmitt, le fonds de commerce de Restaurant de nuit du 58 rue Pigalle, lequel devient dorénavant
Le Grand Jeu.

Rue Pigalle : Le Restaurant Tabarin Lajunie et la Boite à Fursy (cliché Ombellule, Cparama) — Rue Victor Massé : Le Restaurant Lajunie et le Bal Tabarin (cliché Rokoto, Cparama)
Rue Pigalle - Restaurant Tabarin Lajunie et la Boite à Fursy (cliché Ombellule, Cparama) - Rue Massé.jpg
Rue Pigalle - Restaurant Tabarin Lajunie et la Boite à Fursy (cliché Ombellule, Cparama) - Rue Massé.jpg (104.84 Kio) Vu 4419 fois

Durant le conflit 1914-1918, le French Cancan, ses quadrilles réalistes et ses danseuses suggestives n’en continuent pas moins à faire salle comble tous les jours au Bal Tabarin. Fort de ce permanent succès, Auguste Bosc cède l’affaire, en décembre 1928, à Pierre Sandrini (1893-1949), directeur artistique du Moulin Rouge, et à Pierre Dubout (1895-1948), comédien de la Cigale, lesquels forment, à cet effet, le 29 juillet 1929, la société Sandrini, Dubout et Cie.
A la suite du décès simultané de ses deux directeurs, Dubout en septembre 1948 et Sandrini en septembre 1949, le Bal Tabarin continue sous la direction d’Andrée Rapo (1911-1987), danseuse dudit cabaret qui avait épousé Sandrini en 1938. L’affaire qui tourne au ralenti jusqu’en 1951, est en relâche l’année suivante. Racheté en 1953 par les propriétaires du Moulin Rouge, les frères Jacki et Louis Clérico, le Bal Tabarin ferme définitivement ses portes en octobre 1953, avant d’être rasé par des promoteurs en juillet 1966.

Le French Cancan au Bal Tabarin — Une Fête de nuit au Bal Tabarin
Le French Cancan au Bal Tabarin - Une Fête de nuit au Bal Tabarin.jpg
Le French Cancan au Bal Tabarin - Une Fête de nuit au Bal Tabarin.jpg (108.94 Kio) Vu 4419 fois

La Boite à Fursy, de son côté, continue son activité jusqu’au départ d’Henri Dreyfus qui, de 1909 à 1914, prend la direction de la Scala du 13 boulevard de Strasbourg. La Boite à Fursy, sans son chansonnier-vedette, devient, en janvier 1914, le Théâtre Doré également dénommé la Bonbonnière à Léoni, du nom de son directeur Henri Léoni. Dominique Bonnaud (1864-1943) chansonnier de la première heure au Tréteau de Tabarin, reprend l’affaire avec un autre chansonnier Georges Baltha (1872-1944), en avril 1917, sous le nom de La Lune Rousse.
Elle passe ensuite, en 1932, sous la direction de Léon Michel et voit, entre autres, Pierre Dac y présenter sa revue de 1932 à 1936 ou encore Edith Piaf y pousser la chansonnette en 1938.
Léon Michel cède sa place en 1941 à Augustin Martini. En 1945, Jean Marsac reprend le flambeau de la Lune Rousse qui disparait sous les bulldozers en 1964.

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Usines Maggi, 49 boulevard Arago (XIIIe arrt.)

Julius Maggi (1846-1912), est né à Frauenfeld en Suisse. Son père, Michael Maggi (1807-1881), originaire de Monza en Italie, était venu s’installer en 1837 à Frauenfeld, où, après avoir acquis un moulin à Kemptthal, il s’était marié en 1839 avec Anna Sophia Esslinger.
De 1867 à 1869, Julius Maggi est employé dans une minoterie de Budapest dont il devient le co-directeur. Puis à partir de 1869, il dirige le moulin à marteau familial avec son demi-frère Eugen Hotz-Esslinger-Maggi (1836-1913).
C’est à partir de 1884 que Julius Maggi met au point des procédés de fabrication qui vont aboutir à la conception de ses farines de légumineuses et de ses potages à la minute qu’il va commercialiser à grande échelle grâce à d’ingénieuses et innombrables réclames.
Le 15 février 1887, il fonde la
Société en nom collectif MAGGI (produits et articles fabriqués par la maison Jules MAGGI et Cie de Kemptthal), au n°7 cité de Trévise dans le 9e arrt. Aux mois d’avril et mai 1887, quasiment tous les quotidiens de l’hexagone (le Figaro, le Gaulois, le Soir, le Petit Marseillais, le Matin, la France, Gil Blas, l’Intransigeant, le Petit Journal, le Radical, l’Evènement, etc.) diffusent un article publicitaire vantant les assaisonnements pour bouillon MAGGI de ce grand industriel qu’est Julius Maggi, à la tête d'importantes usines et possesseur de pâturages immenses. (1)

A présent lancé, Julius Maggi crée, le 6 juillet 1897, une nouvelle société, la Compagnie MAGGI, au capital d’un million de francs, dont le siège social est fixé 37 boulevard Bourdon. En mars 1899, la Compagnie installe son usine, dont Félix Soutter (1865-1926) prend la direction, dans le XIIIe arrt., au n°49 boulevard Arago, et en face, au n°104-106 rue de Broca, dans les locaux de l’ancienne teinturerie de peaux appartenant à Charles-Antoine-Adolphe Tissier et à son épouse Marie-Victorine-Constance-Eugénie Jacquelin. (2)

Ne ménageant pas sa peine pour développer l’entreprise, celle-ci continue sans relâche la diffusion de réclame à travers les journaux et commence, à partir de 1998, l’
édition de cartes postales où le nom de Maggi figure en premier plan. (► voir ici les cartes publicitaires Maggi)
Et, afin de mieux asseoir sa présence parisienne, Julius Maggi aménage, en octobre 1899, les 3e et 4e étages de l’Hôtel situé à droite de l’Opéra, au n°8 place de l’Opéra, pour y transférer son siège social, ses bureaux et appartements, dont la façade porte désormais le nom de Maggi en lettres géantes.

La Compagnie MAGGI, 8 place de l’Opéra
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publié par Carpostale dim. 15 juil. 2012 22:15

Le 23 juillet 1903, par devant maîtres Lanquest et Rocagel, la Compagnie Maggi fait l’acquisition des immeubles 49 boulevard Arago et 104-106 rue de Broca, auprès des époux Tissier-Jacquelin. Aussitôt, la compagnie charge l’architecte suisse, Louis Bezencenet (1843-1922) d’établir plans et devis pour surélever lesdits immeubles de deux étages supplémentaires et obtient le permis de construire en date du 7 septembre 1905.

TOUT PARIS - 1361 - Boulevard Arago (XIIIe arrt.)
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publié par R@koto sam. 23 févr. 2019 09:37

La compagnie Maggi, dont la croissance est exponentielle, est contrainte d’investir dans des nouveaux locaux de production et de stockage.
Ainsi, la Société des boissons hygiéniques fait notamment l’acquisition d’un terrain occupé précédemment par l’entreprise de démolitions Chauvin, au 17-19 boulevard Ornano sur lequel elle fait construire une nouvelle usine, sur les plans de Bezencenet qui dépose deux permis de construire, l’un, le 12 janvier 1905, pour l’édification d’un bâtiment d’un étage, le second le 17 avril 1905 pour une usine de trois étages. Ces locaux seront agrandis de 1924 à 1927.
La
Société du bouillon Kub, filiale de Maggi, ayant son siège social au 7 et 9 rue Euryale-Dehaynin dans le 19e arrt., doit également accroître son site de production et fait main basse sur les terrains situés au 66 quai de la Loire et à ceux attenants, au 7-9 et 13 à 18 rue Euryale-Dehaynin. L’architecte Georges-Auguste Farcy (1866-après 1932), est chargé d’y construire des bâtiments à rez-de-chaussée à l’usage d’usines, à la suite des autorisations obtenues les 17 novembre et 27 décembre 1911 ; pour le n°7-9 Euryale-Dehaynin, la Société du Bouillon Kub obtient un permis de construire un immeuble de cinq étages. Ladite société est également implantée dans le même arrondissement aux 47 et 65 à 69 avenue Jean-Jaurès ainsi qu’au 36-38 et 58 à 64 quai de la Loire, ces locaux industriels lui étant affermés par baux de longue durée auprès de particuliers.

La Compagnie Maggi, dite société de Boissons hygiéniques, change de dénomination en date du 13 décembre 1912 et devient la Société Laitière MAGGI, deux mois après le décès de son fondateur Julius Maggi. La compagnie, à cette date récolte quotidiennement 350.000 litres de lait par jour et dispose de 62 boutiques parisiennes effectuant le portage du lait à domicile en carafes scellées ; en outre, à Paris, 277 dépôts sont chargés de vendre le lait Maggi, chaque jour, de 5 à 10 heures du matin, sous le contrôle de « l’Association de l’œuvre sociale du Bon Lait ».

A l’approche du conflit 1914-1918, et en raison de relations financières avec une banque allemande et d’un actionnariat soupçonné être en partie allemand, la Laitière Maggi et les bouillons Kub auront maille à partir avec une grande partie de la presse française qui en fera son bouc émissaire pendant toute la guerre.
En dépit de toutes ces attaques, la laitière Maggi perdurera jusqu’en 1947 tandis que les bouillons Kub fusionnent, à cette date, avec le groupe Nestlé qui charge la Sopad de produire et commercialiser ses produits, lui permettant de traverser les décennies sans embuches jusqu’à ce jour.

Les usines du n°49 boulevard Arago sont actuellement détruites et ont été remplacées par un immeuble communal géré par le Centre d'Action Sociale de la Ville de Paris (CASVP).


Usines Maggi, boulevard Arago
Usines Maggi, boulevard Arago.jpg
Usines Maggi, boulevard Arago.jpg (186.57 Kio) Vu 4331 fois

(1) Les premières campagnes publicitaires de Julius Maggi, diffusées dans tous les médias en avril et mai 1887
L'ASSAISONNEMENT MAGGI
Qui est ce Maggi, dont le nom gigantesque est promené depuis deux mois dans tout Paris, sur les épaules des hommes-sandwiches et fait travailler tant d'imaginations curieuses ?
Nous pouvons enfin le révéler. M. Maggi est un grand industriel, à la tête d'importantes usines et possesseur de pâturages immenses.
M. Maggi a découvert un produit merveilleux, qui, sous le nom d'Assaisonnement Maggi, est susceptible non seulement de rendre succulent et savoureux le mets le plus fade et le plus insipide, mais encore, le cas échéant, de les remplacer tous à lui seul.
En effet, une simple cuillerée de l’Assaisonnement Maggi aux fines herbes versée dans de l'eau bouillante, la transforme en un bouillon nutritif et délicat tout à la fois, qui rendrait jaloux le meilleur pot-au-feu.
A la dose de quelques gouttes, il communique instantanément aux potages, aux sauces et aux ragoûts, la saveur et le goût qui leur manquent.
Quant enfin à l’Assaisonnement Maggi concentré aux truffes, c'est le nec plus ultra de la gastronomie, car une dose des plus minimes, mêlée à une sauce, lui donne immédiatement — illusion charmante —, l'arôme de la vraie truffe, sous une forme peut-être même encore plus capiteuse, plus condensée. O Brillât-Savarin ! tu es mort trop tôt ! C'est, en tout cas, sous l'invocation de ton nom respecté par tous ceux qui savent manger que M. Maggi entend placer son merveilleux produit, lequel peut rendre autant de service aux tables les plus modestes, qu'aux plus luxueuses.
Béchamel

(Le Gaulois 1er mai 1887)

Carte publicitaire Maggi - Cortège du Bouillon Kub
Carte publicitaire Maggi - Cortège du Bouillon Kub.jpg
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(2) Charles-Antoine-Adolphe Tissier, né le 12 octobre 1844 s’est marié le 9 mars 1872 avec Marie-Victorine-Constance-Eugénie Jacquelin, née à Frémonville le 14 juin 1854. Lors de ce mariage, Tissier demeure au n°11 rue des Cordelières dans le 13e, et les parents de sa future épouse, Pierre Jacquelin et Victorine Thouvenel sont teinturiers en peaux au n°5 rue des Cordelières, de même que le cousin, Pierre Jacquelin. Tout le quartier est à cette époque, peuplé de peausseries, tanneries, teintureries de peaux et autres mégisseries réparties entre les rues des Tanneries, des Cordelières, de la Glacière et le boulevard Arago.
Tissier qui était, avant son mariage, entrepreneur de travaux publics, est rapidement entraîné dans la teinturerie et s’installe dès 1878 au n°46 boulevard Arago ; en 1880, tout en conservant le n°46 pour ses bureaux, il prend possession pour sa teinturerie, du n°49 boulevard Arago, mais également du 15 rue de la Glacière et du 104 rue de Lourcine qui deviendra la rue de Broca en 1890.
En 1891, les frères Sanoner, mégissiers, — Georges (1866-1940) et Etienne (1862-1943) — reprennent la teinturerie tandis que Tissier reste propriétaire des murs et du terrain. En 1897, Georges Sanoner, associé à L. Vauthier, se replient au 44-46 boulevard Arago et 15 rue de la Glacière, tandis que Charles Tissier afferme les locaux du n°49 boulevard Arago et du n°104-106 rue de Broca à Julius Maggi à compter de 1899.

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Le Marché aux Fleurs et aux oiseaux, Quai aux fleurs de la Cité (IVe arrt.)

Le Journal de Paris du 17 février 1788 nous donne une description de ce qu’était le marché aux Fleurs qui se tenait, depuis 1722, sur le quai de la Mégisserie, également appelé quai de la Ferraille dès avant 1755, en raison du bric-à-brac qui avait fini par s’y installer : Le quai de la Ferraille, où se tient actuellement le Marché aux fleurs, est le plus fréquenté de Paris ; il est obstrué d’échoppes, tout à tour proscrites et tolérées ; c’est le rendez-vous des Enrôleurs, des Charlatans, des Chansonniers, des Oiseleurs, des Regrattiers de tout genre ; sans parler des beignets qu’on frit du matin au soir sur ce quai ; il faut avouer que les avenues du Temple de Flore sont bien dégoûtantes. Dès 1788, il est question de translater le marché sur d’autres lieux plus avenants et notamment sur le quai de Gesvres, mais les propositions restent vaines.
Préalablement à son installation à la Mégisserie, et dès avant 1697, le Marché aux Fleurs s’appelait le
Marché aux poirées, et s’étendait de la rue aux Fers à la rue de la Cossonnerie.
Par deux ordonnances datées des 16 messidor an 8 (5 juillet 1800) et 25 germinal an 9 (15 avril 1801), Louis Nicolas Dubois (1758-1847), préfet de police de Paris, décide que le marché aux Fleurs continuera à être tenu « provisoirement » sur le quai de la Mégisserie, et sur toute sa longueur, et qu’il aura lieu trois fois par décade, savoir :
les tridi, sextidi et nonidi, depuis le lever jusqu’au coucher du soleil.

Le 24 messidor de l’an 8 (13 juillet 1800), la veille de la Fête de la Concorde, Louis-Nicolas Dubois, Nicolas Frochot, préfet de la Seine et Lucien Bonaparte, ministre de l’intérieur, se réunissent sur la Cité, au quai de la Pelleterie et, après un discours de circonstance, décident que ce quai, en cours de construction, s’appellera dorénavant le quai Desaix.
Par un arrêté gouvernemental du 29 Vendémiaire de l’an XII (22 Octobre 1803), il est décrété que le « terrain vague », situé entre ce quai et la rue de la Pelleterie qui lui est parallèle, sera vendu pour recevoir des constructions. Cependant les édiles changent leur fusil d’épaule et font annuler cet arrêté par un décret impérial daté du 21 janvier 1808, par lequel le « terrain vague » de la rue de la Pelleterie est abandonné à la Ville de Paris, afin d’y transférer le Marché aux fleurs et arbustes du quai de la Mégisserie. Le décret précise en outre que la municipalité devra prendre à charge l’indemnisation des sieurs Phalary et Balzac dont les terrains de la rue de la Pelleterie seront appréhendés pour la réalisation de cette opération.
Joseph-Hubert Lemolt-Phalary (1756-1838), secrétaire de feu Mirabeau et juge au Tribunal d’Orléans, avait déjà fait parler de lui le 12 février 1792, en déposant une revendication à l’Assemblée nationale, demandant
pour la troisième fois, sa réintégration dans une maison lui appartenant, rue de la Pelleterie, dont le gouvernement s’était injustement emparé ; continuant sur son envolée lyrique, Phalary va déclencher les applaudissements des membres de l’Assemblée, en concluant, qu’après avoir réclamé vainement auprès des autorités constituées, il en conclut que les fonctionnaires publics ont volé leur réputation de popularité.

Le Marché aux fleurs, à ciel découvert, est ainsi aménagé le long de la Seine quai Desaix, depuis la rue de la Barillerie (futur boulevard du Palais) jusqu’à la rue de la Juiverie (future rue de la Lanterne puis de la Cité) où des bornes en pierre seront implantées permettant de le circonscrire ; deux bassins y seront installés.
Le 12 mars 1809,
la Gazette de France annonce que le quai Desaix est à présent entièrement débarrassé de tous les matériaux qui l’obstruoient ; en attendant que le Marché aux fleurs y soit transporté, on va y planter deux rangées d’arbres qui, dans la belle saison, offriront une perspective agréable et formeront une promenade commode en tout temps.

Plan du Marché aux fleurs de la Cité 1860
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L’ordonnance du 5 août 1809 qui institue le nouveau Marché aux fleurs, contient les dispositions suivantes :
A compter du mercredi 16 du présent mois d’août, l'exposition en vente des arbres, arbrisseaux, arbustes, plant, fleurs sur tige, fleurs en pots ou en caisse, oignons de fleurs et graines, cessera d'avoir lieu sur le quai de la Mégisserie.
A compter de la même époque, cette vente aura lieu sur le terrain bordant le quai Desaix, conformément au décret impérial du 21 janvier 1808.
Il est défendu aux jardinier-fleuristes de vendre sur le marché, au quai Desaix, des fleurs coupées.
Les détaillantes seules pourront y vendre des fleurs coupées, les jours que le marché ne tiendra pas.
Le marché tiendra, comme par le passé, les mercredis et samedis.
Il aura lieu depuis le lever jusqu’au coucher du soleil. Néanmoins, la vente des arbres de pépinières cessera à une heure de relevée.
Les places seront marquées et numérotées. Les jardiniers-fleuristes devront justifier qu’ils cultivent eux-mêmes 25 ares (un demi-arpent) au moins en arbustes, plants ou fleurs.
Les pépiniéristes qui apporteront habituellement des arbres sur le marché, devront se munir d'un certificat du maire de leur commune, qui constate qu'ils exploitent des pépinières. Les pépiniéristes seront tenus de marquer leurs arbres. Les arbres non marqués seront saisis.
Il est détendu de faire entrer des arbres dans Paris avant six heures du matin. Il est défendu d'apporter sur le marché des arbres, arbrisseaux, arbustes et plants dont les racines seraient gelées ou gâtées. Les arbres arbrisseaux, arbustes et plants dont les racines seront reconnues gelées ou gâtées, seront détruits sur place, en présence du propriétaire, et il en sera dressé procès-verbal.
Les pépiniéristes et les jardiniers-fleuristes sont tenus de retirer des quais et des rues adjacentes au marché, leurs voitures et chevaux, aussitôt après le déchargement des marchandises. Ils pourront conduire, comme par le passé, leurs voitures sur le Pont-au-Change, où elles seront rangées le long du trottoir, côté d'aval.

Le Marché aux fleurs de la Cité est inauguré le mercredi 16 août 1809 par Antoine Piis (1755/1832), secrétaire général de la Préfecture de Police, lequel était, par ailleurs, auteur de chansons, de pièces en vers et de comédies et avait fondé le Théâtre du Vaudeville en 1791. Celui-ci ne manque pas de rendre un vibrant hommage à Napoléon dans son dithyrambique discours d’inauguration :
En ouvrant le nouveau marché aux fleurs, le 16 août 1809, M. de Plis, secrétaire général de la préfecture de police a prononcé un discours dont nous allons extraire quelques passages : t Rien, a dit l'orateur, de ce qui peut contribuer à l’embellissement de Paris n'échappe à la prévoyance du héros qui nous gouverne. C'est lui qui a ordonné qu'un local plus varié et plus commode que le quai de la Mégisserie fut consacré au commerce des arbustes et des fleurs. Les fleurs, ces productions riantes de la nature, qui font les délices et l'ornement du beau sexe, n'auront plus rien de commun avec le sol où git le fer dégradé par la rouille. Et que de souvenirs ou imposans ou agréables ces arbustes nous rappellent ! Qui pourra voir en ces lieux la moindre tige de laurier sans songer à ceux que moissonnent continuellement nos braves ! Qui pourroit y voir l'olivier sans y retrouver celui que NAPOLEON fera croitre un jour dans le sein de son empire !... Mais en laissant de côté tous ces rapprochemens, il n'est personne qui ne saisisse au premier coup d’œil la supériorité du marché que nous inaugurons, sur celui qu'il remplace La nature a voulu que le tournesol et les fleurs radiées se tournâssent sans cesse vers l'astre bienfaisant qui les vivifie, mais quand la caduque Samaritaine n'interceptera plus la perspective des ponts et de la rivière, quel beau spectacle que celui de toutes les fleurs reconnoissantes s'inclinant vers le Louvre au lever de l'aurore , comme pour saluer le grand homme qui du haut de son trône n'a pas dédaigné d'augmenter leur éclat, en protégeant leur fraîcheur.
(Journal de Paris 19 août 1809)

Le Marché aux fleurs le long du quai Desaix et le Pont-au-Change (gravure vers 1855)
02 Le Marché aux fleurs le long du quai Desaix et le Pont-au-Change vers 1855 (gravure).jpg
02 Le Marché aux fleurs le long du quai Desaix et le Pont-au-Change vers 1855 (gravure).jpg (131.56 Kio) Vu 4236 fois


De 1840 à 1843, les deux bassins du marché sont reconstruits avec branchement d’égout, des bordures en granit viennent remplacer les bornes en pierre, et le terrain est bitumé, occasionnant pour l’ensemble de ces travaux une dépense de 66.023 frs 89. Le revenu net encaissé par la ville au titre des droits de place s’élève en 1842 à 12.912 francs.
En 1841 un premier projet, signé par l’architecte Louis-Marie-François-Armand Gauché, prévoit d’exproprier l’îlot des rues Pelleterie, Gervais-Laurent, du Port-aux-Œufs, Sainte-Croix et de la Vieille Draperie (rue ou avenue Constantine), afin d’y transférer la Bibliothèque Royale ; aucune suite tangible n’est donnée à ce projet.
A contrario, en 1858, le projet de construction d’un nouveau Tribunal de Commerce, circonscrit par les rues de la Pelleterie, de la Barillerie, du Marché aux Fleurs et de la Vieille Draperie, est immédiatement mis en application : un arrêté de cessibilité est publié le 12 janvier 1859, suivi le 15 mars par l’expropriation de tous les occupants desdites voies, lesquels reçoivent la notification de leurs indemnisations le 20 juin.
En conséquence, durant les travaux d’édification du Tribunal, de 1860 à 1865, le Marché aux Fleurs, se trouvant pour le moins perturbé, est transféré sur les autres quais, depuis le quai Desaix jusqu’au pont de l’Archevêché :
La vente des arrachis de plantes légumineuses et à fleurs a lieu le long des trottoirs du quai Napoléon, depuis le pont Notre-Dame jusqu'au pont d'Arcole. Chaque place occupe 6 mètres superficiels.
La vente d'arbres et arbustes de toute espèce se tient le long des trottoirs du même quai, depuis le pont d'Arcole jusqu'au pont Louis-Philippe, et, au besoin, jusqu'au pont de l'Archevêché. Chaque place a 4m 70 de superficie. Enfin, les places affectées à la vente des fleurs sur le quai Desaix ont 6 mètres carrés.

Le reste de l’îlot Pelleterie-Vieille Draperie, qui est miraculeusement encore debout, va disparaître, en même temps que les dernières traces du marché le long du quai Desaix. Les matériaux provenant de la démolition des maisons sont proposés en adjudication le 16 avril 1866 en deux lots : le premier lot (1-7 rue de la Pelleterie, 7-11 rue Gervais-Laurent, 2-8 rue Sainte-Croix, 22-24 rue de Constantine), mis à prix 7.000 francs, est adjugé au sieur Kasel pour 18.100 francs ; le second lot (1-3 rue Gervais-Laurent ; 4-10 rue de la Cité ; 22-24 rue de Constantine ; 1-5 rue Sainte-Croix), mis à prix 10.000 francs, est adjugé au sieur Cantuel pour 32.630 francs.

En décembre 1866, le Marché aux fleurs de la Cité est transféré sur la place Lobau, située entre l’arrière de l’Hôtel-de-Ville et la Caserne Napoléon. Seul le quai aux fleurs du pont de l’archevêché conserve cependant le commerce des fleurs en gros. Le Monde Illustré du 22 décembre 1866 nous donne quelques détails sur ce nouveau marché
qui possède trois rangées de petites loges ou cabinets. Une toile goudronnée, étendue sur des pieux en fer, protège en toute saison ses compartiments. Chaque fleuriste paye à la ville de Paris une redevance de soixante et quinze centimes par jour de marché, et cinquante centimes pour la tente qui l'abrite et qui, dressée le matin, s'enlève le soir.

Le Marché aux Fleurs de la Cité est translaté place Lobau, derrière l’Hôtel de Ville (gravure décembre 1866, le Monde Illustré)
03 Nouveau marché aux fleurs place Lobau en 1866 (Le monde Illustré 22 décembre 1866).jpg
03 Nouveau marché aux fleurs place Lobau en 1866 (Le monde Illustré 22 décembre 1866).jpg (228.37 Kio) Vu 4236 fois


Le Marché aux fleurs Lobau va faire long feu ! L’Hôtel-de-Ville ayant été réduit en cendres par les communards le 24 mai 1871, il n’est plus possible pour longtemps d’y vendre des fleurs. Aussi, dès la fin des hostilités, le Conseil municipal envisage de faire réinstaller le Marché aux fleurs de la Cité en retrait du quai Desaix, sur l’îlot démoli en 1866 attenant au Tribunal de Commerce et vote le 20 mai 1872, deux crédits à cet effet : le premier à hauteur de 90.000 francs, destiné à viabiliser les rues en question, opération qui ne peut être retardée, pour y installer définitivement le Marché-aux-Fleurs, qui donnera un revenu considérable à la Ville ; un second crédit, de 70.000 francs, devant servir à l’établissement dudit marché.
Le 30 novembre 1872, l’entreprise André et Fleury, établie à Neuilly au 7-9 rue de Sablonville, fondée le 4 janvier 1872, obtient le marché de la fourniture et de l’installation des abris du marché aux fleurs, pour un prix forfaitaire de 40.000 francs. Dans leurs annonces publicitaires, André et Fleury prétendent avoir des usines à Strasbourg et des bureaux 5 rue Royale à Paris…
Ces abris seront constitués de 168 petites baraques munies d’une toiture légère, placées sur huit rangées se faisant face, lesdites baraques étant formées de quatre colonnettes en fonte de deux mètres et demi de hauteur qui seront reliées par trois cloisons et dotées d’aménagements intérieurs
très ingénieusement disposés.

Le Marché aux fleurs (cliché Charles Marville 1873) — Le Marché aux fleurs (cliché Mimigégé, Cparama)
04 Le Marché aux fleurs (cliché Charles Marville 1873) - Le Marché aux fleurs (cliché Mimigégé, Cparama).jpg
04 Le Marché aux fleurs (cliché Charles Marville 1873) - Le Marché aux fleurs (cliché Mimigégé, Cparama).jpg (119.09 Kio) Vu 4236 fois


Les travaux commencés en mars 1873 sont achevés six mois plus tard. L’inauguration du Marché aux fleurs a lieu le mercredi 3 septembre 1873 :
L'ouverture du nouveau marché aux fleurs de la Cité, si souvent annoncée et si souvent remise, a eu lieu avant-hier mercredi. Mieux vaut tard que jamais.
Sur les 168 places affectées aux marchands, il y en avait 110 meublées de dahlias, de fuchsias, de chrysanthèmes, de marguerites et autres fleurs d'automne. Le reste sera fleuri samedi prochain.
Le nouveau marché aura un double avantage : il abritera, sous des tentes commodes et élégantes, les horticulteurs en même temps qu'il débarrassera les trottoirs du pont Notre-Dame, qui étaient devenus à peu près impraticables pour les piétons, obstrués qu'ils étaient par les étalagistes toujours un peu envahissants.
Au printemps prochain, le marché aux fleurs de la Cité, avec son ombrage et ses fontaines, sera, sans contredit, une des promenades les plus agréables de Paris.

(le Petit Moniteur universel 6 septembre 1873)

Le Marché aux fleurs
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publié par rigouard sam. 21 sept. 2019 07:51

Un nouveau règlement est adopté par arrêté préfectoral du 14 août 1873. Celui-ci, reprenant quelque peu les règlements antérieurs, précise : que le tarif de location des places est fixé uniformément à 30 centimes par mètre et par jour de marché ; que les marchands forains jardiniers-fleuristes pourront stationner, en cas de besoin, sur le trottoir en aval du pont au Change ; que les emplacements affectés aux marchands forains jardiniers-fleuristes, sur le trottoir du pont Notre-Dame et sur le trottoir du quai de Gesvres, pourront être divisés en places de 6 mètres superficiels, loués par abonnements ; que les places qui resteraient inoccupées à 4 heures du matin en été (5 heures en hiver) pourront, en cas de besoin, être concédées par le receveur du marché à des marchands forains.
Comme l’avait présagé la municipalité qui, en mai 1872, prévoyait un retour sur investissement considérable, les droits de place du marché rapportent, dès 1875, un revenu net de 84.000 francs…

Quai aux Fleurs un jour de Marché
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publié par zelig mar. 11 mai 2021 00:46

Des oiseaux aux fleurs et arbustes, il n’y a qu’un battement d’ailes. Aussi était-il naturel qu’un marché aux Oiseaux vienne se joindre au marché aux Fleurs de la Cité. La décision est prise le 6 septembre 1881 par Jean-Gabriel Vergniaud, secrétaire général de la préfecture de la Seine qui signe un arrêté ordonnant la translation du marché aux oiseaux, sur l’emplacement du marché aux fleurs de la Cité.

Auparavant, le premier marché aux oiseaux de Paris se déroulait sur le
Pont-au-Change avant qu’il ne soit installé, tout comme celui des fleurs, sur le quai de la Ferraille (la Mégisserie). Il y est tout d’abord attesté, en 1770, par la présence de la boutique à l’enseigne « au Roi des Oiseaux » du sieur Andrieux, grainier et vendeur de volatiles ; mais également par le témoignage du célèbre fabuliste Jean-Baptiste Claris de Florian (1755-1794) qui, page puis gentilhomme attaché au service du fils de Louis XIV, Louis-Jean-Marie de Bourbon duc de Penthièvre, disposait à ce titre, d’un pied-à-terre dans le bâtiment de la basse-cour de la Ménagerie du Château de Sceaux, ainsi que d’un appartement lui étant réservé dans l’Hôtel de la Vrillière dit de Toulouse, la future Banque de France. Ainsi, Florian commence l’une de ses fables, intitulée « l’Habit d’Arlequin », datée des années 1780 :
Vous connoissez ce quai nommé de la Ferraille
Où l'on vend des oiseaux, des hommes et des fleurs
A mes fables souvent c'est là que je travaille
J'y vois des animaux, et j'observe leurs mœurs...
► voir ici suite de cette fable de Florian

Le Journal du Commerce de la ville de Lyon nous rappelle encore la présence de ce marché, le 24 mai 1835 : le quai de la Ferraille à Paris, où se rassemblaient les journaliers sans ouvrage et les provinciaux qui venaient flâner au marché aux oiseaux, offrait chaque jour, à ces racoleurs, une nouvelle occasion de faire des héros et des dupes.

Le Marché aux oiseaux est ensuite transféré au Marché de la Vallée du quai des Grands Augustins, où se tenait le marché de la volaille depuis 1810 et la foire aux Jambons depuis 1813.
A partir de 1847, il se tient, chaque dimanche,
rue Lobineau, le long des murs du marché Saint-Germain : à cet emplacement, il est constitué de deux bâtiments où s’empilent d’ingénieuses pyramides de cages de toutes formes et de toutes dimensions ; à terre, sont disposés des paniers avec des lapins.

Par l’ordonnance n°4103 du 26 octobre 1861, le Marché aux oiseaux est une nouvelle fois transféré, cette fois-ci, pour vingt ans, dans la cour intérieure du marché Saint-Martin. Ce marché, créé en 1810-1811 à l’emplacement du jardin de la ci-devant abbaye Saint-Martin, est circonscrit par les rues Montgolfier, Conté, Vaucanson et Ferdinand-Berthoud ; la cour installée au milieu des deux bâtiments qui composent le marché, dispose en son centre d’une fontaine.
L’inauguration a lieu le 3 novembre 1861.
Le nouveau règlement confirme que le dimanche est le seul jour d’ouverture et que ce marché est consacré à la vente des oiseaux d'agrément, de race ou d'espèce rare, ainsi qu’aux lapins de race ; les marchands de cages, caisses et tous autres objets se rattachant au commerce des oiseaux y sont tolérés dans un emplacement distinct du carreau des oiseaux.
Le 9 novembre 1878, le conseil municipal décide d’affecter l’emplacement du marché Saint-Martin à la reconstruction de l'Ecole centrale des arts et manufactures ; aussi, dès cet instant, les jours sont comptés pour la poursuite de l’activité de la vente des oiseaux.

Cour du Marché Saint-Martin avec sa fontaine où s’installait chaque dimanche les volatiles du Marché aux oiseaux de 1861 à 1881.
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05 Cour du Marché Saint-Martin (fontaine).jpg (172.11 Kio) Vu 4236 fois

Et comme nous l’avons anticipé ci-avant, le Marché aux oiseaux, quittant le marché Saint-Martin, vient s’installer sur la Cité, cette fois-ci définitivement, le 18 septembre 1881.
Ayant toujours lieu le dimanche, les emplacements réservés aux oiseliers sont strictement réglementés :
Les marchands abonnés seront placés sous les abris disposés sur le plateau ; ils occuperont les abris les plus rapprochés du quai de la Cité.
Les marchands forains stationneront sous les abris du côté de la rue de Lutèce.
Les marchands forains porteurs de cages à la main stationneront dans la grande allée transversale du plateau, du quai de la Cité à la rue de Lutèce, et sur la partie du plateau libre d'abris, du côté de la rue de Lutèce.
Le marché aux fleurs étant tenu en principe les mercredis et samedis, tandis que les oiseaux sont installés le dimanche, l’affaire se complique lorsque les fleuristes ouvrent pour un jour supplémentaire, le dimanche. Le règlement du 6 septembre 1881 l’a prévu :
Les marchands abonnés stationneront, sur la partie du terre-plein libre d'abris et longeant la rue de Lutèce et au besoin sur le trottoir du tribunal de commerce bordant cette rue, de la rue Aube au boulevard du Palais.
Les marchands forains seront placés sur le trottoir du tribunal de commerce longeant la rue de Lutèce, à la suite des marchands abonnés.
Les marchands forains porteurs de cages à la main stationneront sur la partie nord de la chaussée de la rue de Lutèce, de la rue de la Cité au boulevard du Palais.

Marché aux Oiseaux de la Cité
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publié par zelig jeu. 10 juin 2021 17:15

Le Marché aux fleurs de la Cité a fait de nombreux adeptes à Paris. Ainsi, en 1907, on dénombre dix marchés aux fleurs qui rapportent en moyenne 95.000 francs à la Ville, restant les plus rentables des sept marchés spéciaux (Marché aux Chevaux, Foire aux Jambons et pain d’épices, Vieux habits et vieux linge ; Marché aux oiseaux ; Marché aux chiens). Les neuf marchés aux fleurs, hors celui de la Cité, sont situés :
place de la Madeleine (mardi et vendredi ; clientèle élégante, prix élevés)
place de la République (lundi et jeudi ; clientèle bourgeoise)
place Saint-Sulpice (lundi et jeudi ; choix limité)
Ternes, rue des Acacias - avenue Wagram (mercredi et samedi ; grand choix de bourriches)
boulevard de Clichy (lundi et jeudi ; 84 places)
boulevard des Batignolles, mairie (mercredi et samedi ; peu fréquenté 8 places occupées)
place Voltaire (mardi, mercredi et dimanche ; clientèle de quartier)
Passy, rue Duban et Bois-le-Vent (mardi, vendredi et dimanche ; peu fréquenté 9 places occupées)
boulevard Raspail (jeudi et dimanche ; 2 places occupées)

A la même date, un seul marché aux oiseaux vient en concurrence à celui de la Cité : il est situé boulevard Raspail et se tient tous les jeudis.
Il est précisé que sont interdits le commerce des linots, tarins, rossignols, chardonnerets, rouges-gorges, bouvreuils et autres oiseaux dits de pays.

Alors que le Marché aux fleurs de la Cité, rebaptisé
Marché aux fleurs Reine Elizabeth II le 7 juin 2014, reste toujours très fréquenté, tant pour la vente que pour la promenade, le marché aux oiseaux risque bien de disparaître définitivement, suite au vote purement démagogique du Conseil de Paris du 3 février 2021.

Le Marché aux oiseaux (cliché Zélig, Cparama) — Le Marché aux Fleurs de Paris (gravure Petit parisien illustré mars 1903)
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JeanMarc
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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

La Banque de France, 39 rue Croix-des-Petits-Champs (1er arrt.)

Le 26 mars 1634, le Conseiller du Roy, Louis Phélypeaux (1599-1681), seigneur de la Vrillière, fait l’acquisition, auprès du garde des Sceaux et futur chancelier, Pierre Séguier, d’un terrain circonscrit entre la rue des Bons Enfants, la rue Neuve des Petits-Champs (future rue de la Vrillière) et la rue Croix des Petits-Champs, moyennant 87.000 livres. Phélypeaux en rétrocède 711 toises (2.700 m²), le 17 février 1635, au Cardinal de Richelieu, au prix de 53.424 livres.
Sur la partie de terrain qu’il conserve, Louis Phélypeaux décide de faire bâtir un vaste Hôtel particulier doté d’une galerie de quarante mètres de longueur, destinée à y exposer de nombreuses peintures et sculptures ; il engage, pour ce faire, l’architecte François Mansart (1598-1666).
C’est le 8 mars 1635
après midy que sont signés, devant maître Lecat, notaire au Châtelet, les devis et marchés des travaux de maçonnerie et de charpente, en présence du maître maçon Jehan Pastel et du charpentier Claude Dublet. Le 20 mars 1638, Jean Despotz est engagé pour les travaux de serrurerie de l’Hôtel qui est entièrement achevé en 1641. En 1645, le peintre François Perrier (1594-1649) réalise l’ornementation picturale de la Galerie dire Dorée.
Au décès de Louis Phélypeaux, l’Hôtel échoit à son fils Baltasar puis, en 1700, à son petit-fils
Louis II Phélypeaux de la Vrillière (1672-1725). Celui-ci entreprend rapidement de se défaire de cet immeuble, le cédant au fermier des Postes Louis Raulin-Rouillé (1670-1712), le 4 septembre 1705 : cette vente comprend l’immeuble pour 450.000 livres et les tableaux (en tout 169 toiles, dont Tintoret, Véronèse, Caravage, Van Dyck, Poussin, Guido Reni, Le Guerchin…), les figures et bustes en marbres et bronze, les 36 pieds d’orangers, le tout pour 80.000 livres.
Le 8 janvier 1713, la veuve de Raulin Rouillé revend l’Hôtel dit de la Vrillière et sa collection de tableaux ainsi que 48 orangers, moyennant 573.940 livres, à
Louis-Alexandre de Bourbon (1678-1737), duc de Penthièvre, comte de Toulouse, fils de Louis-XIV et de sa favorite, la marquise de Montespan.
Louis-Jean-Marie de Bourbon (1725-1793), le fils de Louis Alexandre, héritier de l’Hôtel de la Vrillière devenu l’Hôtel de Toulouse dit également Hôtel de Penthièvre, mort naturellement le 4 mars 1793 dans son château de Bizy, ne connaîtra pas la séquestration de tous ses biens, devenus nationaux, réalisée le 4 octobre 1793 et ne verra pas son gendre Louis-Philippe d’Orléans « Egalité » terminer sur l’échafaud le 6 novembre 1793.

Banque de France
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publié par zelig dim. 20 juin 2021 11:09

Le ci-devant Hôtel de Toulouse du duc de Penthièvre est occupé à partir de décembre 1794, par l’Imprimerie des Lois. Celle-ci était antérieurement installée en haut du faubourg Saint-Honoré, dans la maison de l’ancien fermier général Nicolas Beaujon (la Folie-Beaujon), depuis que le directeur de l’Imprimerie Royale, Étienne-Alexandre-Jacques Anisson-Dupéron (1749-1794) avait été contraint de cesser ses fonctions en août 1792 ; le matériel et les ateliers d’Anisson-Dupéron transférés rue de la Vrillière, celui-ci se retire dans son château de Ris. A la suite d’une dénonciation des habitants de Ris comme « accapareur de bois », Anisson-Dupéron est condamné à mort le 6 floréal de l’an II (25 avril 1794) et éternue dans le sac le même jour.

En 1804, la duchesse douairière d’Orléans,
Louise-Marie-Adélaïde de Bourbon (1753-1821), veuve de Philippe Egalité, est réintégrée dans ses biens domaniaux, y compris sur l’Hôtel de Toulouse ; en contrepartie d’une pension de cent mille livres, accordée par le Directoire, elle abandonne tous droits sur ses propriétés et se retire en Espagne.

Quatre ans plus tard, le 6 mars 1808, Napoléon 1er signe un décret autorisant la régie de l’enregistrement et du domaine à céder l’Hôtel de Toulouse et ses dépendances à la
Banque de France, moyennant le versement par ladite banque d’une somme de deux millions de francs à la Caisse d’amortissement.
Il est prévu que sur ces deux millions, 690.000 francs seront consacrés, par le ministère des finances, à acheter l’Hôtel Soubise et le Palais du Cardinal de Rohan pour y accueillir l’imprimerie Impériale et les archives de Paris. Le second million servira à la construction d’un palais pour la Bourse et le Tribunal de Commerce, sur le terrain des Filles-Saint-Thomas.


Place des Victoires, rue d’Aboukir et en perspective vue de la rue Catinat avec en fond la Porte d’entrée de la Banque de France, sur la rue de la Vrillière
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publié par zelig lun. 21 juin 2021 17:00

La Banque de France qui, depuis sa création du 18 janvier 1800, était installée rue d’Aboukir, puis, à l’étroit, dans l’Hôtel Massiac de la place des Victoires va occuper un palais proportionné à la grandeur de son établissement et à la magnificence de la ville de Paris.
Trois propriétés contiguës à Hôtel de Toulouse sont rachetées en 1809 afin que le futur Palais de la Banque de France soit d’un seul tenant. Les derniers outillages et presses quittent l’hôtel en novembre 1809, pour rejoindre l’Imprimerie impériale translatée à l’hôtel Rohan de la rue Vieille-du-Temple.
L’assemblée des actionnaires de la Banque de France, sous la direction de son gouverneur le comte François Jaubert, conseiller d’Etat, se réunit pour la première fois le 17 janvier 1810, à l’Hôtel de Toulouse, bien avant d’être totalement fonctionnelle.

Banque de France : Entrée rue de la Vrillière - Entrée rue Croix des Petits-Champs
Banque de France - Entrée rue de la Vrillière - Entrée rue Croix des Petits-Champs.jpg
Banque de France - Entrée rue de la Vrillière - Entrée rue Croix des Petits-Champs.jpg (113.9 Kio) Vu 4177 fois

L’architecte François-Jacques Delannoy (1755-1835) est chargé des aménagements et transformations nécessaires à l’installation des banquiers, travaux qui sont réalisés en 1810 et 1811.
L’Hôtel de la Banque de France est ensuite agrandi à plusieurs reprises par Delannoy, notamment en 1813 et 1824, et, de 1853 à 1865, l’architecte Gabriel Crétin (1812-1883) surélève le bâtiment d’un second étage, modifie la façade Croix-des-Petits-Champs qu’il dote d’un fronton central et installe une horloge donnant sur la rue de la Vrillière.

Banque de France rue Croix des Petits-Champs
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publié par zelig jeu. 14 mai 2020 18:42

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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Square du Grand Palais, angle du Cours de la Reine et de l’Allée d’Antin (VIIIe arrt.)

Nous avons vu ► voir ici que la dame Picolo (1850-1922) qui tenait, depuis 1848, le Café-concert l’Horloge sur le Grand Carré des Fêtes situé entre le Cours-la-Reine et l’avenue de Neuilly (avenue des Champs-Elysées), a dû céder son établissement en 1852, pour faire place à la construction du Palais de l’Industrie pour l’Exposition universelle de 1855.
Trois ans après la fin de l’exposition, le Préfet de la Seine prend la décision d’aménager un jardin le long de la façade sud du Palais de l’Industrie, à l’angle du Cours de la Reine et de l’allée d’Antin (future avenue d’Antin puis avenue Roosevelt), et charge Adolphe Alphand, ingénieur en chef des promenades et plantations de Paris, et l’architecte Gabriel Davioud, de réaliser ledit jardin qui ouvre ses portes en juin 1859 avec l’installation des Concerts-Besselièvre en plein air.

Charles de Besselièvre (1820-1881), repreneur des anciens Concerts-Musard qui sévissaient à l’angle de rue de la Madeleine (future rue Boissy-d'Anglas), prétend même être l’instigateur de l’aménagement du jardin auprès du Préfet. Pour cette concession, Besselièvre paie deux mille francs par an à la ville.
L’établissement des Concerts-Besselièvre, qui peut accueillir quatre mille personnes, obtient un vif succès ;
le jardin est spacieux, d’une exquise élégance, plein d’air et de lumière, les massifs d’arbustes, les plates-bandes de fleurs, les carrés de verdure, tout cela est d’un vif attrait et d’une ravissante fraîcheur. Un Kiosque à musique, de construction légère, originale et pleine de grâce, est disposé au centre du jardin et des spectateurs. Les musiciens de l’orchestre sont des artistes de talent ; on y remarque d’éminens solistes tels que Demersmann, Legendre, Hubans, Moreau, Soler, Français, Génin, etc. Chaque soir, ils sont vivement applaudis (l’entrée est à un franc).

Kiosque à musique dodécagonal du Concert Musard Besselièvre vers 1865 ; en fond Palais de l'Industrie
Kiosque à musique du Concert Musard Besselièvre vers 1865 En fond Palais de l'Industrie.jpg
Kiosque à musique du Concert Musard Besselièvre vers 1865 En fond Palais de l'Industrie.jpg (113.6 Kio) Vu 4159 fois

En 1862, c’est la rupture entre Charles de Besselièvre et Alfred Musard (1818-1881), le fils du fondateur des concerts éponymes. Dorénavant Musard dirige ses concerts au Pré-Catelan, tandis que Besselièvre conserve son établissement du Cours de la Reine.
Les
Concerts-Besselièvre qui perdurent jusqu’au décès de son fondateur en 1881, deviennent, à cette date, le Concert des Champs-Elysées, sous la direction du chef d’orchestre Prosper Artus, repris en concession par Maxime de Janzé (1850-1913) avec le projet d’y installer un jardin d’hiver, dont la demande auprès de la municipalité sera repoussée. A partir de 1882, l’orchestre du Concert des Champs-Elysées est dirigé par M. Giannini.
Lors de la relâche hivernale, et précisément en janvier ou février de chaque année, le jardin est occupé en totalité par une exposition de machines agricoles et aratoires, à l’occasion du Concours agricole qui se déroule au Palais de l’Industrie. Pour ne pas être de reste, l’exposition d’horticulture s’invite, chaque mois de mai, sur l’emplacement des concerts.
Le samedi 7 juin 1884,
Charles Zidler (1831-1897), fondateur du cirque de l’Hippodrome du pont de l’Alma, nouveau concessionnaire « provisoire » du concert des Champs Elysées, annonce que le lendemain dimanche, à dix heures du soir, son nouveau bal sera ouvert sous le titre de Jardin de Paris. Cette inauguration aura bien lieu mais seulement le samedi 21 juin 1884, Zidler n’ayant pu faire achever les travaux de transformation en temps voulu.

Jardin de Paris Affiche 1889
Jardin de Paris Affiche 1889.jpg
Jardin de Paris Affiche 1889.jpg (140.52 Kio) Vu 4159 fois

A partir de cette date, quadrilles, mazurkas, scottish, redowas et polkas vont se succéder à un rythme effréné chaque mercredis et samedis, emmenés par Olivier Métra, nommé chef d’orchestre ; les autres soirs de la semaine, concerts, fêtes, kermesses et divertissements variés.
Il faut cependant noter que la bataille de Charles Zidler a été rude pour obtenir cette concession qui lui a finalement été accordée, le 8 mai 1885, pour une période courant du 1er juin au 15 septembre, moyennant une redevance de 5% sur sa recette.
Zidler qui, avec son bal du Jardin de Paris connait un succès considérable, ne s’arrête pas en si bon chemin : en 1889, il fonde le Moulin Rouge, associé avec Joseph Oller, et, en 1893, l’Olympia.
L’activité des années 1890 s’essoufflant quelque peu, les French Cancan et quadrilles passant de mode, Zidler ajoute à son panel d’activité des exhibitions foraines, des montagnes russes nautiques, des baraques de tir, tant et si bien que la municipalité élève sa redevance au prix annuel de 52.000 francs.

Jardin de Paris Affiche 1890 et 1895
Jardin de Paris Affiche 1890 et 1895.jpg
Jardin de Paris Affiche 1890 et 1895.jpg (140.48 Kio) Vu 4159 fois

L’exposition universelle de 1900 sera fatale au Jardin de Paris : un concours est lancé le 9 juillet 1896, pour la construction du Grand et du Petit Palais à l’emplacement du Palais de l’Industrie et d’une partie du Jardin de Paris y attenant.
Le 12 novembre 1896, c’en est fini ! Les travaux de terrassement commencent au Jardin de Paris. Le Monde Illustré du 14 novembre annonce la couleur :
Pan, pan, pan ! La hache a commencé à cogner dans l'avenue d'Antin pour le compte de l'Exposition de 1900. C'est ce pauvre Jardin de Paris qu'on immole.
Je passais par là un jour de cette semaine. Mon regard fut attiré par d'énormes palissades qu'on était en train de planter dans le sol, et mon oreille par les grincements d'une scie qui faisait rage. La palissade englobe presque tout entière la partie des Champs-Elysées allant de l'avenue d’Antin à la place de la Concorde et du Palais de l'Industrie à la Seine, sauf passage pour les fiacres et tramways mécaniques.
En voilà pour quatre ans, durant lesquels un des plus charmants coins de notre chère promenade restera à l'état de chantier.
En attendant, comme je vous le disais, le voilà tombé dans les oubliettes, ce rendez-vous de gaie compagnie où défila le Tout-Paris mondain et demi-mondain.

En lieu et place du Palais de l’Industrie entièrement rasé et du Jardin de Paris bien chahuté, le Grand Palais voit le jour, inauguré le 1er mai 1900, et le Square du Grand Palais est aménagé avec ses rocailles, son pont, sa cascade et sa pièce d’eau, sur le même emplacement que l’ancien jardin.
Cependant, comme l’avoueront un peu plus tard des journalistes, et notamment ceux du Figaro en date du 31 mars 1901,
très peu de visiteurs de l’Exposition eurent le loisir de goûter le charme et la fraîcheur du Square du Grand Palais et de sa pittoresque vallée rocailleuse. Ceci, pour la bonne raison que les cinquante millions de visiteurs qui ont fréquenté le site de l’Exposition pendant ces sept mois, avaient tellement de pavillons à admirer, de technologies à découvrir, de concerts à écouter, d’attractions à visiter etc… qu’il ne leur était guère loisible de fréquenter un petit square…

TOUT PARIS - 1281 bis - Square du Grand Palais - Pont rustique (VIIIe arrt.)
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publié par zelig sam. 26 févr. 2022 10:53

De son côté, le Jardin de Paris renaitra de ses cendres à un autre emplacement et avec un nouvel exploitant, Zidler étant décédé en 1897 : il prendra place, dès 1897, au carré Ledoyen, aménagé en 1840, toujours sur l’avenue des Champs Elysées, mais plus proche de la place de la Concorde.
En août 1920, le Jardin de Paris disparaîtra cette fois-ci définitivement, mais le restaurant Ledoyen lui survivra.

Plusieurs sculptures et monuments viennent, par la suite, agrémenter le Square du Grand Palais appelé également Jardin du Cours-la-Reine :
C’est au Salon des Artistes français de mai 1905 que le sculpteur Alphonse Emmanuel Moncel (1866-1930) expose la version en plâtre de son grand bas-relief d’
Alfred de Musset intitulé « Le Rêve du Poète ». Dès le 21 juin 1905, la 4e commission du conseil municipal décidé l’acquisition de cette œuvre et son exécution.
Le monument, à présent réalisé en marbre, est exposé au Salon de 1907. L’architecte Jean Camille Formigé (1845-1926) est chargé des fondations et du socle du monument devant soutenir ce groupe sculpté.
L’inauguration du Rêve du poète a lieu le 7 juillet 1910, présidée par Etienne Dujardin-Beaumetz, sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-arts en présence des sommités habituelles à ce genre de cérémonie, installées sur une estrade aménagée à cet effet et en présence d’une foule conséquente.

Monument d'Alfred de Musset
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publié par zelig ven. 26 juin 2020 16:19

A l’occasion du 400e anniversaire de la découverte de la terre canadienne par Jacques Cartier (1491-1557), le Comité France-Amérique décide d’offrir, à la ville de Paris, un buste en bronze du navigateur, réalisé par Léon-Ernest Drivier (1878-1951). L’inauguration a lieu le 2 juillet 1934, à 11 heures, au Jardin du Cours-la-Reine, en présence de Gabriel Hanotaux de l’Académie française, président dudit comité, accompagné de M. Grégoire, maire de Québec, de Philippe Roy, ministre canadien, de M. Contenot, président du Conseil municipal, de M. Villey, préfet de la Seine, etc…
Lors de l’ouverture de la Semaine des Nations américaines qui se déroule le 1er juillet 1935, le buste en bronze de
Samuel de Champlain (1567-1635), explorateur du Canada, est inauguré au siège de la Maison des nations américaines, 9 avenue Victor-Emmanuel III, nom attribué à l’avenue d’Antin de 1918 à 1945. La cérémonie est présidée par George Huisman, directeur des Beaux-arts, en présence de Philippe Roy, ministre du Canada. Le monument du au sculpteur Alfred Laliberté (1878-1953), sera transféré, en octobre 2004, en face, dans le Square du Grand Palais.

Inauguration des monuments Jacques Cartier (2 juillet 1934) et Samuel de Champlain (1er juillet 1935)
Inauguration buste Jacques Cartier 2 juillet 1934 et Samuel de Champlain 1er juillet 1935.jpg
Inauguration buste Jacques Cartier 2 juillet 1934 et Samuel de Champlain 1er juillet 1935.jpg (137.31 Kio) Vu 4159 fois

A l’occasion de l’Exposition universelle 1937 qui doit se dérouler du 25 mai au 25 novembre, l’aile ouest du Grand Palais dit le Palais d’Antin, qui longe le Jardin du Cours-la-Reine, est totalement transformée intérieurement pour accueillir le Palais de la Découverte, ayant pour vocation de montrer au public tout ce qui a trait à la physique, à la chimie, aux mathématiques, à la médecine, à la biologie et à l’astronomie.
Fort de son succès, le Palais de la Découverte est pérennisé par un décret du 8 avril 1938.

Le 16 mars 2010, le Square du Grand Palais change de dénomination, s’appelant dorénavant le
Jardin de la Nouvelle-France.

TOUT PARIS - 1036 bis - Square du Grand Palais des Champs-Elysées - Le Palais de la Découverte
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publié par zelig dim. 19 déc. 2021 12:56

►voir ici la supercherie créée en 2010, concernant une pseudo dénomination de Jardin de la Vallée Suisse donné faussement en 1900 au Square du Grand Palais

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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Concert de la Fauvette, 58 Avenue des Gobelins (XIIIe arrt.)

La première mention de l’immeuble situé au n°58 avenue des Gobelins est de 1865 : à cette date, il est la propriété d’Henri-René Dumont (1839-1899), né à Paris au 12 avenue des Gobelins. De 1865 à 1871, il est membre du Conseil général de la Seine, secteur du 13e arrondissement et demeure au 63 boulevard Saint-Michel, tout près du jardin du Luxembourg avant de s’installer en 1877, 9 rue de Médicis, face au parc. Tout comme son père Louis-Joseph, Dumont est rentier ; son grand-père paternel Charles Camille Lepescheur de Branville, Capitaine du génie, était entrepreneur de blanchisserie du linge des prisons.
En 1874, Henri-René-Dumont afferme le rez-de-chaussée gauche de son immeuble, affecté à l’usage de Café-Brasserie, à Maurice Redelberger, né en 1828 à Pont-à-Mousson, et à son épouse Céline Oster, tous deux limonadiers et tenant déjà un établissement similaire au n°37 (anciennement n°71) avenue de Lowendal depuis 1871 (depuis 1865, les époux Redelberger étaient employés et habitaient dans cette brasserie du 37 Lowendal, appartenant à un certain Poulmaire-Reinert).
Le 3 octobre 1876, Redelberger se déclare en faillite tant pour le 58 avenue des Gobelins (anciennement n° 280) que pour sa succursale du 37 Lowendal. Le syndic Heurtey accorde, aux époux Redelberger un concordat pour la poursuite de leurs affaires, mais ceux-ci n’ayant pas respecté ces accords, un jugement du 8 juillet 1879 met fin à leur activité.

Le 1er juillet 1879, Henri-René Dumont donne à bail la Brasserie du 58 Gobelins à
Marie-Flavien-Alfred Jeunet, né le 5 septembre 1846 à Saint-Point-Lac (Doubs). L’année suivante, Jeunet se marie, le 25 novembre, avec Marie-Eugénie Saltel, née en 1860 à Paris. Lors de ce mariage, son témoin principal, Arthur Duny (1842-1909), demeurant 107 rue Legendre, déclare être directeur de bal ; ledit Duny est marié avec Valentine Coste, crémière, qui, tout comme Jeunet, est née à Saint-Point-Lac.
Alfred Jeunet va rapidement baptiser son établissement le Grand-Café-Brasserie du Siècle,
la Salle du Siècle ou encore le Bal du Siècle. Ainsi, le 4 novembre 1882, à 9 heures du soir, moyennant un franc l’entrée et la gratuité pour les dames, un groupe d’ouvriers tanneurs se réunit à la Salle du Siècle pour une conférence suivie de chants et bal de nuit. Tant et si bien qu’à partir de 1884, Arthur Duny y installe officiellement sa salle de concert. Alfred Jeunet conservant la partie café-brasserie.

En 1891, Arthur Duny, qui va se convertir horloger, laisse la place vacante de la salle de concert à une nouvelle équipe qui se constitue en société le 13 août 1891, composée d’Alfred-Jean Pellier et d’Emma-Esnestine Cernesson, veuve de Léopold Plumerel, lesquels s’adjoignent en outre Henry Arrault, ancien directeur du théâtre du Château d’Eau en 1888 et de l’Eden-Théâtre, de la Porte Saint-Martin, en 1891.
Le nouvel établissement, contigu au Café-brasserie Jeunet, ouvre ses portes le samedi 21 novembre 1891, sous l’enseigne de
la Fauvette. L’Intransigeant du 22 affirme que l’inauguration de cette nouvelle scène lyrique a eu un immense succès, dans un quartier vierge encore de toute tentative artistique, ajoutant que la salle est charmante, l’orchestre excellent et les artistes jouent avec un entrain superbe.

Paris - Avenue des Gobelins et la Fauvette
Paris - Avenue des Gobelins et la Fauvette.jpg
Paris - Avenue des Gobelins et la Fauvette.jpg (114.69 Kio) Vu 4027 fois

Les débuts du nouveau Café-Concert de la Fauvette ne sont cependant pas autant glorieux que veulent bien le dire les divers journaux et, il s’avère rapidement que les trois compères Arrault-Pellier-veuve Plumerel n’ont pas rémunéré leur personnel et se retrouvent poursuivis le 20 avril 1892 par la Chambre Syndicale des artistes dramatiques, lyriques et musiciens. Les artistes lyriques Rebecca Weyl, Perret, Nicot, Gary Gladys et Corinne Bardon obtiennent la condamnation de la veuve Plumerel et consorts, lesquels dissolvent leur société le 20 mai 1892 ; le sieur Nicol, engagé depuis le 1er novembre 1891 en tant que régisseur pour trois ans, aux appointements mensuels de 450 francs, congédié le 15 février 1892, sera indemnisé le 16 mars 1893 par Pellier et Plumerel à hauteur de 2.575 francs, incluant deux mille francs de dédit.
En dépit de ces déboires, la Fauvette rouvre ses portes en décembre 1892, avec une nouvelle direction, et remporte
chaque soir un vif succès avec les excellents Plessis et Friscoff, et les créations de Mlles Valérie Léotti et Ada Mainville. La célèbre danse serpentine et sa fameuse Cameleona y fait son apparition, et des opérettes et vaudevilles y sont présentés notamment la Demoiselle de compagnie, les Trois Mouchamiel ou encore Une visite à la Roquette.
Cependant la nouvelle Fauvette fait long feu puisque le 5 avril 1893, Louis Ruy, gérant de la société Ruy et Cie exploitant le café-concert, déclare sa société dissoute. La salle n’en demeure pas moins ouverte puisque le 16 avril, un énorme meeting électoral s’y déroule, réunissant un millier d’électeurs du quartier de la Salpêtrière, acclamant le citoyen Malingre développant son programme municipal révisionniste.
La fête reprend le 22 septembre 1893 à la Fauvette, rebaptisée la Gaîté des Gobelins, après une remise à neuf par son nouveau propriétaire, Marius Maingot. Celui-ci ne fait guère mieux que ses prédécesseurs puisqu’il est déclaré en faillite le 14 mai 1895. On le retrouvera par la suite, en 1912, concessionnaire du Chalet des iles Daumesnil du bois de Vincennes.

Le 11 mai 1895, la salle de concert reprend son nom de
Fauvette sous la direction d’Ernest Pacra (1862-1925), lequel, entreprenant des travaux de restauration, va pérenniser ce café-concert. [Jules Pacra (1832-1917), le père d’Ernest, était artiste lyrique et auteur de chansons et saynètes]

Avenue des Gobelins, concert de la Fauvette (cliché zelig, Cparama)
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Ernest Pacra traverse une mauvaise passe en 1901 puisqu’il est acculé à la faillite le 11 janvier 1901, alors que, curieusement, il reprend la même année le concert-théâtre La Mésange du 3 rue d’Arras qu’il revendra en tant que cinéma en 1907.
Le 1er décembre 1903, Ernest Pacra rachète la Fauvette à un certain Vélard, et finit par réunir définitivement le Café-Brasserie à la Salle de concert en l’acquérant, le 5 mai 1904, auprès d’Alfred Jeunet.
Dès 1903, Pacra ajoute l’activité de cinématographe à son café-concert de la Fauvette.
Poursuivant ses emplettes, Ernest Pacra reprend plusieurs établissements qui deviennent les
« Concerts Pacra » :
— le 23 novembre 1908, acquisition du théâtre Aristide Bruant du 10 boulevard Beaumarchais qui, réouvert le 4 décembre sous la direction de Pacra, devient le café-concert
le Chansonia ;
— le 1er avril 1913, rachat auprès de M. Pavie du Music-Hall du 96 boulevard Barbès, au carrefour Ordener, qui devient
le concert Fantasio.
Pacra tente même l’aventure cinématographique en rachetant, sur liquidation de la Cie des Cinéma Halls, le 16 mai 1909, le Cinéma du 57 avenue des Gobelins, établissement qu’il revend dès le 18 juillet 1911 à la société Brugère et Cie. Il renouvelle la même expérience le 9 mars 1913 en reprenant le Cinéma-théâtre du 277 rue des Pyrénées auprès d’un certain Scheidt, cinéma qu’il revend dès le 18 juillet 1913 à Colombel.

Concerts Pacra : le Chansonia 10 boulevard Beaumarchais et le Fantasio 96 boulevard Barbès
Concerts Pacra - Chansonia 10 boulevard Beaumarchais et Fantasio 96 boulevard Barbès.jpg
Concerts Pacra - Chansonia 10 boulevard Beaumarchais et Fantasio 96 boulevard Barbès.jpg (77.24 Kio) Vu 4027 fois

Un mot sur le voisin de la Fauvette du 58 des Gobelins, séparé de lui par un étroit passage central : depuis 1875, le rez-de-chaussée de cet immeuble est occupé par Jean-Marie Chopy, marchand de chaussures, époux de Marie-Anne Patouillet, lequel a repris la suite d’Eugène Monballier, cordonnier ; un fruitier, du nom de Gorde, prend sa suite en 1888. En 1903, la boutique devient un salon de coiffure tenu par M. Solas qui est remplacé par M. Léon l’année suivante.

Au décès de Pacra survenu le 20 décembre 1925, Louis-Alphonse Froissart resté directeur des spectacles de la Fauvette, récupère le tiers des trois affaires (la Fauvette, Fantasio et le Chansonia), les deux tiers revenant à ses deux filles…. et à sa veuve (sa 3e épouse Pauline Malleray-Vacqueur).
En 1937, après quelques gros travaux d’aménagement, le caf’conc’ la Fauvette est transformé en un cinéma de 1.100 places, par les filles d’Ernest Pacra, Berthe (veuve Chartron) et Marguerite-Suzanne Pacra (épouse Affre). L’inauguration a lieu le 11 septembre 1937.
Devenu le Gaumont Gobelins les Fauvettes, ce cinéma agrandi en 1981 et 1984, par l’adjonction d’un terrain adjacent, dispose de 5 salles toujours actives à ce jour.

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Ecole primaire communale de Belleville, 104 rue de Belleville (XXe arrt.)

Le cliché est pris de l’angle de la rue Mélingue, au 101 rue de Belleville, où sont installées les machineries du funiculaire de Belleville, dont on voit une des rames circuler, tractée par son câble souterrain.
Le moins qu’on puisse dire c’est que l’Ecole primaire communale de garçons située au n°104 rue de Belleville — antérieurement n°94 rue de Paris-Belleville jusqu’en 1883 —, n’a guère été étudiée : à notre connaissance, aucun éditorialiste ou chroniqueur ne s’est penché sur ses origines.

Avant que cette école ne soit construite, cet emplacement était occupé par un
pensionnat de demoiselles, dirigé par Madame Aurélie Clémence Simboiselle.
Victor Clovis Simboiselle (1828-1880), originaire de Berny-la-Rivière dans l’Aisne, est instituteur puis maître-adjoint à l’école primaire supérieure, annexe du collège de Soissons. En octobre 1855, il démissionne, remplacé par M. Lemaire, et devient aussitôt maître de pension à Soissons, domicilié rue du Pot d’Etain.
Simboiselle se marie le 3 décembre 1855 avec
Aurélie Clémence Moreau (1832-1875), originaire de Crouy dans l’Aisne ; celle-ci est domiciliée, à cette date, à Belleville où elle est institutrice. L’année suivante, lors de la naissance de leur fille Jeanne Clémence, Simboiselle se déclare chef d’institution à Soisssons, fonction qu’il occupe jusqu’en novembre 1859.
Ayant apparemment du temps de libre, Simboiselle réalise quelques expériences et dépose le 24 juillet 1858, au secrétariat de la préfecture de l’Aisne, un brevet de quinze ans (n°37426), pour son invention d’un électro-moteur.
En 1861 Simboiselle et son épouse quittent Soissons et viennent s’installer au n°94 rue de Belleville où ils vont tenir un pensionnat de jeunes filles jusqu’en 1871.

Durant la Commune, Simboiselle n’hésite pas à s’afficher dans les affaires communales de Belleville, signant à de nombreuses reprises plusieurs pétitions. Ce sera l’occasion pour lui d’engager quelques négociations pour que la municipalité reprenne son établissement, afin d’y installer une école communale qui fait cruellement défaut à Belleville.
Le 31 mai 1872, le Conseil municipal décide de prendre en location l’immeuble qu’occupait Simboiselle au 94 rue de Belleville, le destinant à l’aménagement d’un
groupe scolaire laïque.
Simboiselle part s’installer dès 1873 au n°16 grande rue de Passy où il ouvre, avec son épouse, un nouvel établissement pour jeunes filles qui cessera son activité en 1877, deux ans après le décès d’Aurélie Clémence Moreau-Simboiselle.
L’écrivain Lucien Descaves (1861-1949), dans ses
Souvenirs d’un Ours publié en 1946, fait une référence au pensionnat Simboiselle : Ils avaient fait donner à leur fille aînée, Hélène, une excellente instruction au pensionnat Simboiselle, le meilleur alors de Belleville…

Plans partiels de la rue de Belleville 1860 et 1900
Plans Rue de Paris-Belleville 1860 1900.jpg
Plans Rue de Paris-Belleville 1860 1900.jpg (91.65 Kio) Vu 3955 fois

Un devis de 49.623 francs est établi pour l’appropriation de l’établissement du 94 rue de Belleville à cette nouvelle école communale : les travaux, répartis en six lots, sont adjugés le 17 février 1873.
Le Petit Journal du 11 septembre 1873 annonce que les travaux sont très avancés mais qu’ils sont provisoirement suspendus, faute de crédits ; les appartements du directeur et de la directrice sont en voie de construction. Quatre classes de garçons auront leur entrée au n°94 rue de Belleville, tandis que celle des six classes de filles s’effectuera au n°368 rue des Pyrénées (anciennement rue de Puebla) situé à l’arrière. Des cours spacieuses sont aménagées entre les deux écoles, ombragées par de grands arbres et entourées de bancs semblables à ceux des boulevards.
L’inauguration du groupe scolaire de la rue de Belleville a lieu en septembre 1873 ; Joseph-Victor Cadé, né à Méry-sur-Oise en 1837, en est le premier directeur.

Rapidement, l’établissement s’avère insuffisant (154 garçons, 295 filles), et il est question de le reconstruire en totalité sur le même emplacement. Le 3 août 1880, un rapport du Conseil municipal signale que le programme de cette reconstruction est prêt mais qu’il y aurait lieu, d'abord, d'acquérir l'immeuble qui est en location auprès d’un particulier.
Le 25 décembre 1882 un autre rapporteur, Germer Baillière, pousse un peu plus loin et avance un premier devis s’élevant à 582.450 frs 77.
L’année suivante suite à la renumérotation des rues de Belleville et des Pyrénées, le n°94 rue de Belleville devient le n°104, tandis que le n°368 rue des Pyrénées devient le n°354.
La décision est enfin prise par le décret du 10 février 1888 qui autorise la ville à acquérir du sieur Cochard, soit à l’amiable, soit par voie d’expropriation, l’immeuble bâti d'une contenance de 26 ares 10 centiares 27, situé au 104 Belleville/354 Pyrénées et déclare d’utilité publique la construction de la future école.
L’architecte Roch Prosper Désiré Rozier (1842-1922) est chargé de la réalisation des plans et devis de celle-ci, qui, soumis au Préfet de la Seine le 13 décembre 1889 et au Conseil municipal le 5 mars 1890, sont approuvés : la dépense est fixée à 525.233 francs, incluant 24.048 francs d’honoraires.

L’adjudication des travaux se déroule le 26 juillet 1890 au Tribunal de commerce. Elle se répartit en trois lots :
— 1er lot. Terrasse et maçonnerie, évaluation 228.910 francs. Adjugé à Pierre Vernadal, 192 rue de Belleville, avec un rabais de 35,20%
— 2e lot. Charpente, évaluation 23.690 francs. Attribué à la Société des ouvriers charpentiers de La Villette, 49 rue Saint-Blaise, avec un rabais de 37,80%.
— 3e lot. — Serrurerie, évaluation 72.977 francs. Remporté par M. Geoffroy, 9 rue Saint-Martin, avec un rabais de 36%.

Une seconde adjudication de travaux, répartie en 5 lots, a lieu le 10 janvier 1891 pour l’aménagement du groupe scolaire :
— 1er lot. Couverture et plomberie, estimation 25.432 francs. Adjugé à M. Mouren, 10-12 rue des Fêtes, rabais, 43,10%.
— 2e lot. Menuiserie, estimation 34.113 francs. Adjugé à M. Liré, 16 rue du Roi-de-Sicile, rabais 35%.
— 3e lot. Parquetage, estimation 16.680 francs. Adjugé à M. Chasset, 10 rue Francois-Miron, rabais 27,10%.
— 4e lot. Fumisterie, estimation 15,778 francs. Adjugé à M. Adorna, 21 rue des Vertus, rabais 36,60%.
— 5e lot. Peinture, vitrerie et tenture, estimation 23.003 francs. Adjugé à M. Boisset, 83 boulevard Richard-Lenoir, rabais 50,70%.

L’Ecole flambant neuve, rouvre ses portes à la rentrée scolaire de septembre 1891.
Quelques travaux supplémentaires s’élevant à 29.406 francs 02 sont votés le 9 janvier 1892, destinés à :
— L'agrandissement de l'habitation du concierge : 6.555 francs 22.
— L'appropriation des vieux bâtiments conservés : 17.076 francs 97.
— L'établissement de plantations : 1.250 francs.
— L'établissement d'un dépôt de modèles : 523 francs 83.
— La réfection des trottoirs au droit des écoles : 4.000 francs.

TOUT PARIS - 1951 - Rue de Belleville (XIXe et XXe arrt.)
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publié par zelig lun. 20 déc. 2021 10:14

En vis-à-vis de cette école, la travée lui faisant face, très animée, est agrémentée d’une suite, quasiment ininterrompue, de boutiques et commerces, dont deux sont aisément identifiables sur cette carte, grâce à leur enseigne, une chemiserie et une boucherie, situées au n°105 de cette voie.
Depuis 1877,
Alexandre Millot (1836-1895), originaire de Saint-Dizier, est coupeur au 255 rue de Belleville, tandis que son épouse, Stéphanie Anceaux (1852-1912), est chemisière. Tous deux installent leur fabrique de chemise en 1887 au n°128 rue de Belleville, puis en 1895 au n°105 où Millot décède le 4 décembre 1895.
L’affaire est reprise par
Emile Limousin (1864-1922), également du pays de Saint-Dizier, avec son épouse Victorine Charlotte Razond (1866-1921), chemisière, tandis que la veuve Millot, installe son nouvel atelier au 50 passage Choiseul, de 1895 à 1899, avant de vraisemblablement, revenir travailler avec les époux Limousin, puisque Stéphanie Anceaux-Millot décédera le 26 mai 1912 au n°105 Belleville.
La boucherie située dans le même immeuble change d’exploitant comme de chemise ! Godard de 1901 à 1904, Lamessine de 1905 à 1908, Foucault en 1909-1910 ; Pigeon de 1911 à 1914…

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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Le Marché couvert des Batignolles, 31 rue des Moines (XVIIe arrt.)

Le premier marché de la commune de Batignolles-Monceaux, avant son annexion à Paris, est construit en mai 1837 par l’architecte Gabriel-Jules-Hyacinthe Ducatel. Il se situe dans l’ancienne rue de la Paix qui deviendra la rue de la Condamine en 1868.
A partir de 1846, jusqu’à sa suppression en 1867, le marché du quartier des Batignolles se tient, à découvert, sur le boulevard des Batignolles, depuis la place de Clichy jusqu'à la rue des Batignolles.

Par délibération du 17 novembre 1865, la ville de Paris autorise Jean Marie Phocion dit Prosper Ferrère (1814-1893), directeur de la banque P. Ferrère et Cie, à faire édifier sept marchés couverts : les marchés Necker (15e), Saint-Didier (16e), Auteuil (16e), Batignolles (17e), Montmartre (18e), Secrétan (19e) et Belleville (20e).
Aussitôt, le sieur Ferrère crée, le 10 mars 1866, la
Compagnie générale des marchés, dont il prend la direction et au sein de laquelle il apporte le contrat signé avec la ville de Paris ; la compagnie s’engage à bâtir, à sa charge, lesdits marchés. A l’issue de la construction de ces marchés, la ville de Paris les donne en concession à la Compagnie pour une durée de 50 ans, à compter du 14 mai 1867, moyennant une redevance annuelle de 60.000 francs.

Le nouveau marché couvert dit des Batignolles, inauguré le 14 mai 1867, venant en remplacement du marché découvert du boulevard des Batignolles, est circonscrit entre les rues des Moines, Lemercier, Nollet et Brochant.


TOUT PARIS - 1964 - Rue des Moines - Le Marché (XVIIe arrt.)
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publié par zelig sam. 12 juin 2021 13:33

Mercredi 15 mai 1867 — Ouverture du marché couvert des Batignolles
— A partir d'aujourd'hui, le marché qui se tenait sur la voie publique, aux Batignolles, n'aura plus lieu. Les marchands sont installés dans l'enceinte du nouveau marché couvert que la ville a fait élever à l'extrémité des rues Nollet et Lemercier. (journal Le Petit Journal)

Jeudi 16 mai 1867 — Description du nouveau marché
— Le nouveau marché des Batignolles, dont nous avons annoncé l'inauguration dans notre numéro d'hier, s'élève sur un terrain entièrement isolé, s'étendant entre les rues des Moines, Brochant, Nollet et Lemercier. Il est parfaitement carré et d'une contenance de 3.600 mètres. Bâti avec la sage économie, la solidité et la gracieuse élégance des pavillons des halles centrales et des nouveaux marchés de Paris, le marché des Batignolles en a aussi et la commodité et le confort.
Il comporte 34 arceaux, 9 au sud et 9 au nord, 8 l'est et 8 à l'ouest. On y arrive par 8 portes, donnant accès à 8 travées de l'est à l'ouest, et 3 du sud au nord, entre lesquelles l'habile architecte a ménagé 336 places de 2 et 3 mètres parfaitement disposées.
Toutes ces places sont occupées, et sous divers marchands. Des dalles en marbre blanc, de six centimètres d'épaisseur, recouvrent les tablettes de la poissonnerie, parfaitement éclairée et aérée, comme tout le marché, par une double toiture superposée, entre lesquelles sont les ventilateurs.
L'endroit est parfaitement choisi, car les nombreuses bâtisses et le voisinage du chemin de fer en auront bientôt fait le centre de la nombreuse population du quartier. (journal Le Petit Journal)

La Compagnie générale des marchés obtiendra plusieurs autres concessions de marchés parisiens, notamment St-Maur, Europe, Saint-Quentin, la Villette, place d’Italie et Montrouge.
Le 17 mars 1896, la ville de Paris sera condamnée par le Conseil de Préfecture à payer à la Compagnie générale des marchés, la bagatelle de 486.792 francs pour préjudice. La ville n’avait pas respecté les clauses inscrites sur ses contrats de concession qui précisaient qu’elle ne devait en aucun cas autoriser l’installation de marchés dans un rayon d’un kilomètre des marchés pour lesquels elle avait déjà accordé une concession.

La rue des Moines et le Marché
La Rue des Moines et le Marché.jpg
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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

L'Alcazar d'Eté, 5 avenue Gabriel (VIIIe arrt.)

Le 13 brumaire de l’an II (3 novembre 1793), le citoyen Antoine Morel obtient, auprès du ministre de l’Intérieur Jules-François Paré, fraîchement nommé, l’autorisation de construire une bâtisse en charpente et maçonnerie de 29 m², attenante à deux petites constructions d’un mètre chacune, où il tient un commerce de jouets d’enfants ; ces bâtiments sont édifiés, sur la partie droite des Champs-Elysées, dans le prolongement du caffé des cy devant Ambassadeurs, que le citoyen Dôme vient d’acquérir en 1792.
A la même époque et au même emplacement, le ministre Paré accorde également cette faveur à la citoyenne Catherine-Françoise-Louise Jacot, pour l’édification d’un nouveau Pavillon dit de la Laiterie, d’une superficie de 78 m² doté d’un pourtour de 150 m². Ceci, à proximité immédiate du café de l’Aurore, construit en deux parties d’une surface de 94 m², entouré d’un terrain de 130 m², le tout appartenant au citoyen Flippard, mais occupé par le sieur Deschamps.
Un peu plus tard, en 1828, alors que le Café des Ambassadeurs est tenu par Jean-François Varin, Morel tient toujours sa
Laiterie dite de l’Etoile du Matin, tandis que l’ancienne Laiterie de la dame Jacot est désormais le Café du Midi de la veuve Bouvier et que le sieur Caluwé a repris le Café de l’Aurore.
Enfin un certain Morel (très certainement un parent du laitier), qui, jusqu’à présent, avait ouvert en 1837 un premier «
Café Morel » au 64 rue Montmartre et organisait des bals publics dans les banlieues sous le nom de bal de Paris, est attesté en 1839, en tant que limonadier au Carré des Champs-Elysées, en vis-à-vis du Café des Ambassadeurs : nul ne saura, de façon certaine, si c’est à la place du Café de l’Aurore ou de celui du Midi qu’il s’est installé, la municipalité parisienne, elle-même, ayant achoppé devant cette énigme.

Plan des Carrés des Champs Elysées en 1903
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Par une délibération d’avril 1841, le Conseil municipal décide d’accorder dix concessions de terrains situés sur les carrés des Champs-Elysées, avec l’autorisation d’y élever, à leurs frais, d’élégans édifices qui seront affectés à des restaurants, cafés et autres établissements, et de construire ces édifices, conformément aux plans qui ont été arrêtés pour l’embellissement de cette promenade.
A compter du 1er janvier 1841, Morel obtient, par arrêté préfectoral du 23 août 1841, la concession d’un terrain de 212 m², pour une durée de 36 ans, moyennant une redevance annuelle de 3.700 francs et, en sus, d’un franc le mètre pendant 9 ans, un franc cinquante pour les neuf années suivantes et deux francs pour les dix-huit dernières années.
Le
Café Morel tout comme son pendant, le Café des Ambassadeurs, sont ainsi édifiés, en 1841 par un même architecte, Jacques Hittorff (1792-1867), en lieu et place des anciennes limonades précaires, vieilles d’un demi-siècle. Entre les deux, la fontaine des Ambassadeurs, installée en 1840, est également due à Jacques Hittorff ; elle est ornée en son centre d’une statue de Vénus au bain, due au sculpteur Francisque Duret (1804-1865).
L’année suivant l’ouverture de l’établissement, le journal le Siècle publie le 13 août 1842, un article dithyrambique sur le Café Morel, vraisemblablement dicté par celui-ci :

Parmi les élégans pavillons nouvellement construits aux Champs-Elysées, on remarque avantageusement et sous tous les rapports celui tenu par M. Morel. A l'extérieur, rien de plus gracieux ; à l'intérieur, rien de plus riche ; à table, rien de meilleur goût, On ne devait pas moins attendre de M. Morel, l'habite entrepreneur des bals champêtres des environs de Paris. Cependant M. Morel a résolu un problème dont il faut lui tenir compte : c'est la modicité des prix en même temps que le luxe et la supériorité des objets de consommation. Il a voulu plus encore ; à ces avantages si rares, M. Morel en a ajouté un autre : une excellente musique est attachée depuis quelques jours au PAVILLON-MOREL.
Nous pensons être agréables à nos lecteurs en leur indiquant cet établissement, le plus remarquable, sans aucun doute, que la France possède en ce genre.

Le Pavillon Morel (Alcazar) en premier plan, et au fond Café des Ambassadeurs (cliché Charles Marville vers 1868)
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C’est ici que chaque soir, de cinq heures à minuit, Morel installe devant son établissement une estrade où une troupe accompagnée de cantatrices vedettes se produisent devant un innombrable public de consommateurs agglutinés dans le jardin des Champs-Elysées.
Le journal le Ménestrel du 20 juillet 1845, nous décrit le Café Morel comme
un humble restaurant, une table d’hôte simple et bourgeoise : là, dans de petites salles et de modestes cabinets, viennent tour à tour s'asseoir à la table de sapin, musiciens, chanteurs, compositeurs, dramaturges, etc.
L’établissement qui bat son plein lors de la période estivale, fait relâche, chaque année, à compter d’octobre. Aussi, Morel, décide-t-il d’ouvrir, en janvier 1849, un Chalet pour la saison d'hiver, au n°18 rue de l’Arcade.
A la suite du lancement en fanfare de ce café-concert, Morel réussit à fixer définitivement le périmètre de son champ de manœuvre en obtenant, par un arrêté préfectoral du 29 avril 1850 (suivi d’un nouvel arrêté du 14 septembre 1857), de voir porter la surface du terrain qu’il occupe à 1418 m², son loyer étant porté en conséquence à 3.483 francs par an.

Chanteurs devant café Morel (gravure L'illustration 1er août 1846)
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Dès ces accords pris, Morel se désengage et cède, le 25 septembre 1850, son Café chantant, pavillon superbe aux trois lustres en bronze doré et aux quatorze statues, ainsi que son orchestre de dix musiciens, à un certain Gaginère, lequel le recède l’année suivante à Jean Mioni de Georges, associé à un certain Godonèche.
Le 3 décembre 1852, Mioni est poursuivi au Tribunal de commerce, par un de ses créanciers, le sieur Jeanson, pour une
dette considérable ; il est décidé, en conséquence, que le Café Morel sera mis en adjudication le 29 août 1853, sur une mise à prix de cinquante mille francs, Mioni ayant toutefois l’autorisation d’y continuer l’activité. Jean Mioni de Georges signe un concordat, homologué le 13 octobre 1854, par lequel il cède l’actif du Café Morel à un certain Reynaud (Regnault) qui s’engage à verser 35.000 francs, sur quatre ans, aux créanciers de Mioni.
Au final Mioni continue à exploiter le Pavillon Morel, sous couvert de sociétés qu’il crée successivement à cette fin, à l’aide de commanditaires, notamment la
Société Jourdin et Cie. Jusqu’à sa nouvelle faillite prononcée le 3 novembre 1859, suivie, le lendemain, de l’apposition des scellés.
La ville de Paris ayant récupéré, à bon compte, le Pavillon Morel, signe le 15 juin 1860 avec Arsène Goubert, une nouvelle concession devant se terminer le 31 décembre 1876, pour une redevance annuelle de 4.000 francs.

Arsène Isaïe Goubert (1828-1886), originaire de Hotot-en-Auge dans le Calvados, n’est pas marié mais est le père de quatre enfants nés de 1855 à 1860. (1)
Quatre mois avant que Goubert signe cette convention, un autre Café-concert dénommé
l’Alcazar dit d’Hiver, est inauguré le 15 février 1860 au 10 rue du Faubourg Poissonnière dans le 10e arrt. Construit par l’architecte Charles Duval (1800-1876), il est fondé et dirigé par Joseph Mayer (1817-1860), chanteur de chansonnettes, également créateur du Théâtre des Folies Nouvelles du boulevard du Temple, devenu le Théâtre Déjazet. Mayer étant subitement décédé le 12 novembre 1860, Arsène Goubert reprend la direction de l’Alcazar d’Hiver. (2)
Qui trop embrasse… Goubert est mis en faillite, en date du 13 mars 1861, pour le Pavillon Morel, tandis que l’Alcazar d’Hiver est proposé en adjudication pour le 27 juin 1861 sur une mise à prix de 10.000 francs, puis mis en faillite le 21 août 1861.
Finalement, après quelques petits tours de passe-passe avec syndics et juges-commissaires, Arsène Goubert se trouve à la tête de ses deux cafés-concerts, et décide, en février 1863, de rebaptiser le Pavillon Morel du nom d’
Alcazar d’Eté.
Cette période sera faste pour Goubert qui, grâce à ses chanteuses, dont la fameuse diva Thérésa alias Eugénie Valladon (1837-1913), obtiendra lors de ses concerts un succès phénoménal.


Alcazar d'Eté, façade et jardin — Thérésa, alias Eugénie Valladon, la diva de l'Alcazar
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Le 7 décembre 1869, c’est le retour des déboires pour Arsène Goubert, dont l’Alcazar d’Hiver est contraint à la faillite, et qui se voit refuser, le 10 octobre 1870, l’homologation du concordat qu’il avait passé le 20 juillet, avec ses créanciers.
L’Alcazar d’Eté continue imperturbablement son activité, y compris durant la guerre de 1870-1871 jusqu’à ce que sa situation réelle soit révélée en plein jour : Goubert est failli pour l’Alcazar d’Eté qui est vendu en adjudication le 17 mai 1872 sur une mise à prix de 15.000 francs.
La cession du bail est faite en faveur des sieurs Monin et Vigneron, créanciers d’Arsène Goubert ; Vigneron se retirera en 1876, laissant l’affaire au seul Monin.
Hector Alexandre Monin (1830-1905), négociant dans les fards et les pommades, est marié avec Joséphine Clauss. Les journaux de l’époque le décrivent comme un gros homme pontifiant, plastronnant et se gobant, ce qui ne l’empêche cependant pas d’obtenir un renouvellement de sa concession pour 15 ans, à compter du 1er janvier 1876, avec un loyer fixé à 17.000 francs, et d’annoncer par ses affiches qu’il dispose d’un orchestre de 70 musiciens dirigés par Henry Litolff et Frédéric Barbier…

Alcazar d'Eté affiches 1875 et 1885
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Le 7 février 1882, les journaux Le Réveil, le Figaro, Gil Blas etc… annoncent que, contrairement à ce qui avait indiqué dans de précédentes publications, ce n’est pas M. Tabary, l’ancien propriétaire du Café Saint-Roch, qui succède à Monin, à l’Alcazar d’Eté, mais M. Ducarre, propriétaire du café-restaurant-concert des Ambassadeurs depuis 1874, qui s’est rendu acquéreur de son rival, au prix de 180.000 francs.
Pierre Ducarre (1830-1904), marié à Louise Aglaé Godin (1839-1910), est officiellement concessionnaire de l’Alcazar d’Eté, par arrêté préfectoral du 3 avril 1882. Le loyer de ses deux établissements sera porté à 57.000 francs par an à compter du 1er avril 1886, avec prolongation de la concession jusqu’au 1er janvier 1904.
Sous la direction de Ducarre, l’Alcazar d’Eté et le Café des Ambassadeurs connaîtront leur âge d’or.

Alcazar d'Eté et, en second plan, concert des Ambassadeurs — Alcazar d'Eté (cliché mimigege, Cparama)
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Viendront notamment se produire sur les planches de l’Alcazar d’Eté, avec, pour certains de nombreux réengagements :
En 1883 :
►Paulus (Jean-Paulin Habans) qui émargeait à six mille francs par mois
►Florence Duparc (trois mille francs par mois)
►Victorine Demay (deux mille francs par mois)
En 1884 : Luce Béliat
En 1886 :
►Jules Réval
►Mlle Louise Dowe
En 1890 Léon-Louis Debailleul — ►Clovis (Clovis-Césaire Lefèvre)
►Louis Maurel
►Ernest Vaunel
— Paula Brebion — ►Valentine Valti
— Mme Dufresny — Mlle Marthy
En 1891 :
►Léon Garnier
En 1892 : Yvette Guilbert — Blanche Laroche — ►Polin (Pierre-Paul Marsalès)
En 1893 :
►Louise Balthy
— Mme Violette
En 1894 :
►Esther Lekain (Ernestine Niekel)
— Mme Anna Judic
En 1897 : Anna Thibaud (Marie-Louise Thibaudot)
En 1898 :
►La Belle Otero (Carolina del Carmen Otero Iglésias)
►Harry Fragson (Léon-Philippe Pot)
En 1906 : Dranem (Charles Armand Ménard)
En 1909 : Yvonne Printemps
En 1911 : Maurice Chevalier
En 1912 : Mistinguett (Jeanne Florentine Bourgeois)

Alcazar d'Eté affiches 1882 et 1888
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Ducarre qui a logé ses deux exploitations des Ambassadeurs et de l’Alcazar, au sein d’une société dénommée Ducarre et Cie, est associé à ce titre avec son cousin Alphonse Duperron (1842-1914), le fils de sa tante, Caroline-Thérèse Ducarre, et avec son gendre Henry Eugène Pinard (1858-1929), marié depuis 1889 avec sa fille Jeanne-Marie (1866-1949).
En avril 1893, Pierre Ducarre annexe à son établissement, le
Bouillon Riche situé derrière l’Alcazar d’été.
L’année suivante, avant que la saison commence, l’Alcazar est transformé afin que les concerts soient couverts au moyen d’une toiture amovible.

L’Alcazar d'Eté et le Bouillon Riche
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A partir de 1895 l’Alcazar d’été présente des Revues annuelles, aux noms évocateurs et accrocheurs, à l’instar de bon nombre d'établissements parisiens :
1895 En voulez-vous des z’homards ?
1896 Les P’tites Binettes des Champs-Elysées
1897 Chacun sa Muse
1898 A l’Alcazar … de la fourchette !
1899 En avant les p’tites femmes !
1900 La Revue en plein air
1901 Fleurissez-vous, Mesdames !
1902 Ca claqu’fort
1903 A l’Alca… tiare !
1904 A travers chants
1905 Ca mousse !...
1906 Vive Paris !
1907 Si ça vous chante !
1908 Vous y viendrez !
1909 La Revue de l’Alcazar d’Eté
1910 A nous les poules !
1911 Ah ! les beaux Nichan !
1912 Ce que je peux rire !

Revues de l'Alcazar d'Eté Les P’tites Binettes (1896) et A l’Alcazar … de la Fourchette (1898)
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Le 26 mars 1902, le bail groupé de l’Alcazar et des Ambassadeurs est renouvelé au profit de la société Ducarre et Cie pour une durée de 18 ans, à compter du 1er janvier 1904, la redevance annuelle étant fixée à 75.000 francs pour les neuf premières années et à 85.000 francs pour les neuf suivantes.
Le 31 mars 1903, Ducarre et Duperron cèdent les parts qu’ils possèdent dans la société Ducarre et Cie, à Henry-Eugène Pinard, gendre de Ducarre, et à
Eugène Cornuché (1867-1926) et à Henri Chauveau, co-propriétaires du restaurant Chez Maxim’s ; la société Ducarre, dorénavant dénommée société Pinard et Cie reste titulaire de la concession.
Lors de l’intersaison 1905-1906, l’Alcazar est entièrement rénové, façon music-hall, par les architectes Jules Kupfer (1866-1943) et Jules Lepeigneux (1864-1945).

Le conflit 1914-1918 signe l’extinction des concerts de l’Alcazar d’Eté qui ferme ses portes en août 1914. En décembre 1914, Chauveau et Cornuché qui se sont séparés de leur associé Henry-Eugène Pinard depuis le 11 juillet 1912, installent temporairement dans l’établissement un restaurant et une salle de lecture gratuite avec le concours et au profit du Bureau spécial des réfugiés belges.
A l’issue de la guerre, l’Alcazar d’Eté fait sa réouverture en mai 1919 en présentant tous les jours, en matinée de 3 à 7 heures et en soirée de 8 heures ½ à 11 heures ½, ses deux orchestres de 40 musiciens, son thé dancing et skating. A cette activité vient s’ajouter, en 1921, l’ouverture d’une salle de cinéma.

Le 13 juillet 1921, la société Fées père et fils et Meunier sont autorisés à racheter l’Alcazar et les Ambassadeurs au tandem Cornuché-Chauveau ; l’année suivante, le 1er octobre 1922, Fées et Meunier, conservant les Ambassadeurs, cèdent l’Alcazar d’Eté à la société
Golfer’s Club dirigée par M. Kurtz,
A compter de cette date, le loyer du Golfer’Club est fixé à 42.500 francs par an, et son bail est renouvelé jusqu’au 31 décembre 1939.

Au vu du succès plus que mitigé du thé-dancing, du skating et du cinéma, ces expériences ne sont pas renouvelées, puisque les deux années suivantes, 1922 et 1923, l’Alcazar d’Eté est transformé en Exposition canine…
… signant ainsi la fermeture définitive de l’établissement.
L’Alcazar d’Eté restera inoccupé pendant trente ans avant d’être restructuré et reconstruit dans les années 1950 pour devenir le Pavillon Gabriel consacré aux congrès et réceptions, etc...

TOUT PARIS - 122 M - Les Champs-Elysées (VIIIe arrt.) (façade ouest de l’Alcazar d’Eté)
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publié par zelig mer. 28 juil. 2021 11:54

(1) Arsène Isaïe Goubert (3 juillet 1828 - 16 novembre 1886) qui était père de quatre enfants (Claire-Camille, Arsène-Victor, Claire-Hermine et Henri-Charles), avait publié, le 15 août 1868, les bans de son mariage avec Amable Claire Pijean (1830-1901), mais Goubert s’étant ravisé, probablement par crainte de mouiller son épouse dans la faillite annoncée de l’Alcazar, le mariage n’avait pas été prononcé. Il faudra attendre le 3 janvier 1877 pour voir « régularisée » la situation du couple Goubert-Pijean qui se marient à la mairie du Xe, reconnaissant dans le même temps leurs quatre enfants.

(2) En 1860, l’Alcazar d’Hiver du 10 rue du Faubourg Poissonnière est décrit comme une salle de 60 mètres de long sur 15 mètres de large, disposant d’une hauteur de près de 15 mètres ; elle se compose de 22 travées à colonnades supportant une galerie, laquelle est encore surmontée d’autres arcades en plein cintre formant archivoltes. Après les succès durant la période d’Arsène Goubert, l’Alcazar d’Hiver aura des hauts et des bas avant de fermer définitivement ses portes en 1897, pour être entièrement rasé et remplacé par un immeuble de rapport.

Alcazar d'Hiver de la rue du Faubourg Poissonnière, affiche 1875 et 1878
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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

La Gare de ceinture de Saint-Ouen, 128 avenue de Saint-Ouen (XVIIIe arrt.)

Le premier tronçon du Chemin de fer de ceinture parisien ouvert au public le 15 juillet 1862, part de Bercy, près du Pont Napoléon, pour rejoindre la station Batignolles-Clichy, son terminus provisoire. Le 16 novembre 1863, quatre autres stations sont ouvertes simultanément : Bastille, Bel-Air-Saint-Mandé, la Chapelle-Saint-Denis et avenue de Saint-Ouen, à hauteur de la rue de Leibnitz.
Afin de permettre la suppression des passages à niveau de la petite ceinture, danger permanent pour les usagers, il est décidé, en 1888, de remplacer ceux-ci, soit par des tunnels ou tranchées, soit par des ponts, ce qui est précisément le cas pour la voie passant avenue de Saint-Ouen.
Le journal
la Justice du 23 juillet 1888 nous relate l’état d’avancement de ces travaux et nous renseigne précisément sur cette opération :
La tranchée ouverte sur ce dernier point a de très grandes proportions. Elle a plus d'un kilomètre de longueur, et sa profondeur moyenne est d'environ neuf mètres. C'est entre l'avenue de Saint-Ouen et l'avenue de Clichy que ce travail est le plus avancé. Le revêtement des parois de la tranchée va pouvoir être bientôt entamé. De l'autre côté, la tranchée n'est encore qu'indiquée.
Le pont sous lequel passera la double voie, et qui est dans l'axe de l'avenue de Saint-Ouen, est entièrement terminé. Il est à section droite ; le tablier est en fer ; les assises sont en meulières avec revêtements en pierre de taille. Pendant la construction de ce pont, la circulation des voitures et des tramways sur l'avenue de Saint-Ouen n'a pas été interrompue un seul jour.
De même l'exploitation de la ligne de Ceinture a été constamment maintenue par l'établissement préalable d'une double voie de déviation partant de la station de la Chapelle-Nord-Ceinture, et se raccordant à la voie ordinaire près de Courcelles-Levallois.
Tranchée des Epinettes près de l’avenue de Saint-Ouen, cliché 17 novembre 1888 ( ► voir ici))
Pont franchissant l’avenue de Saint-Ouen pris des Epinettes, cliché 13 juillet 1888 ( ► voir ici))

L’ancienne station ayant été détruite lors de ces travaux, une nouvelle gare est construite sur le nouveau pont franchissant l’avenue de Saint-Ouen, au-dessus de la voie de petite ceinture. Cette gare est inaugurée le 13 mai 1889 en présence de tous les gros pontes des voies ferrées.

Ah ! ce Clément Bayard ! toujours là au bon moment pour la prise de vue ou… pour la retouche finale de l’éditeur…
TOUT PARIS - 2038 - Gare de Saint-Ouen (XVIIIe arrt.)
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publié par rigouard mer. 17 déc. 2014 11:30

13 mai 1889 — Inauguration de la Gare de l’avenue de Saint-Ouen
— Paris 13 mai 1889. Le Chemin de fer de ceinture de Paris.
Aujourd'hui a eu lieu la réception des travaux entrepris, il y a près d'un an, pour la suppression des passages à niveau, compris entre l'avenue de Clichy et le boulevard Ornano, sur le chemin de fer de Ceinture.
A cette réception assistaient : MM. de Villiers du Terrage, inspecteur général des ponts-et-chaussées, et Cheysson, ingénieur en chef, délégués par le ministre des travaux publies ; MM. Marin, directeur de la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest ; Arnaud, directeur des chemins de fer de Ceinture ; Sartiaux, directeur du chemin de fer du Nord, Noblemaire, directeur des chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée ; Dubois, sous-directeur du chemin de fer de ceinture ; un commandant du génie, représentant le ministre do la guerre ; M. Weil, ingénieur des travaux ; M. Hauet, ingénieur .de la voie ; M. Foulon, secrétaire des chemins de fer de l'Ouest ; M. Marc, secrétaire de l'administration des chemins de fer de ceinture, chargé des rapports avec la presse ; MM. Papon, Vincendeau et Claverie, entrepreneurs des travaux de construction de la voie.
Quelques représentants de la presse, au nombre desquels nous citerons un rédacteur du Figaro, du Petit Journal, de l'Agence Haves et de la Patrie, assistaient à cette inauguration.
Le départ a eu lieu de la gare Saint-Lazare à neuf heures trente-cinq minutes du matin. De cette gare, nous avons gagné la station de Courcelles et de là, aiguillés sur le chemin de fer de Ceinture, ligne droite, nous nous sommes successivement arrêtés aux stations de l'avenue de Clichy, de l'avenue de Saint-Ouen, du boulevard Ornano et de la Chapelle Saint-Denis.
Nous avons admiré, à la station de l’avenue de Saint-Ouen, l'encorbellement de la rue Leibnitz, le pont en travers qui précède le tunnel, travail d'une difficulté extraie et qui fait le plus grand honneur à nos ingénieurs, puis le tunnel de 325 mètres qui relie la station de l'avenue de Saint-Ouen, entre les rues Vauvenargues et du Poteau, à la station du boulevard Ornano.
Les travaux de cette section ont coûté 10 millions qui, ajoutés aux 8 millions de la première section, font 18 millions pour l'ensemble de la ligne.
Les populations desservies par la nouvelle voie s'étaient massées le long du parcours.
A onze heures vingt-cinq minutes nous rentrions à Paris, et nous sommes en mesure d'annoncer qu'à partir du jeudi 16 mai ou du samedi 18 mai, au plus tard, les nouvelles lignes seront ouvertes à la circulation publique.

(journal la Patrie 14 mai 1889)

La nouvelle station de l’Avenue de Saint-Ouen prise côté Epinettes, cliché 22 juillet 1889 ( ► voir ici))
La nouvelle station prise de la Chapelle, cliché 22 juillet 1889 ( ► voir ici))
La nouvelle gare construite sur le pont de l’Avenue de Saint-Ouen, à hauteur du n°128, cliché 10 août 1889 ( ► voir ici))
L’encorbellement de la rue Leibnitz et de l’abri côté voyageur, pris du pont de l’avenue de Sain-Ouen, cliché 9 septembre 1889 ( ► voir ici))

La gare de l’avenue de Saint-Ouen cesse sa fonction le 22 juillet 1934 à la suite de l’arrêt définitif du trafic voyageur de la petite ceinture.
La SNCF qui reste propriétaire de la gare désaffectée, loue ces locaux, transformés, au Cinéma le Lumière, de 1938 à 1950. Dans les années 1970, devenu méconnaissable avec des façades criardes et tapageuses, surélevé d’un étage, il est loué à Darty.
En 2011, le bâtiment est racheté à la SNCF par la ville de Paris qui signe, deux ans plus tard, un bail de 30 ans avec le Hasard Ludique : les locaux, superbement réhabilités de 2015 à 2017, sont partiellement transformés en bar-restaurant.
( ► voir ici))

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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Statue de Paul Gavarni, place Saint-Georges (IXe arrt.)

A la suite de la création de la place Saint-Georges, autorisée par ordonnance du 21 avril 1824, les promoteurs de ladite place y font édifier, en son centre, une fontaine construite en marbre « Henriette », conçue par les architectes Louis-Pierre Haudebourg (1788-1849) et Louis Joachim Visconti (1791-1853).
Cette fontaine monumentale avec sa grande vasque est inaugurée le 4 novembre 1825 en présence du préfet de Police, Louis-Marie de Belleyme, et du préfet de la Seine, Gaspard de Chabrol.
Le Journal
Le Constitutionnel du 6 novembre 1825 relate cette inauguration : Avant-hier, M. le préfet de police et M. le préfet de la Seine ont assisté à l'inauguration de la fontaine construite au centre du nouveau quartier Saint-Georges, et qui est alimentée par les eaux de la ville. Cette fontaine est une des plus remarquables qui existent maintenant à Paris ; elle est due aux soins de MM. Visconti et Haudebourg, et ne fait pas moins d'honneur au talent de ces deux habiles architectes qu'au goût des fondateurs de ce nouveau quartier. Ce monument est entièrement construit en marbre de France, dit marbre Henriette. La beauté de ses formes répond à celle de sa position, au centre d'un quartier destiné à être l'un des plus commodes et des mieux aérés de la capitale.
A une date indéterminée, la fontaine sera surmontée d’une « lourde lanterne ».
[Jacques a évoqué cette fontaine avec un cliché à l’appui, lors de son périple sur la ligne 12 du métropolitain
► voir ici]

TOUT-PARIS - 1674 - Statue de Gavarni - L'Hôtel Thiers (IXe arrt.)
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publié par zelig jeu. 21 mai 2020 16:12

A l’initiative de la Société des Peintres-lithographes, un Comité dit Gavarni, présidé par le peintre Léon Gérôme, est créé en novembre 1901, ayant pour but d’édifier un buste en hommage au dessinateur satirique Paul Gavarni (1804-1866). Le sculpteur Denys Puech (1854-1942) est chargé de réaliser ce monument pour lequel une souscription est ouverte dès le 12 novembre.
En janvier 1902, le Comité désigne la place Saint-Georges, où la fontaine de 1825 est toujours en place, comme emplacement de l’érection de ce buste et contacte Paul Escudier, conseiller municipal du 9e arrt, afin d’obtenir les autorisations nécessaires.
Escudier donne son accord en mars 1902, pour remanier la fontaine qui serait transformée afin de servir de support au buste envisagé. Finalement le projet définitif est arrêté le mois suivant : la fontaine est supprimée au profit d’une stèle surmontée d’une colonne en pierre de Lavoux, ornée de sculptures figuratives en marbre blanc, sur laquelle sera juché le buste en marbre de Gavarni, le tout reposant au centre de la vasque qui sera conservée et
« entourée d’arbustes ». L'architecte Henri Guillaume (1868-1929) est chargé de ces nouveaux aménagements.
Les maquettes terminées en juin 1902 sont présentées par Léon Gérôme au conseil municipal : la stèle-colonne de cinq mètres quatre-vingts de haut et le buste d’un mètre cinquante coûteront 20.000 francs, financés par l’organisation de plusieurs fêtes-collectes.
Le monument est autorisé par un arrêté préfectoral du 1er décembre 1902. La ville de Paris accorde une subvention de 500 francs pour ce monument le 18 avril 1903.
L’inauguration du monument Gavarni, présidée par Henry Marcel, directeur des beaux-arts, se déroule le 3 décembre 1904 en présence de nombreuses personnalités artistiques. Le journal
Le Temps du 4 décembre nous donne quelques descriptions dudit monument :
« Le monument a pour socle le bloc octogone du centre de la vasque qui a été conservée ; quatre mascarons y reproduisent les figures contemporaines de Gavarni : une exquise lorette, un artiste bohème, un mendiant et une inénarrable portière dont la face empapillotée de dentelle, au sourire malicieux, contemple les passants d'un œil indulgent.
Un fût de colonne le surmonte, autour duquel passent en farandoles les créations des bals masqués, pierrots et débardeuses ; Thomas Vireloque, le philosophe de la rue, émouvant et dépenaillé ; la jolie modiste qui va, carton monumental au bras, et que suivent, d'un côté le séduisant rapin, de l'autre M. Joseph Prudhomme, prometteur de compensations sérieuses et, sur tout, le buste de Gavarni, dans une attitude méditative, tout prêt à fixer sur ses feuillets un de ces traits mordants en lesquels il excella. »

En octobre 1907, le monument Gavarni est démonté, en raison des travaux effectués pour la construction de la ligne « A » du métropolitain. Les blocs de pierres sont stockés au dépôt des Beaux-arts de la ville de Paris à Auteuil, rue La Fontaine, jusqu’à la fin du chantier prévu au plus tard dans deux ans.
Ce délai sera finalement doublé : en mars 1911, la réinstallation de Gavarni est en cours sur la place Saint-Georges, et le 4 juin 1911, les palissades du chantier sont enfin enlevées laissant découvrir que le bassin n’existe plus, le monument ayant été saboté par les travaux du Nord-Sud. Les quatre figures crachent à sec pour l’éternité… La vasque de 1825 ainsi détruite est remplacée par une bordure circulaire entourant la base du monument.
Au vu d’un cliché (
► voir ici) pris en octobre 1907 par les ouvriers chargés du démontage du monument Gavarni lors des travaux de construction de la ligne Nord-Sud du métropolitain, il semble que les règles élémentaires de précaution n’aient pas été trop respectées !...

TOUT PARIS - 1334 - Place St-Georges - Statue de Gavarni (IXe arrt.)
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publié par zelig lun. 9 mai 2022 12:14

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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Concert La Fourmi, ex-Bal du Grand-Turc, 10 boulevard Barbès (XVIIIe arrt.)

L’origine de ce café-concert remonte à 1826, et non en 1806 comme prétendu par ailleurs (1), date à laquelle, Joseph Teiche, d’origine allemande, ouvre un bal-restaurant à La Chapelle, au n°14 rue des Poissonniers, tout près du chemin de ronde Rochechouart, barrière Poissonnière. Il donne à cet établissement l’enseigne du Bal du Grand-Turc.
Il est composé, lors de sa création, d’un jardin aménagé en une grande salle de bal, parallèle à une seconde salle située au rez-de-chaussée, où se tenait une table d’hôte à vingt-cinq sous le dîner ; le premier étage est utilisé pour danser en dehors de la belle saison.
Teiche y accueille, entre autres, la
société bacchique et chantante des Lurons, attestée par la revue intitulée Promenade à tous les bals publics barrières et guinguettes de la capitale, publiée en 1830 chez Terry jeune, par M. R***, qui y cite une multitude d’associations similaires, notamment, dans le même quartier : les Flambarts et les Francs Buveurs à Montmartre ; le Naufrage de Régulus, les Vieux Amis chez Cossette, le Cercle de l’Union, les Amis de la Paix et les Joyeux Amis, barrière de Rochechouart…
Parlant des tables d’hôtes disséminées tout autour des barrières de Paris, notamment de celles situées rue des Couronnes et rue des Poissonniers,
l’Eclaireur des Barrières de 1841, rapporte que la cuisine et les vins y sont sans reproche et les personnes que l’on y trouve sont de bonne compagnie.

En 1848, Teiche cède le Bal du Grand-Turc à Jean-Baptiste Firmin Pégard (1806-1878), originaire de Rambures dans la Somme, marié le 14 septembre 1837 à l’église Notre-Dame de Lorette à Paris avec Anne Françoise Wanderscheid (1816-1886) née au Luxembourg à Ettelbruck ; leurs deux enfants naissent à La Chapelle, Léon en 1838 et Marie-Gabrielle le 25 décembre 1840.
Suite à un soi-disant complot franco-allemand ayant été fomenté, en août 1851, par une société secrète constituée de communistes ayant l’intention de renverser le gouvernement, plusieurs prévenus allemands sont appelés en Cour d’assises de la Seine le 26 février 1852. Lors de cette audience, plusieurs témoins sont appelés et notamment Jean-Baptiste Firmin Pégard tenancier de son restaurant de La Chapelle qui déclare :
Il y a chez moi le dimanche et le lundi un bal appelé le bal du Grand-Turc, où il vient beaucoup d’Allemands. Pégard reconnait avoir fréquenté à son bal les accusés Cherval, Scherzer et Gipperich ; ils n'ont jamais, dit-il, demandé de salle particulière et ne faisaient que danser ou manger à la table d'hôte.
A partir de 1856, Léon Pégard prend progressivement en main le restaurant de son père et se marie le 21 juin 1864 à Useldange au Luxembourg, avec Anne-Marie Julienne Hippert (née à Useldange le 15 août 1845). Précédemment, le 14 mai 1863, la sœur de Léon Pégard, Marie-Gabrielle, avait épousé, à Paris 18e, Michel-Ferdinand Hippert, un cousin d’Anne-Marie Julienne Hippert, originaire d’Ettelbruck.
Le bal du Grand-Turc, sans changer d’emplacement, change d’adresse : le secteur de La Chapelle annexé à Paris en 1860, le n°14 rue des Poissonniers devient en 1864 le n°12 rue Lévisse, puis à partir de 1867, le
n°12 puis 10 boulevard d’Ornano ; en 1882, ce sera le n°10 boulevard Barbès.
Etonnamment, Léon Pégard, trouve le temps de faire des recherches et de déposer des brevets relatifs à ses trouvailles : le 26 mars 1860, brevet n°565 de 15 ans, pour
une rose des vents à rapporteur de vérification pour la marine ; le 9 février 1870, brevet n°89-171 de 15 ans pour un moteur à vapeur à tiges de pistons supprimées…
Actif dans son établissement (on le voit ainsi organiser, le 17 décembre 1869, un concert dans les « salons Pégard » du 10 boulevard d’Ornano, dirigé par Jules Delsart, violoniste premier prix du conservatoire, avec le concours d’artistes de l’Opéra-Comique et du Conservatoire), il perd une grosse partie de sa clientèle, en bonne partie allemande, au moment du conflit franco-allemand de 1870-1871.
A l’issue de la guerre, il est en butte à la Société des auteurs dramatiques qui le traîne devant le Tribunal correctionnel de la Seine, assigné le 19 février 1872 pour avoir engagé l’Harmonie de Montmartre le 8 décembre 1871 et laisser jouer, sans autorisation, des œuvres musicales (notamment la Marche du Prophète de Meyerbeer, etc…) dans son établissement du Bal du Grand-Turc, alors même que ce concert était organisé au profit des veuves et orphelins victimes de la guerre. Pour ces faits, Léon Pégard se voit condamné à payer 16 francs d’amende et 20 francs de dommages-intérêts.
En dépit de cette condamnation, Pégard ne se décourage pas et engage même un orchestre à demeure, dirigé, en 1875, par M. Jeanssen. C’est précisément en mars 1875 qu’ont lieu au bal du Grand-Turc, les premiers banquets mensuels du Bon bock, organisés par le graveur Emile Bellot, modèle du tableau « Le Bon bock » réalisé en 1873 par Edouard Manet ; ces dîners festifs qui réunissaient plus de cent convives, pour la plupart issus du monde littéraire et artistique, auront ensuite lieu à la Boule-Noire, 120 boulevard de Rochechouart, qui deviendra La Cigale en 1887. (3)

Concert La Fourmi boulevard Barbès (cliché vers 1894-1895 Musée Carnavalet) — Le Bon bock d’Edouard Manet 1873 (Philadelphia Museum of Art)
Concert La Fourmi boulevard Barbès (cliché vers 1894-1895 Musée Carnavalet) - Le Bon bock.jpg
Concert La Fourmi boulevard Barbès (cliché vers 1894-1895 Musée Carnavalet) - Le Bon bock.jpg (128.18 Kio) Vu 3414 fois

En 1881, Léon Pégard cède le Bal du Grand-Turc à son beau-frère Théophile Hugot (1838-1892), originaire de Rupt-aux-Nonains dans la Meuse, marié le 4 septembre 1877 avec Marie-Louise Adrienne Hippert (née à Useldange le 9 septembre 1843), lesquels travaillaient déjà avec Pégard depuis leur mariage. (2)
Hugot va quelque peu modifier l’établissement. Le journaliste Emmanuel Patrick nous en donne une description le 20 mars 1889, dans le journal l’Egalité :

La salle de bal qui a remplacé le jardin est une construction en charpente assez bizarre : elle a la configuration d’un manège de chevaux. On se croirait chez Fernando. C’est tout à fait un cirque, avec cette différence que les rangées de fauteuils du rez-de-chaussée et des premières galeries sont remplacées par des tables en bois, derrière lesquelles se développent de larges promenoirs aboutissant à des espaces triangulaires et à des espèces d’encoignures meublées également de tables à consommations qu’entourent des bancs en bois qu’on appelle des « sénateurs », parce qu’étant cloués au parquet (les bancs), ils sont inamovibles. Même disposition à la galerie du premier étage, où conduisent trois ou quatre escaliers, sauf que là, le promenoir n’a pas les mêmes échappées qu’en bas. Le tout qui aurait besoin d’être restauré, est mesquinement éclairé par de rares becs de gaz ; la piste ou salle de bal possède cependant quatre grands lustres prétentieux en cristal ; seulement, on ne les allume que dans les occasions solennelles. En temps ordinaire, ils ne sont illuminés que par deux becs de gaz chacun.
En 1889, tout comme en 1850, le bal du Grand-Turc reste encore très fréquenté par des Allemands, des Belges et des Hollandais ; les danseuses sont également Belges ou Allemandes. Il y a bal quatre fois par semaine ; le chef d’orchestre se nomme M. Aignant, ex-premier violoniste du théâtre du Châtelet.
Devenu veuf depuis le 21 octobre 1888, Théophile Hugot décède à son tour, le 4 mars 1892, dans son bal du Grand-Turc, 10 boulevard Barbès.

L’établissement est repris en 1893 par
Etienne Edmond Riston dit Scipion (1840-1904), marié depuis 1874 avec Aline Augustine Provenchère (1854-1905). Originaire de Montpellier, Scipion est un artiste dramatique très connu, ayant écumé depuis 1859, les scènes parisiennes, notamment le Théâtre de l’Odéon, ceux du Châtelet, de la Gaîté ou des Bouffes Parisiens.
Scipion crée la société Scipion et Cie, à l’effet d’exploiter son café-concert et, après quelques travaux de transformations, il ouvre l’ex Grand-Turc sous l’enseigne du
Concert La Fourmi : l’inauguration a lieu le vendredi 22 décembre 1893. Le Petit Parisien du 24 décembre présente un résumé du spectacle :
Brillante inauguration, hier soir, du nouveau concert la Fourmi, installé au numéro 10 du boulevard Barbès, dans l’ancien bal du Grand-Turc.
La salle est coquettement et confortablement aménagée ; le spectacle aussi intéressant que varié.
Parmi les artistes les plus applaudis, citons M. Chemin, un comique fantaisiste très fêté ; Mlle Miette, la Cigale parisienne (la Cigale chez la Fourmi) ; Mlle Bian-Ka, tour à tour pierreuse et grande coquette ; M. Balazi, le danseur bien connu, M. Philo, un chanteur d'un réalisme gai, etc. Le Jeu de l'Amour et du houzard, un amusant vaudeville de MM. Bocage et Moineaux, joué dans le temps aux Variétés, terminait avec succès le spectacle et permettait d’applaudir M. Pacra, qui s’est montré excellent artiste après avoir été excellent régisseur.
Excellente soirée, en résumé, faisant présumer une vogue méritée pour ce charmant établissement.

TOUT PARIS - 1760 - Boulevard Barbès - Concert La Fourmi (XVIIIe arrt.)
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publié par zelig dim. 1 mai 2022 15:53

L’immeuble n°10 boulevard Barbès où est installé le Concert La Fourmi, dont l’entrée s’effectue par le porche situé à droite, comporte trois autres commerces au rez-de-chaussée : un horloger-bijoutier, un boulanger et un autre restaurant-bouillon. Ce dernier restaurant appartenait à Albert Victor Bergoin jusqu’à son décès survenu le 2 avril 1890, à l’âge de 28 ans ; le fonds est racheté par Félix Zacharie Caillat (1848-1901) et son épouse Adeline Florentine Caroline Gourlet, née en 1859, qui tenaient préalablement une affaire similaire au 53 boulevard Voltaire.
Le 6 janvier 1895, Félix Caillat écope d’une amende de 50 francs pour
un déficit de 10 à 16% sur des bouteilles de la contenance d’un demi-litre chacune qu’il débitait dans son bouillon.
Caillat étant décédé le 3 octobre 1901 à Montfaucon dans l’Aisne, la veuve Gourlet-Caillat conserve l’affaire qui semble excellente puisque, propriétaire du terrain mitoyen, situé au n°12 boulevard Barbès, elle obtient un permis de construire le 18 avril 1902 et charge les architectes Paul Dureau et Emile Orième d’y édifier un immeuble de sept étages…

Mais revenons à Scipion qui, dès l’inauguration de sa Fourmi, offre à son public, de nombreux spectacles et attractions se succédant à une fréquence élevée. Sont ainsi présentés :

— Champignol compère malgré lui, revue de V. de Cottens et P. Gavault (février 1894)
— Le Cirque Ponger’s (mars 1894)
— L’Article 7, le Cabinet Piperlin et le Lapin, pièces de théâtre (novembre 1894)
— Les Villarmé, danseurs parisiens (décembre 1894)
— 115 rue Pigalle, pièce avec Mme Augier du Palais Royal (décembre 1894)
— En Chemise ! revue (février 1895)
— Madame s’enchaîne, parodie à grand spectacle (avril 1895)
— Les Gifles, comédie de Guy de Téramond et Hippolyte Barbé (décembre 1896)
— Le Quart du Monde, folie-opérette de MM. Lannoy et Beaudoin (décembre 1896)
— Kif-Kif Bourricot, revue de MM. Albert Pajol et Hippolyte Barbé, avec Mlle Lancy de l’Eldorado (janvier 1897)
— Les Braves Gens, pièce littéraire (février 1897)
— Les Crampons, vaudeville de Téramond et Barbé (mars 1897)
— Le Procès Veauradieux, comédie de MM. Delacour et Hennequin (mars 1898)
— Voyez Terrasse ! revue de MM. Trébla et Peter Carin (novembre 1898)

Concert La Fourmi, affiches : Kif-Kif Bourricot (1897) — Madame s’enchaîne (1895)
Concert La Fourmi affiches.jpg
Concert La Fourmi affiches.jpg (178.17 Kio) Vu 3414 fois

Survient le Napoléon des Music-Halls ! Ainsi est surnommé le parisien Paul Jules Ruez (1860-1920), marié à Anna Marie Françoise Nedellec, qui, en 1898 reprend le Concert La Fourmi auprès de Scipion, celui-ci ayant procédé à la dissolution de sa société Scipion et Cie à compter du 19 octobre 1897.
Paul Ruez s’était fait connaître en prenant, en 1893, la direction du Concert des Folies Parisiennes qu’il avait quitté pour rejoindre le Bijou-Concert qui venait d’être transféré du n°11 Faubourg Poissonnière au n°37 Faubourg du Temple). A partir de sa prise en main de La Fourmi, Ruez rachète un nombre impressionnant d’établissements : en 1900, le Divan Japonais, 75 rue des Martyrs (acquis auprès de Gaston Habrekorn) qui devient la Comédie Mondaine et qui est repris par Emile Warmoës ; en 1901, le Libre Echange, 129 avenue de Clichy ; en 1903, le Parisiana, 27 boulevard Poissonnière acquis des frères Emile et Vincent Isola ; en 1905, l’Olympia et les Folies Bergère, provenant également de MM. Isola (ces 3 établissements lui avaient été vendus moyennant un versement journalier de 700 francs, payable tous les 5 jours) ; en 1909, le Moulin Rouge. Sans compter la création, en 1904, du Printania de la porte Maillot, le futur Luna-Park.
Compte tenu de cette situation de monopole, il lui est enjoint en août 1905 par la société des auteurs dramatiques dirigée par Alfred Capus, de revendre dans les trois mois, les baux de ces établissements pour n’en conserver qu’un seul. Cette mesure ne pourra être appliquée car Ruez était propriétaire et non locataire…

Au regard de tous ces mastodontes de music-halls, le Concert La Fourmi porte bien son nom, et, Paul Ruez qui avait fondé la
Société Ruez et Cie le 3 mai 1899 pour exploiter ce café-concert, ne tarde pas à s’en défaire : le 30 juillet 1904, cette société est dissoute.
La
Société Auroux et Bayard, créée le 12 août 1904 pour une durée de quatre ans, prend le relais pour tenir La Fourmi. Son fondateur est Guillaume Guérin dit Bayard, né à Clermont-Ferrand le 25 mai 1863. Anciennement employé au Bon Marché pendant sept ans, il a commencé sa carrière d’artiste lyrique aux Délassements comiques et s’est ensuite produit aux théâtres Montparnasse, Grenelle et des Gobelins.
La Fourmi continue à assurer concerts et attractions à 8 heures ½, les samedi, dimanche et lundi, et une grande matinée à deux heures tous les dimanches ; mais c’en est fini des grandes revues avec battage publicitaire. A partir de l’hiver 1906, on y commence la diffusion de représentations cinématographiques.


Concert de la Fourmi (cliché Mektoub, Cparama) — Paul Ruez (1860-1920)
Concert de la Fourmi (cliché Mektoub, Cparama) - Paul Ruez (1860-1920).jpg
Concert de la Fourmi (cliché Mektoub, Cparama) - Paul Ruez (1860-1920).jpg (133.84 Kio) Vu 3414 fois

La société Auroux et Bayard, constituée pour quatre ans, est dissoute comme prévu, le 2 février 1909. A partir de cette date, La Fourmi ne fait guère parler d’elle, hormis la constatation de son existence sur les divers annuaires officiels. Cette vie végétative est réveillée, à partir de 1919 par le signalement de représentations théâtrales et causeries ; à compter du 1er janvier 1923, le Club du Faubourg y assure des conférences et séances théâtrales ou cinématographiques, tous les jeudis à 20 heures 30.
En 1927 le Concert La Fourmi est détruit ; en 1932, le propriétaire des nouveaux locaux du n°10 boulevard Barbès n’est autre que Jéhouda dit Jules Lévitan (1857-1944) qui tient, au 18 boulevard Barbès, le magasin de meubles à l’enseigne « Paris-Mobiliers ».

Le 10 octobre 1930, la Fourmi renait de ses cendres au n°114 boulevard de Rochechouart, à une encablure de la Cigale qui se trouve au n°120. La direction de ce nouveau café-concert, théâtre, bar, académie de billard (tel est l’objet social de la société créée le 1er août 1931 pour son exploitation) est confiée à Denise Sanchez-Besa.
Le nouveau Concert La Fourmi fait long feu : dès le mois d’avril 1933, il est transformé en cinéma….

(1) Avant que plusieurs journaux ne le plagient plus tard (en 1895 et 1897) en le déformant, Emmanuel Patrick avait publié le 20 mars 1889, dans le journal l’Egalité, un petit article traitant du Bal du Grand Turc, avec également de nombreuses approximations.

(2) De son côté, Léon Pégard se retire en 1881, à l’âge de 43 ans, avec son épouse, à Useldange au Luxembourg et ne fera plus parler de lui. Il fera juste une apparition à Paris le 28 novembre 1882 pour venir témoigner au mariage de sa nièce Marie Thérèse Léonie Hippert, fille de sa sœur Marie-Gabrielle Pégard et de Michel-Ferdinand Hippert. Jean-Baptiste Firmin Pégard, père de Léon Pégard, est décédé le 29 septembre 1878 au Plessis-Trévise, commune de La Queue en Brie ; sa mère, Anne Françoise Wanderscheid, est décédée à Versailles le 31 décembre 1886.


(3) Pierre Larousse, dans son dictionnaire édité en 1878, nous donne l’origine exacte et détaillée des dîners mensuels du Bon bock
Au mois de février 1875, vingt-cinq amis, artistes et gens de lettres, se réunissaient dans un dîner pique-nique, chez le restaurateur Brautemer, pour entendre un professeur de déclamation, M. Gambini. Le photographe Carjat et Adrien Dezamy y récitèrent également des vers. Bref, la soirée fut si agréable que les convives décidèrent à l'unanimité qu'on recommencerait chaque mois un dîner analogue, auquel seraient conviés artistes, poètes, musiciens, hommes de rennes, chanteurs. Le graveur Bellot fut chargé de l'organisation de ces réunions artistiques. Le mois de mars suivant, eut lieu le premier dîner mensuel. Le banquet reçut le nom de diner du Bon bock, à cause du tableau le Bon bock, d’Edouard Manet, qui avait pris, comme modèle de son fameux buveur de bière, le graveur Bellot, qui fut nommé président de ces agapes. Les dîners du Bon bock avaient eu lieu d'abord au restaurant du Grand-Turc, boulevard Ornano. Ils ne tardèrent pas à être transférés à la Boule-Noire. Naturellement, le dîner du Bon bock n’est que le prologue d'une soirée littéraire et musicale, où se font entendre les plus célèbres artistes en tous genres. Parmi les principaux convives qui font partie ou qui firent partie du banquet du Bon bock, nous citerons les chanteurs Lassalle, Salomon, Boudouresque, le comédien Coquelin cadet, Charles Vincent, le général Cremer, La Bedollière, Edouard Manet, le caricaturiste Léonce Petit, Paul Arène, Gustave Aymard, Alex. Pothey, Charles Monselet, le caricaturiste Gill, le docteur Dupré, le peintre Victor Dupré, les députes Ordinaire et Charles Leconte, Alexis Bouvier, Léon Cladel, Alexandre Ducros, Adolphe Puissant, Tony Révillon, les frères Lionnet, le caricaturiste Randon, etc.

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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Le Palais de Castille, 19 avenue Kléber (XVIe arrt.)

Grégoire Ivanovitch Basilewski, ex porte-enseigne dans la garde russe — fils de l’ancien Conseiller d’Etat moscovite Pierre Basilewski (1794-1863) et de Catherine Gresser (1806-1864) laquelle est la fille de la princesse de Saint-Pétersbourg Anne Wolkonsky (1776-1827) —, mène grand train à Saint-Pétersbourg et accumule des dettes auprès du restaurant Dussaud appartenant au français M. Vavasseur ; pendant les années 1862 et 1863, Basilewski y prend des « repas de prince » sans en payer le prix ; s’étant réfugié à Paris où sa mère est mourante, mais également pour échapper à son créancier, il se retrouve en prison à Clichy, le 22 janvier 1864, où il moisit jusqu’à l’audience du 15 septembre 1864 du Tribunal civil de la Seine, afin répondre du paiement de ses agapes pour une somme de 7.285 livres, soit environ 30.000 francs. Le tribunal le condamne à payer 4.285 roubles, la somme de 3.000 livres étant éludée, faute de preuves. En mai 1865, toujours en prison, il est transféré dans une maison de santé rue Balzac... Durant ce laps de temps, ses parents décèdent tous deux à Paris, lieu de leur résidence, au 25 rue du Faubourg Saint-Honoré : son père le 8 décembre 1863, sa mère le 8 avril 1864.
Pendant que Grégoire Ivanovitch croupit en prison, son frère
Alexandre Petrovič Basilewski (1829-1899), collectionneur installé à Paris, engage l’architecte Clément Parent (1823-1884) afin d’édifier, au n°11 de l’avenue du Roi de Rome (future avenue Kléber), un véritable palais destiné à abriter ses collections, à la mesure de sa fortune apparemment illimitée (on le voit ainsi faire l’acquisition d’une collection d’émaux de Limoges, le 11 mars 1865, pour une valeur de 180.000 francs). Cet Hôtel particulier, élevé sur caves, constitué de deux étages dont le second sous combles, est bâti sur un terrain de 2.307 m² ; le n°11 avenue de Rome devient dans le même temps le n°19 avenue de Rome ; il est circonscrit à l’arrière par la rue La Pérouse (n°23) et sur le côté par la rue Pauquet (n°39), future avenue des Portugais.

La construction de ce Palais, achevée en mars 1867, Basilewski ne tarde pas à le mettre en vente et trouve preneur en la personne de la
Reine Isabelle II d’Espagne (1830-1904) et de son époux don François d’Assise de Bourbon (1822-1902), exilés en France en septembre 1868 et résidant provisoirement dans le Pavillon de Rohan du 172 rue de Rivoli.
Les actes sont rapidement établis puisque la transaction notariée est rédigée le 14 décembre 1868 par maîtres Berceau et Bouchard ; Edmond Thiboust, journaliste, frère du dramaturge décédé, est désigné dans les documents comme « command » (intermédiaire) ; Alexandre Petrovič Basilewski obtient la somme de 1.300.000 francs pour la vente de cet hôtel. Curieusement, tous les journaux de l’époque, sans exception, font état d’une vente à 1.600.000 francs, comme quoi il ne faut pas prendre leurs affirmations pour argent comptant…
Par arrêté préfectoral du 16 août 1879, l’avenue du Roi-de-Rome est rebaptisée
avenue Kléber.
Isabelle II résidera dans son
Palais de Castille jusqu’à son décès du 9 avril 1904.

TOUT PARIS - 1158 - Hôtel de la Reine Isabelle d'Espagne dit Palais de Castille avenue Kléber
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publié par zelig mer. 11 août 2021 16:26

Le 8 juillet 1905, l’Hôtel est vendu à la criée au prix de 2.800.050 francs, soit 50 francs de plus que sa mise à prix. L’adjudicataire est Léonard Auguste Tauber (1857-1944), déjà propriétaire de l’Hôtel Régina de la place des Pyramides, lequel fait cette acquisition dans le but d’y édifier à la place, un luxueux hôtel de voyageurs, dont l’architecte Armand Sibien (1855-1918) est chargé de dresser les plans.
Le Palais de Castille, une fois rasé, la construction de l’
Hôtel Majestic est réalisée de 1905 à 1908.
► voir ici l’Hôtel Majestic ayant supplanté le Palais de Castille en avril 1908

En 1936, Tauber arrête définitivement l’exploitation du luxueux Hôtel Majestic et cède l’ensemble de l’immeuble au Ministère de la Guerre afin qu’il y installe ses services annexes d’armement ; cette cession a lieu le 28 décembre 1936, au prix de 12.500.000 francs. Même l’Humanité s’en émeut ! De février à mai 1937, le mobilier de ses 380 chambres est vendu aux enchères publiques, procurant à la société hôtelière, une somme 3.199.494 francs.

A l’issue du conflit de 1940-1944, le bâtiment est affecté aux Affaires étrangères ; après que la décision en ait été prise dès novembre 1945, la Commission Préparatoire de l’Organisation pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), dirigée par le docteur Julian Huxley, est transférée, le 16 août 1946, de Londres à Paris, dans les locaux de l’ancien Hôtel Majestic de l’avenue Kléber ; elle y restera jusqu’à son déménagement en 1958, date à laquelle les Affaires étrangères s’y réinstallent.
L’Etat, faisant feu de tout bois, décide en 2007 de céder le bâtiment à la compagnie qatarie Barwa International pour 404 millions d’euros, laquelle le revend, dans l’année, pour 460 millions d’euros, au groupe Qatari Diar. Après y avoir réalisé « quelques menus travaux » pour 210 millions d’euros, l’Hôtel de Luxe Peninsula, propriété du groupe Katara Hospitality ouvre ses portes en 2014.
► voir ici le Palace Peninsula aujourd’hui

Un autre « Hôtel Majestic » a ouvert ses portes en 1961 au 30 rue La Pérouse, rue parallèle située à l’arrière de celui du 19 avenue Kléber. Il a été créé par Paul Baverez (1902-1981), le fils de Constant Baverez (1861-1930) qui était associé à Léonard Auguste Tauber lors de la fondation de l’Hôtel Régina Pyramides-Rivoli, du premier Splendid-Palace du n°19 avenue Kléber et de l’Hôtel Raphaël ouvert en 1925 au n°17 avenue Kléber.
Aujourd’hui, Françoise Baverez et Véronique Valcke, les fille et petite-fille de Paul Baverez, dirigent toujours les Hôtel Régina, Raphaël et Splendid-La Pérouse.

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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Hôtel Régina, 2 place des Pyramides et 192 rue de Rivoli (Ier arrt.)

Après avoir décidé, en 1564, la construction du Palais des Tuileries, perpendiculairement à la Seine, Catherine de Médicis (1519-1589), veuve d’Henri II, et en avoir confié l’exécution à l’architecte Philibert de l'Orme (1514-1570), la Royne mère poursuit son œuvre créatrice par la réalisation, à l’ouest de ce palais, du futur Jardin des Tuileries, et, au nord de celui-ci, de ses Ecuries et d’un grand Manège couvert.
Commencées en 1566 et achevées en 1568, ces
Ecuries dites de la Reine qui nous intéressent particulièrement, sont édifiées dans le prolongement de la façade du Palais des Tuileries, leur extrémité aboutissant à la rue Saint-Honoré. Moyennant 5.220 livres tournois, Guillaume Vaillant, maître parisien en charpenterie, a soumissionné le 18 août 1566, pour la fabrication et la pose de la charpente des combles desdites écuries, lesquelles se composaient à l’origine de deux bâtiments de trente toises quatre pieds de longueur chacun et de cinq toises six pouces de largeur ; à l’extrémité s’élevait un pavillon en retour d’équerre de cinq toises de profondeur sur une longueur de six toises cinq pieds.
Les
Escuries de la Royne mère, rebaptisées Ecuries du Roy dès avant 1609 puis Grande Ecurie des Tuileries, ne doivent pas être confondues avec les Ecuries du Roi, installées à Versailles entre 1672 et 1680, lesquelles vont supplanter celles des Tuileries qui vont rester à l’abandon, lors du départ de Louis XIV à Versailles en 1682. Ainsi, dans son ouvrage les Curiositez de Paris, de Versailles, de Marly, publié en 1716, Claude-Marin Saugrain confirme à mots couverts, lors d’une promenade aux Tuileries, que le Manège et l’Ecurie du Roy ne sont plus ce qu’ils étaient : Pour continuer à voir ce quartier avec ordre, et tout remarquer, il faut revenir le long du quai des Tuilleries ; traversant le jardin, vous trouverez le Manège qui servoit autrefois pour l’exercice des Princes, passez par la grande Ecurie du Roy ; il est facile de vous persuader qu’elle est des plus belles, puisqu’elle appartient à un si grand Prince. Elle est des mieux garnies, quoiqu’elle ne soit présentement qu’un abrégé de celle de Versailles.

Plan 1734-1739 réalisé par Michel-Etienne Turgot (1690-1751)
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Le 19 mars 1792, le Mercure universel annonce qu’une nouvelle salle de spectacle sera construite au 1er janvier 1793, sur l’emplacement des Ecuries du Roi, entre la rue Saint-Honoré et la cour du Manège, en face du jardin des Tuileries. L’avènement du régime de la Terreur, à partir d’août 1792, fait avorter ce projet.
De son côté, le Manège couvert, pendant des Ecuries du Roi, a fait l’objet d’importants travaux d’aménagement en 1789 pour accueillir les réunions des 1318 députés des Etats généraux, lesquels vont siéger dans cette salle à compter du 9 novembre 1789, relayés en 1795 par le Conseil des Cinq-cents jusqu’à son transfert au Palais Bourbon trois ans plus tard.

En date du 23 ventôse de l’an V (13 mars 1797), le Conseil des Cinq-cents présente le projet d’ouverture de la future rue de Rivoli longeant la partie septentrionale du jardin des Tuileries et qui s’étendra pour sa première partie depuis la cour des ci-devant Ecuries du Roy jusqu’à la place de la Concorde ; cette rue sera bordée par des bâtiments à construire, percés d’arcades formant un péristyle au rez-de-chaussée ; six rues aboutissant à la rue Saint-Honoré seront ouvertes sur les domaines nationaux, parallèlement à cette nouvelle voie. Le surplus des terrains sera distribué en portions destinées à la construction de maisons.
Un arrêté du 17 vendémiaire de l’an X (9 octobre 1801), entérine ce projet, et, le 2 frimaire de l’an XI (23 novembre 1802), les architectes
Charles Percier (1764-1838) et Pierre Fontaine (1762-1853), dressent les plans de la rue de Rivoli et de ses arcades qui devront être uniformes, selon la loi du 30 pluviôse de l’an XIII (20 février 1804).

Plan 1781, gravure Pierre-Gabriel Berthault (1737-1831)
000 Plan 1781 Ecuries du Roy.jpg
000 Plan 1781 Ecuries du Roy.jpg (141.74 Kio) Vu 3181 fois

Ce chantier de longue haleine atteint, en 1826, la rue de Rivoli au niveau des Ecuries du Roi. A cet emplacement traversé par la place des Pyramides et la future rue des Pyramides projetée, circonscrit par la rue Saint-Honoré au nord et la rue de Rivoli et le jardin des Tuileries au sud, la Couronne dispose d’une surface de 5.348 m² incluant lesdites Ecuries du Roi et un terrain vague encombré d’un mélange confus de barraques et de masures.
Sur ces terrains, la Couronne prévoit de réserver 1.573 m², en face des Tuileries, sur la partie droite de la place des Pyramides et de la future rue des Pyramides, afin d’y édifier les bâtimens nécessaires aux services civils et militaires du château, lesquels se composeraient, sur le devant de la rue, d’un hôtel dont les corps de garde d’infanterie, cavalerie et pompiers occuperaient les rez-de-chaussée, tandis que les étages supérieurs serviraient de commun pour le service de S.M. ; des écuries pour soixante chevaux seraient pratiquées dans l’espace de l’hôtel et la rue Saint-Honoré.
La Couronne, n’étant pas en mesure de financer les constructions envisagées, prend le parti de donner en concession, par un bail emphytéotique de 99 ans, la partie de terrain de 3.775 m², dont elle n’a pas l’utilité, située sur la partie gauche de la place et de la rue des Pyramides, le concessionnaire ayant l’autorisation d’y élever les bâtiments qu’il souhaite, sous réserve des normes édictées pour les abords de la rue de Rivoli et ses arcades ; à l’expiration de ce bail, les immeubles édifiés reviendront à la Couronne qui devra en régler la moitié de la valeur qu’ils auront à cette date.
En contrepartie de l’abandon de ce terrain au concessionnaire, celui-ci s’engage à édifier, immédiatement et à ses frais, les bâtiments ci-dessus énoncés, sur le terrain que la Couronne s’est réservé à droite des rue et place des Pyramides face aux Tuileries.
La Chambre des Députés s’empresse d’adopter ce projet le 5 mai 1826 et la Chambre des Pairs la suit le 27 mai. La loi du 21 juin 1826 entérine cette concession.

Les plans du bâtiment réservé à la Couronne, dont l’adresse provisoire se situe au
n°16 rue de Rivoli et n°2 place des Pyramides, sont réalisés par l’architecte Pierre Fontaine qui, on l’a vu, est le co-concepteur des arcades Rivoli ; l’architecte François-Alexandre Duquesney (1790-1849) est chargé d’en diriger les travaux.
Après qu’en décembre 1826, un concours ait été lancé, destiné à accueillir les soumissions pour cette concession au plus tard le 19 février 1827, l’adjudication des terrains par bail emphytéotique est allouée le 22 avril 1828 à
Jean-Baptiste Germain de Chantereine (1789-1851), moyennant une redevance annuelle de mille francs.
Celui-ci commence aussitôt la construction exigée par ce contrat (sur le terrain de 1.573 m² des anciennes Ecuries du Roi), comme l’annonce, dès le 13 mai 1828, le journal
la France Nouvelle qui précise qu’une partie du bâtiment du fond doit servir d’écurie pour la maison du Roi (Charles X). Dans le même temps, Chantereine fait édifier des bâtiments sur le terrain qui lui a été concédé (terrain de 3.775 m²) et emprunte, pour ce faire, une somme de 580.000 francs au banquier José Maria Fidel Moreno de Mora (1774-1857). Celui-ci aura bien du mal à en obtenir le remboursement si l’on en croit les attendus des procès du 2 juillet 1830 et 10 mai 1831 devant le Tribunal civil de la Seine : Chantereine vendait ses immeubles « emphytéosés », au fur et à mesure de leur réalisation…

L’ensemble des constructions, ainsi que la finition de la place des Pyramides et de la rue éponyme sont achevés à la fin 1831. Dès octobre 1832, on signale qu’un bataillon d’infanterie est logé dans une partie du bâtiment de la place des Pyramides, au n°16 rue de Rivoli.

Immeuble angle n°2 place des Pyramides / n°192 rue de Rivoli (cliché Carpostale et Agoronca, Cparama)
2 Immeuble angle 2 place des Pyramides 192 rue de Rivoli.jpg
2 Immeuble angle 2 place des Pyramides 192 rue de Rivoli.jpg (107.85 Kio) Vu 3181 fois

Une Caserne de Sapeurs-Pompiers y est installée à demeure, depuis 1838 jusqu’en 1853.
A partir de 1854, le bâtiment est réservé au Ministère de la Maison de l’Empereur, auquel sont attachés Charles de Bure, trésorier général de la Couronne et Edmond Davillier, officier d’ordonnance de l’Empereur.
En 1856, la rue de Rivoli à présent prolongée, la numérotation de la voie est modifiée : le n°16 rue de Rivoli devient, définitivement, le
n°192 rue de Rivoli.
Le bâtiment reçoit ensuite plusieurs affectations :
— De 1860 à 1870, il est occupé par le Cabinet du Grand maître des cérémonies, par Jean-François Mocquart, chef du cabinet de l’Empereur, par Honoré Tirmarche, évêque d’Adras, 2e aumonier de l’Empereur et par Henri Conneau, 1er médecin de l’empereur.
— De 1871 à 1882, il devient le Bureau de la liquidation de la liste civile et le Bureau des bâtiments civils.
— Enfin, à partir de 1883, l’immeuble est occupé par la Direction générale de l’enregistrement, des domaines et du timbre dépendant du Ministère des finances.

Le 6 avril 1897, le Parlement dépose à la Commission du budget, pour acceptation, un projet de loi dont l’article 3 prévoit
la vente de l’immeuble domanial du n°192 rue de Rivoli. Cette cession permettrait de financer en partie la reconstruction de la Cour des Comptes qui a été incendiée par les communards en 1871 et l’aménagement d’un musée des Arts décoratifs dans le Pavillon de Marsan ; les services de l’enregistrement des domaines et du timbre de la rue de Rivoli seraient transférés au sein même du Ministère des Finances.
La loi du 12 novembre 1897 entérine ce projet :
« est autorisée, aux conditions ordinaires d’aliénation des biens de l’Etat, la vente de l’immeuble domanial situé rue de Rivoli, n°192. »
La Direction des Domaines fait publier plusieurs annonces dans quelques journaux parisiens, indiquant que l’Hôtel des Pyramides du n°192 rue de Rivoli, d’une superficie de 1.421 m² (626 m² bâtis + une vaste cour) est proposé aux enchères publiques du 8 octobre 1898, sur une mise à prix de 1.200.000 francs.
L’adjudication est remportée par la Compagnie d’assurances sur la vie La France, au prix de 1.200.100 francs.

Adjudication de l’immeuble n°192 rue de Rivoli, 8 octobre 1898 — Hôtel Régina, immeuble propriété de la Cie La France
(La Compagnie d’assurances sur la vie La France s’est empressée d’apposer, une plaque sur l’immeuble dont elle s’est rendu propriétaire le 8 octobre 1898)
3 Adjudication anciennes Ecuries du Roy 8 octobre 1898 - Hôtel Régina Cie La France.jpg
3 Adjudication anciennes Ecuries du Roy 8 octobre 1898 - Hôtel Régina Cie La France.jpg (157.43 Kio) Vu 3181 fois

Dès le 12 novembre 1898, soit le mois suivant l’acquisition de ce bâtiment, Léonard Auguste Tauber crée la Société Hôtel Régina, au capital de 400.000 francs, ayant pour objet l’exploitation dudit immeuble auquel il donne le nom d’Hôtel Régina. Sont nommés administrateurs de la société : Léonard Tauber, 5 rue des Capucines ; Charles Wenger, 6 rue Martel, commissionnaire en marchandises, témoin lors du mariage de Tauber en 1892 ; Henri Weigel, 42 rue Cambon, représentant de commerce, beau-père de Tauber.
Léonard Auguste Tauber (1857-1944), né à Vienne en Autriche où son père était hôtelier, arrivé en France en 1881, est naturalisé français depuis le 18 juillet 1892. Marié le 3 septembre 1892 avec Cécile Henriette Weigel (née en 1866 à Paris), Léonard Tauber est, à cette date, directeur de l’Hôtel Meurice situé au n°228 rue de Rivoli, dont le propriétaire, Henri Joseph Scheurich, a également été témoin au mariage de Tauber. Depuis le 15 janvier 1894, Tauber est propriétaire de l’Hôtel de Calais (aujourd’hui Hôtel Mansart), 5 rue des Capucines, établissement qu’il a acquis de M. Lebègue.

Un bail est signé entre la Cie d’assurances La France et la société Hôtel Régina qui engage de gros travaux d’aménagement pour habiliter l’immeuble à son nouvel usage hôtelier ; c’est l’architecte Armand Sibien (1855-1918) qui se charge de ceux-ci. Il faut préciser ici que Sibien, expert aux tribunaux, remplit les fonctions d’architecte de la compagnie d’assurances La France. C’est dont Sibien et probablement Scheurich de l’hôtel Meurice, qui ont aidé Tauber à contacter la Cie La France pour l’affermage à l’Hôtel Régina.
L’inauguration de l’Hôtel Régina a lieu le 1er mars 1900, à point nommé pour l’ouverture de l’Exposition universelle. On y annonce sa
« magnifique situation en face du Jardin des Tuileries, son confort moderne, ses 200 chambres et salons, ses 40 salles de bains, ses chambres depuis 5 francs par jour service et éclairage compris ».

TOUT PARIS - 1380 – La Place des Pyramides - L'Hôtel Régina (Ier arrt.)
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publié par zelig sam. 16 avr. 2022 13:48

Tauber à la tête de l’Hôtel Régina et de l’Hôtel de Calais, ne s’arrête pas en si bon chemin. Le 8 juillet 1905, il rachète à la criée, au prix de 2.800.050 francs, l’Hôtel de la Reine Isabelle d'Espagne dit Palais de Castille, 19 avenue Kléber ; après l’avoir fait raser, il y fait construire, sur les plans de l’inévitable architecte Armand Sibien, l’Hôtel Majestic qui sera inauguré en avril 1908.
► voir ici quelques renseignements sur le Palais de Castille

Le 11 décembre 1906, Tauber procède à la constitution de la société Union hôtelière parisienne ayant pour objet l’exploitation des fonds de commerce de l’Hôtel de Calais et de l’Hôtel Vendôme, 1 place Vendôme qui était jusqu’alors dirigé par Jean Wetzel. Tauber apporte en outre à cette société, une partie des actions qu’il possède dans la Société Hôtel Régina, dans la Société Hôtel Majestic Paris, dans la Société de l’Hôtel Meurice et dans la Société de l’Hôtel de l’Etoile. Sont nommés administrateurs de ladite société : Léonard Auguste Tauber, Jean Wetzel, Henri Wiener, Constant Baverez, Arthur Million, Arthur Geissler, Edouard Charvet et Henri Weigel.

Les résultats bénéficiaires de l’Hôtel Régina sont conséquents : 1.137.849 francs en 1906, 1.129.523 francs en 1907… Ce qui lui permet d’envisager l’avenir sous d’heureux auspices. Aussi, Léonard Tauber signe, en 1908, avec la Cie d’assurance La France, un accord, prorogeant le bail initial de dix ans, soit jusqu’en 1950 et une promesse de vente de l’immeuble, au prix de 2.702.000 francs, moyennant le paiement préalable de 400.000 francs en dix annuités. Dans le même temps, l’Hôtel Régina fait l’acquisition de plusieurs propriétés emphytéotiques sur les immeubles attenant à l’Hôtel (en 1911, la valeur cumulée de ces acquisitions s’élève à 1.806.775 francs).

Hôtel Régina, le Restaurant et le Hall
4 Hôtel Régina, le Restaurant et le Hall.jpg
4 Hôtel Régina, le Restaurant et le Hall.jpg (107.4 Kio) Vu 3181 fois

La période du conflit franco-allemand est évidemment néfaste aux affaires du Régina. Et ce, d’autant que les origines autrichiennes de Léonard Tauber et du directeur de l’Hôtel, Grégoire Pabst (1879-1961), en 1914 et 1915 (Pabst, originaire de Kodau en Autriche était naturalisé français depuis le 25 janvier 1913), suscitent de nombreuses interrogations dans la presse acharnée contre les prussiens. Les résultats s’en ressentent : pertes de 107.447 francs en 1915 et de 255.090 francs en 1916, puis bénéfice de 149.235 francs en 1917…
En septembre 1918, l’Hôtel Regina loue son établissement à la Croix Rouge américaine qui y installe ses quartiers généraux jusqu’en mai 1919.

Dès la fin de la guerre, l’Hôtel Régina renoue avec les bénéfices : 2.834 .843 francs pour l’exercice 1920. L’occasion pour Léonard Tauber de continuer ses investissements hôteliers en prenant à bail, en décembre 1924, l’immeuble du n°17 avenue Kléber à l’angle du n°2 avenue des Portugais, situé en vis-à-vis de son Hôtel Majestic, afin de le transformer en hôtel de voyageurs. L’architecte André Rousselot dressera les plans d’aménagement de cet établissement qui ouvrira ses portes en 1925, sous l’enseigne d’Hôtel Raphaël.

L’année suivante, le 30 mars 1926, l’Etat concède à l’Hôtel Régina la pleine propriété des terrains et immeubles emphytéosés des 2 à 8 rue des Pyramides et 185 rue st honoré (1333 m² dont 1109 m² construits), moyennant l’abandon à l’Etat de l’immeuble du 5 rue des Pyramides (297 m² dont 227 m² construits) et le paiement d’une soulte de 8 millions de francs.
Ce n’est qu’en 1943 que la Cie La France cède l’immeuble du 192 rue de Rivoli, l’Hôtel Régina devenant enfin totalement propriétaire de ses murs. A cette date
Paul Baverez (1902-1981), administrateur délégué de l’hôtel, depuis le décès de son père Constant en 1930, est PDG de l’Hôtel Régina. Constant Baverez (1861-1930), qui était à l’origine, propriétaire de l’Hôtel de l’Europe à Besançon, était depuis 1908 administrateur délégué du Régina.

Aujourd’hui, l’Hôtel Régina de la place des Pyramides, l’Hôtel Raphaël du 17 avenue Kleber et le nouvel Hôtel Majestic du 30 rue La Pérouse (l’ancien Hôtel Majestic du 19 avenue Kléber est à présent la propriété du groupe Katara Hospitality sous le nom d’Hôtel Peninsula) sont toujours dirigés par les fille et petite-fille de Paul Baverez, Françoise Baverez et Véronique Valcke.


Hôtel Régina place des Pyramides — Hôtel Régina, salon Louis XVI (cliché Agoronca, Cparama)
5 Hôtel Régina place des Pyramides - Hotel Régina salon Louis XVI (cliché Agoronca, Cparama).jpg
5 Hôtel Régina place des Pyramides - Hotel Régina salon Louis XVI (cliché Agoronca, Cparama).jpg (108.39 Kio) Vu 3181 fois

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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

L’Église Notre-Dame-de-la-Croix de Ménilmontant, rue Etienne Dolet (XXe arrt)

La première chapelle de Ménilmontant, quartier de la commune de Belleville, est édifiée en 1823 en bas du chemin des Nonnains (rue de la Mare), à hauteur du numéro 69 de la chaussée de Ménilmontant (rue de Ménilmontant). Cette église, dédiée à Notre-Dame-de-la-Croix, est bénie en 1835 par l’archevêque de Paris Hyacinthe-Louis de Quélen, selon les affirmations du curé de Saint-Sulpice André Jean Marie Hamon.
Cette chapelle étant trop exiguë pour le nombre de paroissiens du secteur, la commune de Belleville obtient, par un décret du 25 octobre 1853, l’autorisation de construire une Eglise à cet emplacement, et d’acquérir de divers propriétaires, les terrains nécessaires à cette édification. C’est ainsi que les sieurs Guillaume, Bigle, Becquerel et consorts sont aussitôt contraints de céder leurs parcelles circonvoisines de la « place de Ménilmontant » et de cette chapelle.
Un nouveau décret du 15 janvier 1859 vient compléter cette première autorisation, accroissant le terrain d’assise de la future église et prévoyant les aménagements des abords de cet édifice.
L’annexion de Belleville à Paris en 1860, permet enfin, financièrement, de voir le projet se réaliser. L’architecte Louis-Jean-Antoine Héret (1821-1899) est chargé, en 1862, de dresser les plans de ce monument, doté d’un clocher haut de 78 mètres, sur une surface de 3.195 m² ; sa façade d’entrée principale, située sur la rue Julien Lacroix (ancienne rue des Trois Couronnes), est précédée d’un escalier de 54 marches permettant de rattraper le sévère dénivelé de la rue de Ménilmontant ; deux autres entrées sont aménagées : l’une ouvre à gauche, par la crypte, sur la rue d’Eupatoria
(► voir ici), l’autre communique, à droite, avec le 69 de la rue de Ménilmontant.
La Commission des travaux nommée par le Conseil municipal entérine un devis s’élevant à 2.584.368 francs.

Rue d'Eupatoria et Eglise ND de la Croix (Cliché Babs, Cparama)) — Abside de l'Eglise ND de la Croix (cliché Zelig, Cparama)
Rue d'Eupatoria et Eglise ND de la Croix - Abside de l'Eglise ND de la Croix.jpg
Rue d'Eupatoria et Eglise ND de la Croix - Abside de l'Eglise ND de la Croix.jpg (108.07 Kio) Vu 3096 fois

La première adjudication des travaux et fournitures destinés à cette construction a lieu le 22 mai 1863, devant le Conseil de préfecture de l’Hôtel de Ville : ce marché est réparti en trois lots estimés à 1.954.626 fr. 86.
Suit, le 11 août 1866, une nouvelle adjudication, concernant les autres corps de métiers attribués à :
— M. Rigoulot, lot menuiserie, au prix de 41.569 fr. 53, moyennant un rabais de 12,77 %.
— M. Bonnetaint, lot couverture et plomberie, au prix de 52.917 fr. 60, moyennant un rabais de 14,66 %.
— M. Navet et Cie, lot peinture et vitrerie, au prix de 41.590 fr. 52, moyennant un rabais de 31,35 %.
Ce vaste chantier commencé dès 1863 est suivi de près par quelques bonnes feuilles parisiennes : en juillet 1864,
les travaux se poursuivent activement ; en avril 1865, le gros œuvre est actuellement au-dessous des chapiteaux des colonnes de la grande nef ; en octobre 1867, on annonce que les travaux de maçonnerie seront achevés dans le courant de l’année prochaine ; en octobre 1869, on fait la sculpture des chapiteaux des autels et le ravalement de la grande porte d’entrée avec sculpture des ornements…
En 1869, l’Eglise Notre-Dame-de-la-Croix de Ménilmontant ouvre ses portes au public, mais ne sera définitivement achevée qu’en 1880, avec toutes ses décorations, sculptures, peintures et fresques.
La fourniture du mobilier sera adjugée à M. Gautier père, demeurant à Paris, rue Broussais, n°2, en date du 2 octobre 1872, au prix de 11.892 francs, avec un rabais de 11,67 %.

TOUT PARIS - 239 - Eglise Notre-Dame de la Croix - Rue Etienne Dolet
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publié par JeanMarc lun. 20 déc. 2021 09:21

Concernant les décorations artistiques de l’Eglise de Ménilmontant, en voici l’essentiel des réalisations :
Peintures (coût 27.579 francs) :
— Joseph Hussenot (1827-1896), 14 Cartons du chemin de croix, commande de 1875.
— Jules-Louis Machard (1839-1900), 3 toiles marouflées : Visitation, Stabat et Annonciation, commande de 1875.
(► voir ici)
— Xavier-Alphonse Monchalon (1835-1907), 1 toile marouflée L’Assomption, commande de 1882. (► voir ici)
— Pierre-Claude François Delorme (1783-1859), Jésus dans les limbes, toile de 1819 provenant de l’Eglise Notre-Dame de Paris, concédée à l’Eglise de Ménilmontant en 1884. (► voir ici)
— Jean-Périn Granger (1779-1840) Jésus guérissant les malades, toile de 1827 provenant de l’Eglise Notre-Dame de Paris, concédée à l’Eglise de Ménilmontant en 1884. (► voir ici)
Sculptures (coût 30.396 francs) : Joseph Tournois, Raymond Barthélémy, Louis-Léopold Chambard, Ferdinand Leenhoff et Séraphin Denécheau.
Vitraux (coût 25.800 francs) : Commande faite auprès du peintre-verrier clermontois Charles Desgranges qui l’a cédée à M. Ména, peintre verrier installé au 12 rue Mogador (future rue de Tlemcen) Vitraux réalisés en 1867.

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JeanMarc
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Re: Bâtiments, sites, curiosités et monuments emblématiques parisiens

Usine Leroy et fils, 11 rue du Château-Landon (Xe arrt.)

Les débuts « chaotiques » ou tout au moins improbables d’Isidore-Louis Leroy
Louis-Joseph Bissonnet, fabricant de papiers peints au 102 rue Popincourt dans le 11e arrt., a bien du mal à protéger son invention d’un procédé de fabrication de papier peint et rayé dont il a déposé le brevet pour cinq ans le 14 novembre 1838.
Par actes des 6 et 10 décembre 1838 passés devant Jean-Claude Debière, notaire à Paris, ledit Bissonnet crée la société en commandite
Bissonnet et Cie, ayant pour objet l’exploitation de ce brevet ; ses associés sont Louis-Robert Cabouret, Louis-Pierre Leroy et Charles Leroy, tous trois se déclarant banquiers et demeurant ensemble à Paris 1er, au 9 rue du Four-Saint-Honoré (rue Vauvilliers en 1864).
A peine deux ans après, les associés décident de mettre leur société en liquidation amiable, avec pour liquidateur l’avoué Pierre-André Leblant ; le 15 mai 1840, la société Bissonnet et Cie est dissoute par devant maître Ambroise Charles Godot notaire à Paris ; Louis-Joseph Bissonnet reste seul propriétaire de son brevet d’invention, de par un acte de cession signé le 5 septembre 1840 entre celui-ci et ses trois commanditaires, les sieurs Leroy et Cabouret. Le 24 mars 1843, Bissonnet renouvelle pour cinq ans, son brevet de
machine à imprimer le papier de tenture par frottement ou par relief.
Entre temps, les anciens ouvriers de Bissonnet exploitent sans vergogne son invention, et de multiples procès et saisies s’ensuivent. Ainsi, le sieur Pernelle, ex-ouvrier de Bissonnet, ayant rejoint l’entreprise Dolbecque pour y concevoir et exploiter une machine identique, gagne un premier procès intenté le 16 mars 1841, Dolbecque ayant fait jouer sa « bonne foi ».
En juin 1842, il n’en sera pas de même avec les sieurs Pautret et Decachez, également ex-salariés de Bissonnet, qui voient leur matériel saisi.
Mais le procès le plus retentissant est celui qui oppose Bissonnet à son ancien ouvrier
Isidore-Louis Leroy (1816-1899) qui, lui, s’est installé en 1840 au 59 rue Lafayette dans le Xe arrt., et a fait l’acquisition du brevet Brocchi du 23 septembre 1840, pour le procédé d’une machine à impression simultanée de plusieurs couleurs, pour papiers de tenture et d’un cylindre imprimeur pour papiers et étoffes, et pour lequel procédé, Leroy a obtenu le 30 septembre 1842 un brevet d’addition et de perfectionnement pour dix ans.
Le 6 mai 1841, Bissonnet fait saisir, chez Isidore Leroy, une machine à deux couleurs, confectionnée en contrefaçon du brevet de Bissonnet. Isidore Leroy réitère et se voit, le 10 octobre 1842, confisquée une seconde machine pour les mêmes raisons. A la suite des quatre jours d’audience du procès Bissonnet contre Leroy et son complice Cabouret,
bailleur des fonds nécessaires à l’achat des machines et aux frais d’exploitation de l’entreprise, lesdits Leroy et Cabouret sont condamnés le 9 mai 1845 devant la 6e chambre du tribunal correctionnel de la Seine :
— à une amende de 750 francs qui devra être versée à la Caisse des hospices de Paris ;
— à payer une somme de 3.000 francs à Bissonnet à titre de dommages-intérêts ;
— à la confiscation définitive des deux machines saisies, au profit de Bissonnet.

Il faut préciser pour la petite histoire, que les commanditaires que Louis-Joseph Bissonnet avait choisis en 1838 pour exploiter son brevet et qui se prétendaient banquiers étaient en fait, l’un marchand charcutier, l’autre fabriquant de chandelles, le troisième négociant-banquier ; et tous trois étaient de la famille d’Isidore-Louis Leroy, l’ex apprenti de Bissonnet :
— Louis-Robert Cabouret né en 1796, charcutier rue de l’Oseille en 1821 puis au 46 rue Saint-Antoine en 1830, était le beau-frère d’Isidore Leroy, par son mariage avec sa sœur Rose Elizabeth Leroy ;
— Louis Pierre Leroy (1805-1874), frère aîné d’Isidore, était négociant-banquier au 9 rue du Four-Saint-Honoré ;
— Charles Leroy (1808-1879), second frère aîné d’Isidore, né comme tous ses frères et sœurs à Champcueil, dirigeait une usine de chandelles à Gentilly.


TOUT PARIS - 1323 - Usine Leroy et Fils, Rue Château-Landon - Vue prise du Faubourg Saint-Martin (Xe arrt.)
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publié par zelig mer. 19 mai 2021 22:30

L’ascension vertigineuse d’Isidore-Louis Leroy, devenu le plus gros fabricant de papiers peints de l’hexagone
Si Bissonnet ne fera plus parler de lui après 1845, il n’en est pas de même d’Isidore-Louis Leroy qui, poursuivant sur sa lancée, va développer et perfectionner considérablement sa fabrique de papiers peints.
En 1850, ses locaux devenant trop étroits, il les déménage du n°59 au
n°86 rue Lafayette près le marché à fourrages (un des trois marchés aux fourrages parisiens de cette époque se situait depuis 1829 dans le faubourg Saint-Martin, près de la rue Lafayette). Il emploie déjà 120 salariés, aux alentours de 1860.
Puis, en 1865, nouveau déménagement de ses 310 ouvriers et de ses nombreuses machines, au
170 rue Lafayette, le long du pont traversant les voies ferrées de la gare de l’Est.
Les fils d’Isidore,
Charles-Isidore Leroy (1856-1921) et Louis-Pierre Leroy (1847-1891) sont associés à leur père lorsqu’en 1879, l’usine de papiers peints est contrainte de déménager à nouveau et s’installe, cette fois-ci de manière pérenne, à quelques mètres, près de l’angle de la rue Lafayette, au 11 rue du Château-Landon.
L’Usine Leroy et Fils s’agrandit encore en 1901 en occupant les bâtiments contigus aux 13 et 15 de la rue du Château-Landon ; à partir de 1907, toute la travée du 7 au 15 de la rue lui est consacrée.
En 1911, la Compagnie des Chemin de fer de l’Est procède à l’expropriation de l’usine Leroy qui obtient une indemnisation de sept millions de francs.
A l’aide de cette compensation, Charles-Isidore Leroy fait l’acquisition, en 1912, de six hectares de terrains et d’une ancienne sucrerie située à Saint-Fargeau Ponthierry, sur laquelle il fait construire sa nouvelle usine, étendue sur 28.000 m² avec une cheminée de 55 mètres, achevée en 1914.
L’usine Leroy continue sa croissance et fait bâtir une cité ouvrière pour ses 350 salariés ; une Harmonie des papiers peints est même mise en place, mais pas de Kiosque à musique…
A partir de 1973, l’usine Leroy commence à péricliter et ferme ses portes définitivement en 1982.

Usine Leroy de Ponthierry
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