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par JeanMarc
jeu. 7 janv. 2021 14:29
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Sujet : Le Parc des Buttes-Chaumont dans ses coins et recoins
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Re: Le Parc des Buttes-Chaumont dans ses coins et recoins

B — Historique de la Butte de Chaumont

Nommée calvus mons (Mont Chauve) en raison de l’impossibilité d’y faire pousser quoi que ce soit, la Butte de Chaumont, est située sur le territoire de Poitronville, devenu en 1451 la commune de Belleville. On y a exploité le gypse pendant des siècles pour en extraire le plâtre et la chaux nécessaires aux constructions parisiennes.
Les cartes les plus anciennes, notamment celle de Jouvin de Rochefort de 1674, tout comme les écrits des XVIIe et XVIIIe siècles conservés, mentionnent systématiquement ce nom de Butte Chaumont, et ce n’est que par une confusion inexplicable qu’à partir de 1808, on l’a « canonisée », la désignant pendant quelques années sous le nom de
Butte de Saint-Chaumont.
Le plus ancien des manuscrits faisant allusion à ce lieu-dit, daté de novembre 1216, est très clair à ce sujet puisqu’il indique : « in territorio dicto de Calvomonte prope patibulum seu gibetum parisiensem » (sur le territoire du Mont Chauve près du gibet de la potence parisienne).
Les religieuses de la communauté de Saint-Chaumont ou Chaumond, tout d’abord établies à Charonne en 1661, qui avaient acquis le 31 août 1683, au prix de 92.000 livres, auprès du sieur Claude Menardeau, un hôtel situé rue Saint-Denis à Paris afin de s’y installer, n’avaient rien à voir avec la Butte de Chaumont, contrairement à ce que certains ont prétendu.
Ces carrières plâtrières, constituées en fait de plusieurs monticules, deviennent finalement les Buttes de Saint-Chaumont à partir de 1816 pour devenir en 1840,
les Buttes-Chaumont.

La Butte de Chaumont, l’Hôpital Saint Louis et le Gibet de Montfaucon (Plan de 1608 du topographe Claude Chastillon)
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La Butte de Chaumont (détail) (Plan de 1608 de Claude Chastillon)
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01 Paris - Buttes-Chaumont - La Butte de Chaumont en 1608 (Gravure de Claude Chastillon) détail.jpg (104.69 Kio) Vu 12593 fois

L’exploitation outrancière de ces carrières entraîne inévitablement la dangerosité du site qui se trouve truffé de fondrières et de fontis. Les autorités y veillent toutefois : ainsi, le 25 mai 1780, l’architecte du roi, Charles-Axel Guillaumot, contrôleur et inspecteur-général des travaux relatifs aux carrières, accompagné d’une floppée d’architectes et d’ingénieurs, fait procéder à l’abaissement du ciel d’une vaste carrière à plâtre exploitée par cavage, située précisément sur la butte Chaumont de Belleville ; le vide de cette carrière étoit de 50 à 55 pieds de hauteur (16 mètres), présentant vers le chemin de Paris à Pantin, un front de 90 toises de longueur (175 mètres) sur environ 36 de profondeur (70 mètres) ; le ciel en étoit soutenu par 30 pilliers, dans lesquels on avoit pratiqué 255 trous de mines qui ont été chargés d’environ trois mille livres de poudre à canon. On a mis le feu sur les 7 heures du soir ; deux minutes et demie ont suffi pour opérer le renversement des pilliers et occasionner l’affaissement du ciel.

Plan partiel des Communes de La Villette et de Belleville vers 1672 (Jouvin de Rochefort)
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Le 30 août 1788, par devant Me Girardin notaire à Paris, Pierre-Charles Cottin (1), maître jardinier à Paris, et son épouse Agnès Andrieux, cèdent 4 arpens de terre (13.675 m²) situés à la butte Chaumont, à Jean Fessart, maître maçon à Paris. L’acte est enregistré au bureau des hypothèques le 26 septembre 1791.
Le citoyen Jean Fessart qui agrandit ainsi ses possessions sur les carrières de la Butte de Chaumont, est bien connu à Belleville ; c’est lui qui, en 1790, est autorisé à acquérir ce qui subsiste des quelques piliers ruinés du ci-devant gibet de Montfaucon de la place du Combat, gibet, qui par ailleurs n’était plus que symbolique depuis 1627. Ces piliers ont servi à bâtir une partie du parapet du canal Saint-Martin.
Fessart va acheter le 5 novembre 1793, une maison sise « grande rue et à l’entrée de Belleville », auprès de Paul Armand Favart, le fils du dramaturge bellevillois, Charles Simon Favart. (2)

L’activité de la Butte de Chaumont y reste florissante jusqu’à la fin du XVIIIe siècle : chacune des voitures des propriétaires des carrières à plâtre de la Butte de Chaumont à Belleville effectue six voyages par jour pour livrer les matériaux à Paris et, compte tenu de ces très nombreux passages, lesdits plâtriers demandent à être
exempts du droit de passe, le 1er germinal de l’an VI (21 mars 1798), auprès du Conseil des Cinq-Cents.

Au XIXe siècle, l’épuisement des ressources du gypse se fait sentir dans ces carrières qui, aux dires de très nombreux journaux de l’époque, deviennent un repaire de malandrins de tout acabit, connues pour être un lieu malfamé.
Les fréquentes victimes d’effondrements des carrières obligent la municipalité à interdire l’exploitation de plusieurs sites ; Jean Fessart ayant continué à faire extraire le gypse par ses plâtriers, au moyen du procédé du cavage à flanc de colline, en dépit des ordonnances qui l’interdisent, écope d’une amende de 300 francs le 26 juillet 1806.


Acquisition terrain de 4 arpents par Jean Fessart, le 17 novembre 1791 — Jean Fessart rattrapé par la patrouille le 27 juillet 1806
02 Acquisition terrain Jean Fessart 17 novembre 1791 - Jean Fessart rattrapé par la patrouille 27 juillet 1806.jpg
02 Acquisition terrain Jean Fessart 17 novembre 1791 - Jean Fessart rattrapé par la patrouille 27 juillet 1806.jpg (129.13 Kio) Vu 12593 fois

Les communards ayant détruit, en 1871, les archives de Paris et des communes limitrophes, dont Belleville, nous n’avons pu découvrir, le sort de Jean Fessart qui pourrait être décédé le 27 juin 1824 selon les archives parisiennes reconstituées. Toujours est-il que la commune de Belleville ne l’a pas oublié, puisqu’en mai 1830, on lui ouvre une ruelle Fessart, en fait l’impasse Fessart qui deviendra la rue Mélingue, au bout de laquelle sera construite la machinerie du funiculaire de Belleville ; enfin c’est une rue qui porte son nom dès avant 1844 : cette voie part de la rue des Alouettes et rejoint la future rue Vera-Cruz (rue Botzaris) ; elle sera ultérieurement prolongée d’un côté jusqu’à l’église Saint-Jean-Baptiste de Belleville et de l’autre côté sur la place du Combat (Colonel-Fabien).

Un certain Guillaume Higonnet, né à Maubeuge en 1802, demeurant à Paris au 5 de la rue Neuve de la Félicité, architecte, plâtrier, négociant, roué aux affaires, va prendre en main, en tant que locataire, une partie des carrières des Buttes de Chaumont et bientôt la totalité de sa voisine, les Carrières d’Amérique, situées à l’est de la rue de Crimée.
Installé à la butte Saint-Chaumont dès 1829 où il tient un établissement de fours à coke servant à la cuisson du plâtre, il dépose plusieurs brevets notamment un moulin à pulvériser la terre cuite ou encore une machine à broyer le plâtre.
En 1837, Higonnet, toujours à la tête de ses fours à coke, fait connaissance de Jean Ménans (1805-1874) qui, possédant depuis 1832, avec ses deux frères Joseph et Simon, des Hauts-fourneaux à Valay dans la Haute-Saône et une houillère à Chaney-Saint-Etienne, fait de son côté quelques recherches sur les minerais de fer et la houille (3).
Higonnet,
très fin en affaires, convainc Jean Ménans de créer, le 13 mars 1838, la Société civile de la Houillère de Chaney Saint-Etienne, afin d’y apporter sa houillère au prix de 1.600.000 francs, en association avec le banquier Jacques Laffitte et l’avocat Jacques François Dupont de Bussac.
Le sieur Higonnet va défrayer la chronique pour avoir ensuite procédé à une surévaluation de l’apport de ces mines au détriment des actionnaires de la société civile de la Houillère, mais à son profit et de celui de ses comparses Laffitte et Dupont…
Higonnet va procéder de manière identique en prenant à bail le 2 juin 1838, la totalité de la Carrière d’Amérique, dont Charles Maximilien Joseph Delheid d'Amblève est propriétaire, et en procédant à une surévaluation de l’actif apporté à la Société Plâtrière de Paris Higonnet et Cie, de connivence avec ses mêmes acolytes Laffitte et Dupont. L’affaire se termine, après quatre ans de procès, par la dissolution de cette société. Entre temps, Higonnet qui court deux lièvres à la fois — fermier des carrières d’Amérique et de celles de la Butte de Chaumont — voit son établissement desdites Buttes Chaumont, incendié le 4 août 1839, à deux heures du matin, les pompiers de la Villette et de Montmartre étant intervenus « juste à temps » pour voir se consumer la fin du bâtiment.

Anciennes carrières de la Butte de Chaumont
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03 Anciennes carrières de la Butte de Chaumont.jpg (149.14 Kio) Vu 12593 fois

Mais revenons à Jean Ménans qui, entraîné par le fougueux Higonnet, se trouve finalement, vers 1840, à la tête d’une nouvelle société, la Société civile des Buttes de Saint-Chaumont, laquelle a pris possession des carrières de la Butte Chaumont. Nous n’avons malheureusement pas trouvé les actes intermédiaires qui ont permis les acquisitions des carrières depuis le décès de Jean Fessart. Il va sans dire que Jean Ménans qui pensait peut-être faire la belle affaire, se trouve nanti de carrières arrivées en fin d’exploitation et d’une vaste zone non aedificandi où seuls quelques chaufourniers continuent à griller quelques blocs de gypse pour en extraire le plâtre tant recherché pour la construction.
Depuis 1840, les exploitants qui afferment une partie de la carrière auprès de la Société des Buttes de Saint-Chaumont sont la société Schacher, Letellier et Cie, Louis-Auguste Bilbille-Fayard, le sieur Rouzé ou encore les sieurs Demolombre et Belhomme…
Jean Ménans — qui comme Jean Fessart, donnera son nom à une rue reliant les futures rues Manin et Edouard-Pailleron — va laisser sa place à la direction de la Société des Buttes de Saint-Chaumont, tout d’abord à M. Bourgain en 1848. A cette date, à la suite du décret du 12 mars 1848, Bourgain s’engage avec sa société à participer pour 20.000 francs, à la réalisation du chemin vicinal de grande communication partant de la rue Drouin Quintaine (future rue de Puebla) et aboutissant à la rue Fessart ; de son côté la commune de Belleville vote une contribution de 15.000 francs pour ces travaux.
En 1850, la direction de la Société des Buttes Saint-Chaumont (constituée de 18 actions de 70.000 francs et dont le siège social se situe 188-190 faubourg Saint-Martin) change une dernière fois de main avec la venue de M. Auguste-Pierre Fourny du Lys.

Commencement des travaux de transformation sur la Butte de Chaumont (cliché Charles Marville 1865)
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04 Commencement des travaux de transformation sur la Butte de Chaumont (cliché Charles Marville 1865).jpg (128.84 Kio) Vu 12593 fois

Suite au vote de la loi dite Riché du 16 juin 1859, entérinée par décret du 3 novembre, Belleville et sa Butte de Chaumont sont annexés à Paris, constituant une partie du 19e arrondissement réparti sur quatre quartiers : Amérique, Combat, Pont-de-Flandres et La Villette.
La première conséquence pour la Butte de Chaumont est l’interdiction immédiate qui lui est faite d’une quelconque exploitation de carrière.
Ces vastes terrains inoccupés éveillent bientôt la convoitise des promoteurs de tous poils et, en 1862, le
Journal du Havre relayé par l'Ami de la Religion et le Journal des travaux publics puis par Le Temps du 24 avril, laissent entendre que le Conseil d’Etat est saisi d'un projet ayant pour but l'aplanissement des buttes St-Chaumont, dont une compagnie, composée de banquiers et de capitalistes, se chargerait, prenant à ses frais l’expropriation ; à la place de ces buttes stériles, elle ferait construire de vastes maisons, toutes composées de logements modestes, spécialement destinés aux employés, aux petits rentiers et aux ouvriers.
Ces articles sont aussitôt démentis, le 26 avril 1862 par un communiqué du ministère de l'intérieur.

Pour couper court à ces fake news, l’administration municipale soulève le voile du véritable projet des Buttes Chaumont. Le 4 juin 1862,
le Moniteur révèle qu’Adolphe Alphand (1817-1891) ingénieur en chef de la ville de Paris a été chargé de transformer les carrières de la Butte de Chaumont en un Parc municipal afin de faire pendant aux bois de Vincennes et de Boulogne : on établira une rue, d'un tracé à peu près circulaire suivant le sommet des carrières des Buttes de Chaumont. En partant de la rue de Crimée, elle traverserait d’abord la rue de la Villette, passerait entre les réservoirs, couperait les rues des Alouettes et du Hassard, et emprunterait une partie de la rue du Plateau pour venir déboucher sur la rue Fessart. De ce point, elle atteindrait la rue de Paris (Belleville) par la rue des Moulins, qu'elle emprunterait aussi en partie.
Cette voie (rue Vera-Cruz, future rue Botzaris) d’une longueur de 677 mètres entre les rues de Crimée et Fessart, et de 170 mètres entre ce dernier point et la rue des Moulins, figurera la limite méridionale du futur Jardin des Buttes-Chaumont, d’une superficie de 24 hectares, situé en contrebas de ladite voie.
La rue de Crimée, accotée à la tranchée de la ligne de petite ceinture, délimite l’est du Parc, tandis qu’une future voie à créer (rue de Mexico, future rue Manin) de forme curviligne, joindra au nord, la rue de Crimée à la rue de Puebla et à la rue de Vera Cruz.

Ce projet est confirmé par un décret le 28 juillet 1862. Le préfet de la Seine est autorisé à acquérir, au nom de la Ville de Paris, soit à l’amiable, soit, s’il y a lieu, par voie d’expropriation, les terrains et maisons indiqués au plan annexé, comprenant outre le futur parc, tous les emplacements nécessaires aux rues et voies d’accès dudit parc.
La Société civile des Buttes de Saint-Chaumont est bien entendu la première concernée, mais également, pas moins de 79 propriétaires de maisons et terrains, situés sur le plan d’expropriation (rues Fessart, du Hassard, des Alouettes, des Ballettes, de Crimée, du Centre, de la Villette, des Petits-Chaumonts, du Chemin-des-Carrières, du passage Magenta et du sentier de la Chaudière-d’Enfer), vont recevoir, en septembre 1863, les offres amiables de la municipalité.
Quelques locataires des carrières vont tenter leur chance afin d’être indemnisés : Schacher, Letellier font une demande d’indemnisation, en raison du marché, pour l’exploitation de marnes, qu’ils ont conclu avec le propriétaire de la carrière, la société civile des Buttes Chaumont ; les sieurs Demolombre et Belhomme procèdent à la même réclamation, pour un marché de fourniture de pierres et plâtres à extraire des carrières ; un troisième intervenant, le sieur Rouzé, prétendant être locataire de terrains propres à l’extraction de glaise, fournisseur de briques dans ladite carrière, fait la même requête.
Leurs demandes à tous trois, sont rejetées le 10 mai 1864.
Le président Casenave président du jury des expropriations fixe définitivement les indemnisations en novembre 1863 : l’ensemble des propriétaires qui estimaient leurs biens à 11.544.891 francs, n’obtiendront que 5.168.156 francs, dont 3.255.281 francs pour les terrains de la Butte de Chaumont à proprement parler. (4)

voir ici ► Etat des expropriations réalisées pour l’implantation du futur Parc des Buttes Chaumont, publié le 23 novembre 1863.

Le Parc des Buttes-Chaumont en cours de formation (clichés R. Girard 1865)
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06 Le Parc des Buttes-Chaumont en cours de formation (cliché R. Girard 1865).jpg (166.24 Kio) Vu 12593 fois

Adolphe Alphand avec l’ingénieur Jean Darcel (1823-1906) élaborent les plans du parc projeté, et s’attache les services de quatre collaborateurs de renom pour sa réalisation : l’architecte Gabriel Davioud (1824-1881), l’ingénieur Eugène Belgrand (1810-1878), les jardinier paysagistes Jean-Pierre Barillet-Deschamps (1824-1873) et Édouard André (1840-1911).
L’entrepreneur de travaux publics Claude Girard (1822-1883), assisté de plusieurs centaines d’ouvriers, va exécuter les gigantesques travaux de déblayement, remblaiement et comblement, arasement et terrassement de ces anciennes carrières : les travaux commencés en mai 1864, on compte, en novembre 1865,
880 ouvriers, 120 chevaux et 470 wagons.

Travaux commencés en 1864 pour la création du Parc des Buttes-Chaumont (dessin F. Thorigny) (Rigouard, Cparama)
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Ce jardin s’articule autour d’un piton rocheux central appelé le Belvédère — énorme relief de gypse de 30 mètres de haut conservé pour son aspect pittoresque — au sommet duquel sera édifiée une Rotonde, inspirée du Temple de la Sibylle à Tivoli. Un lac est aménagé autour du pied du Belvédère formant une île ; près du lac est construite une grotte ornée de fausses stalactites et animée par une grande cascade alimentée par le réservoir aménagé à l’angle des rues de la Villette et Vera-Cruz, tirant l’eau de l’Ourcq.
C’est Eugène Combaz (1824-1881), spécialiste des rocailles artificielles, qui réalise la grotte et tous les rochers et cascades du parc pour un coût d’
environ six cent mille francs.
Aménagé à l’anglaise, le Parc des Buttes-Chaumont est profondément vallonné en raison des anciennes carrières comblées et remblayées.
Gabriel Davioud réalise les plans de six maisons de gardes, disposées à chacune des portes du parc, d’un pavillon dit de l’ingénieur et de trois restaurants également placés stratégiquement.
Eugène Belgrand est de son côté chargé de la partie hydraulique du jardin : lac, cascades et ruisseaux.
Jean-Pierre Barillet-Deschamps dresse les plans du jardin paysager, tandis qu’Edouard André s’occupe plus précisément de la plantation des arbres.

Les Buttes-Chaumont en formation (cliché Charles Marville 1865)
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07 Les Buttes-Chaumont en formation (cliché Charles Marville 1865).jpg (138.88 Kio) Vu 12593 fois

Cinq ponts traversent le Parc : un pont passant, par l’allée de Crimée, au-dessus du chemin de fer de petite ceinture ; une passerelle en fer parallèle au premier ; un pont en brique permettant de rejoindre le haut du belvédère ; un pont suspendu franchissant le lac à partir dudit belvédère ; et enfin un pont en fer reliant les deux parties du Parc au-dessus de la rue Fessart.
La promenade compte quatre mille mètres de routes carrossables et mille mètres de sentiers sablés ; les premiers arbres qu’on y plante sont des tilleuls, des marronniers, des vernis du Japon et des cèdres. Durant l’été 1866, des grilles sont installées tout autour du jardin.
Le 24 janvier 1866, l’Empereur Napoléon III et l’impératrice Eugénie de Montijo font une rapide visite des Buttes en travaux, en calèche découverte, à l’issue de la séance d’ouverture des Chambres.
Il était prévu que le Parc des Buttes-Chaumont soit inauguré le 1er avril 1867, en même temps que l’Exposition universelle de 1867. Ne pouvant respecter ce délai, il est décidé d’ouvrir le parc dès le 1er mars 1867, dans les parties déjà achevées. Entre temps, par décret du 27 février 1867, on a baptisé les deux nouvelles voies encerclant le parc : rue de Mexico, la future rue Manin et rue Vera-Cruz, la future rue Botzaris.
Le 16 mars 1867, les essais de la grande cascade sont concluants, et le 1er juin on termine l’installation du Temple de la Sybille au sommet du Belvédère.
En fait d’inauguration officielle, Alphand se contentera, le 8 juin 1867, d’emmener le tsar Alexandre II et ses Grands ducs de fils, faire le tour du Parc, accompagné de l’inévitable baron Haussmann.
Ce n’est que le 5 octobre 1867 que le Moniteur et tous les journaux à la suite, confirme que le Parc des Buttes-Chaumont est bel et bien achevé. Seule l’impératrice Eugénie de Montijo viendra, le 5 juin 1868, quasiment incognito, visiter le parc à présent terminé où elle se promènera
en calèche découverte, accompagnée d’une de ses dames d’honneur, pendant environ vingt minutes.

Les Buttes-Chaumont en cours de formation (cliché Charles Marville 1865)
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Adolphe Alphand a dressé le bilan du coût de l’aménagement du parc des Buttes-Chaumont : travaux des ponts et chaussées et de jardinage, 2.936.760 frs 56 ; construction des six maisons de garde ordinaire, de la maison de garde double dite Chalet de l’ingénieur, d’un restaurant de premier ordre et de deux restaurants de second ordre, d’une rotonde et de la grille de clôture, le tout pour 475.859 fr 80 (la grille aux 14.212 barreaux a coûté 148.759 fr 80). Une bagatelle puisque la ville de Paris disposait depuis le vote de la loi du 12 juillet 1865, d’une ligne de crédit de 250 millions, dont 200 millions devaient être consacrés aux embellissements et à l’assainissement des communes annexées en 1860. Au décompte final officiel présenté en 1867, un montant de 67.000 francs a été ajouté, portant le coût total définitif à 3.479.620 frs 36.

Le Parc des Buttes Chaumont vers 1869
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09 Le Parc des Buttes Chaumont vers 1869.jpg (138.07 Kio) Vu 12593 fois

Pendant la Commune, le parc subit quelques désordres et dommages. Fermé le 5 septembre 1870, il rouvre ses portes partiellement le 1er avril 1871, avec l’arrivée de l’état-major de la 19e légion de la Villette qui y installe son quartier général dans le chalet du Lac ; quatre bataillons y cantonnent en permanence. En mai 1871, les insurgés communards sont réfugiés à Belleville et dans les Buttes-Chaumont, d’où ils envoient des obus incendiaires sur Paris. Le 28 mai 1871, les troupes du général Ladmirault reprennent les Buttes-Chaumont et Belleville ; environ 12.000 communards sont arrêtés, plusieurs sont exécutés, leurs corps sont enfouis dans le lac ou encore dans la Carrière d’Amérique…
Le parc est rendu au public le 22 juin 1871 : les pelouses y sont dévastées et un des pavillons de garde, celui du garde général Darboussier, a été transpercé par un obus…

Après son ouverture, le Parc des Buttes-Chaumont est doté d’embellissements, de nouveaux divertissements et commodités. Ainsi, après qu’un cadran solaire ait été installé dès 1867, c’est un obélisque-indicateur (1883) puis un chalet de nécessité (1879) qui sont construits. En avril 1878, on installe cinq fontaines wallace. L’indispensable Kiosque à musique est construit sur pilotis, au bord du lac, en 1878 ; il sera remplacé en 1912 par un nouveau kiosque édifié sur la terre ferme.
La demande formulée au conseil municipal le 2 avril 1881 pour installer un éclairage dans le Parc, soit au gaz soit à l’électricité, ne sera exaucée que le 14 juillet 1884 avec l’installation de 50 lampes à arc et 30 à incandescence.
Les garde-corps installés tout au long de certaines allées et des escaliers du parc avaient tout d’abord été construits en bois ; détériorés par le temps, ils sont tous remplacés en 1901 par des balustrades en ciment imitant le bois rustique, réalisé par Edmond Combaz, fils d’Eugène, et son associé Chassin de Bagnolet.
Un service de bateau à roue est mis en place en 1888, permettant la traversée sur le lac pour rejoindre le bas du belvédère. Le Chalet-bébé (pâtisseries, gaufres, sirops et lait) est autorisé à partir de 1890. Deux chalets de marionnettes et Guignol font leur apparition en 1892. Une concession est accordée, en 1885, pour la promenade en calèche avec un âne autour du lac.
Plus tard, on installera des chevaux hygiéniques (chevaux de bois), un manège de chevaux de bois avec jeu de bagues, des balançoires, un second kiosque à gaufres et boissons, un bac à sable, une aire de jeux, une patinoire de patins à roulettes.
Neuf statues agrémentaient le parc, mais on connait l’amour que les allemands portent au bronze ; aussi, en 1942, huit d’entre elles sont parties alimenter les usines à canon. La seule rescapée,
Le Gouffre, avait été réalisée en pierre.
A vous de découvrir sur place les méandres de ce parc très apprécié…
Jean-Marc


Le Parc des Buttes-Chaumont en 1871 (gravure Eugène Cicéri)
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10 Le Parc des Buttes-Chaumont en 1871.jpg (172.67 Kio) Vu 12593 fois

(1) Le père de Pierre-Charles Cottin, Pierre Cottin, décédé en avril 1785, était également maître jardinier rue et vis-à-vis Picpus.

(2) Charles Simon Favart (1710-1792) auteur dramatique, régisseur et codirecteur de l'Opéra-comique, était installé à Belleville depuis 1764 et y avait acquis plusieurs maisons qui seront léguées à ses deux fils, Charles Nicolas Justin et Paul Armand. Une de ses maisons située « grande rue de Belleville », léguée par son père à Paul Armand Favart, a été cédée le 5 juillet 1793 à Pierre-Louis Collin, négociant, demeurant à Paris, rue du Mail, Maison de la Providence.

(3) Le 20 octobre 1837, Jean Ménans est autorisé par ordonnance du roi à établir un lavoir à cheval ou à machine à vapeur pour le lavage du minerai de fer, dans sa propriété, au lieu-dit le pré Poncelin, commune de La Résie-Saint-Martin (Haute-Saône).

(4) Une partie des carrières de la Butte de Chaumont est absorbée par la création de ce nouveau parc ; la Carrière dite du Centre, côté rue Priestley (Mathurin Moreau), autre colline à plâtre des Buttes de Chaumont, est occupée, pour partie, par l’Hôpital Rothschild, construit de 1902 à 1905 ; l’autre partie de cette butte, future butte Bergeyre, accueille tout d’abord
les Folles Buttes, un luna-park permanent, de 1908 à 1914. A l’issue du conflit, un stade y prend place, prenant le nom de Stade Robert Bergeyre, en hommage au joueur de rugby tué à l’ennemi en 1914. Le stade fermera ses portes en 1926, laissant la place à un lotissement d’habitation.
A l’est des carrières de la Butte de Chaumont, le long de la rue de Crimée, les Carrières d’Amérique seront recouvertes d’une part, par l’éphémère Marché aux chevaux et aux fourrages qui, ouvert à grand frais le samedi 5 octobre 1878 (inauguré le 1er octobre), a définitivement fermé ses portes le 20 août 1879 ; l’espace consacré aux chevaux laissera place, pour partie, aux écoles de la rue Compans rue du général Brunet édifiées en 1904-1905 ; sur l’emplacement des fourrages, à l’extrémité de la rue du général Brunet, sur la place du Danube, l’hôpital Hérold, construit en 1892, sera désaffecté puis démoli en 1988. La seconde partie des Carrières d’Amérique, deviendra le quartier de la Mouzaïa où près de cinq cents maisons individuelles, avec petits jardins attenants, seront construits entre 1880 et 1930…

Trombinoscope des principaux réalisateurs du Parc des Buttes-Chaumont
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11 Alphand, Belgrand, Davioud, Barillet-Deschamps et André.jpg (132.74 Kio) Vu 12593 fois

Note : nous avons volontairement passé sous silence les faits héroïques, hauts en couleur, des élèves de l’Ecole polytechnique qui, le 30 mars 1814, auraient opposé une résistance farouche face aux troupes du tsar Alexandre 1er, au milieu des carrières des Buttes Chaumont, entre les barrières de la Chopinette et du Combat. Les innombrables récits faits à ce sujet, de toute évidence très exagérés, laissent planer un doute sur la stricte véracité de ceux-ci…

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