Paris - Cité Henry

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JeanMarc
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Paris - Cité Henry

Paris XIXe - La Bellevilloise 10 Cité Henry

Nous avons déjà évoqué ►ICI et ►ICI, la Cité Henry, à l’occasion de notre chronique sur le Parc des Buttes Chaumont, petite voie étroite de l’ancienne Butte de Beauregard : en 1927, Giacomo dit Jacques Tognini (1869-1937) et sa famille, exploitants des deux kiosques à gaufre dudit Parc, avaient fait édifier au n°23 Cité Henry , leur maison d’habitation dotée d’un étage sur un terrain de 529 m². Et c’est ici que, chaque jour, Bibi, l’âne en charge du tour du lac en cariole, était ramené par son maître, René-Antoine Tognini, le fils de Jacques, une fois accomplie sa mission avec les bambins du XIXe arrt.

Quartier Place des Fêtes – Butte de Beauregard vers 1910
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D’une longueur de cent vingt mètres sur trois mètres de large, la Cité Henry commençait entre les n°42 et 44 rue de la rue Compans (devenus n°44 et 46 en 1909), aboutissait sur l’Impasse Compans entre les n°4 et 6 après avoir bifurqué à droite pour rejoindre la villa Bocquet.
Le numéro 10 cité Henry, objet de la présente carte, a été occupé en premier lieu par
Charles Ernest Chardenal qui y exerçait l’activité de passementier.
Chardenal est né le 12 mars 1854 à la Briqueterie en Torcy, commune de Sedan dans les Ardennes. Lors de son mariage du 11 juillet 1876 avec Blanche-Laure-Palmyre Boudon (1861-1886), il est déjà passementier au n°2 bis villa de l’Ermitage dans le 20e arrt. Exerçant toujours la même activité, il est ensuite domicilié n°60 boulevard de Charonne de 1877 à 1880, puis au n°18 rue Compans en 1882. En 1885 on le retrouve au n°14 rue Hassard, en tant que
marchand de quatre saisons.
Lors du décès de son épouse, le 16 mai 1886, il demeure au n°25 rue des Fêtes.
En 1889, Chardenal renoue avec la passementerie, exercée dorénavant au n°24 rue Compans, puis au n°13 cité Henry en 1891 et enfin au n°10 cité Henry à partir de 1898.
Enfin, Charles Chardenal se marie en secondes noces le 6 juillet 1899 avec
Marie-Rosine Auger, née le 9 mai 1853 au Mesnil-Réaume en Seine-inférieure, marchande de vins traiteur à l’angle du n°36 rue Compans et du n°17 rue du Pré-Saint-Gervais (n°9 place des Fêtes) ; divorcée depuis 1889 d’Eugène Le Breton, employé au chemin de fer, Marie-Rosine Auger avait acquis cette affaire en 1894 auprès d’un certaine Loursayre.
Chardenal finit par abandonner la passementerie en 1904, et exploite dorénavant le café restaurant du 36 rue Compans, en commun avec son épouse.

En 1905 cède son local du n°10 Cité Henry à une succursale de la
Société Civile coopérative de consommation La Bellevilloise.

Paris XIXe - 10 Cité Henry - La Bellevilloise.jpg
Paris XIXe - 10 Cité Henry - La Bellevilloise.jpg (114.71 Kio) Vu 160 fois

Celle-ci, fondée par acte sous seing privé le 24 octobre 1877 au n°19 (sic) rue Henri Chevreau (publié au Journal officiel du 22 novembre 1877), avait commencé son activité dès janvier 1877, fixant son siège social provisoire au n°16 rue Henri Chevreau dans le 20e arrt, avant d’ouvrir une épicerie au n°10 de la même rue. Les réunions de ses sociétaires avaient lieu dans la salle Patras du n°86 boulevard de Belleville. Les journaux La Révolution (12 décembre 1876) et l’Homme Libre (29 décembre 1876) avaient annoncé préalablement l’ouverture prochaine de La Bellevilloise : « Quelques citoyens du 20e arrondissement se sont réunis jeudi soir en vue de préparer la fondation d’une société de consommation. Cette société sera dénommée La Bellevilloise » ; « Une société de consommation vient d’être formée sous le nom de La Bellevilloise. Les consommateurs de ce quartier sont priés de se joindre à ceux qui ont pris l’initiative de cette formation. On souscrit, de 7 à 9 heures du soir, chez les citoyens Martel, 101 rue de Ménilmontant ; Schau, 17 cité Pelleport ; Zimmermann, 57 rue de Ménilmontant ; Thierry, 100 rue Haxo ; Séguin, 37 rue de Ménilmontant, toute la journée.»
Nous ne ferons pas l’historique de la Bellevilloise qui a déjà été décrite en long et en large par de nombreux commentateurs. Rappelons simplement qu’après un succès considérable et avoir ouvert de nombreux magasins de répartition dans les XIXe et XXe arrt., elle est contrainte à la faillite le 1er juin 1934, Schroeder étant nommé juge commissaire et Corbasson syndic. A cette date, la Bellevilloise compte 14 épiceries.

En 1920
la Bellevilloise du n°10 cité Henry, qui n’était plus en harmonie avec le développement de la Société, avait été transférée dans la toute nouvelle boutique ouverte à cette enseigne au n°26-28 rue du Pré Saint-Gervais (place des Fêtes), comprenant épicerie, charcuterie et boucherie. Suite à la faillite de 1934, la Bellevilloise de la place des Fêtes sera racheté le 4 mai 1936 par un certain Rouillon.
Les dernières informations qu’on possède sur le devenir du n°10 cité Henry sont un communiqué du journal l’Humanité du 23 mai 1925 : « Demain matin à 8 heures, 10 cité Henry, promenade pour les enfants de 11 à 15 ans. A 13 heures précises, rassemblement pour aller au « Mur » 10 cité Henry. »


La Bellevilloise n°32 rue Pixérécourt — La Bellevilloise n°21 rue Boyer
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Nous avons lâché notre passementier Charles Chardenal en 1905, au moment où il abandonne la cité Henry pour tenir le café-restaurant de son épouse, au n°36 rue Compans. Dès cette date, il y joint l’activité de représentations cinématographiques, à l’instar de ses collègues cafetiers tels que Barro qui avait repris, le 11 août 1905, le fonds de commerce « Au Pan Coupé » du n°44 rue du Pré Saint-Gervais et y avait installé son Cinéma des Fêtes Bijou jusqu’en 1908.
Chardenal va bientôt déménager à nouveau, cette fois-ci contraint et forcé par la Préfecture qui, en raison de la réalisation de la boucle terminale de la ligne 7 du métropolitain passant par la place des Fêtes pour rejoindre les stations Pré-st-Gervais puis Danube, engage une procédure pour exproprier l’immeuble du n°36 rue Compans / n°17 rue du Pré-Saint-Gervais. Le 2 février 1909, le préfet de la Seine représenté par Joseph Bouvard, directeur des services d’architecture et des promenades et plantations, offre 50.000 francs au propriétaire des murs, le sieur Plainchault, et aux locataires : Cholot (fruiterie, épicerie, laiterie), 5.000 francs ; Charles Chardenal et Marie-Rosine Auger son épouse, 10.000 francs.

Café-Cinématographe Auger-Chardenal 36 rue Compans 17 rue du Pré-St-Gervais exproprié et démoli en 1909
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A l’emplacement du n°17 rue du Pré St-Gervais, un permis de construire six étages est aussitôt délivré le 22 février 1911 aux architectes Lucien Giraud (1875-1959) et Jean-Mathurin Moreau (1854-1940), Giraud s’étant au passage approprié le terrain à bon compte… Les deux acolytes vont d’ailleurs faire les mêmes opérations juteuses sur bon nombre de terrains du XIXe, durant trois décennies, sachant que Mathurin Moreau (statuaire), le père de Jean-Mathurin, avait été Maire du XIXe arrt., de 1879 à 1912…


Café-Cinéma des Fêtes Bijou n°44 rue du Pré-St-Gervais — Café n°36 rue Compans reconstruit en 1911
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Grâce aux 10.000 francs de l’expropriation, Chardenal qui, on l’a vu, n’hésite pas à changer de casquette, acquiert, avec son épouse, un terrain situé au n°18 rue Stephenson dans le XVIIIe arrt., appartenant à M. Bernot, marchand de bois et charbon, où celui-ci entreposait ses matériaux. Et, après avoir fait établir des plans par l’architecte Emmanuel Garnier (1862-1933) et déposé une demande de permis de construire le 6 décembre 1909, il fait édifier sur ce terrain, une Salle de Cinéma, comportant 482 places.
L’établissement ouvre ses portes au public en 1911 sous le nom de
Grand Cinéma Stephenson.
Le 11 novembre 1916, les époux Chardenal cède leur cinéma à Mlle Aimée-Jeanne Labielle (1887-1928), modiste demeurant à Bois-Colombes, par acte dressé par maître Charles Champetier de Ribes, notaire à Paris. Mais, probablement en raison de la guerre, la cession n’est pas validée. Un nouvel acte est dressé, publié le 6 novembre 1919 dans le journal Le Droit, actant la transaction, « après la reprise des délais ».
Charles-Ernest Chardenal est décédé entre 1920 et 1926.
Le cinéma Stephenson qui sera appelé plus tard le Stephen, fermera définitivement ses portes le 18 mars 1960.


Disparition de la Cité Henry
Suite au rapport approuvé par le préfet de la Seine Roger Génébrier le 8 juillet 1957, un îlot de vingt-six hectares entourant la place des Fêtes va être rasé entre 1960 et 1972, pour faire place à un ensemble de tours et de barres de bétons.
La Cité Henry qui fait partie de cet îlot va ainsi disparaître totalement du paysage afin d’y construire en 1972-1974 la Tour D 2 bis formant l’angle du n°46-52 rue Compans et de la rue Louise Thuiliez (place des Fêtes).
Nous avons pu reconstituer l’ensemble des propriétés qui ont été expropriées pour que le bal des pelleteuses et bulldozers puisse se dérouler. Les arrêtés de cessibilité ont été réalisés en plusieurs phases s’étendant du 11 mars 1966 au 13 mai 1970 :

1 cité Henry / 46 compans (ex 44) 160 m² : Auguste Eugène Pierre Blestel et son épouse Marie-Louis Rétif
2 cité Henry / 44 rue Compans (ex 42) 180 m² : Georges-André Froment et son épouse Eugénie Nigou – Jean-Jacques Beaussier et son épouse Elise-Ludoxie Sicard
3 cité Henry 105 m² : Neuf copropriétaires
4 cité Henry 168 m² Mme Yvonne-Charlotte Trenquier veuve de Firmin-Louis Ramès
5 cité Henry 68 m² Pierre-Alain Vaissières et son épouse Nicole Jeannine Dardenne
6 cité Henry 110 m² : Société civile immobilière du 6 cité Henry dont le siège est au n°23 cité Henry
7 cité Henry 66 m² : Antonin-Jean Mandon et son épouse Gisèle Myriam Bejot
8 cité Henry 80 m² : Jean-Claude Marin et son épouse Marie-Augustine Lafond
9 cité Henry 42 m² : Elise Haug veuve de Aloise Stiegler
10 cité Henry 227 m² : ex Bellevilloise
11 et 13 bis cité Henry 203 m² : Geneviève Berthe Lesueur épouse d’André Puis
12 cité Henry 227 m² : Cinq copropriétaires
13 cité Henry 75 m² : Marie-Fernande Leduc veuve de Marcel-Léon Delaunay
14 cité Henry 171 m² : Albert-Eugène-Louis Nicolas et son épouse Louise Niederweis
15 cité Henry 96 m² : Pierre Gabriel Letanter et Andrée Emilienne Cacheux
16-18 cité Henry 537 m² : Marie-Françoise Ezannic veuve de Antoine-Martial Martinie, remariée avec Douglas-Sadi Tillier
17 cité Henry 158 m² : Suzanne-Thérèse Couvreur veuve d’Alphonse Desueur
20 cité Henry 280 m² : Sarl La Vitrerie nouvelle
21 cité Henry et 6 impasse Compans 295 m² + 112 m² de voie privée : Suzanne-Thérèse Couvreur veuve d’Alphonse Desueur
22 cité Henry et villa Bocquet 180 m² : Cinq copropriétaires (une menuiserie en 1932)
23 cité Henry et 8 impasse Compans et 2-4 villa Bocquet 529 m² : René-Antoine Tognini et son épouse Joséphine Lavenir
23 bis cité Henry et 6 villa Bocquet 148 m² : Casimir-Pierre Verdier et son épouse Victorine Fortin
25 cité Henry 72 m² : Prosper Clément Laurantin et son épouse Paulette-Henriette Bion
25 bis cité Henry 72 m² : Georges-Félix Bion
27 cité Henry et 8 villa Bocquet 108 m² : Paulette-Henriette Bion épouse de Prosper Clément Laurantin

Ce qu'est devenue la Cité Henry
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