33 - Montreuil-sous-Bois - Rue de Paris - Sortie de l'usine des Bébés Jumeaux (sic pour Jumeau)
Collection F. Fleury
L’usine, aujourd’hui désaffectée, avait son entrée au
n°152 rue de Paris et l’arrière donnait sur la rue Étienne Marcel.
Le 14 avril 1841,
Pierre-François Jumeau, négociant, et son épouse
Adèle-Amélie Aumoitte, demeurant au
n°14 rue Salle-au-Comte à Paris (ancien 6e arrt. puis 1er arrt.) (voie qui disparaîtra en 1859 lors du percement du boulevard Sébastopol) s’associent avec
Louis-Désiré Belton, négociant, et son épouse
Jenny Prudence Marteau, demeurant également au
n°14 rue Salle-au-Comte, formant la société en nom collectif
Belton et Jumeau, à effet le 15 janvier 1842, ayant pour objet l’exploitation du fonds de commerce de bimbeloterie du n°14 rue Salle-au-Comte qu’ils ont acquis des époux Hérissey.
Lucius Junius Bara Hérissey (1794-1858) né à Évreux et son épouse
Jeanne Mézières (1794-1855), tenaient cette affaire depuis 1829, y fabricant des
poupées en peau et habillées, des bustes d’Allemagne et autres, des capotes de dames et toute espèce de nouveautés et bimbeloteries.
Pierre-François Jumeau (1811-1895), originaire de Rémalard dans l’Orne, avait épousé le 12 janvier 1841
Adèle-Amélie Aumoitte (1819-1843). Celle-ci décède le 18 mai 1843, à la suite de l’accouchement de son fils
Émile Jumeau (1843-1910). Jumeau se remariera le 10 octobre 1854 avec Adélaïde Élisa Mayo (1818-1888).
La société Belton et Jumeau qui devait se terminer le 15 janvier 1847, est dissoute avant son échéance puisqu’en 1846, Pierre-François Jumeau vole de ses propres ailes et installe sa fabrique de poupées au
n°18 rue Mauconseil dans le 1er arrt. De son côté, Belton reste seul, rue Salle-au-Comte, en 1846 et 1847, avant de déménager sa fabrique en 1848, au n°32 rue Quincampoix où il est déclaré en liquidation judiciaire le 5 avril 1849, suivie de sa faillite définitive le 7 juin 1849 ; Belton décèdera peu après, dans le 6e arrt., le 9 janvier 1853…
Pierre-François Jumeau conservera son usine du 18 rue Mauconseil jusqu’en 1865, date à laquelle ladite rue disparaît partiellement, absorbée par le prolongement des rues Étienne-Marcel et Turbigo. Jumeau n’abandonne pas Paris pour autant puisqu’il s’installe en 1867 au
n°8 rue d’Anjou-Marais (devenue
n°8 rue Pastourelle en 1877), dans l’Hôtel Pelletier de Souzy, continuant à fabriquer ses
poupées en tous genres, nues et habillées, ses trousseaux de poupées articulées, sculptées, ses têtes en porcelaine, ses bébés parlants.
A partir de 1878 et jusqu’en 1899, c’est son fils, Émile Jumeau, marié depuis le 24 octobre 1874 avec Stéphanie Ernestine Ducruix (1852-1940), qui tient l’usine du 8 rue Pastourelle.
En 1870, Pierre-François Jumeau installe une autre usine au
n°18 rue Raspail à Montreuil, avant d’y acquérir en 1882, de vastes terrains situés au
n°152-156 rue de Paris, tenant à l’arrière à la
rue Étienne Marcel, où il fait édifier une nouvelle manufacture. Le 5 avril 1887, Jumeau acquiert encore un terrain de 673 m² sur la rue Étienne Marcel, au prix de 8.000 francs auprès des époux Sigot ; à l’issue de ces diverses acquisitions, les bâtiments des Bébés Jumeau s’étendent sur 4.500 m² sur un terrain d’une surface de 5.600 m².
Plusieurs incendies successifs, notamment les 25 juillet 1890 et 21 février 1892, suivis de reconstructions, n’entameront pas le succès des bébés Jumeau qui se fabriqueront à raison de 300.000 poupées par an, pour un effectif de 300 ouvriers atteint en 1929.
En 1899, l’Usine des bébés Jumeau devient la « Société Française de fabrication de bébés et jouets »,
Les ateliers parisiens du n°8 rue Pastourelle resteront actifs jusqu’en 1957, tandis que la manufacture de la rue de Paris à Montreuil sera reprise par la société BIC en 1955, laquelle sous-traite à la société Sobitu, sa fabrique de billes et tubes en plastique. Depuis 2004, le site est affermé à la Société Axara, fabricant de vêtements de dessus.
La partie gauche du n°152 rue de Paris a été aménagée et creusée par la RATP pour installer l’
entrée du métro Robespierre de la ligne n°9.
Voir ICI ► La société AXARA actuelle occupante de l’ancien site des bébés Jumeau
Voir ICI ► Entrée du métro Robespierre au n°152 rue de Paris à Montreuil

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L'Exposition des Bébés
Qui donc disait que l'exhibition projetée était interdite ? Dans tous les cas, cette interdiction n'a pas été générale, car j'ai visité, ces jours-ci, la plus intéressante exposition de bébés que l'on puisse imaginer.
L'Exposition dont je parle n'avait pas lieu aux Champs-Elysées, mais tout simplement dans ce vieux quartier du Temple, semblable à une ruche en activité, rue Pastourelle, dans les magasins de vente des « Bébés Jumeaux » dont la réputation est aujourd'hui universelle, et qui me paraissent le dernier mot de la perfection.
Grâce à la parfaite obligeance de M. Jumeau, j’ai pu visiter dans tous ses détails l’usine de Montreuil d'où sort cette séduisante petite armée.
Je me trouve, en arrivant, en présence d'un vaste bâtiment disposé en fer à cheval, entourant une cour spacieuse plantée d'arbres et garnie de massifs verdoyants : au milieu, une jolie fontaine monumentale, dont les eaux jaillissantes font entendre leur gai murmure. De chaque côté, des ateliers commodes, bien installés, où l'air et la lumière pénètrent largement. Je les parcours l'un après l'autre, guidé par le directeur des travaux, qui m'en fait les honneurs avec l'empressement le plus courtois et le plus affable.
Voici l'atelier de moulage où sont préparées les différentes parties du corps des bébés, à l'aide d'une composition spéciale qui, à la fois résistante et douée d'une certaine élasticité, leur a valu le nom d'Incassables. Et, ne vous en déplaise, les moules de fonte qui servent à cette opération ont été pris sur les modèles les plus estimés de nos meilleurs sculpteurs français, ce qui prouve que le bébé Jumeau est une œuvre artistique, laissant bien loin derrière lui le bébé allemand, aux formes anguleuses, à la raideur d'automate.
Voici l'atelier de peinture où ces parties de corps, ces membres délicats, après avoir subi à l'étuve une complète dessication, reçoivent la teinte finement rosée, afin de leur donner l'apparence de la vie.
Une autre salle est réservée à la réception, au classement, à l'examen minutieux de toutes ces parties. Rien n'est curieux comme cet atelier où, comme dans un musée d'anatomie, se trouvent des milliers de troncs, de bras, de jambes, réunis là pour passer une sorte de conseil de révision partiel.
Nous voici dans l'atelier d'assemblage où d'habiles ouvriers réunissent les membres à l'aide d'un ingénieux système d'articulations qui permet de donner au bébé toutes les positions naturelles. Plus loin, des ouvrières sont exclusivement occupées à poser les têtes qui, elles aussi, sont mobiles et peuvent se prêter à toutes les attitudes.
Voici donc le bébé terminé. Mais sa tête rappelle encore le crâne légendaire de Siraudin. Aussi passe-t-il aussitôt dans les mains d'autres ouvrières qui le coiffent, soit avec de charmantes petites chevelures frisées, soit avec de longues boucles flottantes.
Le bébé est alors définitivement créé. Vite de nouvelles mains s'en emparent et le revêtent décemment d'une petite chemise qui, à elle seule, est un petit bijou d'élégance.
Bientôt, tout autour de moi, de petites voix d'enfants s'élevaient, répétant ces mots si doux : « Maman ! papa ! » d'une façon tellement distincte, tellement expressive, que je me crus un instant le jouet de quelque hallucination, et que je me retournai brusquement, cherchant d'où pouvait provenir ce gentil babillage.
Bientôt tout me fut expliqué. J'étais dans l'atelier des bébés parlants, un des succès de cette année de la maison Jumeau, et je pus examiner à loisir, avec le plus grand intérêt, le travail de l’ouvrier chargé de leur donner la voix.
D’un autre côté, s’opère la fabrication des poupées en peau droites ou pliantes, rigides ou articulées. Plus loin s'étendent, dans un ordre admirable, les magasins d'approvisionnement de toutes sortes.
Puis vient l'usine spéciale de porcelaine où se fabriquent les têtes. Là encore, nous retrouvons les ateliers de moulage, de peinture, de décoration. Là encore, chaque pièce, après sa cuisson dans le gigantesque four dont les hautes flammes éclairent le quartier de leurs lueurs rougeâtres, est examinée avec soin et rejetée au moindre défaut.
Je remarque des ouvrières uniquement occupées à placer les yeux qui donnent l'expression et la vie à ces physionomies enfantines ou sérieuses, dont aucun concurrent étranger n'arrive â égaler la grâce et le charme.
On se fera une idée de l'importance de cette fabrication en songeant que, dans le cours d'une année, 150.000 bébés environ sont sortis de l'usine de Montreuil. Une partie de cette énorme production passe par les magasins de la rue Pastourelle, dans les ateliers d'habillage, où, entre les mains d’ouvrières aux doigts de fées, ils deviennent de véritables chefs-d'œuvre, qui vont porter dans toutes les parties du monde les spécimens les plus réussis du goût et de l'inimitable élégance parisienne.
Si l'on veut bien réfléchir que l'usine Jumeau, indépendamment des 130 à 150 ouvriers ou ouvrières qui y travaillent à poste fixe, en occupe au moins autant au dehors, pour l'habillement, les chapeaux, les chaussures, les bijoux, les mille accessoires de toilette, on conviendra qu'une semblable visite ne manque pas d'un vif intérêt, et que la fabrique de Montreuil occupe une place considérable dans l'industrie parisienne, dont M. Jumeau est lui-même un des plus sympathiques représentants.
DON LÉNOR.
(Journal l'Union libérale 17 novembre 1884)
Montreuil-sous-Bois - Le Bébé Jumeau
G.F. Gaston Francq

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