Paris - Rue de Mouzaïa

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rigouard
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Paris - Rue de Mouzaïa

PARIS (XIX°) - Rue de Mouzaïa et Verrerie de Mouzaïa.
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JeanMarc
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Re: Paris - Rue de Mouzaïa

Etablissement Athos – H. Drossner et Cie
58-60 rue de Mouzaïa
Touly photo, Paris

C’est en 1883, qu'au n°76 rue du faubourg Saint-Martin dans le Xe arrondissement, Dagobert Hermann Drossner (1855-1928), mécanicien, installe son premier atelier de fabrique de couseuses mécaniques.
Originaire de Loubach en Pologne, Drossner est marié avec Franziska Cohn.
Ses réclames publicitaires indiquent qu’il est mécanicien constructeur breveté s.g.d.g., spécialiste des machines à coudre à fil poissé pour sellerie, bourellerie, fabrique de chaussures et équipements militaires…
Drossner s’associe le 9 août 1890 avec un commanditaire non nommé, fondant pour une durée de 5 ans, la société
Drossner et Cie au capital de 50.000 francs, dont 10.000 versés par le commanditaire, dont l’objet est la construction de machines et appareils divers, commission et représentation dans ces articles.

En 1891, Drossner est contraint de quitter ses locaux en raison de l’expropriation des n°74 et 76 rue du faubourg Saint-Martin, décidée par décret du 31 octobre 1890, en vue de la reconstruction de la nouvelle mairie du Xe arrondissement qui était jusqu’alors située au n°72 dudit faubourg. En attendant de trouver un local convenable, Drossner emménage provisoirement au n°3 rue Albouy où nait son fils Jacques Lucien Drossner le 22 décembre 1892.
En 1894, Hermann Drossner installe son atelier au n°52 boulevard de Sébastopol, et, à partir de 1896, il devient le représentant général de la machine à coudre Athos, laquelle, d’après un jugement de la Cour d’appel du tribunal de Douai du 30 novembre 1910, est
exclusivement de fabrication allemande, Drossner étant lui-même de nationalité allemande. Lors des débats de ce jugement, il est également précisé que Drossner vend des machines à coudre de différentes origines.
L’Athos est décrite comme une nouvelle machine à coudre à mouvement rotatif sans navette, remplacée par une grande bobine circulaire.

Réclame pour l’Athos de Drossner
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Le 22 décembre 1904, son commanditaire étant décédé, Drossner continue seul son activité au n°52 boulevard Sébastopol.
Le 30 septembre 1919, Drossner crée une société en nom collectif intitulée
H. Drossner, Etablissements Athos, sise au 48 boulevard de Sébastopol, au capital de 1.150.000 francs pour une durée de 10 ans, ayant pour objet la fabrication, l’achat et la vente de toutes machines à coudre et machines et outils pour lingerie, chaussures, cuirs et peaux, etc… Les associés de cette société son Hermann Drossner, son fils Jacques Lucien Drossner et Antoine Ort (1881-1949), ingénieur à Paris. En novembre 1919, Hermann Drossner cède son fonds de commerce à ladite société.
L’affaire Athos-Drossner ayant pris une ampleur considérable, Hermann Drossner et ses associés décident de construire une usine dans le 19e arrondissement au
n°58-66 rue de Mouzaïa. Ils font tout d’abord édifier un hangar doté d’un étage autorisé par un permis de construire délivré le 25 janvier 1921.
Dès 1923, l’embauche va bon train dans cette nouvelle usine qui est déjà installée en juin, au moment où la Foire de Paris bat son plein, avec le stand d’exposition que Drossner y installe chaque année.

Quelques-unes des nombreuses offres d’emploi consécutives à la création de l’usine Drossner-Athos de la rue de Mouzaïa
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Le 6 décembre 1924, une nouvelle demande de permis est déposée, cette fois-ci pour construire un atelier de quatre étages au 58-66 rue de Mouzaïa. Il est fait appel aux architectes Pierre Sardou (1873-1952) et Maurice Chatelan (1893-1979) pour en dresser les plans.
En prévision de ces constructions, le capital des Etablissements Athos-Drossner est porté à 6.600.000 francs le 29 décembre 1924. Le 16 mai 1925, la société accueille deux nouveaux administrateurs en plus des deux déjà existant (Jacques Drossner et Antoine Ort) : Armand-Isaac Bénédic (1875-1962) et le banquier Albert Oustric (1887-1971) ; ce dernier sera condamné le 5 janvier 1932 à dix-huit mois de prison ferme pour des irrégularités financières commises dans le consortium des fabricants de chaussures.
Le 9 mai 1930, la société, dont le nom devient
« Machines à coudre Athos », est transférée au n°58 rue de Mouzaïa ; elle conserve cependant son magasin au n°52 boulevard de Sébastopol.

Paris XIXe - 58-60 Rue de Mouzaïa - Etablissements Athos - H Drossner et Cie - Salle des Tours.jpg
Paris XIXe - 58-60 Rue de Mouzaïa - Etablissements Athos - H Drossner et Cie - Salle des Tours.jpg (185.09 Kio) Vu 38 fois

Le Salon de la Machine à coudre à la Foire de Paris de juin 1936
Etablissements Athos. — Comme chaque année, le stand des machines à coudre « Athos » 100 % françaises a été très apprécié. En dehors de ses modèles famille, livrés en 5 types, sur meubles de luxe studio, bureau de toutes essences et de tous styles, cette société présentait sa nouvelle machine T-4, à canette rotative, construite comme tous les modèles exposés dans ses Usines de Paris ; cette nouvelle machine très robuste, destinée à la lingerie légère, coud à une vitesse de 3.000 tours minute ; toutes ses pièces sont rigoureusement interchangeables.
La machine S. 11, canette centrale, marche avant et arrière, pour la confection à grand rendement, l'industrie du cuir tels qu'articles de voyage, maroquinerie, etc., était également très remarquée. Une importante quantité de S.11 a été fournie au Ministère de la Guerre, ce qui donne une nouvelle preuve de la supériorité de ce modèle.
Le stand « Athos » faisait vraiment honneur à la fabrication Française, tant au point de vue qualité que présentation.
Cette Société exposait aussi, à un second stand, quelques-unes de, ses machines industrielles et en particulier les machines à couper les tissus, à perforer les patrons, à plisser, à festonner, à broder, à surjeter la fourrure et la lingerie, les rectomètres, ainsi que la nouvelle machine à nettoyer les vêtements au trichloréthylène. Les artisans, industriels, teinturiers, commerçants ont été vivement intéressés par la visite de ce stand.
La Société Athos donne toutes indications au sujet du matériel exposé et de tous ses autres modèles à ses Usines et Siège social, 58 à 66 rue de Mouzaïa et à son magasin, 52, boulevard de Sébastopol, à Paris.


Lors de la guerre, Jacques Lucien Drossner, de confession juive, décédera en déportation le 1er avril 1942 à Auschwitz (Pologne). Sa veuve, Andrée-Gisèle Lajeunesse, né en 1901 à Reims, lui survivra et décédera dans le 7e arrt le 11 juin 1980.

Au journal officiel du 8 juillet 1942 est retranscrit le décret du 16 janvier 1941 qui indique :

Vu l’impossibilité où se trouvent les dirigeants des entreprises ci-dessous d’exercer leurs fonctions,
Arrête :
Article unique – Sont nommés pour les entreprises ci-dessous, les administrateurs provisoires dont les noms suivent :
M. Lecointe, 13 rue de Rambuteau à Paris, pour le terrain sis 60 rue de Mouzaïa à Paris, appartenant à Drossner, 1 square Emmanuel-Chabrier à Paris, et tous autres copropriétaires juifs (pour prendre effet à la date du 10 mars 1942.

L’usine Athos de la rue de Mouzaïa continue à tourner sous la direction de l’administrateur Lecointe, et, chaque année, le Bulletin officiel des Services des Prix publie un arrêté fixant le prix limite de vente des machines produites :

Arrêtés de 1944 et 1945 édités par le Bulletin officiel des Services des Prix, fixant le prix des machines à coudre Athos
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Après-guerre l’usine Athos de la rue de Mouzaïa et son magasin de vente sont encore actifs jusqu’après 1949 ; quelques publicités attestent de son existence. Elle est ensuite rachetée au prix de 3.100 francs, le 12 juillet 1961, par Aron-Joseph Zauberman (1916-2015), originaire de Lubin en Pologne, naturalisé français en 1957 ; celui-ci y commence l’exploitation du magasin du 52 boulevard de Sébastopol, avec pour activité l’achat et la vente de bicyclettes…

Les locaux du 58-66 rue de Mouzaïa vont être finalement rachetés en 1974 par l’Etat qui les cèdera à la ville de Paris (RIVP) le 29 juillet 2015.
Le n°58 Mouzaïa (7.900 m²) a été transformé en 1974 en un immeuble de bureau destiné la Sécurité sociale (DRASS d’Ile-de-France), qui a terminé sa vie en squat organisé durant de nombreuses années, avant d’être réhabilité de 2017 à 2021, à la charge de la ville, pour y installer des logements destinés à des « étudiants, des artistes et des jeunes travailleurs ».
Le n°66 Mouzaïa, à l’angle de la rue de l’Inspecteur Allès, également aménagé en bureaux, a été affecté à un Centre d’hébergement d’urgence (CHU) en 2012, et, une fois réhabilité de fond en comble, accueille désormais l’Armée du Salut.
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