527 - La Vicomté - Hôtel Beauvallon - HLM
Marie Henriette Euphémie Julie Estelle Richelot (1859-1925), mariée depuis 1879 avec Anatole Marie Ferdinand Joyau (1845-1905), est propriétaire du domaine de la Vicomté-en-Dinard. Par suite de son veuvage survenu en 1905, Marie-Henriette Joyau-Richelot cède une partie des terrains de ce domaine de trente hectares à l’architecte Émile Dubois (1886-1949) qui, dès 1907, fait édifier sur la Pointe de la Vicomté, l’Hôtel Beauvallon au n°5 avenue du Port Siboulière, tout près du Castel du Prieuré.
Le fonds de commerce d’hôtel-café-restaurant est donné à bail pour une durée de 15 ans, expirant le 1er avril 1922, à Albert Vergnaud et à son épouse Marie Louise Bourez.
Albert Vergnaud (né le 29 octobre 1874 à Paris 6e), sommelier demeurant 83 rue de Verneuil à Paris, avait épousé, le 2 mai 1901, Marie Louise Bourez (née à Ivergny le 14 novembre 1880).
Dès l’année suivante, les Vergnaud sont en grandes difficultés, et l’affaire est mise en adjudication pour le 3 décembre 1908, en l’étude de maître Lhotelier à Dinard, sur une mise à prix de 25.000 francs.
La Vicomté-en-Dinard - Hôtel Beau-Vallon — Adjudication du 3 décembre 1908
Faute de repreneur dans l’immédiat, l’Hôtel-restaurant Beauvallon est déclaré en faillite et Vergnaud, disparu, est accusé de banqueroute :
— Banqueroutier, Albert Vergnaud, actuellement sans domicile connu, tenait récemment l’Hôtel de Beauvallon, à la Vicomté, près Dinard, et avait cessé ses payements sans faire la déclaration de faillite. Cette opération faite, la saisie fut mise au restaurant Vergnaud et, depuis, nombre d'objets ont disparu dans des conditions extraordinaires. Vergnaud, invité à se présenter devant le syndic de la faillite, n’est jamais venu.
M. Daniel, pharmacien à Dinard, se porte partie civile dans cette affaire et requiert la condamnation de Vergnaud par l’organe de Maître Dominguez.
Le substitut du procureur réclame l’application de la loi en ce qui concerne Vergnaud. Quant aux personnes qui ont aidé à la disparition des objets volés, il déclare qu’il prendra plus tard les décisions qu’il y a lieu de prendre.
Le Tribunal condamne Vergnaud à deux mois de prison. (Ouest-Eclair 20 février 1909)
On apprend par cet entrefilet, que M. Daniel, pharmacien à Dinard, est un des commanditaires de l’Hôtel Beauvallon, qui, faute de repreneur, restera inexploité quelques temps. Peu de publicité attestent de son existence : ainsi en 1908, l’Hôtel Beauvallon propose ses 22 chambres, d’où l'on a une belle vue sur l'embouchure de la Rance et Saint-Servan ; en 1914, l’Hôtel Beauvallon annonce qu’il dispose du confort moderne et annonce à sa clientèle qu’étant situé au-dessus du port Siboulière, lesdits clients peuvent accéder à une petite plage avec cabines.
En 1921, Eugène Robin est le propriétaire des murs et du fonds de commerce de l’Hôtel Beauvallon. Eugène Robin (né le 5 juillet 1869 à Villebois-Lavalette en Charente), alors qu’il était restaurateur demeurant 16 rue Favart à Paris, avait épousé le 24 février 1898 à Paris 7e, Lucie Robin, décédée trois ans plus tard, le 18 août 1901 à Saint-Mandé. Depuis 1901, date à laquelle Eugène Robin était déclaré « sans profession », jusqu’en 1921, on ne connait pas son parcours…
Le premier signalement que nous ayons d’Eugène Robin en tant que propriétaire-exploitant de l’Hôtel-Restaurant Beauvallon de La Vicomté est peu édifiant ! Il s’agit d’une condamnation à deux mille francs d’amende prononcée par la Cour d’appel de police correctionnelle du tribunal de Saint-Malo le 21 décembre 1921, déclarant Eugène Robin coupable de spéculation illicite commise à Dinard le 19 août 1921.
La Vicomté - Hôtel Beauvallon
Le 30 juillet 1928 Eugène Robin s’associe avec Noël Quennesson (1), afin de former la Société anonyme Hôtel-Restaurant Beauvallon, au capital de 3 millions de francs, dans laquelle Quennesson apporte, pour 200.000 francs, ses plans d’organisation, études de mise en valeur d’aménagements dudit Hôtel, tandis que Robin apporte son fonds de commerce d’hôtelier-restaurateur exploité à La Vicomté et les biens immobiliers y afférents, dont la description nous est donnée comme suit dans l’acte de fondation :
— 1° Une maison à usage d’hôtel construite en pierre et couverte en ardoises dite Hôtel Beauvallon, élevée sur caves et sous-sol d’un rez-de-chaussée composé de salle à manger, salon, estaminet, cuisine et vestibule, d’un premier étage composé de cinq pièces et d’un second étage composé de cinq pièces, avec un bâtiment contigu élevé sur sous-sol d’un rez-de-chaussée de deux pièces avec terrasse au-dessus.
Entre cette maison et la maison suivante, divers bâtiments contenant remise à automobiles, chambres de domestiques et lingerie, poulailler et chenil.
— 2° Une maison de même construction que la précédente formant annexe de l’Hôtel, élevée sur sous-sol, d’un rez-de-chaussée composé de quatre pièces, d’un premier et d’un second étage composé de quatre pièces, et d’un troisième étage mansardé comprenant deux chambres et grenier.
Le tout d’un seul tenant, clos de murs, surmontés de grilles en fer porté au cadastre sous le n°335p de la section C, d’une contenance de trois mille deux cent cinquante-huit mètres carrés.
Sur les 6000 actions que compte la société, 2800 sont attribuées à Eugène Robin, 400 à Quennesson, et 2800 seront souscrites en numéraire par huit actionnaires ayant fait un apport de 350.000 francs correspondant au quart du capital à libérer.
Aussitôt, les architectes Victor Lesage (1873-1952) et Charles Miltgen (1875-1959) sont chargés de dresser les plans d’un nouvel Hôtel-Restaurant Beauvallon qui prendra place entre les deux premiers bâtiments d’origine ; ceux-ci s’engagent à terminer cette construction dans les deux ans.
Alors que l’édifice n’est pas encore achevé, la Société anonyme Hôtel-Restaurant Beauvallon fait, le 19 juin 1929, apport de son fonds de commerce à la Société des Grands Hôtels Rovaro (2), laquelle exploite déjà l’Hôtel Rovaro situé au n°44 rue Brunel à Paris. La Société Foncière des Grands Hôtels de la Vicomté-Dinard qui, de son côté, a repris les murs et le terrain du Beauvallon, s’engage à établir un bail de 25 ans, pour un loyer annuel de 245.000 francs, dès l’achèvement du nouvel Hôtel Beauvallon.
Le nouvel Hôtel-Restaurant Beauvallon, doté de 40 chambres avec studios, de 40 salles de bains, de terrasses sur la baie et de 5 courts de tennis, ouvre ses portes le 26 juillet 1930 :
— Nous apprenons la réouverture des Etablissements sélects de la Vicomté-Dinard. L'Hôtel de Beauvallon avec sa rôtisserie a ouvert ses portes hier 26 juillet et samedi prochain, 2 août, aura lieu au Casino de la Vicomté, l'inauguration de la Saison 1930.
Heureuse occasion pour les amateurs de Thé dansants, Soirées, Concerts, Joueurs de Boule et de Baccara qui trouveront à la Vicomté-Dinard, avec le meilleur accueil, les plaisirs mondains qui sont à la Vicomté le propre de la Société d'élite. (Ouest-Eclair 27 juillet 1930)
La Vicomté-en-Dinard - Les deux bâtiments du premier Hôtel Beauvallon de 1907 et vue du nouvel Hôtel en 1930
La fête est de courte durée pour les propriétaires du Beauvallon ! La Société des Grands Hôtels Rovaro est déclarée en faillite par jugement du 26 juin 1931, tant pour son fonds de commerce parisien du 44 rue Brunel que pour celui de Beauvallon de La Vicomté ; M. Kula est nommé juge, M. Lemonnier syndic.
Tant bien que mal l’exploitation de la rôtisserie hôtel-Beauvallon est continuée avec quelques grandes réceptions (40 convives lors de la réunion des Moniteurs d’éducation physique de France le 2 septembre 1933) et fêtes données notamment à l’occasion d’un célèbre Gymkhana automobile organisé le 26 août 1934 par M. Georges Lardoux, directeur de l’Hôtel.
Le 27 mai 1935, le Tribunal prononce la liquidation judiciaire de la Société Foncière des Grands Hôtels de la Vicomté-Dinard et de la Société anonyme Hôtel-Restaurant Beauvallon, domiciliées toutes deux à Paris 15 faubourg Montmartre, détentrice respectivement des murs et du fonds de commerce de l’Hôtel Beauvallon ; M. Ferrus est nommé juge, M. Omnès, liquidateur.
En mai 1936, le conseil municipal dinardais constate que, compte tenu de la faillite des deux sociétés, la municipalité est contrainte de considérer comme irrécouvrables, les taxes de 1549 francs que celles-ci devaient.
Le 29 octobre 1937, le tribunal parisien clôture les opérations de liquidation des deux sociétés pour insuffisance d’actif…
Après-guerre l’Hôtel-Restaurant Beauvallon ouvre à nouveau ses portes en 1951, sous le nom de « Palace Beauvallon », sous l’impulsion de Jean-Louis Causse et de son épouse Adeline-Marguerite Ramondou, lesquels gèrent, depuis 1947, l’emblématique brasserie le « Pied de Cochon » du 6 rue Coquillère, en plein cœur des Halles. A la suite du décès de Jean-Louis Causse en 1955, sa veuve, Adeline Ramondou, obtient, le 28 mars 1857, l’autorisation de poursuivre l’exploitation des deux restaurants.
Le 12 janvier 1961, Labrely, administrateur de la succession Causse, ayant refusé d’homologuer un nouveau concordat, le Palace Beauvallon ferme définitivement ses portes.
Après de nombreux travaux de réaménagement, l’Hôtel Beauvallon est alors transformé en appartements à partir de 1964.
(1) Noël Quennesson (1885-1958), ancien fabricant de tissus au 22 rue Custine à Paris, est devenu membre du SFIO en 1920 et était, en 1928, gérant de l’Immobilière des Voitures à Paris, 1 place du Théâtre Français demeurant au n°160 Grande rue à Garches.
(2) Les huit administrateurs actionnaires de la Société des Grands Hôtels Rovaro sont :
1° M. Joseph Maldant, industriel, demeurant à Paris, boulevard de Courcelles, n°81 ;
2° M. Jean-François-Martin-Joseph d’Arthuys, baron de Charnisay, propriétaire, demeurant à Courbessac, près Nîmes (Gard) ;
3° M. Philippe-Armand-Clément-Joseph d’Arthuys, baron de Charnisay, propriétaire, demeurant à Montluçon (Allier), rue Notre-Dame, n°5 ;
4° M. Michel-Paul Molla, industriel, demeurant à Paris, rue Fourcroy, n°18 ;
5° M. Jacques-Henri-Marie Rigal-Ansous, administrateur de Sociétés, demeurant à Paris, rue Guillaume-Tell, n°6 ;
6° M. Emile Clère, ingénieur, demeurant à Paris, boulevard Pereire, n°109 ;
7° M. Pierre-Olphe Gaillard, administrateur de Sociétés, demeurant à Paris, avenue Henri-Martin, n°85 ;
8° M. Georges Schwander, administrateur de Sociétés, demeurant à Paris, boulevard Pereire, n°109.
Plan de 1828 avec indications sur l’emplacement des divers Châteaux de la Vicomté-en-Dinard
L’Hôtel Beauvallon est désigné en « D »