Paris - Rue de Charenton

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JeanMarc
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Paris XIIe - Rue de Charenton - Manufacture de Tabac
P. Marmuse, Paris
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Les apparences de ce superbe cliché pourraient faire croire que la manufacture des tabacs employait scandaleusement de très jeunes enfants dans ses ateliers. Il n’en est rien : les bambins réunis par le photographe sortaient en fait de l’école du n°315-317 rue de Charenton, la manufacture étant située, quant à elle, au n°319.
Paris XIIe - Rue de Charenton - Manufacture de Tabac.jpg
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D’après les données fournies par le Ministère des Finances en janvier 1853, il s’est vendu en 1852 pour 130.861.000 francs de tabacs, en progression de 4.269.000 francs par rapport à l’année précédente. Trente-neuf mille buralistes participent ainsi à la vente de 14 millions de kilos de tabacs. Dix manufactures se répartissent la tâche à travers la France : Paris, Le Havre, Morlaix, Toulouse, Bordeaux, Tonneins, Marseille, Lyon, Strasbourg et Lille.
La
Manufacture Impériale des Tabacs de Paris dite du Gros-Caillou, située au quai d’Orsay, n’y suffisant plus, il est décidé en 1853, d’implanter une seconde manufacture dans le département de la Seine, sur la commune de Bercy, au n°107 rue de Charenton-Bercy. Précisons qu’à la suite de l’annexion de Bercy à Paris en 1860, le n°107 rue de Charenton deviendra, à partir de 1868, le n°319 rue de Charenton.
Les travaux de construction de la future
Manufacture Impériale des Tabacs de Bercy sont mis en adjudication pour le 6 avril 1853, répartis en six lots pour un montant total de 201.916 francs 56 c. :
— 1er lot Terrasse, maçonnerie et pavage : 90.045 frs. 22
— 2e lot Charpente : 42.962 frs. 14
— 3e lot Couverture en zinc et plomberie : 18.002 frs. 95
— 4e lot Menuiserie : 17.911 frs. 68
— 5e lot Serrurerie, comble en fer, gros fers et serrures : 30.249 frs. 30
— 6e lot Peinture et vitrerie : 2.745 frs. 27

Le 18 juin 1857, le journal La Patrie annonce qu’on vient de terminer l’installation de la Manufacture impériale des Tabacs de Bercy qui est, comme on sait, une succursale de l’établissement central du Gros-Caillou.
La nouvelle manufacture étant à présent en place, c’est elle qui est chargée de recevoir, pour le 30 juillet 1857, les soumissions du concours pour la fourniture de quatre mille huit balles de tabacs en feuilles de la Havane, de la Vuelta de Abajo, des qualités primera à septima, destinée à l’approvisionnement de la régie. Les soumissions et appels d’offre vont ainsi se succéder en permanence et en accroissement constant pour alimenter cette manufacture.

Une deuxième adjudication de travaux, pour une valeur estimée à 228.421 francs 01 c., organisée pour le 10 août 1859, vient compléter celle de 1853, afin de procéder à la construction d’un second bâtiment, toujours au n°107 rue de Charenton (futur n°319).

Adjudication travaux de construction de la Manufacture de Bercy 6 avril 1853 — Entrée de la Manufacture de Reuilly-Bercy n°319 rue de Charenton
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En 1862, l’ensemble du personnel employé par les deux manufactures parisiennes s’élève à 2.758.
La Manufacture des Tabacs de Bercy est, en 1867, rebaptisée Manufacture des Tabacs de Reuilly, nom qu’elle conservera dorénavant.

Alors qu’on est au cœur des évènements de la Commune, l’ensemble des journaux parisiens rapportent, le 5 avril 1871, que le directeur de la Manufacture de Reuilly, Charles Rey, a été arrêté par les Gardes Nationaux du Comité qui l’ont contraint à livrer sa caisse, tandis que son plus jeune fils était gardé à vue dans la maison ;
la plupart des femmes employées dans la manufacture sont restées séquestrées jusqu’à huit heures du soir ; les clés de la caisse n’ont pu être livrées aux Gardes nationaux, le garde-magasin étant absent.
Le 22 novembre 1871, un incendie est déclaré dans un magasin intérieur de la manufacture servant de dépôt de marchandises et élevé d’un étage ; les ouvriers au nombre de neuf cents environ, ont cessé tout travail mais sont restés dans les ateliers en attendant l’arrivée des pompiers de la caserne de Reuilly, munis de leurs cinq pompes ; les dégâts seront importants mais ne feront aucune victime.

Le 12 mai 1874, est organisée une dernière adjudication de travaux, répartis en cinq lots d’une valeur estimative de 185.534 frs 77 c, pour la construction de caves et de hangars, et l’achèvement d’un bâtiment existant.
La Manufacture des Tabacs de Reuilly va essentiellement fabriquer des cigares pour lesquels elle s’approvisionne en feuilles à Cuba et, afin de confectionner des coffrets à cigares, lance ponctuellement des appels d’offres pour acquérir du bois de cédra ou du bois d’aulne.

Manufacture des Tabacs Reuilly : appels d’offres pour l’acquisition de bois pour coffrets à cigares et pour la cession de cendres de tabacs
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Depuis sa construction les directeurs successifs de la Manufacture de Bercy-Reuilly ont été les suivants :
Charles Rey (1816-1894) directeur de 1857 à 1872 ;
Ubal Chenou (1822-1895) directeur de 1873 à 1883 ;
Louis Bardot (1845-1923) directeur de 1884 à 1889 ;
Antoine Grouvelle (1843-1917) directeur de 1890 à 1893 ;
Henri Félix Sainte-Claire-Deville (1843-1908) directeur de 1893 à 1897 ;
Alfred Büttner (1843-1907 décédé 319 rue de Charenton) directeur de 1898 à 1907 ;
Emile Belot (1857-1944) directeur de 1908 à 1928.

La Manufacture a fermé définitivement ses portes en 1969, pour être rasée en 1976 et remplacée par des barres d’habitation.
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447 – Paris XIIème - Écoles rue de Charenton
P. Marmuse, Paris

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Cette école est située au n°315-317 rue de Charenton, formant l’angle avec le n°2-4 rue des Jardiniers. Il faut rappeler ici que, jusqu’à l’annexion des communes limitrophes de Paris de 1860, la portion de la rue de Charenton située au-delà du boulevard de Reuilly, dépendait de la commune de Bercy et que jusqu’en 1870, le 315-317 rue de Charenton correspondait au n°103-105 rue de Charenton-Bercy.
Tenue par les frères congréganistes depuis sa construction en 1875, cette école chrétienne se compose à l’origine de six classes de garçons.
Le 24 mai 1878, le journal l’Anti-clérical publie un entrefilet rédigé ainsi : « M. le Préfet de la Seine a annoncé qu’à la suite d’actes de violence qui se sont produits à l’Ecole des Garçons rue Charenton, n°315, il a décidé la laïcisation de cette école pour le 1er avril. »
Aussitôt dit aussitôt fait, la direction de l’établissement, qui devient une École communale laïque primaire de garçons, est confiée, dès l’année suivante, à son nouveau directeur, M. Gabriel Richer qui, après son obtention des palmes académiques en 1901, assurera cette fonction jusqu’en 1914.

Les locaux de l’école appartiennent depuis leur construction, aux époux Perreau qui l’ont donnée à bail à la mairie de Paris, moyennant un loyer annuel de 7.500 francs.
Paterne Perreau (1803-1878), originaire de Vézelay dans l’Yonne où il était boulanger, y avait épousé Louise Lahayville le 27 mars 1830. Celle-ci, également boulangère, décède à 23 ans à Vézelay le 29 décembre 1831. Perreau se marie en secondes noces avec Charlette dite Caroline Mongeot (1811-1896), le 1er octobre 1832, à Sermizelles dans l’Yonne, d’où celle-ci est originaire ; au jour de ce mariage du 1er octobre 1832, Perreau déclare être boulanger à Vézelay où son frère, Joseph Perreau, né en 1799, témoin, est cabaretier-aubergiste.
Le 11 janvier 1835, les époux Perreau, dorénavant installés à Paris dans l’ancien 9e arrt., donnent naissance, à leur fils, Louis Etienne Narcisse Perreau.
Grâce au mariage de Louis Etienne Narcisse Perreau, devenu peintre sur porcelaine à Bercy, au n°20 rue de Bercy célébré à Clamecy le 17 novembre 1856 avec Clotilde-Clémence Philippe, on va en apprendre un peu plus sur son père, Paterne Perreau qui, en réalité, est marchand de vin en gros, résidant avec son épouse à Bercy.

Vraisemblablement, l’investissement des Perreau dans la construction d’une Ecole rue de Charenton était guidée par le besoin de s’assurer une rente viagère.
Paterne Perreau étant décédé le 22 juin 1878, c’est avec sa veuve, Caroline Mongeot-Perreau, que le Conseil municipal signe, le 3 juin 1887, le renouvellement du bail de l’Ecole des garçons, pour une durée de 3, 6 ou 9 années, à compter du 1er janvier 1888, le loyer annuel étant dorénavant porté à 8.500 francs.

Faute de moyens financiers suffisant, la municipalité parisienne est ainsi locataire de bon nombre de ses écoles. Aussi, envisage-t-elle de faire l’acquisition de certaines d’entre elles et de procéder à la résiliation des baux y afférents. Un mémoire est déposé en ce sens au préfet de la Seine le 8 octobre 1891, et, le 9 janvier 1892, le Conseil municipal décide, en accord avec la veuve Perreau-Mongeot, de proroger le bail en cours de l’Ecole du 315-317 rue de Charenton jusqu’au 1er janvier 1900 au loyer annuel maintenu à 8.500 francs, avec la faculté d’acquérir ledit immeuble au prix de 175.000 francs.
Un nouveau mémoire est déposé à la préfecture de la Seine le 4 novembre 1892, envisageant l’acquisition de quatre immeubles scolaires en location ; cette proposition est entérinée par le conseil municipal qui dans sa délibération du 26 novembre 1892 décide d’acquérir :
1° L’École de garçons, 74 rue de Reuilly, au prix de 146.525 francs ;
2° L’École de garçons 315-317 rue de Charenton, au prix 175.000 francs, frais en sus, évalués à 5.500 francs ;
3° L’Immeuble scolaire 71 rue Bolivar, au prix de 65.000 francs ;
4° Les Écoles 9 rue de Tlemcen, au prix de 514.719,93 francs.

Le 6 juin 1894, par devant maître Edouard Delorme, notaire à Paris, l’École de la rue de Charenton est cédée à la ville de Paris par Caroline Perreau-Mougeot, au prix convenu de 175.000 francs. Caroline Mougeot décèdera peu de temps après, le 8 décembre 1896, au n°269 rue de Charenton, âgée de 85 ans.

Nous avons vu que, lors de sa création, l’Ecole ne comptait que six classes. Deux autres classes ont été ouvertes depuis, et, en 1891, alors que l’école compte 396 enfants pour 443 demandes, une nouvelle classe est ouverte.
Pour l’année scolaire 1896, 508 enfants sont inscrits et 50 sont refusés faute de place. Le 2 juillet 1897, John Labusquière, conseiller municipal, intervient lors de la séance du 2 juillet 1897 :
— Messieurs, à l'école de la rue de Charenton, 315, il a fallu, faute de place, refuser plus de cinquante enfants. Dans certaines classes, cinq ou six élèves n'ont qu'une seule table à leur disposition. L'entassement est préjudiciable à l'hygiène, et les expectants sont tentés d'aller chez des congréganistes. Je dépose, en conséquence, la proposition suivante, dont je demande le renvoi à l'Administration et à la 4e Commission :
Le Conseil, Considérant que l'école primaire communale de garçons, 315, rue de Charonton, a compté, dans le cours de l'année 1897, 508 élèves répartis en neuf classes seulement ; que depuis le début de l'année scolaire une cinquantaine d'enfants ont dit être refusés faute de place ;
Considérant que cette nouvelle classe peut être immédiatement établie, sans aucune dépense d'installation, dans la salle de dessin située au premier étage du pavillon ; pourrait donc fonctionner dès la rentrée d'octobre 1897,
Délibère : Une dixième classe sera créée à l'école primaire communale sise au n° 315 de la rue de Charenton.


Le conseil municipal accepte le 8 décembre 1897 d’accéder à la requête de John Labusquière, et une 10e classe est ouverte à compter du 1er janvier 1898 ; un nouveau poste d’instituteur est créé pour un salaire annuel de 1.800 francs, plus une indemnité de logement de 600 francs.
Aujourd’hui l’Ecole élémentaire publique du 315 rue de Charenton compte 175 élèves répartis en 8 classes.
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