Le granit extrait à grande échelle sur cet archipel, a servi à construire tout d'abord le Mont-St-Michel, puis, beaucoup plus tard (XIXè siècle) à paver les rues de Paris, à construire Granville ou à reconstruire les remparts détruits de Saint-Malo (1949). Jusqu'à 400 carréyeurs (carriers) résidaient sur l'île, utilisant des logements de fortune, baraquements...
Des gabarres, dont "la Della", chargées de pierres font un incessant ballet vers Granville St Malo et le Havre.
Une autre industrie, celle des barilleurs : l'exploitation du goémon qui une fois cuit, produit la soude dont les maîtres verriers de haute Normandie étaient les principaux clients. Les verriers se plaignaient d'ailleurs de la pénurie de soude en France en raison de "la traite faite par les épiciers de Paris et environs qui la mêlaient avec de la soude d'Alicante pour revendre le produit obtenu aux blanchisseurs, au risque de brûler le linge, d'après les analyses" et de leur côté les barilleurs s'élevaient contre "la permission accordée à certains négociants de Rouen de faire venir temporairement pour les manufactures, des soudes d'Irlande, dites salicor, jadis prohibées".
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Quelques dates et faits marquants...
Le 28 juillet 1772, Louis XV accorde la concession de Chausey à l'abbé Jean-Michel Nolin, décédé un an après. Sa nièce Marie-Madeleine Nolin et son neveu François-Joseph Nolin, héritiers, cèdent en date du 15 juillet 1775 cette concession au fils de Pierre-Joseph Régnier, cabaretier de l'archipel (*). Jean-Louis Christophe Régnier va relancer les industries insulaires et permettre la construction d'une ferme, étable, église, boulangerie...
Jacques Pimor, négociant et armateur, demeurant rue St Michel à Granville, rachète la concession le 10 juillet 1786. Lors du décès de Pimor en 1795, ses héritiers sont ses trois enfants :
— Jacques-Philippe, décédé en 1825 et qui institue sa soeur Céleste comme légataire universelle ;
— Céleste, qui épouse Augustin-Philippe Harasse en 1809, qui eut une fille mariée avec M. Hédouin, armateur à Granville ;
— Victoire-Cécile-Adélaïde, femme de François-Nicolas Hugon La Tour, décédé en 1838, qui eut une fille, Aimée-Zoé, qui épousa Hervé Daguenet en 1822.
Les deux soeurs resteront en indivision jusqu'en 1860.
Sur un emplacement acquis par l'Etat le 15 février 1846, la Pointe de la Tour, un phare est construit l'année suivante. (17 mètres au dessus du sol — 37 mètres au dessus de la mer ; portée 22 miles — 40 km)
En 1859, après expropriation d'une partie de l'île, et de nombreuses discussions quant à l'indemnité qui sera en définitive fixée à 72.000 francs pour les deux soeurs copropriétaires indivises, Napoléon III fait construire le fort Vauban. Ainsi 8 hectares sur 46 appartiennent à l'Etat, les 38 autres restant privés, avec une tolérance de passage pour les non autochtones.
En 1884, un premier hôtel est ouvert par la société des Iles Chausey appartenant à deux Granvillais, Vergne et Langeard : l'Hôtel des Iles, avec pavillons annexes réservés aux familles. Peu de temps après un second vient s'installer : le restaurant-Hôtel Moulin.
En 1891, la propriété des îles qui avait été réunie entre les mains d'une seule propriétaire, Mme veuve Hédouin (sa mère Céleste Harasse avait acquis la part de sa nièce Aimée-Zoé Daguenet), va de nouveau se trouver divisée entre ses deux filles Marie et Léonie Hédouin.
En 1919, Léonie Hédouin, tenancière de la concession, cède celle-ci à une SCI composée de trois familles, dont Louis Renault. A l'heure actuelle, cette SCI est toujours concessionnaire de l'Ile.
(*) Pierre-Joseph Régnier eut une vie fort mouvementée : originaire de Blainville, il vient avant 1744 à Chausey exploiter le granit et le varech, puis obtient la charge de l'approvisionnement du corps de garde de l'archipel. En 1756, les forces anglaises envahissent Chausey et détuisent la caserne, Régnier s'enfuie à Granville où il possède une maison. Les Anglais iront même jusqu'à envahir Saint Servan et Paramé, mais ils se casseront le nez devant Saint-Malo. En 1761, Régnier obtient le commandement d'une corvette, "Le Conquérant", chargée de protéger les côtes malouines, des menaces anglaises. Une fois la paix ramenée, il revient s'installer à Chausey exploiter la soude, ouvre une auberge, devenant ainsi l'épicerie-buvette de Chausey. Il possède en outre un cheval, 3 vaches et 60 moutons. Il décède le 18 janvier 1772, juste avant d'obtenir la concession de Chausey, qu'il briguait depuis toujours...
Jean-Marc
(à suivre, peut-être !...)
Iles-Chausey - Vieux Château (voir département 50)

Ile et Phare de Chausey Photo 1873 J Duclos

sources :
Revue des deux mondes 4/1842
Notice sur la ville de Granville 1846
Revue contemporaine 1861
Mémoires société d'archéologie 1873
Recueil administratif 1884
La Revue générale 1/1887
Revue Touring club de France 10/1908
Coins de France Henri Boland 1910
Un archipel normand Paul de Gibon 1918