F.F. Paris
La construction du Groupe scolaire formant l’angle du n°16 à 30 rue de la Brèche-aux-Loups et du n°25-27-29 rue de la Lancette s’est déroulée sur une longue période allant de 1886 à 1925 ; il faut toutefois préciser que cet emplacement de 4.000 m² était situé sur d’anciennes carrières non comblées et que la rue de la Brèche-aux-Loups, non viabilisée, était loin de ressembler aux Champs-Élysées.
En octobre 1878, Camille Joseph Leclerc, notaire à Charenton, passe plusieurs annonces dans les journaux parisiens afin de céder une « Grande propriété de produit », située à Paris-Bercy près des entrepôts, formant l’angle des rues de la Brèche-aux-Loups et de la Lancette, dont la vente est prévue le dimanche 3 novembre 1878, à une heure, sur une mise à prix de 80.000 francs. Cette propriété dispose d’un Grand terrain d’une contenance de 4.000 m² procurant un revenu brut de 10.000 francs.
Le nouveau propriétaire du terrain, Alfred Henri Ernest Odde (1846-1907), y engage des travaux de construction à hauteur du n°29 rue de la Lancette et obtient, le 6 août 1881, le permis d’y construire un bâtiment de rapport sur les plans de l’architecte Adolphe Lucien Vernholès (1847-1925).
Alfred Odde, originaire de Marseille, employé de commerce qui deviendra ingénieur des mines, avait épousé le 23 mars 1872 à Paris 15e, Anastasie Constance Dotte (1849-1923) demeurant avec lui au n°94 rue du Théâtre.
De l’eau dans le gaz étant survenue dans le couple, celui-ci divorce le 12 février 1886, aux torts de l’épouse et au profit du mari. Le jugement sera confirmé en appel le 1er décembre 1886, enregistré dans le 15e arrt., le 3 octobre 1887.
Alfred Odde se voit contraint de céder l’ensemble de son terrain des n°16-30 Brèche-aux-Loups / n°25-29 Lancette, cette fois-ci mesuré à 3.900 m²., et disposant d’un revenu de 14.345 francs. Maître Joseph Émile Godet, notaire de la rue des Petites-Écuries le propose en adjudication le 8 juin 1886, sur une mise à prix de 150.000 francs.
Le 14 juin 1886, la Chambre des notaires confirme que la cession a bien eu lieu et que l’acquéreur, qui n’est autre que la Ville de Paris, a fait cette emplette pour y édifier un Groupe Scolaire ; une délibération municipale du 2 juin 1886 avait autorisé la mairie à faire cette acquisition. (Les frais d’enregistrement et notariés, soit 13.716,65 francs, seront payés à maître Godet après soumission d’un mémoire au préfet du 17 novembre 1891)
Dès le 12 juillet 1886, Lucien Boué, conseiller municipal du 12e arrt., s’empresse de demander à l’administration d’établir un projet de construction pour ce groupe scolaire, en considération de l’expiration du bail de l’école du passage Corber devant intervenir le 1er juillet 1887 ; l’administration renvoie cette demande à la 4e Commission.
Un mémoire est adressé au préfet le 23 décembre 1886, en vue de la création, sur ce terrain, d’un groupe scolaire comprenant une école de filles, une école enfantine et une école maternelle ; le 3 juin 1887, ce programme est adopté par le conseil municipal.
Il ne reste plus qu’à procéder à l’éviction et à l’indemnisation des locataires de l’immeuble de rapport construit sur ce terrain : le 30 décembre 1888, les indemnisations sont fixées comme suit : M. Delong 3.000 francs ; M. Dussouchet 7.000 francs ; Mme veuve Cavé 8.000 francs ; M. Rebut 2.000 francs ; M. Buisson 4.000 francs ; M. Burgand 18.000 francs ; M. Elgros 3.000 francs ; M. Lalande 2.500 francs ; M. Mouton 6.500 francs.
Ensuite, quelques pétitions d’habitants du quartier, relayées par Lucien Boué, parviennent, le 8 mars 1890 sur les bureaux de la mairie, réclamant la construction des écoles promises et la mise en état de viabilité de la rue de la Brèche-aux-Loups : la 3e Commission est chargée de suivre l’affaire, soit, comme bien souvent, une remise aux calendes grecques…
Curieusement, la mairie publie un communiqué le 9 novembre 1890, par lequel elle propose en location les terrains qu’elle vient d’acquérir, soit 3.727 m².
Le 29 juin 1891, la municipalité vote un crédit de 132.500 francs pour la construction d’un groupe scolaire à la Brèche-aux-Loups, puis plus de nouvelles.
Huit ans après l’acquisition des terrains, les choses sérieuses se précisent enfin : une délibération du 21 décembre 1894 alloue un crédit de 250.000 francs et engage l’administration à présenter ses plans et devis pour la construction, sur une partie du terrain, d’une École des filles destinée à remplacer celle du n°219 rue de Charenton. L’architecte Joseph Deperthes (1833-1898) dresse ses plans et établit un devis de 286.629,89 francs qu’il présente le 16 juillet 1895 au conseil municipal, lequel l’adopte le 1er août 1895, dans une limite de 225.000 francs.
L’adjudication des travaux répartis en trois lots se déroule le 23 novembre 1895 dans la salle du Conseil de préfecture au palais du Tribunal de commerce. Ils sont attribués comme suit :
1er lot. — Terrasse et maçonnerie : évaluation, 142.248 francs. — Adjudication ajournée (minimum de rabais non atteint).
2e lot. — Menuiserie et parquetage : évaluation, 33.374 francs. — L'Association générale de l'ébénisterie parisienne, 17 bis et 32 cité Bertrand, moyennant un rabais de 33,90%.
3e lot. — Serrurerie : évaluation, 38.728 francs. — M. Couvreur, rue d'Argenteuil, 29, moyennant un rabais de 37,30%.
L’ouverture de l’École de Filles de la rue de la Lancette/Brèche-aux-Loups est effective lors de la rentrée scolaire d’octobre 1897, mais l’inauguration officielle a lieu le 6 février 1898.
La première directrice est Jeanne Gueudet née Bordes, née à Beaumont-de-Lomagne dans le Tarn et Garonne le 13 février 1853. Elle sera transférée le 11 décembre 1904 à l’École des filles du boulevard Raspail et remplacée à la même date par Mme Barrier, née Mercier.
Voir ci-dessous quelques clichés pris vers 1890 des terrains et masures entourant le terrain en question
voir ICI ► n°23 rue de la Lancette
voir ICI ► n°44-52 rue de la Brèche-aux-Loups
voir ICI ► n°46 rue de la Brèche-aux-Loups
voir ICI ► n°48-50 rue de la Brèche-aux-Loups
voir ICI ► n°50-52 rue de la Brèche-aux-Loups
A partir de 1900, et ce, durant plusieurs années, de gros travaux de viabilisation et d’élargissement de la rue de la Brèche-aux-Loups retarderont la poursuite du projet de groupe scolaire qui prévoyait la construction d’une école de garçons dans le prolongement de celle des filles, sur le terrain acquis en 1886. Ce n’est que le 29 octobre 1908 que, M. Salmon exhume le dossier et propose à l’administration la construction de l’école de garçons en mitoyenneté avec celle des filles. Mais les pétitions ont beau se succéder, notamment le 30 mars 1909 et le 11 juillet 1910, rien n’est envisagé dans l’immédiat.
En guise de nouvelle école flambant neuf, le conseil municipal décide, le 21 mars 1912, la « translation de baraquements scolaires démontables, actuellement installés rue Rouelle, sur le terrain communal rue de la Brèche-aux-Loups », en attendant que des fonds permettent d’édifier un bâtiment scolaire. Un devis de 62.000 francs réalisé pour cette opération, est adopté le 21 avril 1912 par le conseil qui vote un crédit de 56.500 francs et charge les architectes Joseph Charlet (1865-1937) et Étienne Perrin (1873-1928) de la translation des deux baraquements démontables.
Des travaux de terrassement évalués à 21.889 francs sont adjugés le 6 juillet 1912, pour l’installation desdits baraquements, lesquels étaient toujours en place en 1920 et 1921 au moment des graves accidents, miraculeusement sans victimes, qui s’y sont produits.
En février 1920, un fontis s’est produit dans la cour de récréation, en raison de la présence des anciennes carrières dont le ciel affleure sous la cour et les bâtiments de l’école. Aussitôt, la municipalité décide, dès le 2 mars 1920, de procéder à l’installation d’une dalle de béton et vote à cet effet un crédit de 184.000 francs, approuvé le 14 mai 1920.
L’année suivante, le 23 août 1921, alors que les baraquements sont toujours en place, durant les vacances scolaires, un mouvement de terrain provoque l'effondrement d'un mur et d'une partie de construction de l'usine voisine ; les matériaux sont venus s'abattre dans la cour de l'école, endommageant fortement les installations d'urinoirs et de water-closets à l'usage des élèves…
Il est donc grand temps de reprendre le projet de construction d’école de garçons tant attendu depuis 35 ans ! Un mémoire est adressé au Préfet de la Seine, Hippolyte Juillard, le 12 mars 1923 pour l’édification de cette École de Garçons et d’une École maternelle, sur les plans des architectes Joseph Charlet et Étienne Perrin pour une dépense de 2.330.000 francs. Le Conseil municipal entérine le projet le 28 avril 1923.
Les nouvelles écoles, garçons et maternelle, de la Brèche-aux-Loups, ouvriront leurs portes pour la rentrée scolaire 1925.